Sujet: le désespoir est le suicide du cœur ▬ PETER. Dim 7 Juil - 16:33
Les pensées s’entrechoquaient dans son crâne, les idées défilaient dans une langoureuse attente qui la mettait au supplice, enveloppée dans l’étreinte froide de l’acte effronté qu’elle venait de commettre. Son bras tout entier lui était douloureux, comme si elle avait plongé la main dans les hautes flammes d’un bucher grésillant, comme si du feu liquide avait coulé sur sa peau, la pénétrant, plongeant en elle pour se mêler à son sang et lui donner la glaciale impression que ses veines allaient fondre. Elle avait le sentiment d’être recroquevillée sur elle-même, son poignet posé contre son ventre, mais elle n’en était pas vraiment sûre. La seule chose dont elle était certaine, c’était qu’elle souffrait et que la douleur ne semblait pas vouloir se hâter de partir. Son cœur battait avec une force telle qu’il lui blessait les côtes et sa tête n’était plus qu’un énorme hématome, toutes choses logiques disparaissant sous le bleu de sa peur. Le sang tambourinait violemment contre ses tempes, comme si elle recevait des coups, et ça lui fit penser, durant quelques instants, à Edward. Quand il avait levé la main sur elle, une fois. Ce souvenir disparut, alors qu’une nouvelle vague de douleur s’échouait sur elle. Elle souleva ses paupières, faiblement et difficilement, vit une ombre grandir devant ses yeux rougis, puis une voix grave lui dire des choses qui se perdirent entre son oreille et son crâne. Un dernier tremblement et elle sombra.
C’était comme si un camion venait de rouler sur elle, avançant puis reculant sans arrêt, malmenant son corps jusqu’à ce qu’elle ne le ressente plus. Ses muscles s’éveillaient péniblement, les uns après les autres, en une longue agonie silencieuse. Elle était courbaturée de partout, rien ne lui était épargné. Cela l’inquiéta et elle se demanda vaguement comment en était-elle arrivée à cet état. Toutefois, alors même que la question traversait son crâne engourdi, un souvenir palpita brièvement dans un coin de sa tête, lui procurant la réponse. Elle avait faibli, elle avait cédé. Pleine d’une fatigue proche de la lassitude, elle en avait eu plus qu’assez de n’être qu’une coquille vide, de n’être plus qu’une carcasse égoïste qu’on traine derrière soi par obligation. Oui, elle s’en souvenait maintenant. La lumière basse du soleil matinal se reflétant sur l’argent de la lame entachée par le sang de son échec. Le sang sur elle, glissant hors de ses veines. Son cœur manqua un battement. Où était-elle ? Une sournoise panique se mit à serrer son ventre, à assécher sa gorge et elle ne se rendit compte que bien plus tard du tremblement incessant de ses mains, obnubilée par cette soudaine angoisse. Tous ses sens se déployèrent avec une difficulté qui l’étonna plus encore. Elle se sentait nauséeuse et des tambours continuaient à marteler son crâne avec une cadence affolée. Elle était allongée sur un matelas peu confortable et le parfum de quelque chose qu’elle ne connaissait que trop bien lui parvenait. Impossible de dire quoi, mais elle détestait cette odeur. Ce n’est que quand elle s’aperçut d’un léger bip récurrent que les larmes commencèrent à gonfler sous ses paupières. Elle était à l’hôpital.
Si pour nombre de personnes l’hôpital était un lieu de soulagement, puisque cela signifiait qu’ils étaient encore en vie, ce n’était pas son cas. L’hôpital ne lui apparaissait que comme un lieu de mort et de souffrance. C’est ce qui l’avait fait sombrer, en partie. Peu à peu, parmi ces docteurs agissant sur une mécanique bien huilée et ces patients rongés par la maladie et les regrets, elle s’était mise à couler, se vouant corps et âme à chaque cas qu’il lui était donné de rencontrer, s’impliquant émotionnellement d’une manière qui avait fini par l’entraîner bien plus loin que n’importe quel autre médecin. On l’avait prévenue, pourtant, et elle s’était crue assez forte pour surmonter ça, sans savoir ce que cela impliquait réellement. Et maintenant, elle se retrouvait là, le cœur ankylosé, non plus en danger de mort, mais en danger de vie. Un sanglot étouffé l’agita et elle sentit les larmes glisser sur ses joues. Elle ouvrit doucement ses paupières gonflées, le blanc de la chambre lui creva les yeux. Elle les referma brusquement et tourna la tête sur le côté, enfonçant sa joue dans l’oreiller mou sur lequel ses cheveux s’étalaient. Comment avait-elle pu se retrouver là ? Elle se souvint d’une ombre imposante qui s’était penchée au-dessus de son corps exsangue et elle pensa à Peter. Bien évidemment, quelle idiote… Elle lui parlait un peu avant et il était sorti et… Mon Dieu, l’étau de regrets qui lui enserra le cœur lui fut si douloureux qu‘elle ramena ses jambes contre sa poitrine pour se plier en deux. Elle avait tout oublié, l’espace de quelques secondes. Elle s’était montrée si égoïste, elle n’aurait jamais dû lui imposer la vision de sa mort. Son acte impulsif aurait dû être exécuté en silence et dans la solitude la plus complète, non pas exposé aux yeux d’une personne qui lui était chère. Elle se mordit la lèvre et tenta d’inspirer profondément, alors que les larmes lui brûlaient de nouveau les yeux. Bon sang, que lui était-il arrivé pour qu’elle en vienne à oublier le seul qui était resté à ses côtés, depuis la nuit où elle l’avait retrouvé ? Elle détestait cette Wendy qu’elle était devenue, celle qui s’était lentement refermée sur elle. Celle qui ne parvenait plus à trouver le sommeil, qui avait délaissé la vie au point de vouloir le quitter.
Le goût métallique du sang la sortit de sa torpeur et elle s’aperçut qu’elle venait de se mordre la lèvre pour s’empêcher de crier. Elle voulait sortir, oui, elle voulait juste partir. Elle ouvrit les yeux, avec encore plus de difficulté que la première fois, si ce n’est possible et ses paupières papillonnèrent quelques secondes, le temps de s’habituer à la lumière ambiante, basse mais tout de même présente. Alors se dessina à sa vue une silhouette masculine, un visage pâle et une tignasse brune qu’elle reconnut aussitôt. Peter. Aussitôt, elle tenta de redresser son corps endolori sur son coude, mais elle grimaça et se reposa sagement sur son oreiller, veillant à ne pas défaire la perfusion qui décorait son bras non abîmé. Peut-être était-ce mieux ainsi, le regard rivé sur les fissures grises qui couraient le long du plafond ; elle ne pouvait pas le regarder sans qu’un terrible sentiment de honte ne l’envahisse. Elle l’avait abandonné et l’avait forcé à regarder. Les larmes montèrent de nouveau et elle sentit ses ongles s’enfoncer dans ses paumes, réveillant la douleur dans son bras gauche enroulé dans une gaze blanche. « Je suis désolée, Peter… ». Elle ne reconnut pas même sa propre voix, cassée et enrouée. Sa gorge irritée lui fit mal quand les mots sortirent. Pourtant, elle récidiva. « Tu n’aurais pas dû voir ça, je suis tellement désolée… ». Sa phrase se cassa sur les dernières syllabes et elle ferma les yeux pour tenter de contenir une deuxième vague de larmes. Elle se sentait à la fois faible et coupable, et ne savait pas vraiment quel sentiment l’emportait. Elle voulait juste lui faire comprendre à quel point elle s‘en voulait, et pourtant rien d’autre ne sortait d’entre ses lèvres, ses mots étaient usés et tous déjà utilisés. Elle n’avait plus la force de répéter quoi que ce soit. Je t’en prie, pardonne-moi.
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Sujet: Re: le désespoir est le suicide du cœur ▬ PETER. Lun 15 Juil - 2:45
De tous les sentiments humains, il en a un qui surpasse tous les autres pour ce qui est d’être déprimant. Peter sentait son agaçante présence partout, il errait ici et là comme le plus triste des revenants. Il se mêlait à l’odeur grasse de désinfectant qui empesait les sièges plastifiés de la salle d’attente. Il se répandait comme une maladie incurable. Peter observait tous les yeux concaves de ses semblables qui patientaient ici dans l’antichambre du deuil. Parfois, un médecin franchissait les portes, l’air grave et affairé. Pas envie d’être là, avec ces zombies. Alors l’un ou l’autre de ces visages émaciés s’élevait vers la silhouette du sachant à blouse blanche, et le pire des symptômes de sa maladie se tordait sur ses traits. « Elle est morte, docteur ? », « Est-ce qu’elle va s’en sortir ? », « Il doit bien avoir un traitement ? ». Toujours les mêmes immuables questions, qui s’ensuivaient des mêmes écœurantes réponses. Patienter. Du courage. Les textes étaient écrits à l’avance, c’était angoissant, ça rendait paranoïaque, toute cette mécanique inhumaine.
Personne autour ne leva les yeux lorsque le dossier de sa chaise heurta le sol de lino en damier beige et vert. Il porta une main fébrile à son visage. Chacun s’était moralement emballé dans du papier kraft et tâchait de ne pas se frotter aux autres, de s’enfermer en soi-même. Tout le monde s’en fout du type un peu bizarre qui sort de la salle d’attente toutes les demi-heures, d’un pas décidé, qui prend la porte de sortie comme si sa vie en dépendant, et qui revient toujours s’asseoir ici, penaud, songeur, attendre que sa morte retrouve le chemin de l’existence. Peter tremblait de tous ses membres, une couleur jaune suintait de son visage, il avait des hauts-les-mains et des fourmis dans le cœur. Ca devait être grave. C’était forcément grave, à un stade avancé, mon dieu je suis condamné et personne ne me soigne. Ca rendait paranoïaque, je vous dis. « Peter Shadow ? » Son nom se pétrifia et lui fut jeté comme un rocher dans l’estomac. Il accusa le coup en se penchant imperceptiblement vers l’avant et en retenant un gémissement entre ses dents serrées. Il s’imagina qu’il allait avoir un foutu papier à signer, encore un, mais le dernier. L’infirmière qui avait prononcé son nom fit courir ses iris ambrées sur les visages baissés jusqu’à ce que son regard se pose finalement sur Peter, le seul qui soit planté debout au milieu de la salle d’attente, dans la position tendue du gars qui s’est trompé d’endroit pour jouer à 1, 2, 3, Soleil. Il essuya machinalement ses mains moites contre son jean. Huit heures qu’il attendait. Ca faisait longtemps qu’il avait assisté à l’éboulement complet de sa retenue, de sa désinvolture, de son cynisme. L’ombre de lui-même. Ouais. « Elle est morte ! » Il grinçait ces mots sans surprise, sa voix rocailleuse assourdie seulement par une douleur démente. L’exclamation étranglée fit lever les yeux à quelques pauvres hères autour de lui, qui retombèrent la seconde d’après dans leur état d’abattement morose et solitaire, pris de pitié pour cet homme frappé de malheur, mais au fond soulagé que, pour cette fois, elle ne soit ni leur fille, ni leur sœur, ni leur femme.
Bip. Bip. Bip. « Peter, regardez… » Sait pas comment le décor a changé. Combien de pas l’éloignent de la salle d’attente. Se souvient pas avoir marché jusqu’à cet… écran. « Cela veut dire qu’elle respire, vous comprenez ? » Elle lui fait poser les doigts sur l’écran, dessiner les lignes en pics qui s’élancent en flèche régulièrement, en même temps qu’un bip retentit. « Elle devrait bientôt se réveiller. Tout va bien. Je vais revenir dans une minute. » La dame blanche disparaît. Il reste abruti devant l’écran, sans voir. Il compte soixante secondes. Rien. Et puis le reste de la pièce apparaît progressivement dans son champ de vision, comme une image en pixels après un bug. Une chambre. Un lit.
Wendy. L’image rebondit dans le vide plein d’écho de son esprit. Les lignes évanescentes de son corps amaigri déformaient à peine les plis du drap rêche qui la couvrait. Mais elle se retourne. Il sursaute. Elle émet un miaulement plaintif. Il suffoque. Il recule discrètement et trouve enfin le mur. La surface lisse et froide apaise pour quelques secondes sa fièvre imaginaire. Il y plaque ses paumes, y colle ses avant-bras, son dos, sa crainte redoutable de gamin paumé et son besoin d’être rassuré. Il cherche du regard. Quelqu’un. Il est pas là. C’est lui tout seul, c’est lui qui a sauvé quelqu’un d’une mort certaine, qui l’a sauvée elle. Sauvée d’elle-même. Maintenant il priait pour qu’elle se rendorme, qu’elle n’ouvre jamais les yeux. Elle allait vouloir le tuer. Elle allait l’accuser de trahison. Il l’avait amenée ici, à l’hôpital, ce lieu qui avait décousu la jeune femme fil à fil, lentement, sournoisement. Qui ne dit mot consent, et ces murs hurlaient l’assassinat. Il fit un bond en avant, se redressa. Elle avait ouvert les yeux. « Je suis désolée, Peter… » Il ne s’attendait pas à ces mots, pas à ce son déshydraté, pas à leur trop peu. « Tu n’aurais pas dû voir ça, je suis tellement désolée… » Une colère sourde s’abattit sur lui si violemment que ça lui secoua l’échine une seconde. Tu n’aurais pas dû voir ça. Donc c’était lui le fautif. Il aurait seulement été ailleurs, absent, invisible, qu’elle aurait réussi son coup et tout se serait passé à merveille. Qu’est-ce qu’elle imaginait ? Même seule dans l’appartement, Peter serait bien rentré à un moment donné. Il l’aurait trouvée étendue, livide, au milieu de tout son sang répandu sur le carrelage… aurait-elle trouvé cela mieux ? Moins choquant ? Non. Elle n’aurait simplement pas été là pour le voir. Peter avala sa salive, redressa les épaules, la tenaillant entre ses prunelles noires. Cette espèce de petite égoïste sans cœur ! Oh, il ne lui laisserait jamais l’occasion de recommencer ! Elle n’avait pas le droit de le blesser de nouveau. Il allait la prendre, le tenir, l’obliger à se regarder dans un miroir et à se voir vivre. « Tais-toi. » C’était le ton le plus incisif qu’il avait en réserve, lancé tandis qu’il se rapprochait du lit sans la quitter des yeux. En fait c’était une supplication dissimulée, un besoin de l’entendre se taire qu’il avait réussi à faire passer pour un ordre. « Tu t’imagines que dire que tu es désolée c’est comme de prononcer une formule magique pour être exaucée. Alors, Wendy, je suis désolé, mais là j’en peux plus de tes mensonges. » Le haut de sa jambe rencontra le bord du matelas. Son ombre barrait le lit, ses yeux laissaient des ratures sur le visage pâle de Wendy. « La bonne formule aurait été : ‘‘Je n’aurais pas dû faire ça’’. Pourquoi tu ne l’as pas dit ? Pourquoi… tu… » Meurs. Toujours. Pourquoi tu t’en vas si fort quand j’ai tant besoin de te retenir ? Il ferma les poings et essaya de respirer profondément, d’écouter les bip, bip. D’y croire. Elle mentait peut-être là-dessus aussi. Il appuya son genou gauche sur le matelas. Une de ses mains se posa sur l’épaule frêle de la jeune femme. Sentir ses os directement sous ses doigts lui fit du mal. « Ecoute, Wendy », murmura-t-il. Son autre main détacha doucement la perfusion qu’elle avait dans le bras, débrancha les câbles qui la reliaient aux appareils sonores. Il lui tint la main pour l’empêcher d’esquisser un mouvement vers la sonnette qui avertirait les infirmières qu’un fou dangereux manipulait les ustensiles médicaux. Immédiatement la chambre s’emplit d’un bruit qui disait l’absence. Un bruit terrible et continu, aigu, strident. Sur l’écran, les pics de respirations disparurent, laissant place à une ligne droite, raide, cadavérique. Quelque chose se resserra dans sa gorge, enflamma son thorax. Il attendit qu’elle hurle, qu’elle appelle au secours, qu’elle demande à ce qu’on lui remette sa perfusion, qu’on lui rende la vie. Il ne lisait rien dans ses yeux délavés, pas la colère qu’il espérait y trouver, pas d’étincelle de vie. Le désespoir et la rage grondèrent en lui, mélangés à plus de peur qu’il n’en avait jamais éprouvée au cours de son existence entière. Son regard embrasé précéda ses lèvres sur celles de Wendy, où il imprima d’abord sa fureur, la nécessité qu’il éprouvait de déclencher quelque chose en elle, quoique ce soit, sans réfléchir. Il passa sa main droite sur la nuque de Wendy, son bras gauche autour de sa taille, pour la faire se redresser sur son lit, pour la serrer contre lui. D’une pression sur sa bouche, il lui fit entrouvrir les lèvres ; le souffle frais et fragile de la jeune femme avait le parfum de son âme incertaine, et il voulait si ardemment le réchauffer du sien. Une fraction de seconde plus tard, il était à son tour égoïste, ou peut-être irrévocablement fou, car ce n’étaient plus uniquement la colère ou le besoin de la secouer qui l’animaient. Il se montra moins brutal quand il trouva sur ses lèvres une saveur sucrée de… quelque chose… auquel il ne s’attendait pas, et qui fit passer le petit goût de sang sur sa bouche qu’elle avait meurtrie. Avant qu’il s’aperçoive qu’il l’embrassait tendrement, l’étau de ses bras autour de Wendy s’était mué en étreinte. Le son de la machine semblait à présent disharmonieux et déplacé. « Tu entends ? C’est le bruit que mon cœur a fait quand tu as arrêté de respirer. », souffla-t-il contre ses lèvres, la voix brisée, l’âme aussi. Prouve-moi que tu es en vie.
Dernière édition par Peter S. Shadow le Mer 7 Aoû - 0:22, édité 1 fois
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Sujet: Re: le désespoir est le suicide du cœur ▬ PETER. Lun 5 Aoû - 21:52
La douleur grignotait ses membres, c’était comme un parasite qui s’était installé dans le creux de son cœur, puis qui avait fini par s’étendre, lentement et d’une manière horrible, la paralysant d’effroi. Il y avait les courbatures dans ses muscles, cette sensation que plus jamais elle ne pourrait s’étirer correctement, puis ses organes aussi, qui semblaient fonctionner au ralenti, comme si leur mécanique habituellement bien huilée s’était rouillée. Elle avait du mal à respirer, ça lui transperçait les poumons d’éclats, elle avait du mal à penser, son cerveau ne répondait plus que par des migraines qui lui vrillaient les tempes, et puis, elle avait du mal à vivre. Son cœur battait à la fois trop fort et bien trop faiblement, compressé dans un étau de compréhension cruelle. Et au-delà de tout, il y avait cette brûlure, cet engourdissement, qui prenait tout son bras gauche et qui lui rappelait à quel point elle avait réussi à aller loin. Sauf que, comme tout ce qu’elle avait entreprit dans sa vie avant, elle avait abandonné avant la fin. Elle avait échoué, une fois de plus. Cette fois, ce ne serait pas elle qui irait dans cette salle maudite, blouse blanche et visage désolé, annoncer la mort d’une énième personne fauchée trop tôt dans la fleur de l’âge ou taclée par la maladie qui suintait de ces murs d’hôpital trop blanc. Cette fois, c’était à elle-même de s’annoncer qu’elle respirait encore, que tout irait bien, qu’elle n’allait mourir, et il lui semblait que c’était la tâche la plus difficile de toute son existence.
Et pourtant, aussi inconcevable que cela paraisse, cette souffrance physique, ce constat douloureux, ce n’était pas ce qui la heurtait le plus en cet instant. C’était la statue de marbre qu’était devenu Peter. Le visage fermé, il s’était raidie quand il l’avait entendue prononcer ces quelques mots d’excuses pitoyables, son regard assombri dardé sur elle. Elle fronça les sourcils et voulut trouver de nouvelles phrases, d’autres lettres à assembler pour lui faire comprendre à quel point elle s’en voulait d’avoir, durant une seconde trop, oublié que ce serait lui qui tomberait sur elle, mais elle entrouvrit à peine les lèvres qu’il la coupa d’un ton sans appel. « Tais-toi. ». Elle frissonna et il n’eut pas besoin de le redire une deuxième fois. Peter n’avait jamais pris un ton pareil avec elle, jamais. Et alors qu’il s’avançait vers elle, frêle silhouette drapée de blanc, elle le trouva plus imposant, plus menaçant que jamais. « Tu t’imagines que dire que tu es désolée c’est comme de prononcer une formule magique pour être exaucée. Alors, Wendy, je suis désolé, mais là j’en peux plus de tes mensonges. ». Sa voix lui apparut comme un grondement, ses mots la heurtèrent de plein fouet. Son cœur manqua un battement et ses doigts se tendirent sur les draps immaculés. Elle baissa les yeux, honteuse. Bien sûr que non… Qu’avait-elle cru en disant cela ? « Je… ». Elle voulait dire quelque chose, ne pas rester dans un tel abattement, mais que pouvait-elle bien lui dire ? La mort, c’est ce qu’elle avait recherché. Ça lui avait semblé la seule issue envisageable. Sauf qu’elle s’était plantée. Elle avait oublié beaucoup trop de choses en faisant cet acte effronté, elle n’avait pas pensé à l’impact que cela aurait sur Peter. Alors, oui, elle aurait aimé lui expliquer… lui expliquer à quel point sa vie était remplie de vide, qu’elle n’était plus qu’une silhouette floue dans sa propre existence, qu’elle était devenue personne, qu’elle ne pouvait plus supporter cette pression constante, qu’elle avait besoin de s’échapper, qu'elle avait peur qu'il ne parte, qu’elle n’avait jamais voulu lui infliger le moindre maux, qu’elle n’avait pas pensé aux conséquences pour les autres, que pour une fois, elle n’avait pensé qu’à elle… mais rien ne vint. Les mots restèrent coincés derrière la fine barrière de ses lèvres, détenteurs d’une pénible vérité, prisonniers d’un silence étouffant. Elle était vide, elle n’arrivait plus à vivre. Qu’y avait-il d’autre à ajouter ? Il avait raison. Un simple désolé murmuré dans un souffle n’effacerait pas ce fait.
« La bonne formule aurait été : ‘‘Je n’aurais pas dû faire ça’’. Pourquoi tu ne l’as pas dit ? Pourquoi… tu… ». Tu ne veux pas savoir, Peter, je te jure, tu n’en as pas envie. Elle baissa la tête, incapable de soutenir ses deux onyx sombres braqués sur elle, accusateurs et blessés, alors que son cœur s’émiettait un peu dans le calme effrayant qui suivit cette question inachevée. Pourquoi je l’ai trahi, pourquoi j’ai planté une lame dans mon poignet. Elle se mordit la langue pour ne pas se mettre à hurler, pour ne pas briser ce rythme continu de bip qui la mettait au supplice. Entendre sa vie quand on souhaite la mort, quelle ironie. Devant ses yeux vides, elle vit les deux poings de son colocataire se refermer, puis elle sentit le matelas s’affaisser alors qu’il posait un genou dessus. Elle n’osa toujours pas relever les yeux vers lui et elle sentit alors une de ses mains se poser sur son épaule. Sa chaleur lui apporta du réconfort, alors qu’il aurait dû l’effrayer, dans cette colère proche du désespoir. « Ecoute, Wendy ». Ce murmure lui fit relever doucement la tête et elle le vit alors débrancher tous les câbles qui la reliaient aux machines, il retira sa perfusion, puis finit par poser sa main sur la sienne, comme si il avait peur qu’elle ne lui échappe. Pourtant, elle n’avait pas envie de se libérer. Sa proximité soudaine lui apportait du baume au cœur, la chaleur de ses mains sur sa peau réchauffait son âme, il pouvait bien faire d’elle sa prisonnière à vie, elle serait une captive consentante. Le bip continu qui suivit ses gestes ne lui apporta rien, contrairement à ce qu’elle aurait pu penser. Pas de soulagement, ni de chagrin. C’était juste ce même bruit qu’elle entendait chaque jour dans cet hôpital, celui qui l’avait précipité dans ce lit blanc, et il ne l’effrayait même plus. C’était comme la première fois qu’elle avait vu Peter et qu’elle s’était enfuie par la fenêtre avec lui ; elle n’avait pas peur, elle se sentait même étrangement en paix.
Pourtant, Peter ne semblait pas satisfait. Il semblait sur le point d’exploser, son regard était brillant de fièvre, ombrageux, et avant même qu’elle ne put s’interroger sur la raison de son comportement, ses lèvres se retrouvèrent plaquées contre les siennes. Il glissa un bras dans son dos, l’attirant à lui, et son autre main se logea dans le creux de sa nuque, lui ordonnant silencieusement de relever le visage pour imprimer à ses lippes un baiser plein d’une fureur trop longtemps contenue. Wendy crut que son cœur allait cesser de battre, ou peut-être allait-il tout simplement s’extirper de sa poitrine pour tomber dans les mains de Peter, elle n’en savait rien. Mais le décor devint incertain, il ne resta plus que lui, bien vivant, contre ses lèvres entrouvertes, à lui insuffler de sa rage, de sa volonté de vivre. Elle sentit son sang se mettre à bouillir sous sa peau, son souffle devenir court. Ses yeux se fermèrent sur un voile trouble et elle n’entendit plus que le son de son cœur battre à ses oreilles, en une symphonie que plus jamais elle n’aurait cru aimer. Le bruit de la vie revenant en elle. Aussi violent, aussi ravageur, qu’un tsunami. Renversant tout sur son passage, remettant de trop nombreuses choses en question, la bouleversant au plus profond de son être. Elle avait la brûlante impression de n’avoir plus que du feu liquide dans ses veines. Une de ses paumes glissa dans son dos en une caresse, et aussitôt, son autre bras se leva et ses doigts se glissèrent dans les cheveux sombres de Peter, pour qu’il vienne à elle, encore. L’attirant toujours plus près, comme si elle voulait s’imprégner de sa personne, se gorger de sa chaleur jusqu’à n’en plus pouvoir, pour elle qui avait été glacée de l’intérieur de longues semaines jusqu’à cet instant.
Et soudain, le baiser se fit moins violent, plus doux, avec le parfum tendre de cette même passion finalement partagée dans un accord parfait. Ses mains se firent moins pressantes, et pourtant plus présentes, se refermant sur elle en une étreinte qui la fit se sentir étrangement bien. Ils finirent par se séparer, de peu, comme s’ils voulaient continuer à profiter de cette nouvelle proximité. Et elle sentit alors son souffle chaud, d’une douceur incomparable contre ses lèvres, alors qu’il murmurait : « Tu entends ? C’est le bruit que mon cœur a fait quand tu as arrêté de respirer. ». Le souffle court, elle sentit sa gorge se nouer, quand elle entendit la fêlure dans sa voix plus rauque qu’habituellement. Elle secoua doucement la tête, reprenant doucement ses esprits, alors qu’elle assimilait avec lenteur ce qui venait de se produire. Et puis, ses aveux… Elle sentit des larmes couler sur ses joues, tomber sur ses lèvres. Un petit goût salé, non plus amer, tout au bord.
Et elle se rendit alors compte de son effroyable erreur. De cette fatigue, cette lassitude constante, qui l’avait empêchée d’ouvrir les yeux sur une réalité bien présente : Peter ne l’aurait jamais abandonné, il tenait à elle. Et elle tenait à lui, bien plus qu’elle n’avait voulu le croire. Beaucoup trop. A ce constat, elle sentit sa tête lui tourner, des fourmis au bout des doigts et cette agitation dans son ventre. Elle aurait voulu jurer, ou hurler quelque chose. Mais, oh mon Dieu… elle… putain, elle se sentait juste vivante, elle se sentait bouillonner, animée…. C’était… Ce baiser n’aurait jamais dû avoir autant d’effet, et pourtant, évidemment qu’il en avait eu. Parce que c’était Peter. Elle releva doucement les yeux vers lui et s’humidifia les lèvres, alors qu’elle laissait glisser sa main sur sa joue, le bout de ses doigts picotant au contact de sa barbe naissante, avant de venir caler sa paume derrière sa nuque. « Peter, je… ». Elle cilla et ses lèvres tremblèrent, incertaine. « Tu n’aurais pas dû voir ça, parce que je n’aurais jamais dû le faire. ». Bon, ce n’était pas vraiment ce qu’elle voulait lui dire, mais… par quoi commencer ? « J’étais tellement fatiguée et… ». Elle inspira profondément, la voix enrouée de sanglots contenus. « Je ne sais pas, tout allait mal, et je… je croyais que tu finirais par partir, j’avais tellement peur, je ne voulais pas que tu restes juste par… par devoir, par obligation. ». D’autres larmes s’échappèrent, la trahissant, et elle détourna la tête pour s’échapper à son regard, se laissant retomber sur ses genoux dans le lit, s’éloignant douloureusement de lui. « Ce qui vient de se passer, ça ne veut sans doute pas dire grand-chose pour toi, mais… », commença-t-elle incertaine, ne sachant pas bien ce que ce baiser signifiait pour lui, si ça avait autant d’importance pour lui que ça en avait pour elle, mais elle finit tout de même par demander, la voix tremblante, les nerfs à vif : « Est-ce que ça veut dire que tu vas rester ? Que tu ne partiras jamais ? ». Elle se donnait l’impression d’être une enfant plongée dans le doute. Elle ne raisonnait plus, voulait juste des réponses. Et dormir. Parce qu’elle était terriblement fatiguée. Elle plongea finalement ses yeux dans les siens, les épaules secouées par des sanglots silencieux, alors qu’elle craquait, fondant en larmes, à bout de ce qu’elle pouvait tenir. « Je t’en prie, pardonne-moi et dis-moi oui, Peter… s’il te plaît… ».
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Sujet: Re: le désespoir est le suicide du cœur ▬ PETER. Dim 25 Aoû - 17:23
Celui qui ne s’est jamais réveillé au petit matin, tout seul dans un jardin public, ne peut pas comprendre ce que ressentit Peter auprès de Wendy pendant quelques minutes. Les raisons pour lesquelles tu t’es endormi au milieu d’une pelouse à trois heures du matin sont forcément mauvaises ; tu t’es couché là, blessé de rire, après avoir escaladé les grilles de l’entrée –ça tu le sais parce que t’as réussi à déchirer le dos de ton t-shirt. Les cinq petites minutes de quand tu ouvres les yeux, pourtant, tu ne les échangerais pas même pour deux Doliprane et la vie super enviable du petit chien de Paris Hilton. C’est avant que tu te rendes compte que tu as le dos en bouillie et que tes chaussures préférées sont foutues. Il y a quelque chose de merveilleux que ceux qui dorment trop longtemps n’ont jamais pu voir. Les gouttes de soleil qui se reflètent dans les rayons de rosée. Un millier de petits astres étincelants qui tombent du ciel et se posent sur l’herbe, et ce spectacle, c’est rien que pour toi, alors que tu n’as surtout pas le droit d’être là. Et cette sensation de calme parfait, cette certitude plus forte que l’univers que tu es ici chez toi, que tout ça c’est pour toi, c’est mieux que tout ce qui existe. Ok, après ça, le gardien te surprend assis comme un débile sous l’arrosage automatique et vous raccompagne à l’entrée tels des malpropres, toi et ton début de rhume carabiné. Mais, pendant cinq petites minutes, tu as eu l’impression que cet interdit était ta maison…
Il fut convaincu que cette nuit sans sommeil lui avait irrémédiablement bouffé le cerveau quand il se rendit compte qu’il comparait ce baiser avec une récente expérience au ‘Green Park’ de Spacegreen Cross. Ca va pas la tête ! C’était sans comparaison. C’était… Bon sang, Wendy avait du boire un bol de ciel tous les matins au petit déj’, pour avoir les yeux de cette couleur, cette saveur de lumière sur les lèvres. Il avait oublié qu’elle avait cela en elle. La vie. A voir les larmes qui perlaient sur l’aurore boréale de son visage, elle ne s’en souvenait pas non plus. Sa petite main toute douce vint effleurer sa joue, il voulut la retenir entre ses doigts, récupérer la jeune femme par la taille et recommencer à l’embrasser, parce qu’il en voulait encore, il voulait s’abreuver d’elle, mais elle lui échappa tranquillement et se rassit sur le lit. C’était dur de décrypter toutes les couleurs qui passaient sur ses traits. Elle paraissait bouleversée. Il décida qu’il n’y avait rien à dire et que, si elle voulait dissiper le silence soudainement mélancolique qui formait un nuage soyeux autour d’eux, elle pouvait parler la première. « Peter, je… » Il haussa un sourcil à l’entente de ce début de phrase encourageant, ayant retrouvé son sourire d’insouciance préféré tandis qu’elle, Wendy fragile, avait l’air d’un petit oiseau se retenant à une branche, pas sûre que ses ailes soient opérationnelles. « Tu n’aurais pas dû voir ça, parce que je n’aurais jamais dû le faire. » Ah ouais ? Bizarre, ce retournement de situation. Cette victoire morale paraissait un peu trop facile. Le jeune homme sentit quelque chose s’affaisser en lui. Reculer lentement, sur la pointe des pieds, redoutant la suite. « J’étais tellement fatiguée et… » C’était des larmes, dans sa voix. « Je ne sais pas, tout allait mal, et je.. je croyais que tu finirais par partir, j’avais tellement peur… » D’ici, il remarquait nettement la façon dont ses prunelles, légèrement grossies, rongeait de noir la couleur azurine de ses iris, pourtant si éclatante quelques instants plus tôt. Est-ce que, pour une demi-seconde de bonheur, Wendy devait se torturer un siècle avec des doutes ? « … tu ne partiras jamais ? » Quoi ?
Jamais. Ca résonnait comme un sarcasme. Des phrases qui n’étaient même pas à lui se hérissèrent dans son esprit, atavisme écœurant. Jamais. Terriblement. Long. Angoisse totale. « Je t’en prie, pardonne-moi et dis-moi oui, Peter… je t’en prie… » Emmuré vivant. Pourquoi voulait-elle des promesses, tout de suite, alors qu’il n’avait jamais rien promis de sa vie… qu’on ne lui avait jamais rien demandé de sa vie parce qu’il n’avait jamais été important pour personne ! Est-ce qu’il était important pour elle ? Ca veut dire quoi ‘‘important’’ ? Est-ce qu’on peut passer d’invisible à important en six mois ? En six secondes et un baiser ? A jamais ? « Wendy… » « Je peux savoir ce que vous faites ? » Peter bondit sur ses jambes comme quelqu’un qui viendrait de se brûler et se tourna vers l’infirmière qui venait de poser cette question d’un ton outré. Forcément, on ne peut pas s’amuser avec les bip bip sans que quelqu’un finisse pas s’en apercevoir. Peter garda pour lui des réflexions irrévérencieuses qui auraient consisté à faire remarquer que Wendy aurait eu le temps de mourir trois fois, s’il y avait eu réellement une urgence. Il avait eu sa dose d’ironie pour le moment. Il fut chassé de la chambre le temps que l’infirmière s’assure que mademoiselle Darling allait bien et qu’elle puisse brancher les câbles de nouveau. Peut-être que Wendy obtint de l’infirmière qu’elle n’appelle pas la sécurité, parce que Peter put chanceler dans les couloirs jusqu’à la machine à café sans autre entrave que son cœur qu’il trainait derrière lui tel un boulet de canon. Il en était à regarder couler son deuxième expresso –le premier ayant atterri directement par terre après collision avec un monsieur en déambulateur à contre-sens de circulation– quand cette question rhétorique digne des plus grands scénaristes de comédies romantiques le fit sursauter : « Qu’est-ce que tu fous, Peter ? ». Il avala d’un trait le contenu du gobelet de plastique comme s’il se fut agit d’un shot d’alcool, avant de retourner jusqu’à la chambre de Wendy au pas de course. Il trouva la jeune femme là où il l’avait lâchement abandonnée, un quart d’heure plus tôt. Il avança jusqu’à son lit, lentement, mais l’envie de fuir lui était passée. « Je ne peux pas répondre à cette question, Wendy, annonça-t-il de but en blanc. Je ne t’ai pas embrassée pour te faire une promesse. Je t’ai embrassée pour que tu te souviennes que ça en vaut la peine, pour que tu te rappelles que tu as un cœur… Pas pour que tu jettes ce cœur en pâture à l’un des deux seuls gars de la ville qui sont génétiquement programmés pour te faire du mal ! Tu… Wendy, je vais pas te promettre que je ne partirai jamais, parce que ça fait des semaines que j’attends que tu te rendes compte que tu as besoin que je m’en aille… tout en redoutant ce moment où tu me banniras de ta vie. » Il se souvint que ce n’est pas du tout ce genre d’aveu qu’il voulait lui faire au départ, et reprit donc la parole immédiatement : « Tu mérites mieux qu’un mec qui… est tellement irresponsable qu’il s’est même brûlé au troisième degré en buvant un simple café ! A ce propos, ça va bientôt être à ton tour de parler, j’ai l’impression que ma langue a doublé de volume, je risque d’avoir besoin d’une infirmière… Mais, ce que j’essaie… vraiment péniblement de te dire, c’est que je suis géographico-émotionnellement instable, et que je vais te briser le cœur. » Ayant fait tout son possible pour fixer le carrelage, il essaya de ne pas deviner l’expression du visage de Wendy à cet instant. Soufflant un bon coup, il lança quelques derniers mots d’un voix caverneuse pleine d’une désinvolture qui sonnait faux. « Et je peux te promettre que le plus triste dans cette histoire c’est que ça voudra dire que j’aurai gagné. »
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Sujet: Re: le désespoir est le suicide du cœur ▬ PETER. Mer 11 Sep - 17:09
Ce baiser avait été comme un second souffle, comme si noyée dans les tourments de son existence, elle avait soudainement reprit une longue bouffée d’oxygène. Elle avait le cœur ankylosé et le crâne douloureux, réceptacle de trop nombreuses pensées, mais durant quelques secondes, tout s’était effacé. Elle n’avait plus sentit que la vie qu’il lui insufflait doucement, ses lèvres pressées contre les siennes. Cela faisait longtemps qu’elle ne s’était pas sentie comme ça, trop longtemps peut-être. Néanmoins, la fatigue l’avait rattrapée. Elle s’était éloignée et soudain, sans attache, elle s’était effondrée. Ce qu’elle avait tant tenté de retenir en elle, ces dernières semaines, plongée dans un travail harassant et coupée de presque tous contacts humains, tout ça alors s’était échappé d’elle, s’écoulant en larmes et en suppliques, alors qu’elle sentait qu’elle s’écroulait de l’intérieur. Son geste n’avait rien arrangé, elle avait échoué, choisit la mauvaise solution et elle verrait à jamais son échec gravé dans sa chair.
Elle avait lancé son appel à l’aide à Peter, se donnant l’impression de vomir son chagrin, s’affaissant sur elle-même, le suppliant silencieusement pour qu’il la serre dans ses bras jusqu’à l’écraser pour qu’elle disparaisse. Oui, pour que toute faiblesse soit éradiquée de son corps, de son cœur et de son âme. Pour qu’il ne reste plus rien d’elle, excepté cette enfant qu’elle était jadis, cette petite Wendy qui pouvait être soulevée du sol à l’aide de simples pensées heureuses et qui avait le pouvoir de s’échapper par la fenêtre, laissant deux êtres chers derrière elle sans même avoir le moindre remords. Elle aurait aimé être égoïste, à nouveau, ne plus penser qu’à elle. Être sans cœur et ne plus jamais se soucier de rien, ne plus jamais se retrouver dans cet état, aussi misérable et faible. « Wendy… ». Ce ne fut qu’un souffle de sa part, qu’un maigre soupir, qui parut pourtant lui apporter toutes les réponses souhaitées. Un murmure qui la brisa un peu plus et elle ne put même pas relever le visage vers lui. Elle avait compris, elle savait ce qui allait suivre, ce qui allait inévitablement arriver. « Je peux savoir ce que vous faites ? ». Elle reconnut la voix d’une de ses collègues et sentit Peter s’éloigner. Puis, ce fut au tour de l’infirmière de s’avancer vers elle, vérifiant alors dans un silence tendu tous les appareils. Wendy ne fit aucun mouvement, se laissant faire, repliée sur ses genoux, la tête baissée, les yeux écarquillés et le souffle court, à bout de larmes. Diagnostiquée en état de choc. Ou en état de vie. Peu importe, pour ce que ça changeait. Les deux lui semblaient tout aussi difficiles à aborder.
« Wendy, je… Pourquoi tu es là ? ». La question finit par tomber, implacable. Elle, la si brillante et dévouée infirmière qui passait presque sa vie à l’hôpital, se trimbalant de chambre en chambre pour s’occuper de patients divers, la blonde au sourire rare, celle qu’on enviait de par son parcours professionnel. Comment avait-elle pu en arriver à ce point ? Aussi brisée et désarticulée qu’une poupée de brocantes. « Est-ce que ça va ? Est-ce que ce je dois prévenir quelqu’un pour ce qui vient de se passer ? ». La jeune fille redressa doucement la tête, comme si ses muscles étaient rouillés, que son cou allait craquer au moindre geste brusque et elle braqua un regard douloureux, hanté, sur la petit brune qui soulevait avec des gestes empressés son bras pour lui planter une nouvelle perfusion. Elle secoua la tête, négative, mais demeura silencieuse, la dévisageant muette. Son regard dut finir par la mettre mal à l’aise, car elle se retira finalement de la chambre, lui jetant une dernière œillade compatissante.
Le silence de cette chambre blanche lui vrilla le crâne. Il n’y avait que ce bip, encore et toujours. Et les tintements métalliques, les cliquetis des lits qu’on faisait passer devant sa porte close, l’agitation fébrile de tout un monde derrière ce battant à la peinture écaillée. Elle aurait aimé se lever pour aller l’ouvrir, faire son apparition dans le couloir comme une grande héroïne, déjà rétablie, prête à reprendre son poste, à sauver des vies à défaut de sauver la sienne, mais elle ne pouvait plus bouger. Elle était figée, recroquevillée sur elle-même, alors que ses pensées défilaient presque sous ses yeux. Elle n’avait même pas le courage de regarder dans les yeux ses actes, elle ne pouvait pas jeter un coup d’œil au bandage qui recouvrait son méfait sans avoir l’horrible impression d’avoir tout manqué dans son existence. Que ce soit sa vie ou sa mort.
Ce qui n’était que de minces secondes lui apparurent soudain comme des heures. Elle semblait figée dans le temps, glacée de l’intérieur, alors qu’elle sentait des frissons courir sur sa peau. Et puis, il revint dans sa chambre, comme s’il n’était jamais vraiment parti, s’avançant vers elle à pas lents, et elle voulut lui hurler de partir, parce qu’elle ne voulait pas entendre ce qu’il avait à lui dire, mais elle ne pouvait plus reculer. « Je ne peux pas répondre à cette question, Wendy. Je ne t’ai pas embrassée pour te faire une promesse. Je t’ai embrassée pour que tu te souviennes que ça en vaut la peine, pour que tu te rappelles que tu as un cœur… ». Elle ne voulait pas relever les yeux vers lui, elle se contentait de fixer un point invisible, droit devant elle. Elle savait tout ça, elle l’avait deviné. Tout comme elle savait qu’elle lui en demandait beaucoup, mais elle n’était pas en mesure d’avoir les idées claires. En se réveillant, elle avait eu besoin qu’il reste à ses côtés, elle avait eu besoin d’être rassurée, de se sentir protégée, de savoir qu’il serait toujours là comme il l’avait été, ces dernières semaines. Pourtant, Peter n’était pas un de ces oiseaux rares qui pouvaient vivre en cage, lui, avait besoin de sa liberté, de son indépendance. Ça lui était vital. Le tenir captif auprès d’elle serait la chose la plus égoïste qu’elle pourrait lui faire. Et pourtant, ça n’en restait pas moins douloureux. « Pas pour que tu jettes ce cœur en pâture à l’un des deux seuls gars de la ville qui sont génétiquement programmés pour te faire du mal ! Tu… Wendy, je vais pas te promettre que je ne partirai jamais, parce que ça fait des semaines que j’attends que tu te rendes compte que tu as besoin que je m’en aille… tout en redoutant ce moment où tu me banniras de ta vie. ». Son cœur manqua un battement et elle se mordit les lèvres, l’évocation de Peter Pan et le souvenir qu’il amenait à elle, la blessant toujours avec autant de mordant. Les deux seuls pouvant la blesser… bien entendu… il était son ombre, après tout. Elle sentit sa carapace se fissurer doucement et elle serra les poings sur les draps en posant sa tête sur ses genoux, se refusant à avoir aussi mal encore une fois. C’était injuste. Peu importe ce qu’il pouvait lui dire, ses paroles avaient un goût amer d’abandon, comme si son cœur lui soufflait à l’oreille un « adieu » cruel. Elle ne voulait plus rien entendre et il reprit pourtant : « Tu mérites mieux qu’un mec qui… est tellement irresponsable qu’il s’est même brûlé au troisième degré en buvant un simple café ! A ce propos, ça va bientôt être à ton tour de parler, j’ai l’impression que ma langue a doublé de volume, je risque d’avoir besoin d’une infirmière… Mais, ce que j’essaie… vraiment péniblement de te dire, c’est que je suis géographico-émotionnellement instable, et que je vais te briser le cœur. ». Elle aurait aimé rire, c’était typiquement du Peter de placer ce genre de blagues douteuses aux moments les moins propices, c’est une des choses qui la charmait d’ailleurs, mais pas là. Pas alors que la colère montait doucement s’installer au creux de son cœur. Il était là, devant elle, en train de lui dicter quoi faire de sa vie, mais… si elle ne pouvait plus avoir les avantages d’être une enfant, elle n’en aurait plus les inconvénients. Elle ne le laisserait pas faire ainsi, malgré les menaces sous-entendues de sa dernière phrase, elle ne reculerait pas. « Et je peux te promettre que le plus triste dans cette histoire c’est que ça voudra dire que j’aurai gagné. ».
Toujours en regardant fixement devant elle, elle sentit son corps s’animer, bouillir d’émotions fortes et violentes, voire contradictoires, et elle se mit alors à murmurer rapidement: « Tu dis que tu es instable. D’accord, mais pour le moment, c’est moi qui suis dans un lit d’hôpital avec le poignet ouvert et couturé, pas toi, alors je ne peux que constater que tu t’en sors bien mieux que moi. ». Sous-jacente, une colère grandissante, barrée d’une blessure à vif que Peter venait d’ouvrir, sans même s’en rendre compte. Elle reprit son souffle et releva un regard perçant vers lui, ayant la soudaine envie de ne plus rester aussi minable. Elle étira lentement les jambes devant soi, puis les fit basculer dans le vide, avant de poser les pieds au sol. « Ce n’est pas à toi de choisir pour moi, tout comme ce n’est pas moi qui choisit qui aimer. Ça me tombe dessus et j’en ai vraiment plus qu’assez qu’on me dise quoi faire, parce que je n’ai aucun contrôle sur mes sentiments. ». Assise, paraissant minuscule dans sa chemise d’hôpital blanche, le regard ancré dans le sien, Wendy n’avait jamais fait preuve d’une franchise aussi brutale. Mais elle n’avait plus de temps à perdre, elle avait déjà gâché deux vies, elle n’avait plus envie de s’embarrasser de ce genre de commodité, plus maintenant. Sa voix était toujours enrouée de sanglots et ses yeux rougis de larmes, mais Peter l’avait vu dans des états bien pires, alors quelle importance, à présent.
Et puis, alors, ce qu’elle avait oublié dans sa précipitation de répondre lui revint en tête. Et je peux te promettre que le plus triste dans cette histoire c’est que ça voudra dire que j’aurai gagné. Alors même qu’elle se sentait forte la seconde d’avant, un horrible doute l’envahit. Ses lèvres tremblèrent et elle fronça les sourcils, la pièce lui paraissant bien silencieuse brusquement. Et elle se revit enfant, coudre cette ombre capricieuse et agile à son propriétaire, sans penser que cela pourrait l’affecter. Cruelle innocence. Elle cilla plusieurs fois et sentit ses épaules trembler. Ayant baissé la tête, elle la releva pour accuser Peter du regard, soufflant stupéfaite. « Tu voulais me faire du mal, tu voulais te venger de moi… ». Elle avait la gorge serrée et le regard brillant.
Puisant dans ses dernières forces, elle se releva lentement du lit, les jambes tremblantes. Mais elle aurait préféré tomber plutôt que s’aider en s’appuyant sur lui. Elle se retrouva bientôt debout face à lui, proche, beaucoup trop proche, et lui la dépassant avec son imposante silhouette. Pourtant, elle n’avait plus peur de sa colère, elle ne craignait plus de paraître inexistante dans son ombre. Elle était bien trop aveuglée par sa blessure pour se soucier de ces faits. « Dès que tu m’as reconnue dans cette salle d’hôpital, tu m’as utilisée… ». C’était une affirmation, un souffle blessé mais rageur. Et cette proximité soudaine lui parut intolérable. Elle s’écarta de lui, vivement, le bousculant. Sa perfusion s’arracha et elle eut une grimace de douleur, alors qu’elle posait ses doigts sur son poignet. Elle tremblait de tout son corps, mais elle ne s’effondrerait plus devant lui. « Pourtant, je suis persuadée que tu ne serais plus le gagnant dans cette histoire aujourd’hui, pas vrai, Peter ? ». Sa voix tremblait aussi. Mais elle était forte et convaincue de ce qu’elle affirmait. Aujourd’hui, c’était elle qui apprenait sa trahison, c’était elle qui gagnait. Parce que s’il avait vraiment voulu remporter ce tour en se vengeant de cette façon, il ne lui aurait rien dit. Il lui aurait pris le cœur sans scrupule pour mieux l’écraser entre ses doigts. Ça aurait la solution la plus efficace et douloureuse de toutes, la vengeance la plus délicieuse à ses yeux. Mais il n'y aurait plus de vengeance, ce désir, il semblait visiblement l'avoir égaré. Elle eut un petit rire sans joie et lui dit alors brusquement : « Si tu voulais gagner, pourquoi ne pas m’avoir laissée mourir ? Tu as déjà perdu, Peter. ».
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Sujet: Re: le désespoir est le suicide du cœur ▬ PETER. Jeu 19 Sep - 23:49
Elle savait déjà tout, elle comprenait sans mot, jugeait sans sentence. Elle avait l’omniscience résolue d’une divinité immuable, mais le visage affamé de lui-même, le corps qui mendiait un équilibre instable. La vérité, s’il avait fallu qu’il la prononce tout simplement, c’était qu’elle le terrorisait. Il lui en voulait mortellement de donner l’impression qu’il faudrait toujours la rattraper, toujours la retenir, l’empêcher ou la contraindre, éclairer le chemin devant ses pas incertains. Il n’était officiellement pas à la hauteur. Lui, le fugitif perpétuel ! Demande-t-on à un flocon de ne pas fondre devant une flamme, à un train de rouler en-dehors de ses rails, à une ombre d’arrêter de broyer du noir ? Les yeux hâves et enfiévrés de la jeune femme se posaient sur lui comme jamais il n’avait été regardé par quiconque. Wendy le voyait, le considérait, l’observait. Et de ces regards appuyés elle avait un jour déduit il ignorait comment qu’elle pouvait compter sur lui. Retenu par la barre peinte en blanc, au pied du lit de mademoiselle Darling, il mena la plus piètre des défenses. Tout lui dire, ou plutôt, tout balancer bêtement, maladroitement, comme un gamin qui se confesse auprès de l’autorité suprême, ça lui parut la seule chose à faire. Il chercha véritablement, désespérément à ce qu’elle lui crie après. Dans la confusion de son esprit, il espérait stupidement qu’elle passerait ses nerfs sur lui, qu’elle l’accuserait, mais qu’après, une fois la colère épuisée, qu’elle le consolerait. Peut-être qu’elle le traiterait d’imbécile égoïste mais qu’ensuite elle le laisserait demander pardon. Peut-être serait-elle déçue, et comprendrait enfin qu’il n’y a rien à attendre de lui. Peut-être qu’elle accepterait qu’il soit juste une coquille vide, sans promesse ni personnalité, peut-être que, percevant enfin son état d’abruti complet, elle ne lui en voudrait pas trop. Il resta planté devant elle, les bras ballants, le temps de débiter son petit discours désordonné, le regard en sourdine. Mais Wendy, toujours sans mot, se mit à gesticuler sans mouvement, la tension qui l’habitait était tellement palpable qu’elle semblait faire du vent entre eux. Enfin, elle se laissa glisser au bas de son lit, finissant par déclarer que pour l’instant « il s’en sort bien mieux qu’elle », comme elle aurait ordonné : Tais-toi, c’est mon tour. Ce quelque chose de méconnaissable et de très beau qu’il y avait subitement dans ses intonations le fit tressaillir. Il leva les yeux vers elle sans trouver la force de l’observer, la voir simplement consistait presque en un effort musculaire. « Ce n’est pas à toi de choisir pour moi, tout comme ce n’est pas moi qui choisit qui aimer. » Dans le ralenti de son cerveau, les mots se perdirent feuille à feuille, la lassitude le vida de lui-même et il en vint à se sentir comme un poisson sur un marché. Rien dans le ventre. C’était réellement de la colère, que témoignait Wendy. C’était ce qu’il cherchait depuis le début, pensant que ce serait bénéfique à la jeune femme. C’était le but du baiser, des mensonges dévoilés, le but de tout, l’aboutissement. Pourquoi alors cet état soudain de jemenfoutisme aigu, cet arrière-goût d’àquoibon ? Les derniers mots de Wendy s’entretuèrent au fond du silence de Peter. Il remarqua à ce moment ses beaux yeux livides s’écarquiller. Un frisson au coin de ses lèvres attira son attention. La colère de la jeune femme s’écailla contre le mutisme rugueux de son interlocuteur et l’espace d’une minute, tous deux se firent face, repliés en leur for intérieur. « Tu voulais me faire du mal, tu voulais te venger de moi… » Brisa-t-elle d’une voix enneigée de sanglots. Il la regarda. « Oui. » Il répondit sérieusement, d’une voix grave sans déguisement, mais presque douce, étrangement. Wendy s’éparpilla jusqu’à lui, se forçant à ne pas trébucher. Elle s’approcha jusqu’à venir planter son regard picoré de larmes sous ses yeux, l’obligeant à la contempler. « Dès que tu m’as reconnue dans cet hôpital, tu m’as utilisée… » Cela se passait de protestation. Hypnotisé, il hocha la tête. L’attitude en points de suspension de la jeune femme s’éternisa une demi-seconde avant qu’elle se détourne de lui, dégoûtée, frôlant le point final. Elle vacillait de rage, ayant arraché par mégarde la perfusion et tentant de réprimer une grimace de douleur. Elle devait attendre qu’il réagisse, peut-être même qu’il ait l’affront de se justifier, mais il ne se débattrait pas au milieu de la débâcle hideuse qu’il avait lui-même créée. Wendy avait tout deviné. Et là encore, elle devinait qu’il s’était volontairement tiré une balle dans le pied par ces aveux à demi-mots. Il l’avait très précisément perçu, ce moment où il tenait sa vengeance. Cet instant fugace où elle avait demandé « promets-moi », et où il aurait du répondre « pour toute la vie », froidement, cruellement. Elle aurait été à lui et il l’aurait souhaitée ensanglantée entre ses doigts. Il aurait brisé Wendy Darling en même temps que sa promesse. Il aurait gagné. « Tu as déjà perdu, Peter. »
Elle se tenait à distance, effarouchée et sans force. Une conviction venait de lui tomber dessus comme une chape de plomb. Il n’avait pas perdu ; il risquait de la perdre, elle. Il s’ébroua intérieurement. Elle l’avait tenu jusqu’à maintenant sous son emprise de fascination contrite, mais il revenait à lui après une trop longue hibernation de sa volonté. Pour la première fois de sa vie, il ne chercha pas son courage dans un simulacre d’assurance boursoufflée de cynisme arrogant. Il le trouva dans la certitude toute nouvelle et encore duveteuse qu’il savait ce qu’il voulait. « Il faudra que tu m’expliques, souffla-t-il lentement, pourquoi tout à coup ça n’a plus la moindre importance. Je ne me sens pas du tout comme si j’avais perdu quoique ce soit… » Il s’exprimait presque à reculons, les mots lui coûtaient des efforts, mais ils étaient teintés d’une vérité nouvelle, qu’il découvrait en même temps qu’il parlait. Ses anciennes croyances, tout ce qui avait paru le faire avancer, ses rêves de vengeance, tout s’écroulait maintenant. Il était choqué de s’apercevoir que ça lui était complètement égal. Après la stupeur, un autre sentiment l’envahit doucement, réveilla son corps engourdi. De la joie. C’était bouffon et bizarre et navrant. Mais c’était de la joie.
A bout de souffle, il rejoignit Wendy en trois enjambées souples mais en zigzag, il avait l’air d’un myope dans la nuit, seulement au bout il y avait une lueur. La jeune femme était tournée de trois-quarts, le haïssant peut-être graduellement. Il la saisit entre ses bras et la serra fort. Elle allait sans doute vouloir se débattre, lui cracher au visage, mais il lui était apparu que c’était la chose à faire. Il la tenait dos à lui, ses bras entourant ses épaules, ses mains trouvant bientôt les siennes pour replier doucement ses bras contre elle. Il y mit un peu de force pour prévenir une éventuelle tentative d’évitement, mais très vite il ne fit plus que la bercer, angoissé à l’idée de lui avoir fait peur, plus encore qu’à celle de l’avoir perdue. Quand il voulut parler, il sentit une boule dans sa gorge et fut contraint de chuchoter à son oreille. « Wendy, j’arrive un siècle trop tard, je ne suis pas assez bien pour espérer que tu me pardonnes un jour, ni que tu me feras confiance avant longtemps, mais ce que je peux te promettre, c’est qu’il ne t’a pas fallu une heure pour me faire t’aimer et renoncer à tout, et qu’après ça les seuls mensonges que j’ai formulés étaient contre moi-même, pour me faire croire que j’essayais toujours de me venger, alors que j’avais jeté les armes à tes pieds. Pour ce que ça vaut, je suis désolé d’être un abruti et un froussard, de disparaître et de revenir. Mais, Wendy, ce baiser… le vrai mensonge, ce serait de le démentir. »
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Sujet: Re: le désespoir est le suicide du cœur ▬ PETER. Mar 22 Oct - 21:01
La trahison emmenait en son sein une vive douleur qu'elle ne parvenait pas à effacer, malgré les phrases qu'elle lançait au détour de la conversation. Restait sur son palais un aigre goût de confiance trahie qu'elle ne pouvait simplement pas faire disparaître. Il avait confirmé, un simple « oui » qui lui avait donné envie de s'ensevelir sous terre et de ne jamais ressortir de dessous toutes ces couvertures de boue, qui lui aurait bien mieux convenu que cette ville de béton qui semblait abriter la sournoiserie elle-même. Des faux-semblants, tout ça n'avait été qu'une histoire de plus, que de la poudre aux yeux, une supercherie digne des plus grands. Elle aurait peut-être dû le féliciter, en tant que metteur en scène, il avait fait un boulot splendide, mais elle craignait que rien ne sorte d'entre ses lèvres alourdies de non-dits. Elle avait l'impression qu'une main de géant avait noué des doigts puissants à sa gorge pâle pour l'étrangler. Elle s'étouffait, suffoquait, dans son effroyable clairvoyance et peinait à reprendre contenance, alors que sa voix résonnait encore dans son crâne. « Oui ». Elle aurait préféré qu'il se mette à nier, à se défendre bec et ongles, qu'il lui jure que ce n'était pas ça, qu'il lui souffle d'autres promesses creuses, jusqu'à tomber dans son piège et y croire, juste pour avoir un peu de répit, ne plus ressentir cette amertume qui faisait alors depuis trembler tout son corps. Ce ressentiment qui l'ébranlait jusqu'au plus profond d'elle-même, qui lui pressait le cœur jusqu'à ce qu'elle soit anesthésiée par la douleur. Cette sensation de déjà-vu, encore une personne à qui elle avait donné sa confiance un peu trop rapidement. Des espoirs, juste là, au bout de ses doigts, qu'elle avait pensé saisir au vol, avant qu'ils ne s'échappent dans l'atmosphère pesante de vérité. Elle avait envie de pleurer. Ou de hurler. Ou bien même de le frapper. De faire quelque chose dont il se souviendrait, de se secouer jusqu'à s'effondrer, parce qu'elle ne pouvait pas rester sur ce sarcasme froid qui venait de lui glacer les lèvres, parce que ça ne pouvait pas juste s'arrêter comme ça...
« Il faudra que tu m'expliques, pourquoi tout à coup, ça n'a plus la moindre importance. Je ne me sens pas du tout comme si j'avais perdu quoique ce soit... ». Un murmure rauque, qui lui fit relever ses yeux assombris vers la haute silhouette de Peter. Et son regard flou trouva le sien à travers le brouillard de ses larmes furieuses. Elle aurait aimé lui crier au visage que c'était le cas, qu'il l'avait perdue elle. Pourtant, ses lèvres demeurèrent closes, bien serrées l'une contre l'autre, comme en une mince cicatrice barrant ce vieux sourire qu'elle avait trop usé. Si elle avait su, elle y aurait fait bien plus attention, elle ne l'aurait offert qu'à certains privilégiés, privant les autres de sa présence pour les punir de leurs futurs méfaits. Mais, elle n'était pas comme ça, elle répondait toujours aux rires et Peter l'avait fait flancher, profitant de son innocente inconscience pour s'inviter dans sa vie et jouer les troubles-fêtes. Et maintenant, lui signifiait-il qu'il regrettait ? Elle voulait savoir, elle voulait qu'il lui apporte sa version des faits, qu'il lui raconte une histoire, une dernière fois, mais pas n'importe laquelle. La sienne.
Elle détourna le regard, resta muette et figée. Ce qui le poussa probablement à avancer vers elle. D'un pas empressé, comme s'il n'y avait plus de temps à gâcher. Elle n'eut pas le temps de s'éloigner, ni même le temps d'y songer. Il glissa ses bras autour d'elle, cerclant ses épaules tremblantes, saisissant ses mains entre les siennes avec une âpre douceur qui lui écorcha le cœur. Son dos contre son torse, son souffle chaud au creux de son oreille, alors que la colère et la douleur se côtoyaient dans les larmes glissant sur ses joues blanches. Elle voulut s'avancer brusquement, pour s'échapper de cette étreinte dangereuse, mais son emprise sur elle bien plus que sa prise physique l'en empêcha. Elle ne lutta qu'un maigre instant, avant de se laisser tromper par la chaleur de son corps et de s'adoucir. Elle ne pensa pas que, peut-être, il prenait finalement sa revanche. Cet éclat de mouvements brusques dissimulait mal un besoin de la voir rester, qu'elle ne s'envole pas pour toujours hors de sa portée. Quoi qu'il puisse lui dire, ce ne serait pas pour cette vengeance oubliée. Elle n'aurait su dire ce qui l'en persuadait à ce point, mais les faits étaient là. C'était effrayant de voir à quel point elle continuait de croire le connaître aussi bien qu'il la connaissait, de constater qu'un brin de confiance persistait, alors qu'elle aurait désiré tout balayer d'un large revers de main. Il faut croire que certaines choses sont plus difficiles à oublier que d'autres.
Parfois, malgré les efforts harassants que nous fournissons pour effacer de son âme l'empreinte d'une personne qui nous est chère, on ne peut tout simplement pas y parvenir. Il a déjà prit racine dans notre esprit et dans notre cœur, sans même que nous nous en apercevions. Et alors, c'est déjà trop tard, il n'y a plus rien faire, la lutte reste vaine et l'inévitable souffrance présente.
« Wendy, j’arrive un siècle trop tard, je ne suis pas assez bien pour espérer que tu me pardonnes un jour, ni que tu me feras confiance avant longtemps, mais ce que je peux te promettre, c’est qu’il ne t’a pas fallu une heure pour me faire t’aimer et renoncer à tout, et qu’après ça les seuls mensonges que j’ai formulés étaient contre moi-même, pour me faire croire que j’essayais toujours de me venger, alors que j’avais jeté les armes à tes pieds. Pour ce que ça vaut, je suis désolé d’être un abruti et un froussard, de disparaître et de revenir. Mais, Wendy, ce baiser… le vrai mensonge, ce serait de le démentir. ». C'était lui, lui et ses phrases délicieuses, lui et cette espérance qu'il faisait naître parmi le chaos de ses émotions, lui et cette demande muette d'absolution, qui lui faisait perdre la tête. Elle en avait le souffle coupé et elle se sentait faible dans son étreinte souple. Elle sentit ses genoux ployer sous elle, mais ses mains accrochées aux siennes l'empêchèrent de s'écrouler sur le carrelage stérile de cette chambre d'hôpital. Elle baissa la tête, des mèches blondes s'accrochèrent à ses joues humides de confusion, alors que ses yeux brillaient toujours de ce même feu. Elle aurait voulu le brûler en le transperçant de son regard, lui faire comprendre ce qu'elle ressentait, mais cette même lassitude qui lui avait tenu compagnie, ces dernières semaines, l'en empêchait. À quand la fin des drames ? À quand le bonheur ? Peux-tu me le dire, Peter ?
« Qu'espères-tu de moi ? ». Ce n'était qu'une question insensée jetée dans l'air plombé de vérité. « Et pourquoi maintenant ? Tu me dis tous ces mots que j'aurais tellement aimé entendre, quelques minutes plus tôt, alors que tu étais en train de vomir des excuses creuses sur... pourquoi ce brusque changement ? ». Les mots sortaient d'eux-même, porteurs de questions qu'elle ne parvenait pas à résoudre. Elle n'avait plus les idées assez claires. De la colère, parce qu'il s'était mis à contester ce baiser, puis une plaie à vif palpitant au creux de son cœur, quand il lui avait dit ses véritables intentions, et maintenant... du soulagement, piqué de doutes et d'une lassitude profonde. Elle ne comprenait pas exactement où il voulait en venir. Et était-elle au moins prête à le suivre, maintenant qu'il venait de tout lui avouer ?
Elle inspira une longue bouffée d'air marqué par le parfum de la mort, qui avait un étrange arrière-goût de médicaments, en ce jour pénible. Puis, elle s'avança, se défaisant de son emprise, mais avant qu'il ne puisse lui échapper, elle mêla ses doigts aux siens, restant néanmoins de dos. « Est-ce que tu sais ce que c'est ? De vivre dans la peur de voir celui auquel on tient plus que tout partir, pour ne plus revenir, est-ce que tu sais ? ». Elle, elle savait. Elle avait vécu cette histoire, encore et encore. Et c'était une douleur insoutenable, c'était une remise en question à chaque fois, des doutes, de longues heures infernales où elle s'était demandé si elle était vraiment si pénible pour que le schéma se reproduise encore. « J'aimerais tellement croire en toi, mais tu finiras par faire comme tous les autres. Le soir de notre rencontre, tu es revenu. Pourtant, un jour, tu ne le feras plus. ». Elle laissa lui échapper ses doigts, après les avoir serrés avec force une dernière fois, et ramena ses bras contre elle. « Tu m'as utilisée, je ne peux pas vraiment avoir confiance... je suis vraiment une parfaite idiote de continuer à être pétrifiée à l'idée que tu ne m'abandonnes. ». Elle eut un de ces rires qui ne donnait pas même le sourire, qui paraissait faux et plein d'amertume. Puis, elle essuya ses larmes d'un geste fébrile, avant de se retourner. Ses joues brûlaient, tout comme le regard enfiévré qu'elle posa sur lui, le détaillant comme pour garder un souvenir de lui. Son regard grave, ses lèvres qui lui avaient insufflé ce second souffle qu'elle chérirait jusqu'à la fin, ses cheveux d'un brun sombres, probablement ébouriffés par le nom d'heures passées en salle d'attente. Peter avait un charme indéniable.
Et alors, refusant de s'attarder, dans un murmure enroué de sanglots fragiles, elle lui avoua : « Merci pour ce baiser, c'est la meilleure chose qui me soit arrivée depuis bien longtemps, mais maintenant, c'est à moi de fuir. ».
Elle détourna les yeux, rapidement, avant de céder. Et avec l'idée folle que plus jamais personne ne pourrait la blesser, elle se dirigea vers la porte. Elle l'ouvrit et se faufila dans le couloir agité, programmant une fuite désespérée. La porte se referma dans son dos, alors que sa respiration devenait laborieuse. Se mêlant aux autres, elle s'avança néanmoins à la recherche d'un peu de repos dans cette vie tumultueuse, sans cesser de respirer difficilement, déterminée dans sa faiblesse. La main encore chaude de son contact contre sa poitrine, à l'emplacement de son cœur bruyant, comme pour essayer d'enrayer le cri violent de sa douleur.
C'est effrayant de voir à quel point l'espoir d'être rattrapée ne meurt jamais vraiment en soi, même si notre esprit nous hurle qu'il vaut mieux avancer sans se retourner.
Dieu, qu'il est dur d'aimer.
Spoiler:
Tout ce temps pour cette réponse... désolée, ne me jette pas de pierres.
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Monsieur Pixie Dust
J'ai posé bagages ici le : 27/02/2012 Jouant le rôle de : maître suprême Nombre de messages : 536 On me connait sous le pseudo : l'homme sans visage. Un merci à : tous les généreux donneurs d'organes Je suis fier(e) de porter l'avatar de : tous les enfants qui me suivent dans ma caravane sans poser de questions.
Sujet: Re: le désespoir est le suicide du cœur ▬ PETER. Mer 15 Jan - 18:03
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Sujet: Re: le désespoir est le suicide du cœur ▬ PETER.