La musique résonnait dans ma poitrine et me procurais une sensation étrange d'euphorie. Je regardais cette petite pilule bleue posée sur la paume de ma main et sans trop réfléchir je l'avalais, accompagnée d'une gorgée ou deux de whisky. Je ne savais plus exactement depuis combien de temps que j'étais là mais vu l'état dans lequel j'étais, je devais être à mon quatrième verre. Abandonnant ce dernier sur une table, j'avançais en direction de la piste de danse pour commencer à me défouler. Yeux fermés, lèvres légèrement pincées, je me déhanchais sans me prendre la tête. Ce soir j'étais venue seule avec une idée : me déchirer. Ne me demandez pas pourquoi, à l'heure qu'il est je serais incapable de vous répondre. Je continuais à bouger sur ce son qui m'extasiais et si j'en avais eu l'occasion, j'aurai embrassé mille fois le DJ pour ce choix de chanson. Perdue la timidité de la première danse, je voulais chasser tout ces sentiments inutiles qui gâchent la vie. Agitant une main en l'air, je me dandinais pour mettre mes atouts en valeur. Jouant avec mon bassin, je me lançais dans un mouvement sensuel sans prendre une quelconque envie de me faire accoster. Je n'étais pas là pour rencontrer des inconnus mais si l'occasion se présentait, je ne m'enfuirais pas en courant. Au contraire, la situation ne pourrait être que plus amusante. La musique me transportait dans un autre monde et je ne pouvais plus répondre de moi même. Même une coupure de courant n'aurait pas pu m'arrêter. Chantant aussi fort que je le pouvais, j'étais persuadée d'être la meilleure chanteuse du monde. Évidemment personne ne pouvait m'entendre mais ça ne m'empêchais pas de sourire toute seule. Personne n'aurait pu, en cet instant, m'enlever l'assurance que j'avais ni même me gâcher la soirée. Portant les mains à mon visage, j'imitais comme je pouvais un éventail pour me procurer un peu de vent. La chaleur me montait aux joues. À présent la tête me tournait légèrement. C'était comme si mes yeux n'arrivaient plus à suivre la cadence. La petite pilule magique commençait à faire effet et j'esquissais un sourire en coin à cette pensée. Me ressaisissant, je reprenais là où je m'étais arrêtée. Des mains se posent sur mes hanches et je comprend à l'instant que ma petite danse plait à un jeune homme. Laissant durer le plaisir, je ne me retournais pas aussitôt.

Espérant de tout mon cœur que ce fameux inconnu soit à peu près potable physiquement, je continuais à me déhancher entre ses mains. Il n'était pas rare, malheureusement, de se faire accoster par un homme au physique désagréable. Je ne vous raconte même pas la galère pour s'en débarrasser après lui avoir fait partager une petite danse sensuelle... Prenant mon courage à deux mains je me retournais face à mon prétendant. Passant mes mains autour de son cou, j'étais ravie de constater que ce jeune homme avait une gueule d'ange. Il devait en faire fondre plus d'une, c'était une certitude. Je lâchais un rire innocent en m'apercevant qu'il me vouvoyait. Ça faisait très longtemps que je n'avais pas vu ça. Acquiesçant avec un hochement de tête, je lui soufflais à l'oreille : "Surprends moi!". À présent je souriais à pleine dents, me donnant un air niais que je ne pouvais pas enlever. L'effet de l'alcool sûrement. Libérant le jeune homme de mon emprise, j'attrapais sa main pour ne pas le perdre dans la foule. Manquant de peu de perdre un orteil pendant le trajet, parmi tout ces fêtards en transe, je m'accoudais au bar. Je ne lâchais pas du regard le blondinet qui semblait malgré tout assez fragile. Il n'était pas des plus musclés mais était tout de même assez gracieux.

"Je ne m'attendais pas à rencontrer quelqu'un ce soir et je suis ravie que tu n'ai pas une tête de pervers en rute. Je m'appelle Barbie, oui, comme la célèbre poupée pour enfant." Je me sentais toujours obligée de préciser ce détail comme si tout le monde pouvait me reconnaître grâce à ça. C'était malheureusement rarement le cas mais la chose ne me dérangeais pas plus que ça. J'évitais par la même occasion de passer pour une bimbo sans cervelle.

Son sourcil arqué en disait long sur sa pensée. Ce n'était pas la première fois que j'avais le droit à cette réaction face à mon prénom et avec le temps, la situation m'amusait de plus en plus. Après tout je n'étais pas du genre susceptible et j'avais conservée ce point essentiel. Rare étaient les gens qui pouvaient me blesser dans mon amour propre et j'en étais plutôt fière. Blue... Ça n'aurai pu être mieux pour lui. Nom tout aussi mignon que lui, et surtout très délicat. J'étais persuadée que même avec toute la bonne volonté du monde, le blondinet serait incapable de faire du mal à une mouche. 

Tout en faisant onduler mon corps sur la musique, je levais mon verre en direction du sien comme pour trinquer avant de le porter à mes lèvres. Je ne connaissais absolument pas ce cocktail mais il n'était pas repoussant. Pinçant les lèvres, je ressentais la chaleur envahir ma gorge. Chaleur vite envolée après les deux gorgées suivantes. Mâchouillant la paille qui se baladait dans mon verre, je lâchais un léger "Pas mauvais" accompagné d'un sourire en coin. Je me limitais souvent aux mêmes verres, comme si le changement m'effrayais niveau alcool. Le basique était à coup sûr plaisant alors que partir un peu partout pour découvrir autre chose était moins garanti. J'hésitais quelques minutes secondes avant d'enchaîner sur autre chose, légèrement troublée par son vouvoiement habituel. J'avais toujours eu l'habitude de tutoyer les personnes dès les premiers instants comme pour passer un cap. Non pas que je ne vouvoyais personne non, c'était plutôt une façon de s'adresser à quelqu'un d'une manière polie ou neutre; Briser la glace ou non. 

"Et sinon, que fais tu en solitaire ce soir?"

Il ne devait pas être rare pour ce genre de jeune homme d'avoir un tas de filles autour, c'était même une certitude. Il avait typiquement le physique qui faisait tourner la tête des jeunes femmes et ce n'était pas pour me déplaire. Il ne faut pas se mentir : se pavaner au bras d'un bel inconnu fait toujours plaisir. 

Havres de jouissance sans limites, les discothèques ont vu défiler au fil des décennies des personnes toutes plus extravagantes les unes que les autres. Une énergie et une liberté qui inspirent les fêtards sont présente chaque soir. Le monde de la nuit rassemble les gens les plus différents afin de les lier ensemble. Plus qu'une passion, je dirais même que c'est un style de vie. Ma seule réaction fut d'ouvrir la bouche bêtement sous le choc de son annonce. Barman? Non, je n'y aurai jamais cru. Ce jeune homme regorgeait de surprises et j'adorais ça. En vérité je l'enviais de travailler dans un endroit festif. Certes, la vie derrière un comptoir ne devait pas être aussi réjouissante que les gogos qui se déhanchent pendant des heures afin d'échauffer les foules mais il avait la chance d'être indispensable dans un des lieux que je trouve magiques.  

Je bafouille suite à son compliment et préfère poser ma main sur son bras en esquissant une moue gênée. C'est plus fort que moi : je ne peux pas enlever ma main. J'ai envie de le toucher. Il m'intrigue et me trouble un peu, je dois l'avouer. Il me regarde droit dans les yeux et je rougi, niaisement. "Je viens assez régulièrement à vrai dire. C'est plus une habitude qu'autre chose de venir les samedis soirs.". Je laisse le fait que je soi seule en suspend car même moi, je n'y avais pas réfléchi. J'étais venue, sur un coup de tête, sans prévenir personne.

Je reprend possession de ma main en la posant sur le comptoir, à côté de mon verre. De l'autre, je porte ce dernier à mes lèvres détournant mon regard de Blue. Je le vide à moitié avant de me rendre compte que j'ai chaud, très chaud. Je sens de nouveau la musique résonner dans ma poitrine et me compresser la tête. Il est temps que je me calme avant de finir à quatre patte près de la cuvette des toilettes. Je ne savais absolument pas ce que j'avais avalé tout à l'heure quand un inconnu m'avait tendu un comprimé mais je commençais à en sentir les effets. Posant une nouvelle fois mon attention sur le jeune homme, je le regarde avec les yeux pétillants. "Tu veux bien m'accompagner dehors? Il faut que je prenne l'air...". J'essaye de ne pas tout gâcher entre nous dès les premiers instants et me contente donc de sourire comme je le peux. Je suppose que j'ai une mine désastreuse mais il est trop tard pour s'en soucier.