Pourquoi je suis rouge ? C'est souvent la question qu'on me pose. D'abord, je suis rouge si je le veux. Rouge comme tout. Rouge comme le ciel lorsque le soleil se couche. Rouge comme le visage de mon père lorsqu'il est en colère. Rouge comme le feu autour duquel j'aime danser. Rouge comme tout. Pourquoi, mon rouge à moi, on me le reproche ? Parce que je suis indienne, et ça, ça plaît pas. Non, ça plait pas. Peut-être parce que la couleur est différente à travers mes yeux. Moi, je vois la vie. Vous, vous voyez le sang. Pourtant, le votre n'en est pas plus blanc. De toutes manières, ça ne vous dérangeait pas tant que ça, jusque là, puisque vous ne me côtoyez pas. Pour vous, je n'étais que chimère, que vous pouviez imaginer à travers de belles histoires, en lisant des bouquins. Ou en observant les images de Danse avec les loups, à la limite, mais ça s'arrêtait là.

Moi, je ne vivais pas avec vous. Je vivais à Neverland. Le pays que tout le monde connait, mais personne n'y est jamais allé. Pour la bonne et simple raison qu'on n'en revient pas, de Neverland. Tout simplement. Moi, j'y ai toujours vécu. Mis à part cette Wendy, petite blondinette aux yeux clairs et à la peau pâle - tout le contraire de moi donc-, je n'ai vu que peu de gens parvenir jusqu'ici. C'était ma ville, mon pays, ma terre, mon univers, et j'en ai toujours été fière. Je l'ai toujours crié à grand cri, à gorge déployée. Crier comme une sauvage, comme vous aimez si bien le dire. Oui, j'étais fière, je le suis, et je le serai toujours. Pour tout et n'importe quoi, mais fière en particuliers de ma tribu indienne de Neverland. De mon papa, surtout, le chef de la tribu. Il l'a protégée, menée. C'est la sienne, le père de tout un peuple. En tant que sa fille, je pensais avoir le privilège de vivre toute ma vie sur mes terres, les terres qui me revenaient. Mais je me trompais. Lourdement. En un rien de temps, la veille de ma cérémonie d'eau, une des plus importantes cérémonies pour une femme de mon âge, j'ai été propulsée dans cette vie là. Pourquoi, comment, je n'en sais rien. Ce que je sais, c'est que je suis en enfer.