Que ce soit à l'époque de la Grèce antique ou des siècles plus tard, personne n'a jamais échappé aux légendes de ces dieux se dressant au sommet du mont Olympe, gouvernant alors la terre qu'ils peuplèrent entièrement à leur image. Humains, héros... avec un H comme Hercule. Fils de Zeus, tous clamèrent son nom lorsqu'il renonça au pouvoir divin pour revenir sur terre après la défaite du dieu des enfers. Toutefois, il ne serait jamais arrivé ici s'il n'y avait pas eu quelqu'un pour l'y emmener et sans la moindre prétention, je peux affirmer y être pour quelque chose.

Je suis né de la main des dieux en tant que démon, une créature inférieure à certains et pourtant supérieure à d'autres malgré mon apparence chétive. On m'attribua le nom de Panique avant de m'envoyer vers le monde souterrain. Je n'ai jamais été courageux, je n'ai jamais eu l'ambition de détrôner les dieux, pour tout vous avouer je préférais rester dans mon coin plutôt que de provoquer une nouvelle catastrophe à l'aide de ma maladresse tout aussi légendaire que cette histoire. Malheureusement pour moi je fus promu à un avenir plus ''glorieux'' puisque je fus choisi par Hadès, le maître des lieux et surtout ma plus grande frayeur. Après tout et même si le fait que je sois la personnification de la crainte y joue pour quelque chose, personne ne resterait de marbre devant cette allure macabre, ces flammes machiavéliques et ces cris raisonnant dans l'intégralité de l'enfer. Ainsi je rencontrai Peine qui tout comme moi allait devoir subir l'éternel supplice que d'être au service du dieu. Notre amitié était évidente et notre binôme était parfait à nos yeux même s'il apportait plutôt la honte sur la condition de démon. Incompétents et gaffeurs au possible, nous ne brillâmes que par notre don pour la métamorphose. Cependant, nous restions ses pions et au fur et à mesure des années nous apprîmes à devenir un peu plus diaboliques que nous l'étions.

Vint alors ce jour maudit où Hadès eut l'idée parfaite pour reprendre son dû à savoir le règne en haut de l'Olympe plutôt que sous le monde des hommes. Parfait s'il n'y avait pas eu la naissance de ce dieu nommé Hercule. Les prédictions étaient faites : il serait un obstacle à la conquête du pouvoir suprême. Ce fut ainsi sur nous que reposèrent les espoirs du maître et celui-ci nous confia la mission de l'enlever pour nous en débarrasser ensuite à l'aide d'un élixir de mortalité parfait pour venir à bout des immortels. Le gamin doté d'une force plus que surprenante ne nous facilita pas la tâche et ce dernier nous envoya voler au loin alors que nous tentions de lui enfourner ce fichu biberon dans le gosier. Ce fut la fin du dieu mais également la naissance du héros. Le pensant mortel, nous repartîmes en Enfer où, par peur de subir une fois de plus le terrible courroux d'Hadès, nous affirmâmes nous en être occupé sans la moindre bavure lui avoir réglé son compte. Une chose étonnante à laquelle il eut du mal à croire.

Ce fut sans compter sur la réapparition de cet idiot bien décidé à retourner siéger au-dessus des nuages. Il révéla donc une fois de plus notre incompétence et surtout mis en échec notre maître à quelques reprises malgré ses tentatives. Il combattit les pires monstres qu'il lui envoya. Il passa à travers toutes les ruses employées pour le faire tomber. Ce fut les pires moments de notre existence car, bien loin d'être les plus qualifier pour se mettre en travers de sa route, nous étions condamnés à faire face à la colère du dieu qui se faisait de plus dévastatrice. Moi-même je ne compte plus le nombre de fois où je fus pratiquement pulvérisé par ses flammes. Néanmoins, nous restâmes à son service sans jamais flancher un seul instant bien que nos nerfs craquèrent à plusieurs reprises. L'heureux jour arriva lorsque le héros succomba à son attirance pour la gente féminine, une faiblesse dont les démons se moquèrent ouvertement lorsqu'il céda sa force pour sauver sa belle. Une erreur qui conduisit à la libération des titans. Une libération expresse puisqu'il les renvoya en un coup de vent et jeta à son tour Hadès parmi les morts dont il avait la charge.

Tout ceci terminé, j'étais libre. Libre de errer en enfer, ou même sur Terre non pas pour y créer la panique mais pour se mettre une fois encore dans des situations délicates avec mon comparse. Une liberté qui fut de courte durée.

Tout est noir et silencieux. Je sens le vide autour de moi. J'ai l'étrange sensation de ne plus exister, tout en étant toujours vivant. Plus qu'étrange, comme sensation. Peut-être est-ce la fin. Peut-être que j'ai rejoint ces âmes flottant en enfer et auxquels nous tenions compagnie de temps à autre. Notre seigneurie aura sûrement trouvé un moyen de s'échapper et nous aura fait payer notre incompétence une fois encore. Une machination plus que diabolique. Non... Ce n'est pas ça. Du moins je n'en ai pas l'impression. Le connaissant, il nous aurait frappés à mort, nous aurait fait subir le supplice des flammes comme à son habitude, nous nous serions retrouvés rôtis comme de la volaille mais avant ça il aurait pris le temps de piquer une de ses colères faramineuses. Il aurait pris le temps de fulminer un moment, d'exploser au propre comme au figuré. Peut-être est-ce les dieux qui nous punissent pour avoir servit notre maître ? Il faut dire que malgré notre maladresse, nous n'avons pas chômé entre kidnapper le bambin, le priver de son immortalité, monter sur l'Olympe pour s'en prendre à plus fort que nous alors que nous nous sentions finalement en position de force par rapport à ces moucherons...

Je peux finalement ouvrir les yeux. Il me faut un moment avant que ma vue ne puisse s'adapter. Où suis-je ? J'ai l'impression d'être transformé, tout en ne me servant pas de mon pouvoir de métamorphose. Je suis dans un corps humain. Je suis nu comme un verre qui plus est. C'est une blague ? Une illusion ? Une tromperie ? Non. Je tente de redevenir ce diablotin maigrichon et peu séduisant que j'étais mais je garde toujours cette apparence d'homme. « Nom de Zeus... » Je regarde alors autour de moi. Je ne suis plus en Grèce. Du moins, ça n'y ressemble pas. Les colonnes de marbre et les statues de ces héros ont disparues. Le sol est couvert d'une matière humide et glaciale qui me rappelle l'enfer d'où je viens. Bordel, où ai-je encore atterri ? Que m'arrive-t-il ? Il faut que je garde mon calme. Non, c'est trop, je cède à la panique une fois de plus et me met à hurler à la mort comme enfant avant de me rendre compte que ma voix elle aussi à changer. J'ai la trouille. Je suis encore plus effrayé que lorsque je devais faire face à notre lugubre majesté. Soudain, quelque chose me vient à l'esprit.

« Peine ! Peine ! Sors de ton trou ! » Je crie son nom dans l'espoir d'entendre une réponse. Nous étions, comme toujours, tous les deux. Il doit sans doute être ici lui aussi. À moins que je ne sois seul. Je me relève finalement. Je n'ai pas l'habitude de ce corps, de cette taille ou de ne plus posséder d'ailes. Toutefois, ça ne m'empêche pas de courir et de m'agiter dans tous les sens à la manière d'un décérébré tout en couinant et pleurant toutes les larmes de mon corps. J'entends finalement un nouveau son qui coupe court à mon spectacle ridicule. Je reconnais la manière dont Peine s'adresse à moi, même si sa voix n'est plus la même également. Tout comme moi il n'a pas échappé à ce changement d'apparence stupéfiant. Nous, les démons les plus empotés que la terre ait portée sommes livrés à la détresse la plus totale mais nous sommes ensemble. C'est un bon début, non ?