Dans le vacarme de ses pas, elle descendit les marches des escaliers à toute vitesse. « Malcom?! » Ses jambes s'immobilisèrent brusquement devant un sac au pas de la porte. Rien de bien précieux, on aurait pu croire qu'il partait seulement pour quelques jours ou un peu plus. Mais, assez pour rendre tout cela bien réel. Il partait à la guerre, la laissant seule derrière lui et le retour n'était point promis sauf par lui. « Je suis là. » A sa voix, elle se précipita au salon, le découvrant au bord du canapé, rangeant un morceau de papier dans sa poche. L'air de rien, comme ci... tout allait bien, comme tous les jours depuis qu'il avait fait son choix. Il ne voulait jamais en parler et la seule explication était qu'on avait besoin de lui et lui d'eux. « Pour combien de temps... dis? » Sa voix se brisa, alors qu'agitée par un sanglot silencieux. Malcom, lui, était tout aussi peiné mais le cacher mieux face à sa petite soeur. Il soupira simplement, en fuyant son regard. Elle s'en voulait de lui donner cette image en dernier souvenir, elle savait que c'était difficile pour lui aussi, mais... elle était désespérée. « Reste. Reste, je t'en pris. T'as pas le droit de me laisser, de m'abandonner. Qu'est-ce que je vais faire sans... toi? » La vision de ses mots lui fut fatale, tout prenait tellement vie, il allait partir, là, dans quelques minutes et c'était tellement injuste, pourquoi, pourquoi, pourquoi, se répétait-elle sans cesse dans sa tête. Les larmes coulèrent sur ses joues, les lèvres tremblantes. Elle avait trop de chose à avouer, à reprocher, mais plus la force de tout évacuer. Elle avait déjà perdu ses parents, il ne lui restait que lui et inversement, à eux deux ils étaient leur famille. Ils avaient résisté au malheur pour survivre... déplacés, déracinés, réfugiés, ils avaient longtemps souhaité la stabilité, la sécurité et c'est ce qu'ils avaient aujourd'hui, alors... pourquoi? « Je serais toujours là Daisy. Et en m'attendant, tu sera forte et deviendra une jolie jeune femme. Tu te trouvera un gentil amoureux, un qui prendra soin de toi comme la princesse que tu es, oublie surtout pas de lui dire que t'as un grand frère psychopathe qui n'hésitera pas à le tuer s'il te fait du mal! » Il voulait surement détendre l'atmosphère et la voir sourire, mais même en se remémorant tous ses meilleurs souvenirs, celui ci ne se montra pas. « Je t'aime, petite soeur, on se retrouvera bientôt, promis. » Dit-il en collant ses mots, ses lèvres, au sommet du crâne de la canarde. Au creux de ses bras, elle se nourrit de sa chaleur, serra son corps une dernière fois avant qu'il ne devienne fantôme, essaya de toucher son âme mais elle ne fit que fuir, même son odeur disparu trop vite à son goût. Daisy n'avait que 16 ans à cette époque, tout devenait drame très vite et c'est ainsi qu'elle se referma sur elle même le temps de son absence. Ses études étaient un bon prétexte, elle y passait des heures puis des jours, jusqu'à qu'elle ne s'en tienne vraiment plus qu'à ça. Son rythme effréné n'était pas que bénéfique, malgré le fait qu'elle devint assez vite un prestigieuse étudiante, sa vie sociale ne ressemblait à pas grand chose, pas comme son frère le souhaiter pour elle. Faute de son absence et de ces trop rares moyens de communication qui en devenait des miracles, malheureusement il ne pouvait rien y faire et la suite des évènements n'arrangea pas les choses.

Durant l'été 1945, désespéramment elle l'attendit encore. Cela faisait quelques mois qu'elle n'avait pas eu de contact avec lui, mais elle se refusait à perdre espoir. 29 AOUT 1945 - J'ai passé une de ces journées! Je m'en souviendrai toute ma vie... j'ai attendu aujourd'hui pour écrire mes dernières péripéties parce que je me sentais trop abattue et fatiguée pour me concentrer. Je ne te dis pas comment je passe mes journées... dans un état d'angoisse et de tourment indescriptible. Je bondis au moindre bruit la nuit, en me disant au fond de moi même que " l'heure est peut-être arrivée ". Désormais, je m'attends à ce qu'on vienne me l'annoncer, mais je prie encore pour que tu sois en vie. Assez de gens sont partis. ... Je me rends compte que je deviens apathique et indifférente à tout. Mais que veux - tu... après autant de temps avec les nerfs à vif, il y a un moment de relâchement. Je ne m'occupe même plus de la maison et je ne fais plus que flâner comme une âme en peine, dans les pièces vides de la maison. Je ne pense à rien et je ne fais rien. Espérons que cette mauvaise période pleine d’ennui se termine et que l’on rentre enfin dans une belle période... Que tu rentres. [...] Peu de temps après la fin de l'été, elle eut de la visite, la sonnette retenti dans toutes les pièces déjà désolées. Elle avait le cœur qui cogné si fort dans sa poitrine, elle n’entendait plus rien d’autre. Tout son corps était en état d’alerte. Rendue sur place, elle enjamba les marches deux par deux, trois par trois, à ne plus s'en rappeler, à bout de souffle, elle arriva enfin devant la porte d'entrée. Daisy eut la visite de deux marins et l'annonce de la disparition de son frère. Un drame qu'elle ne se cru pas capable de surmonter, des journées à pleurer toutes les larmes de son corps.  Elle se retrouva toute seule dans une maison vide à faire en sorte de rester "debout" jusqu'au lendemain, ses journées se suivirent et se ressemblèrent. Elle se levait le matin pour partir à son travail et se couchait le soir avec ce sentiment affreux qu'elle ne pouvait même pas décrire. Plusieurs fois, elle prit la porte pour aller le voir... avant de se rendre compte qu'elle faisait n'importe quoi et qu'il était mort... c'était insupportable à vivre. On lui disait que le temps apaisera sa douleur mais pour elle le temps semblait juste s’être arrêter.

Ce fut à l'hiver 1945, qu'elle trouva sa nouvelle raison de vivre. Les fêtes de fin d'année avaient eu raison d'elle, ce soir de réveillon la canarde était sortie à l'épicier du coin faire quelques courses de dernières minutes. Une promenade qui on peut le dire, changea radicalement sa vie, ou plutôt une rencontre, sa rencontre... Donald. L'instant sembla éternel et est depuis gravé en elle. Elle rentra dans la boutique sans faire vraiment attention et c'est la qu'il est apparu. Elle ne l'avait pas vu venir, une collision légèrement brutale... et un choc direct entre les deux canards. Son regard ne le quittait plus, elle en était complètement envouté et se sentie soudainement différente, un sentiment entier de bien être qui l'envahis. En quelques secondes, elle était fasciné. Elle l'aida à ramasser ses paquets tombés puis sans savoir pourquoi, mais poussée soudainement par une passion folle et son credo, elle lui indiqua du doigt le gui au dessus de leur tête. Et alors, au palier de la porte elle l'embrassa. La parfaite combinaison. Douce et imbriquée. Elle en perdit ses sens et saisi la valeur de cet accord parfait d’inouïe liaison. Il n'avait rien dit, mais leurs âmes s'étaient déjà rencontré et cela suffisait à écrire la suite.

Les jours suivant, qui l'aurait cru, mais Daisy s'était surprise à sourire, à espérer le revoir. L'entrain changea son quotidien, elle se mit à retrouver une joie de vivre qui jusque là n'avait pas été égalé. La fin d'année passa, les bonnes résolutions furent rédigés et parmi celle ci, elle se donnait le rêve à une autre vie, un nouveau départ et qui sait... Elle se remettait à rêver et rien n'avait l'air d'être plus fort que ça. Son frère lui manquait toujours terriblement et elle l'aimait toujours aussi fort, mais elle prenait peu à peu conscience qu'il pouvait toujours être là, cela n'en tenait qu'à elle... Penser à lui, lui rendre hommage et le rendre fier, lui parler, lui écrire... cela passait par tout. Elle avait commencé d'ailleurs par écrire pour son journal un article, elle avait elle-même choisi le sujet qui se portait sur les héros de guerres, tous ses soldats revenus du champs de bataille ou pas. Elle avait obtenu l'entretien avec plusieurs d'entre eux et c'est là que le destin a bien voulu remettre sur son chemin, Donald Duck. Sacré miracle. Elle attendait le jeune homme suivant, assise confortablement sur sa chaise, les jambes croisées, son bloc note et stylo entre les mains. Son regard dévorant, avide d'information et si curieux de tout et des moindres détails. Elle ne pensait à rien d'autre quand elle travaillait, c'était un moyen de s'évader et elle s'y donnait corps et âme. La porte de son petit bureau s'ouvrit et elle regarda la silhouette de l'homme qui s'avança vers elle. Elle le reconnu aussitôt et son sourire illumina tout son jolie visage, les joues rosies et le coeur palpitant, oh mon dieu, mais qu'est-ce qui lui arriver donc? La jeune journaliste reprit rapidement ses habitudes professionnelles, elle se le devait, alors ses questions commencèrent à tomber, l'une après l'autre. Elle nota tout à une cadence endiablé. Ne perdant pas un de ses mots, de sa vision, tous ses souvenirs étaient enrichissants et intéressants. Parfois, elle se mit juste à l'écouter totalement absorbée par son récit qui respirait l'aventure, d'autres, elle se retrouva à fantasmer sur cet homme à qui elle donna son premier baiser. Il la fit rire, frissonner, plus elle en découvrit, plus elle voulait en savoir et en avoir d'avantage, une soif de la dévora de l'intérieur et... ce sentiment...  avec lui, elle se sentait vivante.

Après ce jour, ils ne se quittèrent plus vraiment, seulement pour mieux se retrouver ensuite. Leur vie fut liées comme deux âmes soeurs le sont... Donald lui faisait voir les choses ordinaires de façon extraordinaire, il avait ce pouvoir, cette façon de modeler son coeur d'argile en forme de bonheur, elle en oubliait la raison et n'écoutait plus que les battements de son coeur sans se poser trop de question sur ce sentiment infini, car il était plus intense que tous les autres jours passés, un amour si puissant, un coup de foudre qui les a pris en otage et ils embarquent chaque jour depuis sur un bateau de bonheur et partagent un voyage de longues années. Espérant que cet amour durera pour toujours. Et qu'ils garderont toujours au fond d'eux leur douce chaleur, cette magie de l’amour qui rend la vie plus belle.

Une fois de plus, elle ne voyait pas le temps passé à se préparer dans la salle de bain, jusqu'au bout des ongles elle voulait être parfaite, avec ce nouveau corps, cette morphologie, ce visage, oh, elle adorait vraiment faire ça, prendre soin d'elle et de son nouveau corps. Elle n'avait pas eu de mal à s'y faire, au contraire tout n'était qu'avantage, surtout avec son amoureux. Face à son miroir, tout entrain d'installer son petit noeud rose dans ses cheveux, elle se demandait la destination de ce soir, Donald avait été un peu mystérieux ces derniers jours et ce soir c'était le pompon. Il était à la fois stressé et excité, pas pour autant qu'elle l'épargnait avec ses questions. Où allons - nous? Une surprise? Evidemment, il avait préparé quelque chose mais elle n'avait pas trouvé quoi, malgré tous les stratagèmes qu'elle avait utilisé pour le faire avouer. Arg! Sur le chemin, elle continuait de faire ses investigations comme elle avait l'habitude de le faire. Malheureusement, le voyage en voiture ne les amena jamais à leur destination, un terrible accident les frappa et... plus rien. Un grand sommeil noir tomba sur leur vie.