Je marchai dans les rues endormies, enveloppée par la douceur de la nuit qui venait de tomber au-dessus de ma tête. Je regardai mes pieds, pensant que si je n'arrivai pas à dormir cette nuit-là c'était parce que je buvais trop de café. Mes dents jaunissaient de plus en plus, mais la caféine n'était pas seule responsable, la nicotine avait, elle aussi, quelques effets indésirables mais j'étais tellement addicte à ces nouvelles drogues que je ne pouvais pas m'en séparer. Je devais boire au moins un litre de café par jour alors que j'aurais pu boire un litre d'eau pour m'hydrater et je fumai bien plus d'un paquet de cigarette pendant une journée. Mais j'étais comme ça, j'avais besoin d'énergie et de goûter à l'interdit même si on m'avait prévenu que tirer sur une cigarette n'était pas une bonne idée. J'enfonçais mes mains encore plus profond dans mon manteau pour les protéger du froid qui s'installait pendant cette douce nuit de printemps. Je sentais mon arme dans mon dos, attachée à ma ceinture. Il était toujours là ce bon vieux flingue quand j'en avais besoin. Je n'avais qu'à le sortir et à le braquer sur qui je voulais. Je m'amusais beaucoup, trop en général, de cette possession que seul les représentants de l'ordre et les mauvais, donc je faisais également partie, avait droit. Je souriais malicieusement et continuai à tracer ma route dans la rue sombre que j'empruntai.

Et puis, au bout d'un long moment de silence pesant, la nuit se fit plus bruyante. Je pouvais entendre une voix cristalline de là où j'étais et pourtant j'étais encore loin de la salle de spectacle. Je m'approchai lentement tout en continuant à écouter la douce voix de femme qui semblait m'appeler. Elle m'envoûtait. N'ayant pas de place pour assister à la représentation du spectacle dont je ne connaissais même pas le nom ou le thème, je décidai de m'asseoir sur une marche de l'entrée du bâtiment. Je pouvais entendre chaque mot, chaque souffle de la chanteuse. J'espérai qu'avec une voix pareille le physique ne me laisserait pas sur ma faim. Je sortais une cigarette du paquet que j'avais commencé ce matin et qui, à présent, était presque fini. Je vous l'avais bien dit, au moins un paquet par jour. J'allumai le bout de papier rempli de nicotine et je sentais déjà la fumée s'emparer de ma bouche, de ma gorge, de mon museau... mon nez je veux dire. Il n'y avait pas si longtemps je voyais tout en noir et blanc, je marchai à quatre pattes et j'avais une voix horrible. Aujourd'hui je vois la vie en couleur, pour mon plus grand des malheur et je marche au même niveau que l'homme. Et puis, je fume. Je fume trop. Et je fume encore. Je me sens malade parfois à force d'avaler toute cette fumée et puis je me dis qu'un jour je crèverai en ayant fumé ou pas et je me laisse tenter par un petit verre accompagné d'une petite cigarette, la première du paquet du jour. Et je souris.

Je fais le tour du bâtiment et me poste au niveau de la sortie des artistes avant que la foule ne sorte, émerveillé par le feu d'artifice sonore qu'ils ont entendus. Je termine ma cigarette et l'écrase au sol du bout du pied. Les dernières lueurs de feu s'éteignent sous ma chaussure. Je regarde le ciel et entend les spectateurs sortir dans un grand vacarme dont je ne comprends aucun mot. J'attends la créature à la voix si douce et souris en la voyant. Une belle brune, mignonne, pas comme celle dans les boites de nuit. Il y a un petit air innocent sur son visage pâle illuminé par ses prunelles bleu clair, elle semble toute fragile, tout douce. Je ne savais pas encore si je devais être vrai avec elle ou s'il valait mieux que je joue, comme toujours. Mon sourire s'élargit.

- Quelle voix, lui dis-je simplement en la regardant dans les yeux sans ciller. Je prends sa main droite dans la main et dépose un baiser dessus. Un petit baise-main pour une grande chanteuse comme vous, mademoiselle. C'était un moment inouïe Concluais-je en m'inclinant.