Baby, it's cold outside

Dans une semaine, ce sera Noël. Les gens se précipitent dans les rues pour pouvoir faire leurs achats avant la date ultime. Dehors, la température est basse et je dois resserrer l'écharpe bleue que j'ai autour du coup pour ne pas laisser les courants d'air frais caresser mon cou. Un premier éternuement, je sens que si ça continue, le rhume va venir s'installer en moi. Je ne suis pas frileux de base, mais il faut tout de même avouer que rester chez soi près du radiateur avec une bonne tasse de chocolat était préférable que de se retrouver seul dans le froid à provoquer une pneumonie.
Je passe devant plusieurs lampadaires joliment décorés pour Noël. Il est assez tard, et toutes les guirlandes et autres décorations sont allumées. Certains magasins, comme celui où je travaille, ont fermés leur porte depuis peu, la nuit s'installe doucement et rend l'espace féérique.

J'adore Noël. J'adore cette fête de partage où l'on se retrouve autour d'un bon repas, à se distribuer des cadeaux. J'adore l'ambiance que dégage cette fête, il y a plein de couleurs (principalement rouges et vertes) et ça brille de partout. Des enfants chantent au coin d'une rue quelques chants de Noël emmitouflés dans leur grosse doudoune, leur écharpe et leur bonnet et tout ce qui va avec. Je leur laisse une petite pièce et leur adresse un grand sourire à les observer puis je trace mon chemin. Dans une quinzaine de minutes, j'arriverais au Meli Melo où je pourrais me débarrasser de mes chaussures toutes froides, prendre une douche chaude et me poser devant la télévision sur un fauteuil dans une couverture prévue à cet effet.

Cela aurait pu se faire, si une odeur particulière ne m'avait pas attiré. Je lève le nez et renifle l'air avec envie. Je tourne la tête, pivote, jusqu'à ce que j'aperçoive d'où provient ce qui me tente tant. Le Fairy Chestnut est juste en face, lui aussi joliment décoré pour Noël et sa vitrine et merveilleusement bien faite. Une montagne de boite de bonbons est représentée entourée de guirlande et de boule. Juste à côté de la porte d'entrée, un marchant prépare des marrons et des châtaignes toutes chaudes sous son chariot déambulateur qui lui permet de tout ranger rapidement quand sa journée prend fin. Il y a quelques gens qui attendent de se faire servir, ce qui change de la boutique en elle même qui est rengorgée de clients.
Profitant de cette opportunité, je m'avance près du marchant et fais la queue. Mon estomac se met à gronder et je fouille dans mes proches pour ressortir quelques pièces me permettant de payer la consommation que je m'apprêter à m'offrir.
Quand c'est mon tour d'arriver, le vendeur m'offre un gobelet de chocolat chaud en plus de mon achat en cadeau. Je bois une gorgée et le liquide chaud qui traverse mon œsophage pour terminer dans l'estomac me donne une chaleur ajoutée non négligeable. D'autant plus que le chocolat est d'une grande qualité et qu'il est très bon à boire.
Mais à peine repris-je chemin que je manquai de rencontrer une personne. Une catastrophe aurait pu se produire si je n'avais pas pris le réflexe de m'arrêter à temps. Je m'excuse de ma maladresse plus d'une fois, me maudissant au passage quand, tout à coup, je reconnais une tête qui m'est familière.

« Oh, c'est toi ! » dis-je en me rassurant. Quoique, qu'aurais-je pu risquer en cas contraire ? Un « il n'y a pas de quoi, ce n'est rien » ou un « ouais, regarde où tu marches un peu, t'as failli salir ma tenue ! » avant d'en avoir fini. Ça m'est déjà arrivé malheureusement, mais bon, je m'en fiche un peu. Je ne rencontre pas tous les jours ce genre de personnes et je ne reçois pas non plus tout le temps des refléxions de ce genre.

Baby, it's cold outside

Rose se matérialise devant moi. Emmitouflée dans son écharpe et un gros manteau, elle semble avoir froid, ce qui n'a rien d'étonnant compte tenu de la température qu'il fait. Je suis content de tomber sur elle, c'est une personne pleine de vie, avec qui je peux discuter. Il semblait que je ne l'ennui pas, ou alors elle le montre très mal. Cela fait longtemps que je ne l'aie pas vue, du coup, la croiser me fait d'autant plus plaisir. Après tout, j'aime voir tout le monde, même les gens qui semblent ne pas m'apprécier. Chez certains clients, c'est le cas. On tombe toujours sur des gens grognons, jamais satisfaits et surtout, qui comprennent mal ce qu'est réellement un vendeur. On est pris souvent pour des larbins, des gens qui se plient au service de ceux qui vont acheter. C'est vrai, mais pas au point d'être un esclave. Bref.

Je lui fait par de mon heureuse surprise de la voir par un « oh, c'est toi ! » qui n'a aucun cas l'air déçu ou agacé, mais tout le contraire. J'ai mis de l'enthousiasme dans la voix, et j'espère, ne serais ce qu'un tout petit peu, que mon plaisir est partagé. Mais venant de Rose, il n'y a pas de raison que a ne le soit pas.

« Eh oui ! » l'entendis-je à peine dire en guise de réponse. Sa voix n'est pas la même que d'habitude et elle est tout juste audible. « Je ne te fais pas la bise, je suis malade comme un chien et j'ai peur que ce soit contagieux. »
Je plisse les yeux à l'écouter. « Malade comme un chien ? » fis-je en la reprenant. Je n'associe pas encore toutes les expressions, en particulier lorsque ça concerne l'animal que je fus avant de devenir un être humain, comme Roger ou Anita.
« Tu veux un chocolat ? » lui proposai-je gentiment. Cela peut faire du bien à la gorge et puis, Noël est la fête du partage alors je n'ai rien à perdre. Et puis, Rose est gentille alors ça me fait plaisir de le lui offrir.

Elle me demanda si je vais bien et j’acquisse par un hochement de la tête. C'est une question un peu bête quand on me la pose à moi, parce que je vais toujours bien. Enfin... non, pas toujours, il m'arrive d'avoir de petit coups de blues et des mauvais moments, mais c'est plutôt rare. La dernière fois où je ne me suis pas sentis bien, c'était quand j'avais perdu ma dernière partie de jeux vidéo alors que j'étais à deux doigts de battre mon record. Bref, rien de grave en soi. Et contrairement à Rose, je ne souffre pas de maladie, le grand inconvénient de Noël. Parce que oui, Noël c'est super cool, mais bon, comme rien n'est parfait, il faut que les microbes s'invitent aussi à la fête ! Pour l'instant, ils me laissaient tranquille mais qui sait, ça allait peut être me tomber dessus !

« Oh moi ça va ! J'ai fini de travailler pour aujourd'hui et la semaine prochaine, c'est Noël ! J'ai super hâte ! Et toi? Mis à part le fait que tu sois malade... d'ailleurs, tu as quoi exactement? »
Je dis ça, mais au fond, je n'ai pas encore idée d'avec qui je le passerais réellement. Rien n'est encore organisé mais cela m'empêche pas de faire des cadeaux pour toutes les personnes que je connais. Sans parler du nouvel an qui va suivre la semaine d'après. Bah, je trouverais bien quelqu'un ! Je trouve toujours.

« Tu les passes avec qui, les fêtes ? » demandai-je par simple curiosité.

Baby, it's cold outside

« Oui, ça veut dire que je suis très malade. »

Je la fixe doucement en essayant de me rendre compte de ce qu'elle a dit. C'est idiot, je le sais très bien, mais bon, je ne suis pas toujours très à jour avec ce que les gens disent. Je n'étais pas humain auparavant et même si je vivais en présence de certains d'entre eux, ça n'était pas pareil. Tout a changé depuis que j'ai ce corps, ce physique, cette vie. Rien n'est comme avant. On était même pas à Londres, villes de là d'où je venais. Mes repères ont disparus et je ne maitrise pas encore tout. Je passe pour un idiot les trois quart du temps, mais je m'en fiche. C'est tout, c'est comme ça, j'y peux rien. Je vais peut être avoir des soucis niveau social, mais bon, je peux très bien m'en passer s'il faut. Jouer le rôle de l'idiot du village n'est pas la première fois que ça arrive. En tout cas, je suis content que Rose soit gentille avec moi. Elle est douce et son visage exprime morphologiquement sa générosité.

"Ah, d'accord." je réponds tout simplement sans trop savoir comment le prendre. Enfin, Rose n'est pas méchante de toute façon, même si un jour je devais lui en vouloir, ça ne durerais pas longtemps. J'en veux jamais à personne de toute manière. Moi fâché contre quelqu'un? Du jamais vu! Il faut vraiment le vouloir pour le voir et encore... Quand je m'énerve, c'est souvent à cause de la télévision ou de ce qu'il s'y passe dedans, alors bon.
Bref, sur ce, je l'invite à boire un chocolat pour lui faire du bien. C'est pratique en ce temps de fête et en cette période d'hiver. Rose accepta bien entendu, en voulant m'inviter moi. Je fais la moue à cette annonce mais j'ai une idée en tête. Je me tourne vers le vendeur en le privilégiant et réclame un chocolat chaud poliment. Je prends l'initiative de sortir mes propres sous pour pouvoir payer et fier de moi, je tend la boisson à mon amie.
"J'ai dit que c'était moi qui invitait alors voilà!" dis-je pour me justifier. "J'aime bien faire plaisir alors... laisse le moi pour cette fois ci!"
Un sourire éclaire mon visage, j'étais très sérieux. Je n'aime pas qu'on me donne tout sur un plateau d'argent, moi aussi j'apprécie faire des efforts. Ce genre de geste qui fait de moi quelqu'un d'un peu plus indépendant. J'ai le sentiment de grandir et d'être bien quand ça arrive.

La conversation tourne sur tout autre chose. Noël qui approche à grand pas. Une fête que j'adore et que auparavant, on ne manquait pas de fêter avec la famille.
« J'ai jamais fêté noël. A wonderland, on ne le fêtait pas réellement... »
- Oh?
Il est vrai que comme moi, Rose vient d'ailleurs. Une sorte de monde, différent du miens. Elle non plus n'avait pas été humaine, mais une fleur, et qui sent bon en plus. En fait, je ne suis pas étonné plus que ça qu'elle n'ait jamais fêté noël. Les fleurs, ça ne fête pas ce genre de chose, à moins d'être une fleur un peu à part. En tout cas, je n'en ai jamais rencontré.
"C'était comment... 'Wonder... Wonderland'?" je ne saisi pas encore tout à fait le nom d'autant plus que je n'ai pas spécialement une grande mémoire. Et tout les truc un peu difficile, à moins que cela me plaise, m'échappe rapidement.
« Et j'ai démissionné de mon travail. » a ajouté Rose par la suite. Je cligne des yeux.
"Pourquoi?" fis-je de manière curieuse. Il y a des tas de raison à une décision pareille. Moi en tout cas, j'étais bien avec la personne avec qui je travaille et je n'avais pour l'instant aucune intention de quitter mon boulot. J'aime bien parler aux gens et je leur suis sympathique pour la plupart d'entre eux. Alors autant dire que je ne fais pas si mal que ça mon job et j'en suis particulièrement fier.
Je lui demande ensuite ce qu'elle a comme maladie et elle me répond qu'elle a attrapé un gros rhume. Aïe, c'est pas de chance ça. Je déteste être malade pour ma part, même si je n'y échappe pas non plus. Quand ça arrive, c'est comme si je n'allais jamais m'en sortir. Je fais un peu la comédie aussi, ce qui n'arrange pas les choses.
"J'espère que tu vas vite guérir!" je lui souhaite en étant sincère. Ça n'est jamais drôle, même pour seulement un rhume (surtout un rhume en fait).
Puis je lui demande avec qui elle fête Noël.
« Personne en particulier pour le moment. Sans doute avec Cheshire et ses doubles personnalités. »
- Ah je vois. Moi... je ne sais pas encore. Je n'aime pas trop déranger.
La perspective de fêter Noël tout seul m'effraie un peu mais bon, je ne désire pas non plus être un poids pour quiconque. Je me dis que je me trouverais bien quelqu'un d'ici là, qu'une âme généreuse acceptera de m'accueillir chez elle au moins pour la soirée. Comme je n'ai encore trouvé personne de ma famille, et c'en est fort regrettable, je n'ai pas le choix. Cela ne veut pas dire pour autant que je ne fais pas de cadeau.
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