"Une tare du passé c’est justement qu’il soit passé."

Ô cruel amour, cruel narcissisme, tu auras fais de moi l'homme le plus égocentrique de la terre, j'aurais donné corps et âme pour ne pas tomber amoureux de moi même, pour ne pas laisser cette fleur du mal naître en moi ...

N'y a t-il pas plus triste histoire que celle de Narcisse ? Plus grande tragédie que de tomber amoureux de soit-même au point de se laisser dépérir de passion et d'amour ? C'est l'histoire que je vais vous compter une réelle tragédie plutôt car ça n'a rien d'un récit amusant ni palpitant, c'est juste une énorme lamentation. Né, fils de Liriope et du dieu fleuve Céphise, Narcisse, était un jeune homme beau, séduisant, mais totalement inconscient de son charme et de l'effet qu'il produisait, en réalité il était indifférent à tout, même à l'amour. A sa naissance, Liriope alla consulter le devin Tirésias qui prédit que Narcisse vivrait vieux si il ne voyait jamais son reflet, car sa beauté aurait put lui être fatale, mortelle, ses yeux ne devaient voir qui il était. Derrière tant de beauté se cachait une indifférence si dure, si froide qu'aucun jeune homme ni jeune femme ne pouvait l'approcher, il était d'une beauté volage, aérienne qui ne pouvait se laisser attraper, indifférent à tout, au reste du monde, il n'arrivait pas à voir par ses propres yeux, lui qui ne s'était jamais vu lui-même.

Un jour, alors qu'il se promenait dans les magnifiques jardins de l'Olympe, une jeune nymphe qui passait par là fut immédiatement séduite par sa beauté, elle l'adula, l’idolâtra et bien vite en tomba éperdument amoureuse, amoureuse d'un homme qui ne voyait pas les autres, qui n'aimait rien ni personne et qui, surtout, n'avait pas encore découvert sa passion de lui-même. La jeune nymphe s'appelait Echo, et ne savait pas parler, elle ne pouvait répéter que la fin des phrases qu'elle entendait. Éperdue d'amour, elle suivait Narcisse partout espérant que celui-ci lui donnerait un signe d'amour, lui accorderait un regard pleins de promesse ou bien lui chuchoterait quelques mots d'amour. Il n'en fût rien. Narcisse la rejeta avec mépris, egoïste, égocentrique, se fichant du mal qu'il pouvait provoquer, lui qui se savait beau mais qui ne s'était encore jamais découvert, lui qui causerait bientôt sa propre perte. Echo alla se réfugier dans le bois, se laissant dépérir, pleine de honte et de tristesse, laissant son corps devenir pierre, ne laissant d'elle que sa voix, sa si douce voix qui continue encore aujourd'hui de répéter les fins de phrases, une voix que Narcisse aurait dut retenir.

Pourtant, Echo ne fut pas la seule victime de Narcisse. En effet d'autre nymphes tombèrent sous le charme de ce dernier, il les repoussa toutes, sans exception, laissant son coeur indomptable insensible à l'amour. Un jour, l'une d'entre elle se plaignit à Artémis, déesse de la chasse et de la vengeance. Pour lui faire payer, au cours d'une partie de chasse, la déesse poussa Narcisse à aller se désaltérer au bords d'une rivière, c'est alors que la tragédie le frappa. Se découvrant pour la première fois, Narcisse tomba amoureux de son image, de son reflet qu'il ne pouvait atteindre, de cette beauté qu'il ne pourrait jamais avoir, il était fini, perdu dans un amour inconditionnel pour lui même, un amour qui allait lui causer sa perte, un amour destructeur, apocalyptique qui lui faisait du mal. Plus il se regarde, plus sa passion le consume, le dévore, il pleurs, souffre, en veux au monde entier pour ce reflet, cet être qu'il n'aurait jamais. Dans la folie de sa passion, Narcisse ne mange plus, ne boit plus, se laisse dépérir, prenant racine au bord de la rivière, il se transforma en une belle fleur qui porte son prénom, apparaissant au printemps pour dépérir en été. De sa condition de fleur, il traversa les âges et le temps, assista à la naissance d'Hercule, ce héros mythique auquel aurait put ressembler Narcisse si il n'avait pas été aussi aveuglé par lui-même. Lui aussi aurait put devenir un véritable héros de par sa naissance si il avait eu autant de courage et de force. Lui aussi aurait put siégé parmis les dieux de l'Olympe et assister à la naissance d'Hercule, à la vengeance d'Hadès et peut être même jouer un rôle dans cette histoire. La légende de Narcisse fut citée par Philoctète lorsqu'il entraîna Hercule, et le jeune homme traversa les âges mais pas de la meilleure façon qui soit, on ne retint de lui que son narcissisme et son obsession de lui-même. Il aurait put en être ainsi pour toujours, si un sortilège ne l'avait pas frappé lui aussi ...

Le sortilège fut certainement une bénédiction, ou du moins une deuxième chance que la vie lui offrait. Il n'avait plus rien d'un demi-dieu, ne vivait plus dans les terres magnifiques de l'Olympe, mais Narcisse voulait recommencer à vivre, s'ouvrir aux autres et ne plus laisser l'indifférence envahir son coeur. Sa beauté lui fait peur, il ne veut plus se regarder, évite à tout prix les miroirs, ne veut plus se laisser mourir d'amour pour son propre reflet. Ayant entendu parler de "maladie", le jeune homme fut vite diagnostiqué comme schizophrène, étant persuadé d'être deux personnes dans le même corps, discernant mal la réalité et le semblant. Sa vocation lui sauta vite aux yeux, Narcisse devint musicien, il avait autrefois aimé la musique et l'aimait encore toujours. Poète, écrivain, guitariste à ses heures perdues, Narcisse est une âme vagabonde, mystérieux, inaccessible, de la poudre blanche jusque dans le nez, pour oublier qu’autrefois il était amoureux de son reflet ...