Tout les jours, la même rengaine, les mêmes personnes, les mêmes réactions. Mais c'était si bon ! Les Merveilles, c'était l'endroit parfait, absolument mirifiquement parfait. En vérité, le Chapelier ne savait pas vraiment comment il avait atterrit là en premier lieu. Quel était son véritable nom, si il en avait eu un un jour, il était désormais connu sous ce sobriquet : le Chapelier Fou. Sa profession et ce qui le caractérisait au mieux ? Mais qui n'était fou au pays des merveilles ? Ou au sein de leur petite bande ? A vrai dire, le Chapelier ne savait pas vraiment si son existence était réelle ou ne relevait que d'un rêve. Mais c'était parfait. Il était fou, les autres étaient fous, ce monde était fou. Oui, peut-être qu'un jour il avait été un peu plus raisonnable. Mais ce qui comptait c'était son bon vieux chapeau, et peut lui importait de savoir si il était issu du rêve d'une gamine, ou bien si il était bel et bien réel. Mais à quoi bon être triste ! C'était chez lui, son chez lui, ses amis, sa famille en somme. Il y avait le petit loir, le lièvre de mars, tout les fous du thé, un petit quotidien qui n'avait été entaché que par les mauvaises actions de la terrible reine de cœur, celle là même qui faisait trembler tout le pays des merveilles. Il y avait le lapin blanc qu'ils s'amusaient à embêter, lui et sa montre à gousset, le léporidé à redingote. Puis, c'était cette petite fille blonde à la robe bleu qui avait mis les pieds chez eux, et ils s'en étaient fait tout une fête. Et puis, tout les jours la même chose, les non-anniversaires, l'heure du thé. Tout les jours à toute les heures.

Ce dont il était persuadé c'était d'avoir été là un peu avant les autres, la rencontre avec le lièvre avait été détonante et avec le loir ils formaient une sacrée bande. Le Chapelier était le roi des fous dans un monde peu parfait pour les autres, son chapeau sa couronne, et cet univers était parfait pour lui. Les champignons qui faisaient grandir, et les boissons rapetisser. Ce monde, il le ressent dans chaque fibre de son corps. Chacun de ses chapeaux, l'homme les confectionnaient avec une certaine attention, et ceux ci étaient les plus prisés de toutes les Merveilles. C'était un artisan hors pair. Puis, le Chat, ce sacré chat qui tenait tellement à son chapeau. Pas touche ! C'était le sien, le sien et celui de personne d'autre. Son endroit favori c'était cette longue table sur laquelle s'alignaient théière et sucriers. Et après tout le temps ne passe ni vite ni lentement dans ce monde sans queue ni tête. Ils pouvaient bien être les créatures d'un rêve perdu ils s'en moquaient. Et son enfance ? Celle ci lui semblait si loin. S'en rappelait-t-il ? Aussi petit qu'il pouvait s'en rappeler on lui avait toujours dit qu'il était aussi fou qu'un chapelier. Ainsi soi-t-il, il avait dû devenir chapelier, et il était resté fou.

Puis, le réveil.



C'était presque douloureux et pas drôle du tout. L'impression d'être loin de chez soi. De chez moi. On me regardait bizarrement, et puis il n'y avait plus les copains, et plus mon chapeau. Juste moi, misérable, perdu, triste. Bien entendu, il continua de prendre le thé, et de fêter les non-anniversaires. On le traitait d'allumé, et le regardait pas si gentiment que ça. Certes, des individus étaient dans le même cas que lui. Brutalement déraciné de leur chez eux. Mais pas, d'habitant du pays des merveilles. C'était presque qu'il avait échappé à la camisole le bonhomme. On lui demanda un nom, il répondit tout naturellement le Chapelier Fou, ou alors par une devinette, parce que les devinettes c'est amusant. Celles sans réponses. Comme celle du corbeau avec un bureau... "Je suis le Chapelier Fou vous savez.." avait-t-il osé avancer. Et on s'était moqué. Du coup, les premiers temps on s'était occupé de lui, et il s'y était résigné. Ce monde n'était pas d'humeur à faire la fête. Heureusement, au fur et à mesure ces gens-d'-autres-mondes se montrèrent plus agréables, et certains assez fous pour trainer avec lui. Il repris un peu du poil de la bête. Mais, les autres lui manquaient toujours autant. Il trouva un petit boulot comme organisateur d'événements, le soir il rentrait au dortoir et gribouillait des croquis de chapeaux, tous aussi extravagants les uns que les autres, colorés, mais qui ne verrait jamais le jour et ça le peinait.

Finalement, il se met à dessiner de plus en plus le pays des merveilles, ses peintures plaisaient. Avec un peu d'argent par ci par là, il finit par réussir à ouvrir sa propre petite boutique à l'aide de quelques nouveaux amis. Mais cet endroit était trop étrange, beaucoup trop pour lui, et son chez soi lui manquait terriblement. Mais finalement sa folie habituelle pris pas sur cette morosité ambiante. On est jamais raisonnable plus d'une minute. Et désormais il rayonne, quoique quelque chose manque toujours. Sa petite boutique occupe tout son temps, mais il organise toujours des fêtes avec les plus fous qu'il a trouvé. On ne le regarde plus de la même façon, il titille la curiosité des autres, intéresse par sa bonne humeur et sa façon décalé d'appréhender ce monde et parmi les victimes du sort on apprécie le Chapelier. Il avait écarquillé les yeux, et on lui demandait toujours un nom. Un sorti des méandres obscurs de sa mémoire, bon. Et un nom, Mercury. C'était ça l'origine, non ? Le mercure, celui là même qui rendait fou les chapeliers. Ne dit-t-on pas fou comme un chapelier ?