Le regard collé dans celui du suspect, j'attendais qu'il craque. Il était anxieux et il cachait très mal son jeu. Je respirais lentement, espérant à chaque inspiration et expirations qu'il se décide à me balancer ce qu'il savait. Mon regard se fit plus intense, l'envie plus prenant. La voix revenait, à pas de loup, tapis dans l'ombre de mon crâne de chien. « Tu devrais t'occuper de la retrouver au lieu de perdre ton temps avec ce genre de gars. » Je fermais les yeux un instant, me levais de ma chaise et passais une main crispée sur mes yeux fatigués. La nuit n'avait été tendre avec aucun de nous deux. Lui s'était fait arrêté par des flics et moi, j'avais essuyé une cuite, comme presque tous les soirs, rageant au-dessus d'un verre se remplissant à chaque fois que je le vidais. « Vous avez rien à me dire ? Vous parlerez surement au vampire de la cellule au fond du commissariat. Bougez votre cul » Je le prenais par le bras et le confiais à un collègue. La tendresse ça avait jamais été mon truc, toujours dur, jamais doux, toujours avoir l'air sûr de sois même si tout à foutu le camp à l'intérieur à cause d'un piaf coloré. Je sortais de la salle d'interrogatoire froide et grise afin de m'assurer qu'on enfermait bien mon suspect avec le soit-disant vampire, un ados trop addict à l'hémoglobine qu'il voit dans les films et qui veut faire comme ses chauves-souris préférées. Pathétique.

Les poches sous mes yeux gonflaient de plus en plus. Je ne tardais pas à me rendre près de la cafetière. Plus de café. Je grognais doucement en voyant qu'aucun des abrutis qui étaient payés à ne rien foutre dans ce commissariat n'avait pensé à en refaire. Je la prenais d'une main, me grattant la tête de l'autre, essayant de me calmer. Me mettre en colère de bon matin n'était jamais une excellente idée et tous mes collègues le savait parfaitement. Je montais sur un bureau. « Hé ! C'est qui qui a fini le café ? » On me regarde de travers, on ne fait pas attention à moi. Je balaye le commissariat d'un regard plein de colère, je regarde chacun des insectes qui grouillent autour de moi. « D'accord, toutes les gardes seront doublées à moins que le coupable se dénonce. » Un petit nouveau s'approche, prend la cafetière et va faire du café. Je lui donne une claque derrière la tête et lui lance un regard noir, en partie à cause des cernes sous mes yeux. « Tu m'en apportes une tasse à mon bureau, minus. »

Assis dans mon bureau, un café à la main, j'essaye de m'endormir un instant, ne pensant plus à rien. J'entendais mes très chers collègues gueulaient comme c'était pas permis. La colère me prenait encore aux tripes. C'était vraiment pas le jour où il fallait m'énerver. Les veines de mon cou se gonfle, mes mains se crispent et il revient. « T'as bien autre chose à faire qu'engueuler ces nuls ou même dormir. Bouge-toi, elle s'éloigne déjà. » Je le chasse de mon esprit, je n'ai vraiment pas envie de penser à lui, à elle, à eux, tous ceux qui me gâche la vie. Je n'ai pas envie de... Je n'eus même pas le temps de me rendre compte qu'elle était là. Dire que je n'avais plus envie de penser à Kevin... Eerin ne venait jamais pour rien, il n'y avait que deux possibilités : soit elle avait des ennuis, soit elle avait quelque chose à me dire et ça devait être important pour qu'elle se déplace elle-même.

« J'adore venir ici, je suis toujours tellement bien accueillit. » Elle s'affala sur le fauteuil en face de mon bureau et balança son sac sur celui d'à côté. Je n'étais pas du tout choqué, c'était tout à fait normal de faire ça pour elle. Je la regardais comme toujours, avec un mélange de curiosité et de taquinerie dans les yeux.

« Tu sais bien que tu es chez toi ici » Lui lançais-je, un sourire mesquin aux lèvres. Je l'aimais bien, enfin, surtout son corps, ses belles courbes, son regard de braise, son petit air coquin. Elle ne faisait rire aussi, surtout quand elle frappait mes collègues, chose que j'adorais faire moi aussi. Il aurait bien pu y avoir quelque chose entre elle et moi qu'il n'y avait pas eu la Dabou. Je me doutais qu'Eerin venait surement pour me parler de l'oiseau mais comme d'habitude elle essayait de tourner un peu autour du pot avant.

« Alpha ! Tu sais que j'ai des bonnes nouvelles ? Tu apparais enfin dans mes visions. T'aimes le chocolat ? »

« Tu ne serais pas venue sans ça. Si j'aime le chocolat ? Seulement sur ton corps, tu le sais bien. » Je ne m'attendais pas à une telle question mais j'avoue qu'elle me fit sourire sur le moment. J'agrémentais mon commentaire d'un clin d'oeil, lui laissant le temps d'imaginer à quoi je pensais. J'adorais la draguais depuis qu'on s'était rencontré, bien que je n'avais qu'une attirance physique pour elle.

Je la regardais, toujours aussi sûr de moi, elle toujours aussi sexy et même la fatigue ne pouvait pas m'empêcher d'apprécier ses courbes...parfaites. Elle n'avait rien à voir avec Kévin, ça c'était certain. C'était un tout autre genre de femme, sûre d'elle, sexy, avec un petit côté coquine alors que l'oiseau était fragile, très fragile, trop fragile, elle avait de trop longues pattes que j'aurai pu briser d'un coup de crocs si elle avait été assez près. Rien qu'en y repensant j'en avais l'eau à la bouche. J'en rêvais la nuit de pouvoir mordre dans sa chaire, arracher ses plumes, la dévorer, et puis creuser un trou pour y mettre les restes d'os que je n'aurais pas mangé, comme tout chien qui se respecte. Je me perdis dans le vide un instant et la voix d'Eerin me sortit de mes pensées.

« C'est bizarre, tes collègues n'ont pas l'air de cet avis ! »

J'esquissais un sourire, toujours aussi curieux de connaître la raison de sa visite que j'appréciais et qui rendrait surement ma journée bien plus belle que les autres cette semaine. Il était vrai que la veille n'avait pas été de tout repos et qu'en fait, les jours étaient particulièrement plus longs dans ce monde-ci que dans l'ancien, mais la vue et, avec de la chance, la compagnie de magnifique créature comme elle transformer les heures en secondes avec une facilité déconcertante. Je l'avais presque étonnée de ma réplique gourmande mais on se lançait souvent ce genre de réplique pleine de sens et très explicite. Elle s'assit sur mon bureau, juste en face de moi. J'essayais de la regarder dans les yeux le plus possible, j'avais envie de voir chacune de ses réactions, chacun des regards qu'elle allait me lancer pour répondre par un des miens, si profonds.

« Tu sais bien que je ne suis pas contre mais.. »

Mon coeur s'accéléra au contacte de ses pieds contre mon torse. Elle rentrait dans mon jeu et je n'attendait pas moins d'elle. Elle savait bien que notre relation fonctionnait principalement grâce à ces pics d'excitations sui naissaient entre nous. Je continuais de la fixer, sans ciller, un sourire aux lèvres, comme depuis qu'elle était entrée dans la pièce. Et puis d'un ton tout de suite plus sérieux elle m'annonça quelque chose que je cru d'abord simple imagination de ma part.

« J'ai vu un arc en ciel et un gamin avec ce chocolat. C'est moins drôle n'est ce pas ? »

En effet, c'était moins drôle. Tout d'un coup l'atmosphère c'était alourdie et je venais de recevoir comme un coup de massue sur le crâne. Je détournai le regard pendant qu'elle me tournait le dos en riant. Je ne m'attendait pas à ce qu'elle m'annonce ça. Je ne savais pas du tout comment je devais réagir. J'étais quelque peu perdue entre cette réalité si pesante et le monde qui me manquait dans lequel je courrait après cet arc-en-ciel comme elle l'avait si bien dit. J'avais l'impression que le bureau était soudain imprégner d'une odeur de chocolat, du cacao partout. J'avais le coeur qui bondissait dans ma poitrine comme si j'était en train de lui courir après, de courir après cet oiseau de malheur, il allait surement exploser. Je me levais précipitamment et me dirigeai vers Eerin en la prenant par le bras assez fort sans m'en rendre compte.

« Dis-m'en plus ! » Aboyais-je comme si je parlais à un de mes hommes, mes yeux exorbités plantés dans les siens.

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