Il était une fois... Charlotte La Bouff. Une peau pâle et lisse, une taille fine, une chevelure blonde comme les blés et de grands yeux bleus. Drapée dans ses robes princières et couronnée de sa tiare brillant de mille et une pierres précieuses, Charlotte a tout d'une princesse. Tout, à l'exception du titre officiel cependant. Fille de « bonne famille », Charlotte a toujours vécu dans un luxe inouï, jouissant de cuisiniers, couturiers, majordomes et nurses à la demande. Couverte de cadeaux par son père, dit Big Daddy, a toujours vu la moindre de ses requêtes exhaussée. De la dernière maison de poupée venue d'Europe à la parure scintillante dans la vitrine du plus grand bijoutier, en passant par le poney dans le jardin pour le huitième anniversaire, rien n'était trop beau pour sa fille unique. Mais si Big Daddy ne peut pas dire non à sa petit chérie, c'est parce qu'il a toujours angoissé à l'idée qu'elle manque de quelque chose depuis la mort de sa mère, emportée par la maladie quelques mois après sa naissance. Lui offrir monts et merveilles était une manière de lui montrer qu'il serait toujours là, et malgré l'argent et les obligations professionnelles, Eli La Bouff a toujours été un père aimant et disponible - ce qui fait de Charlotte la demoiselle capricieuse et très écoutée qu'elle est aujourd'hui, mais également la jeune femme accomplie, ambitieuse et avec la main sur le coeur qu'elle est devenue.

La vie de Charlotte se résumait à écumer les bals et autres soirées mondaines, faire des allers-retours dans sa garde-robe et écouter des histoires fantastiques, jusqu'au jour où elle décida d'organiser un bal costumé en l'honneur d'un prince fraîchement arrivé à la Nouvelle-Orléans : le prince Naveen de Maldonia. Charlotte en était convaincue, il était le prince de ses rêves, celui pour lequel elle priait tous les soirs l'étoile Evangeline en espérant un signe positif. Seulement tout ne se passa pas comme prévu. En effet Lottie dansa bien avec le prince, mais il n'était que sa réplique parfaite, son valet Lawrence transformé par le sorcier charlatan Facilier. Le vrai prince lui, croassait sur le bord de son balcon, jusqu'à rencontrer la meilleure amie de Charlotte, Tiana, afin que celle-ci l'embrasse et inverse le sort du Docteur Facilier qui l'avait transformé en grenouille. Mais persuadée que la réplique parfaite qu'elle avait devant elle était le Prince Naveen, Charlotte se laissa bercer par les belles paroles du valet qui lui promettait de l'épouser le soir du bal organisé à l'occasion de Mardi Gras. Et pendant que sa meilleure amie et le prince grenouille sautaient de nénuphars en nénuphars, d'aventures en aventures, Charlotte préparait son mariage prochain et honorait son titre de princesse de Mardi Gras, son père ayant été élu et nommé roi de Mardi Gras. Lottie était d'ailleurs à deux doigts de se faire passer la bague au doigt si les évènements ne s'étaient pas précipité sans qu'elle ne comprenne rien. Sous les yeux de tous, défilant sur son fabuleux char du défilé, Charlotte se retrouva sur les marches humides d'une église sombre et éloignée où elle apprit toute la vérité. Le faux prince, les grenouilles, le sort, Facilier, le talisman, le baiser de la princesse au prince... Elle aurait pu être déçue et en colère d'apprendre que Tiana était tombée amoureuse du prince qu'elle convoitait temps et que celui-ci partageait ses sentiments. Mais en réalité, Charlotte était aux anges et son hystérie habituelle reprit le dessus en quelques secondes, juste le temps de remettre de ses émotions ! Elle se proposa même d'embrasser le prince grenouille comme il l'avait convenu avec Tiana, sans exiger aucune contrepartie et surtout pas un mariage. Mais à force de trop s'expliquer et d'hésiter, minuit sonnait déjà et le charme ne pouvait plus être rompu. Charlotte tenta tout de même d'embrasser Naveen à une, deux, plusieurs reprises. Mais il était trop tard et elle était sûrement la plus déçue des trois, navrée de ne pas avoir eu connaissance de l'histoire plus tôt pour pouvoir faire de son possible en temps que princesse de Mardi Gras.

Heureusement le dénouement fut plus heureux et le talisman fut brisé, l'envoutement inversé et le mariage de Naveen et Tiana fut célébré en grande pompe avec, aux premières loges, une Charlotte célibataire mais toujours aussi fougueuse et joueuse. Quelques semaines plus tard, le restaurant de Tiana était officiellement terminé et une soirée accompagna son ouverture. Charlotte dansa comme une petite folle à cette occasion et partagea même une chanson avec le petite frère du prince. Le soir elle rentra chez elle, son père fatigué au bras, mais elle était toujours aussi joviale. Elle ferma la porte de sa chambre, prête à se changer, lorsqu'elle nota que les reliures et les écritures dorées du conte posé sur sa table de chevet brillait ardemment. Elle s'en approcha à pas de loup alors que tout se mettait à scintiller autour d'elle. Même les rideaux de son lit à baldaquin et de ses fenêtres semblaient se mouvoir d'une brise alors qu'il n'y avait pas le moindre souffle de vent. Son miroir se déforma en une spirale psychédélique, absorbante, profonde. Puis plus rien. Pendant longtemps elle resta dans un état de semi-sommeil, à ne rien faire ni à voir le temps passer. Il n'y avait rien, rien du tout, mais elle avait l'impression que ç'avait duré une éternité ! Lorsqu'elle reprit conscience, pas tout à fait certaine toutefois de l'avoir perdu dans le choc avait été rude, elle se trouvait au beau milieu d'un passage piéton. « Allez, bouge de là princesse, certains sont pressés ! » Ebahie par un tel comportement venant d'un homme au volant d'une calèche étrangement futuriste mais flattée du titre de princesse qu'il lui accordait sans savoir que ce n'était qu'un surnom donné par certains à cette époque, Charlotte fit abstraction de sa demande et se pencha par la fenêtre de sa voiture. « Seriez-vous un prince ? Vous n'en avez pas l'air, certes mais... oh, vous pourriez me raccompagner chez moi ? Le domaine La Bouff, ce grand château à l'entrée de la Nouvelle Orléans ! » le charma-t-elle en battant des cils, aussi grossier paraissait-il. Le gars la regarda avec de grands yeux. « Prince ? Château ? Hola hola blondie, ici c'est pas la Nouvelle-Orléans. Y'a vraiment des gens dérangés... » Il remonta sa vitre et fila en vitesse. Charlotte était subjuguée et outrée. Elle serra les points et tapa du pieds, les sourcils froncés. « Dérangé vous même espèce de... grossier entourloupeur ! » Et ça se prenait pour un prince ! Elle tourna sur elle même quelques secondes, manquant de se faire écraser puis rejoignit une chaussée où les gens la regardaient avec de grands yeux ronds. Elle posa l'une de ses mains autour de sa bouche et s'adressa à une passante comme si elle lui confiait un secret : « Je ne voudrais pas vous alerter mais vous avez du vous tromper d'étagère ce matin, vous portez un pantalon... » claironna-t-elle en levant les yeux au ciel et réprimant un petit rire amusé. Puis elle retrouva tout son sérieux et plaça ses deux mains sur ses hanches avec une moue déterminée. « Bon et sinon, vous sauriez par quel côté on va à la Nouvelle-Orléans ? »