C’est dans un petit village niché au cœur de l’Italie que j’ai vu le jour. Né des mains d’un sculpteur de bois nommé Gepetto, je n’étais au départ qu’un vulgaire pantin de bois dénué de sentiments, d’âme et de vie. Jusqu’à l’intervention de la Fée bleue, appelée par les vœux sincères de celui qui devint vite mon père, qui me permit de vivre presque comme un être humain. Elle me promit de faire de moi un véritable petit garçon si je m’en montrais digne, ce que j’essaie d’être encore maintenant ! Heureusement qu’elle fit de Jiminy Criquet ma conscience pour veiller sur moi, j’étais loin d’imaginer qu’il me serait d’une aussi grande aide. Vivre une vie d’humain s’avère être une chose bien plus difficile que ce que l’on peut vous dire, croyez moi. Surtout quand la fée qui vous a animé ensorcèle votre nez

Et me voilà lâché dans la grande arène de la vie, menacé par les crocs de lions fourbes et mesquins portant les noms de Gédéon, Grand Coquin et Stromboli. Les deux premiers, un chat et un renard aux intentions masquées, me piégèrent en me promettant une vie d’artiste afin de m’emmener chez ce marionnettiste qui ne voyait en moi que la clé de la richesse. Il fit d’ailleurs bien vite de moi un esclave prisonnier d’une cage d’oiseau, ce que les gens qui venaient m’acclamer sur scène ne voyaient bien évidemment pas. Je doute que leur enthousiasme eut été le même s’ils l’avaient su. C’est d’ailleurs à cette époque, je pense, que j’ai été traumatisé des femmes. À chaque fois que je me retrouve impliqué dans une conversation avec une des descendantes de Vénus, je… Je ne sais pas, je perds le contrôle. Elles m’embarrassent. Je n’arrête pas de revoir cette scène dans ma tête, pleines de froufrous, de seins en bois et de french-cancan. Rien de plus déstabilisant pour un jeune garçon comme moi qui goûte enfin au plaisir de la chair. Je veux dire, au plaisir d’avoir de la chair. Sur mes os. Et non plus du bois. Enfin, pour revenir à mon histoire, heureusement pour moi, la Fée bleue vint me délivrer. Je n’avais pas réellement respecté ma promesse, mais c’est une fée et les fées accordent toujours une deuxième chance. Mais j’étais bien loin de penser que mes mésaventures ne faisaient que commencer. En bon enfant irresponsable que je suis, le lendemain déjà, je me retrouvais à nouveau trompé par ces deux brigands de Gédéon et Grand Coquin. Ils m’emmenèrent sur une calèche, avec tout un tas de petits voyous de mon âge, avec pour destination l’Île aux plaisirs. Vous ne pouvez imaginer la joie et l’excitation que j’éprouvais à l’idée de me rendre dans un endroit au nom si alléchant ! Crapule, un garçon que j’avais rencontré sur la calèche, était devenu mon ami et même une forme de modèle pour moi, qui ne connaissait rien à l’existence d’un véritable petit garçon. Je pense que c’est là que je fis les pires erreurs de ma vie. Il n’avait rien de bon en lui mais il fallut que j’attende notre transformation en âne pour m’en rendre compte… Je ne comprends d’ailleurs toujours pas comment cela a pu se produire. Toutefois je n’ai eu droit qu’aux oreilles et à la queue ! Peut-être était-ce parce que je n’étais pas réel humain, ou alors avais-je quitté l’île assez tôt pour éviter la progression de l’enchantement. Toujours est-il que j’étais parti pour rentrer chez moi et qu’en arrivant, je découvris l’absence de mon père, parti à ma recherche. En mer. Avec Cléo et Figaro. J’aime mon père de tout mon cœur, mais admettez tout de même que l’idée était plutôt… Absurde. Enfin, je décidai de le retrouver, je ne vous raconte pas la galère. J’ai fini au fond du ventre d’une baleine énorme, monstrueuse ! Monstro, la baleine. Oui je sais, originalité 4%. Et c’est là que je retrouvai mon père. J’ai bien cru que nous finirions nos jours au fond de cet estomac. Heureusement, je réussis enfin à faire preuve d’un peu de bon sens (il n’était pas trop tôt, n’est-ce pas) et parvins à nous faire sortir de là : en allumant un feu dans son ventre, nous avons fait éternuer le monstre, ce qui nous expédia directement dans l’immensité de l’océan. Vous imaginez cependant bien qu’elle n’était pas très contente… Je ne saurais décrire comment, mais elle provoqua une vague qui nous envoya, nos animaux, mon père et moi, jusque sur la plage. Je n’avais plus l’air très vivant. Moi-même je pensais être mort, c’est vous dire ! Mais comment est-ce qu’un pantin aurait-il pu mourir ? Enfin, comment aurait-il pu vivre d’abord ? Je ne comprends plus rien, la magie demande des connaissances scientifiques d’un niveau trop élevé pour moi. Mon père m’a ramené chez nous, enfin il a ramené un pantin inerte. Son deuil l’empêcha de réaliser que la promesse de la Fée bleue de faire de moi un véritable petit garçon si je me montrais brave, toujours franc, loyal et obéissant fut tenu, mais le bonheur qu’il ressentit le chassa rapidement. C’était un bonheur que l’on partagea tous, même Cloé et Figaro s’embrassèrent. Et Jiminy eut droit à sa médaille de conscience !

Aujourd’hui, tout cela se retrouve très loin. Pas lointain dans le temps, disons plutôt lointain dans… l’espace-temps. Dans l’univers. Dans les dimensions, je ne sais pas, je pense que c’est le bon mot. Je me retrouve dans un monde nouveau, beaucoup plus avancé que mon petit village italien d’origine. Et seul en plus. Je me souviens parfaitement m’être réveillé, perdu, assis sur une toilette publique. C’était relativement gênant. Sans Gepetto, sans Jiminy, sans Figaro, sans Cléo. Juste moi, les toilettes et les « tags » aux murs (tags qui m’ont un peu choqué par leurs connotations peu correctes). Je me demande quel genre de personnages obscènes peut bien écrire cela. Enfin, je pense quand même m’être rapidement intégré à ce nouvel univers, je me suis trouvé un travail d’étudiant, je suis inscrit au lycée, j’ai même adopté un style trop cool que j’ai vu sur une sorte de plateforme de partage bizarre qui s’appelle internet ! Enfin, je me retrouve au final à mener une vie d’adolescent alors que j’ai à peine eu le temps de me remettre de ma nouvelle condition de petit garçon. Et me voilà à mener ma petite vie dans un monde nouveau.

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