Et d’un coup de baguette magique, deux jolies pantoufles de verre se retrouvent ornant les pieds de Cendrillon. Clic, clic, clic, font les petits talons en montant les marches du palais. Clac, clac, clac, font les petits talons au son de la musique. Puis ding, ding, ding, douze coups de minuit, précipite Cendrillon dans les escaliers, perdant au passage une de ses chaussures de verre. La magie s’envole, le rêve est terminé, ne laissant à la belle qu’un des souliers enchantés. Oyé, oyé, bonnes gens, que d’effervescence pour retrouver le petit pied de la jeune fille qui a fait battre le cœur du Prince. Toc, toc, toc, c’est au tour des filles de Lady de Trémaine, d’essayer la pantoufle de verre. Mais où est donc Cendrillon ? La voilà enfin qui descend les escaliers. « Attendez-moi, attendez-moi. J’ai moi aussi le droit d’essayer la chaussure. » La colère envahit, la marâtre qui reconnait en Cendrillon, la belle inconnue. Bim, bam, boum, c’est la catastrophe. La belle pantoufle se brise en mille morceaux. Mais c’était sans compter avec la magie et la bonté de marraine la bonne fée, que l’autre a survécu au sort. Cendrillon sort de sa poche, la seconde pantoufle et la tend au Grand Duc qui avec toute la délicatesse, la lui met au pied. Hourra, Youpi, elle lui a dit oui. La pantoufle de verre se retrouve poser sur un délicat cousin rouge en velours, protéger par une cloche de verre, pour rappeler le souvenir de cette merveilleuse soirée. Mais la pauvre chaussure est seule, horriblement seule.


Salagadoulamenchikaboulabibbidibobbidiboo. Trou noir, grand vide, chaud, froid, emportée, balayée, bousculée, je ne sais pas ce qui m’arrive. Tout devient flou, serait-ce la magie de marraine la bonne fée ? M’a-t-elle fait quitter mon doux cousin pour m’envoyer ornée le pied d’une autre jeune fille et enfin retrouver la deuxième pantoufle ? Un tas de sensations s’emparent de moi, je ressens des tas de choses que je ne connaissais pas, c’est comme si j’étais broyée, sculptée, assemblée dans tous les sens et dans un drôle de fracas. Ca ne s’est pas passé comme ça la dernière fois ! Marraine la bonne fée, tu vieillis, tu perds la main, qu’est-ce que tu nous fais ? De pantoufle de verre, je risque de me retrouver en vieux sabot de bois, si tu continues ainsi. Ajuste ta magie. Olala, patatras…

Mais finalement rien à voir avec tout ce que je pensais, je me retrouve dans un champ verdoyant complètement transformée, mon dieu, mais que m’est-il arrivée ? Comme poussée par quelque chose que je ne peux contrôler, je me penche au-dessus d’un miroir géant. Quelle ne fut pas ma surprise que de voir apparaître le reflet de quelqu’un que je n’avais jamais vu, mais je savais que c’était moi. J’étais devenue une personne, mon corps de verre était fait de chair et de sang et… mon dieu… j’étais nue comme un vers. Une fois la surprise passée, un tas de questions se bousculèrent dans ma tête. Si j’étais humaine, Cendrillon était-elle devenue pantoufle de verre ? Quoi qu’avec le Prince, ils formaient la paire. La première chose à faire était de me vêtir, je ne pouvais circuler ainsi, heureusement que pas loin sur un fil était étendu de quoi cacher ma nudité. Une fois habillé, je m’avançais vers la ville que je voyais se dessiner. Doucement, mais surement, avec quand même beaucoup d’hésitations et de déséquilibre surtout, j’avançais. Dur de marcher sur des pieds après les avoir ornés, mais c’était assez amusant. Enfin voilà, je me retrouvais à Fantasia Hill, dans le monde des humains après avoir vécu je ne sais combien de siècle dans le monde des contes. Il fallait donc que je m’habitue à ma nouvelle condition, et que j’en accepte les avantages ainsi que les inconvénients. Les avantages, j’étais libre, je pouvais mener mes pieds où je voulais, fallait surtout que je pense à m’habiller avant de sortir. Je pensais souvent aux chaussures, mais pas au reste de la tenue, c’était tout moi ça. Et les inconvénients, trouver un travail, car ici tout marche au rythme de l’argent. Mais là, ce fut assez facile. Dans mes mains le verre acceptait tout, j’ai donc trouvé un petit boulot dans la verrerie. Bien entendu, j’ai essayé de me faire des pantoufles de verre à ma taille, trente-sept s’il vous plait, mais ce n’est pas comme dans le monde magique, les talons se cassent comme un rien quand on s’appuie dessus. Donc j’ai abandonné l’idée des pantoufles de verre sauf pour faire plaisir aux clients de la boutique.

Pour le reste de ma vie, j’ai trouvé un petit coin pour me loger. Le Méli-Mélo House. Mais l’ambiance est plutôt, chargé de bruit, survolté, enfin pour mes oreilles ce n’est pas facile à supporter. J’ai l’impression qu’ils sont tous fous. Il faut dire, que par moment, je me demande si moi aussi je ne le suis pas. J’adore parler à mon reflet dans les miroirs, c’est un peu un deuxième moi, comme ma pantoufle de verre. Briser par la vilaine marâtre de Cendrillon, elle me le payera un jour. D’ailleurs, j’aimerais bien savoir ce qu’elle est devenue celle-là. Surement une bonne à rien. Peut-être une servante ou alors un sabot de bois tout crotté. Ensuite, il y a toute la technologie. Les carrosses à quatre roues, qui font un bruit de fou, les boutons sur lesquels on appuie et qui déclenche un tas de choses. Les boites carrées où les gens ont l’air de s’amuser ou de se battre, enfin bon je n’arrive pas à y rentrer dedans par contre. C’est un vrai monde de fou, on vit à deux cents à l’heure. Le point, positif, la mode. Les chaussures, mon dieu, j’en suis « gaga ». J’en ai une collection, personne n’a la même. Des hautes, des bases, des toutes en couleurs, des noires, des en cuirs, et tout plein. Du moment qu’elles font pas mal à mes petits pieds et qu’elles sont aussi tendances que moi par le passé, elles sont mes amies.

D’ailleurs en parlant d’amis. Je suis toujours à la recherche de Cendrillon, pour l’instant je ne l’ai toujours pas trouvé transformée en chaussures, qui sait, elle est peut-être comme moi. En tout cas, je ne suis pas mécontente d’être ici. Et qu’importe si le sort est du à la marraine la bonne fée ou à un autre sorcier. Je m’amuse bien, et je n’ai pas envie de retrouver ma solitude sur mon cousin en velours rouge. Et puis, tout le monde parle de l’amour, peut-être que vu comme je suis faite maintenant, aurais-je le droit de le rencontrer. Le Prince Charmant existe peut-être pour moi dans cette vie. En tout cas, je suis ouverte à toutes propositions, du moment qu’elle est honorable et sans arrière pensées. Et surtout, pas une proposition qui briserait mon petit cœur, ça fait trop mal de voir un être se briser. Alors imaginer un cœur…