Mon histoire n’est pas aussi palpitante que celle d’Alice, je vous l’accorde. Mais au moins était-elle heureuse, et c’était ce qui m’importait le plus. J’étais Dinah, simplement Dinah et j’avais la chance d’avoir une petite fille adorable et attentionnée comme maîtresse. Cela me convenait très bien, j’aimais ces petits moments au coin du feu à l’écouter déblatérer des histoires merveilleuses sorties tout droit de son imagination. Chaque soir, j’avais le droit à ma petite coupelle de lait et j’allai me coucher en boule aux pieds d’Alice. Ah, ma Alice… Elle était toute mon existence et je crois que je n’aurais pas pu rêver mieux comme maîtresse ! Nous étions complémentaires ; elle, curieuse et un peu folle et moi, crédule et un peu moins aventureuse qu’elle. Pourtant, je la suivais avec joie dans toutes ses aventures dans le jardin avec toute ma maladresse de petit chaton. Il n’y a qu’une aventure dans laquelle je ne l’ai pas suivie ; celle qu’elle a rêvé, ou qu’elle a vécut, personne ne le sait vraiment. Je la soupçonne de ne pas le savoir elle-même. Mais enfin, ma vie était une vie paisible d’un chat de compagnie dans une bonne famille anglaise. On m’aimait, on me trouvait mignonne et je faisais tout pour l’être le plus possible. J’étais épanouie auprès de mes humains et la maison n’avait aucun secret pour moi. Je grimpais joyeusement sur tous les meubles à ma portée, parfois en énervant les parents de ma petite maitresse qui me grondaient sans jamais me frapper. Ensuite, Alice me consolait, si bien que je ne tirais aucune leçon de mes bêtises. Je faisais de longues siestes sur le divan du salon, sans que personne ne vienne m’embêter. Oh oui, j’avais une belle vie. Une vie calme et douce, ponctuée par la légère folie enfantine de mon adorable maitresse. J’aimais mon quotidien, aussi simple eut-il été. Je n’avais aucun souci, je ne me posais aucune question. Je vivais, tout simplement et c’était absolument merveilleux. Je n’étais pas malheureuse, je ne l’ai jamais été, et j’avais mes petites habitudes. Le matin, j’essayais de chasser les souris sans grand succès après avoir mangé le contenu toujours varié de ma gamelle. Ensuite, j’allai dormir sur le divan et lorsque je me réveillais, j’écoutais Alice réciter ses leçons. Généralement, nous allions ensuite dans le jardin. Le jour où Alice a découvert le pays des merveilles - dont elle m’a naturellement parlé, mais je me demande si elle avait conscience que je comprenais ce qu’elle me disait - nous étions en train d’écouter sa sœur lire une histoire. J’ai moi aussi vu ce drôle de lapin, avec son gilet et sa montre à gousset. Alice l’a suivit et depuis ce jour, je n’aime plus les lapins. J’étais un peu jalouse qu’elle le suive, lui, alors qu’elle ne le connaissait pas. C’est peu de temps après son retour que mon propre quotidien a basculé. Je ne sais pas pourquoi et je ne suis pas sûre de comprendre comment. Tout ce que je sais, c’est que cela m’a grandement perturbé…


Fantasia Hill. Un monde que je n’avais jamais connu et que je ne souhaitais pas connaître. Un nouveau corps, également. Non, je n’étais plus un chaton. J’étais devenue une jeune fille. Une humaine. Des bras, des jambes, des cheveux. Je n’avais plus ma magnifique fourrure rousse, à la place j’avais de longs cheveux roux. J’ai eu tout le mal du monde à me faire à ce corps. J’étais déjà maladroite en tant que chat, cela ne s’est pas amélioré en devenant humaine. Non, à vrai dire, ce fut même pire au départ. Je ne tenais pas sur mes jambes, aussi simplement que ça. J’avais tendance à tomber à chaque fois que j’essayais de mettre un pied devant l’autre. Fort heureusement, j’arrive aujourd’hui à me mouvoir correctement mais je reste très maladroite. Je ne sais pas encore très bien ce que je veux faire dans ce nouveau monde, ni même ce que je peux faire… Mais j’apprends doucement à me faire une place ici. Ce qui me rassure, c’est que l’on me trouve toujours aussi mignonne. C’est vraiment très rassurant, car c’est ce qui me relie encore à mon ancienne vie. Mais, au final, je me plais ici. Etre humaine me laisse beaucoup d’opportunités que je n’avais pas en étant un chat. Je n’ai plus besoin d’avoir une maitresse, même si Alice reste dans mon cœur et le restera à jamais. Je pourrais faire n’importe quoi pour mes amis, mais pour elle, je pourrais en faire bien plus encore…