✿ « A, B, C, D » ✿
Voilà comment tout commença. Enfin, ma vie n'a pas commencé avec une tenue de petite servante et un aspirateur dans la main, tout en faisant un booty. Bon, peut-être pour le booty mais je peux rien vous affirmer. Je suis né des réactions chimiques de Gru, mon « papa », comme le reste de mes frères. Ma date de naissance? Je n'en sais rien: Gru n'a pas pris la peine de noter toutes nos dates de naissances. Mais j'aime me dire que je suis né en juillet, quand il fait beau et chaud. Bref. Gru passait de missions en missions. Vu que je n'étais pas très fort avec les instruments et les papiers, le ménage me revenait. Triste non? On s'y fait. Et puis au fond c'était pas trop mal. Je pouvais enfin chanter en paix sans que mes frères me disent de me la fermer parce qu'ils en peuvent plus de m'entendre. Ils restaient loin de moi pendant mes heures de ménage, ils pensaient que j'allais leur filer ma place. Le seul bémol était l'aspirot comme j'aime l'appeler: il faisait beauuuucoup trop de bruit à mon goût. Mais bon.
Alors que je rangeais la cuisine où un de mes frangins se faisait à manger, la sonnette de la maison retentit. On se regardait. Personne, personne n'a jamais sonné chez nous. Etant donné que Gru était au sous-sol et qu'on entendait rien de là-bas, j'appelai un mes frères qui s'occupait de l'administration. «
Abadabo. Mi mi, ligamagouto. Bie! » En gros: «
Sonnette. Oui oui, aller vite! Bye. » Il ne me croyait pas, mais a promis de dire à Gru. La sonnette continuait et l'envie d'ouvrir m'envahissait de plus en plus. Mais je m'abstins en nettoyant le par-terre, sale. Papou monta enfin: «
C'est quoi ce boucan? » Mon frère, la bouche pleine d'un sandwich me pointa du doigt. «
Ma? Abadabo, milika! »
Moi? Sonnette, la porte! Gru hocha la tête en signe d'exaspération mais se dirigea quand même vers la porte. Un minion à ses pieds, Papou ouvrit la porte: il n'y avait rien à sa hauteur. Pourtant nous, petits que nous sommes, nous les avons vues. Oui elles ! Des filles, trois petites filles. Il y avait la grande: elle portait des lunettes et une jupe; la benjamine: blonde, un bonnet rose sur la tête; la cadette: une petite boule avec des cheveux noirs en ananas. Elles avaient l'air adorables.
Elles expliquèrent leur histoire à Gru. Après être restées à la maison pendant quelques semaines, ou des mois, je suis pas très bon à m'orienter dans le temps, Papou a finit par les adopter. J'avais raison. Elles
étaient adorables, à craquer, carrément mignonnes. Plus mignonnes que moi, même. Le soir j'allais leur chanter des chanson quand Gru était trop occupé avec ses plans maléfiques. Un de mes frères, Stuart, Phil et moi avions joué à enrouler du papier toilette autour de nous-mêmes avec les filles. Agnès était par terre, se tenant le ventre tellement elle rigolait; Edith s'amusait à enrouler Phil dans le papier et même Margo trouvait ça drôle. Au final, Gru était venu prendre les petites pour les mettre au lit. Rabat-joie.
✿ « E, F, G,H » ✿
Et voilà. L'anniversaire d'Agnes. Comme d'habitude, Gru n'avait trouvé personne pour jouer la bonne fée. Il était alors habillé en petite robe rose, une perruque blonde sur les cheveux. S'est moi qui l'ait habillé. Marcel, le chien qui avait l'air d'un chien tout autant que moi j'avais l'air d'une fleur, était déguisé en dragon. Le temps fou que ça m'a mit pour lui mettre cette foutue queue de lézard. La cadette des trois soeurs était évidemment la princesse que nous, les chevaliers mignons (le jeu de mots hein), devions sauver du dragon. En somme, ça c'était très bien passé. La petite a bien sur compris que la fée n'était qu'autre que Gru, mais elle a tellement aimé sa fête qu'elle ne lui en voulait pas, elle avait l'air ravie même.
Une fois l'anniversaire terminé, il nouvelle petite dame, rousse il me semble, fit son apparition alors que je faisais du jardinage. Sans comprendre ce qui se passait, elle mit Papou dans le coffre de sa voiture et Phil et Dave montèrent avec elle pour essayer de secourir notre Gru. La voiture démarra avant que je puisse appeler à l'aide. Papou était absent pendant une dizaine d'heures, et c'était moi qui devait m'occuper des petites. Stuart m'avait accompagné pour la chanson de dodo. Notre chef chéri retourna enfin à la maison, et nous confia sa nouvelle mission: devenir gentil et aider une certaine agence à vaincre le mal. Personne n'avait compris. Gru, gentil? C'était surement les filles qui lui faisait cet effet là. Quelques mois plus tard, El Macho enleva Lucy, la dame rousse, et se mit à transformer les minions en evil minions, tous violets et mal coiffés. Ew quoi. Heureusement pour nous, Papou a réussi à le battre, avec notre aide, et tous les minions retournèrent à leur forme habituelle.
Lucy et Gru étaient amoureux, ça sautait aux yeux. Cent quarante-sept jours plus tard, nos deux tourtereaux se marièrent. Trois de mes frères et moi-même étions les chanteurs: bien vêtus, des costards blancs et des cheveux bien coiffés, levants les mains tout en chantant YMCA. Tout était parfait, rien ni personne ne pouvait détruire ce que nous avions à ce moment-là. Et pourtant, j'avais encore une faux tout faux.
✿ « I, J, K, L » ✿
Ma journée de ménage fut coupée par une sensation bizarre. J'avais le tournis tout d'abord; ensuite le vertige, pour finir avec la nausée. Je laissai tomber mon chiffon préféré et sentit le parquet m'accueillir les bras ouverts. Je pouvais pas bougé, j'étais comme cloué par terre. Je voulais crier,
Alamigaaaa, gouto!
A l'aideeee, vite ! Aucun son ne sortit. Je commençai à paniquer. Puis c'était le trou noir.
En me réveillant, j'étais allongé sur de l'herbe, toute verte et fraiche. J'eus un gémissement. Mon crâne me faisait terriblement mal, un pigeon m'observait d'un banc pas très loin. Il était étrangement grand, et mal proportionné. Je tentai de me relever. Tout me faisait mal, de la tête aux pieds. Je me recoiffai par réflexe avant de réaliser que j'avais des cheveux. Beaucoup trop de cheveux. Ce n'était pas normal. Nous les minions sont quasiment chauves, je ne comprenais pas. Alors je regardai mes mains. Elles étaient... beiges, longues, j'avais des ongles, on voyait mes os à travers ma peau. Où étaient passés mes bras tous jaunes et courts? Mes muscles marchaient correctement même si il y avait cette sensation bizarre de quelque chose d'étranger. Mes jambes étaient elles aussi immenses. Elles faisaient quatre fois mon corps d'avant. Je me relevai. Que c'était-il passé? Pourquoi est-ce que je suis comme ça? Où sont les autres? Gru? Lucy? Agnès, Edith, Margo, où sont-elles? Et mes frères? Phil, Dave, Stuart, où sont-ils? Le sentiment de panique m'envahi à nouveau. J'essayai de faire quelques pas, un pied devant l'autre. Il fallait refaire ma vie, tout refaire à zéro.
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Je n'avais plus de repères dans ce monde. Il fallait tout ré-apprendre, trouver un endroit où dormir, travailler, faire de l'argent. Je n'avais plus personne à mes côtés, j'étais seul. Je pris quelques cours de bases, lecture, écriture, vocabulaire, grammaire. Pas de mathématiques, je les ai toujours détestées. Quelques mois plus tard, j'avais quelques contacts par-ci par-là, un job, et même un restaurant préféré. Ce que je trouvai bizarre était mon attirance envers les... hommes? Je ne m'en étais jamais rendu compte, les minions étaient pour les trois quarts mes jumeaux, avec les même caractéristiques physiques, c'était bien trop bizarre cette attirance, comme si être attiré par soi-même. Bien sur il y avait des filles jolies, certaines étaient même belles; mais les garçons c'était une toute autre chose, je ne sais pas vraiment comme expliquer ça, c'est un sentiment nouveau.
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Les jours, les semaines passaient. Je n'avais aucune idée où étaient mes frères, ni le reste de ma famille. Ils me manquaient terriblement. Je m'étais fait quelques amis, mais personne ne pouvait se comparer à eux. Et voilà qu'une belle journée, un jeune homme entra dans le magasin de musique où je bossais. Il était tout mignon, tout craquant. Il avait une touffe bouclée, il faisait ma taille à peu près. Il demanda un cd de High School Musical, le film culte des petites filles. C'était marrant à vrai dire, mais je n'allais pas refuser de lui donner. Au moment de payer, je mis mon numéro de téléphone ainsi que mon prénom sur son ticket de caisse. C'était stupide, il n'allait jamais m'appeler. Et puis voilà que si: une semaine plus tard, mon portable retentit; c'était un numéro inconnu. Je répondis quand même.
Oui allo? Hum oui salut, Mark? Oui c'est moi. Je parle à qui? Euh, c'est le gars au magasin, avec le cd de HSM. Je souris.
Aah oui.
Voilà je me demandai si tu voulais sortir un jour, boire quelque chose tu vois? Mais oui bien sur! Où et quand? Il me donna l'adresse et l'heure. Notre « rendez-vous » était fixé au lendemain. Ce jeune homme, Stuart s'appelait-il, comme mon frère, avait choisi un bar tranquille pas très loin de là où je travaillai. Nous avions papoté, discuté de tout et de rien. Il était adorable, tout gentil, un peu bizarre par moments mais ça lui allait bien. Nous nous sommes donnés un autre rendez-vous si on peut appeler ça comme ça, dans un karaoke. Il chantait lui aussi, alors c'était pratique. J'avais hâte de voir qui était vraiment ce garçon si familier.