Ce fut mon père qui décida que je m'appellerais Selene, prononcé Séléné, en hommage à la déesse grecque de la lune, astre qu'il appréciait grandement. Malheureusement, je n'eus pas le temps de bien le connaitre puisqu'il rejoignit les étoiles lorsque j'eus neuf années passées, emporté par la maladie. Mais je me rappellerais toujours que mon père fut l'homme le plus admirable du monde. Tous les soirs, il me faisait voir le ciel à travers son téléscope en me jurant qu'un jour, il irait dans l'espace.
- Alors les étoiles, ce sont toutes des soleils en vrai? m'étais-je étonnée, émerveillée.
- C'est cela même ma chérie. Quant à toi, tu seras toujours ma petite étoile.
Aujourd'hui encore, je pouvais ressentir son baiser déposé sur mon front en guise de bonne nuit. Parfois, il m'arrivait de pleurer en pensant à lui, car il a été la personne la plus gentille à mon égard.
En ce qui concernait ma mère, il en était tout autre. Parlons de ma mère, tiens! Autant le dire, cette femme ne m'a jamais aimée. Elle passait son temps avec ses amies à parler de choses et d'autres alors que j'avais besoin d'elle. A la mort de mon père, ce fut encore pire. J'étais devenue un poids pour elle.
Le plus clair de son temps, elle le passait chez ses amies en me laissant seule à la maison. J'avais aussi interdiction formelle de faire honneur de ma présence lorsque ces mêmes amies venaient à la maison. Résultat : je passais mes soirées à observer le ciel et les planètes à travers le télescope de papa en essayant de l'imaginer quelque part à travers l'univers.
Malheureusement, lorsque j'eus seize ans passés, le télescope disparut. Ma mère le vendit afin de s'acheter de nouveaux vêtements et autres babioles inutiles. Sa vente fut d'ailleurs l'objet d'une gigantesque dispute entre ma mère et moi.
- Tu pouvais TOUT, TOUT me prendre, mais PAS ça!
- Ecoute moi bien petite sotte, ici c'est MA maison et c'est à MOI de décider ce que JE veux vendre ou non!
J'eus du mal à regarder l'appareil s'éloigner. Tout ce qu'il me restait de papa, elle l'avait emportée...
Désormais, le soir, je regardais le ciel avec mes simples yeux puis que je couchais une bonne fois pour toute. Quant à mon temps libre, je l'occupais sur l'ordinateur ou à lire des pièces de théâtre. Shakespeare était mon auteur préféré. Toutes ses pièces, je les ais lues avec une intense passion. Au théâtre, seule activité extra-scolaire que j'avais droit, j'avais incarné Juliette avec succès. Du moins, assez bien pour que j'en sois moi même satisfaite! Bien entendu, ma mère n'était pas venue à la représentation.
On pouvait dire que mon caractère s'était ainsi forgé à partir de tout ça. Mon père, autrefois, avait tendance à dire que nous étions comme les plantes : si on ne s'occupait pas assez de nous et que nous étions mal entretenus, on se fanait petit à petit. C'est sans doute ce qui finit par m'arriver.

A l'âge de dix neuf ans, ma mère jugea qu'il était grand temps que je fasse ma vie ailleurs et aller vivre de mon théâtre comme je l'entendais. En d'autres termes, je fus mise à la porte. Je n'étais plus sa vie, je ne l'avais jamais été de toute façon. Tout d'abord, j'avais eu pour idée de trouver refuge chez ma seule amie, mais ne voulant pas l'importuner, je décidai de passer mes premières nuits à l'extérieur, dans des couloirs d'immeubles puisque je n'avais que cela pour dormir. Il faisait froid et j'étais toute seule, sans personne pour m'aider. Mon apprentissage au pickpocket firent leur effet et grâce à cela, je pus me payer quelques nuits à l’hôtel, sauf quand je me faisais prendre. Je suis allée quelques fois au poste de police, pour me dire "que c'était mal de voler", et une fois seulement en garde à vue. Mais qu'y pouvais-je après tout? Puisque tel était mon unique moyen de survivre, les entreprises refusant de m'embaucher.
J'atteignis la ville de Fantasia Hill, dans l'espoir de trouver une vie meilleure. Je poursuivais le théâtre, bien entendu, et eut l'idée de rester dormir à l'intérieur en me cachant dans les toilettes le temps que l'agent de surveillance puisse partir. Ensuite, je m'engouffrais dans des couvertures chaudes près de la scène, non loin du chauffage qui marchait un minimum pour réchauffer la pièce pour le lendemain. J'avais réussi à faire ma petite vie là dedans et cela ne me déplaisait pas pour autant, malgré les contraintes qui ne plairaient pas à tout le monde.
Le soir, j'aimais regarder les étoiles en me disant qu'au final, j'étais bien loin de chez moi et je me sentais libre et indépendante... mais terriblement seule. Je m'étais bien fait des connaissance au sein du club de théâtre mais je me sentais encore bien loin d'eux et j'avais du mal à m'ouvrir, chose plutôt surprenante pour quelqu'un faisant de la comédie. Mais ce qui était bien c'était que, même si ce n'était pas un métier qui gagnait, j'arrivais tout de même à toucher un peu d'argent. Et peut être un jour arriverais-je aussi à trouver une meilleure vie. En attendant, la vie continue, pour le meilleur comme pour le pire. Qui sait, peut être qu'un jour, la petite étoile que j'étais réussira à briller de nouveau.