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ஜ Qui aima jamais porte une cicatrice ஜ Vide
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 ஜ Qui aima jamais porte une cicatrice ஜ

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MessageSujet: ஜ Qui aima jamais porte une cicatrice ஜ ஜ Qui aima jamais porte une cicatrice ஜ EmptyDim 15 Déc - 15:57

Don't walk behind me; I may not lead. Don't walk in front of me; I may not follow. Just walk beside me...

… And be my friend, said Albert Camus. But I ask you to not be my friend, to be more, to be so much more.

Le cadre est posé, le temps est fixé, le scénario est lancé. Par un samedi soir qui ne diffère pas de celui de la semaine dernière, avachi sur un canapé qui subit ma mauvaise humeur depuis bientôt quatre semaines, depuis un petit bout d’éternité, j’attends patiemment que l’alcool achève de meurtrir mon esprit rationnel et ma nature lasse de ces derniers jours. J’ingurgite le fond de ma cannette de bière et ferme les yeux, sachant que les engrenages se sont mis en route, que la machine est en marche ; ça ne tarderait plus, bientôt je ne contrôlerai plus mes gestes pas plus que je ne pourrai choisir les mots qui s’échapperont du seuil de ma bouche.
Mes yeux scrutent le téléviseur qui diffuse des images d’un film de Noël ; c’est typique, à cette période de l’année, nous avons droit aux histoires les plus niaises que puisse connaitre l’histoire du cinéma. Que dirait Shakespeare s’il voyait que la scène peinte de couleurs tragiques et qui accueillit deux héros de la comédie dramatique n’était aujourd’hui dédiée qu’à de pauvres acteurs américains sans émotions ni passion, récitant des dialogues sans même daigner regarder l’interlocuteur en face, avouant aimer sans que leurs voix ne virent un instant, admettant souffrir sans qu’une larme ne constelle leurs yeux ? Que dirait ce magnifique Jean Racine, auteur d’Andromaque, en voyant que l’œuvre de sa vie n’est plus mise en avant au dépit de scènes pseudo-romantiques où l’homme trompe la femme, où la femme pardonne à l’homme, où tout finit en une fanfaronne de baisers et d’étreintes ?
Alors je ferme les yeux, j’ôte de ma vue ces scènes tournées dans des studios sans vie ni âme, j’ôte de mon esprit toutes ces pensées sans queue ni tête et me retrouve asservi aux pieds du fantôme d’une femme qui s’en est allée mais qui ne m’a pas quitté un instant mentalement, qui ne cesse de hanter mes pensées et qui laisse derrière elle des salves de douleurs et de souffrances. Mes doigts glissent sur le canapé et saisissent un objet cylindrique et un briquet ; j’apporte la cigarette à mes lèvres et laissa la fumée conquérir mon monde, assombrir mes songes ; je ne  vois plus de bien, je ne vois plus de paillettes, pas plus que je ne vois de couleurs vives et pastels, tout n’est plus que tons graissâtes et grésillés, tout n’est plus que méandres.
Beaucoup voient Noël comme la plus merveilleuse des fêtes, mais tout ce que je trouve à dire de cela, c’est qu’à Noël, il fait sacrément froid. Surtout sur Fantasia Hill j’ai l’impression, comme si le sort s’acharnait, sachant parfaitement que je ne supporte absolument pas de trop me couvrir. Résultat, je suis resté malade une bonne semaine ; la chaleur des flammes que m’impose mon métier me manque, les vannes idiotes des hommes de la caserne ont toujours réussi à me faire hausser un sourcil ou à me faire grimacer, or, en ce moment, j’ai besoin de quelque chose, de sentiment, d’agitation.
La routine me manque, le train-train habituel de ma vie crée en moins un creux que je n’arrive plus à combler. Depuis peu, tout ce qui pouvait se passer à l’extérieur de ma bulle m’importait peu car Tara était avec moi et m’aidait à repousser tout ce qui s’avérait être dérangeant ; nous n’étions que nous deux, nul besoin d’effet lumineux ou de guirlande factice, nos yeux faisaient office de lumières et nos mots devenaient dès lors paillettes roses que je me voyais bien obligé d’apprécier, depuis le temps que je côtoyais cette atmosphère cotonneuse et couleur pastelle.

Je me demande si elle sera là. Je me demande si Noël me fera le cadeau de déposer au creux de ma main un doux rayon lunaire ; Tara sera-t-elle là pour réussir à me mettre dans la tête que Noël est une fête chaleureuse malgré la saison qu’elle a choisi pour établir son règne ?
Combien même elle reviendrait de Blueside, serait-ce sur le sapin de mon appartement qu’elle accrocherait une étoile qu’elle aurait cueilli de ses propres yeux ?
De ma cigarette ne reste qu’un misérable mégot et je pousse un profond soupire de désarroi en me relevant, titubant jusqu’à ma chambre où je me laisse lourdement tomber sur le lit, les yeux clos, l’esprit confus. Je me laisse bercer par des vagues d’amertumes dues à l’alcool et des ouragans de fumée, faute aux nombreuses cigarettes qui se sont fanées dans ma bouche aujourd’hui.
On toque à la porte.
Je crois à un rêve, j’enfouis ma tête dans l’oreiller, m’oblige à rester dans un sommeil que je ne fais que gouter depuis trop longtemps déjà ; je n’ai ni l’envie ni même la force de me lever.
Je ne sais absolument pas si la personne qui a premièrement toquer réitère l’opération ou si ce n’est que mon coté rationnel qui m’intime que je n’ai pas rêvé, mais je me relève péniblement, saisis une nouvelle cigarette que j’allume au passage et vais ouvrir la porte.
Mes yeux ne cherchent plus de réalité tangible à laquelle s’accrocher, ils trouvent d’emblée le regard couleur suie qui me fait face et un sourire narquois grimpe à mes lèvres et s’accentue à mesure que je remarque l’état dans lequel il est, en partant de ses traits tirés par la fatigue, de son regard plus sombre qu’à l’accoutumée, de cet halo de lumière obscure qui voilà son visage d’une ombre de désespoir.
Un homme désespéré se sent à des kilomètres, se reconnait au premier regard ; un homme désespéré, aussi jovial puisse-t-il à l’accoutumée, aussi maussade puisse-t-il être en temps normal, est facilement reconnaissable lorsque le désespoir abat sa lame sur sa nuque.
Mon analyse est rapide, je prends d’emblée la parole, laissant sortir de ma bouche une fumée grisâtre à l’odeur nuancée avec des touches d’alcool.

« Ce n’est pas aimable de ta part, Peter, moi qui voulais m’apitoyer sur mon sort au premier venu, je vois que tu es dans un état aussi déplorable que le mien, voire pire ; et j’ai un si grand cœur que je suis bien obligé de m’habiller de mon plus beau sourire, oubliant mes maux pour te proposer de me parler des tiens et te laisser me piquer la vedette du personnage désespéré à l’air dramatique. »

Mon cynisme est plus accentué, plus aiguisé ; mon sourire se fait plus sarcastique alors que je me pousse de l’encadrement de la porte en déployant mon bras en un geste théâtral, invitant Peter à rentrer dans mon humble demeure couramment décrite comme petit appartement dégageant odeur d’alcool et de cigarette.
J’aurai pu me contenter d’un simple bonjour, j’aurai pu m’enquérir plus sérieusement de  son état, de façon plus formelle, mais ce n’est pas ce que nous sommes ; nous ne sommes pas des amis, nous ne sommes pas de simples camarades de plus.
Nous sommes tellement plus ; je n’ai pas besoin de faire semblant d’ignorer son état pour être poli, je n’ai pas plus besoin de ne pas me moquer subtilement et avec une touche de sarcasme sur le fait qu’il soit justement désespéré, que dans ce tourbillon dramatique, il arrive à me faucher la vedette. Le fourbe, il ne me laisse pas même le plaisir d’être plus mal en oint que lui ! Déjà que s’il se mettait à côtoyer les femmes de ma connaissance, je devrai me sentir menacé avec son charme implacable, ce regard mystérieux, ce demi-sourire charmeur, le voilà maintenant qui est meilleur que moi dans le domaine de la comédie dramatique.
Je ne sais pas si c’est l’excès d’alcool ou de nicotine dans mon sang qui m’amène à avoir une certaine réflexion, mais je me félicite d’avoir su trouver le parfait homme dont aurait pu s’inspirer Shakespeare ou Jean Racine. Parce que Peter, lui, a l’étoffe pour être l’un des héros désespérément amoureux. Maintenant, les amoureux, c’était plus à la vie qu’à la mort. Mais Peter a la passion ainsi que la ferveur pour revenir aux sources : à la vie, à la mort.
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MessageSujet: Re: ஜ Qui aima jamais porte une cicatrice ஜ ஜ Qui aima jamais porte une cicatrice ஜ EmptyLun 16 Déc - 11:31

Un peu songeur, les yeux rivés sur le plafond de la chambre et un oreiller bien calé derrière la nuque, il essayait de se rappeler une mise en scène qu’il avait vue il y a quelques mois de la fameuse pièce de Sartre intitulée Huis Clos. Un détail lui vint, lui apparut comme une fulgurance. Connaissant sa mémoire fragmentaire, il aurait voulu se lever et écrire tout de suite ce qu’il avait en tête, ce souvenir furtif qui ne mettrait pas vingt secondes à s’estomper, mais il en était empêché pour bien des raisons. D’abord, il n’était pas chez lui… Du reste, il n’avait plus de chez lui, mais il traiterait cet ennuyeux détail plus tard. Ensuite, il avait sous les yeux la nuque et le dos nus d’une véritable vestale sortie des pensées oniriques les plus profondes qui, pour une raison inconnue, avait voulu de lui, et s’amusait à faire semblant de dormir, la joue posée sur son torse. Il caressa son épaule fraiche du bout des doigts, fut séduit par la légère trainée de frissons qu’il y vit éclore, et alors, elle tourna vers lui son joli visage de demoiselle bien réveillée, son joli sourire qui disait bonjour. Elle avait les yeux de la couleur de l’hiver, des touches de bleu cristallisé ornées de très fins flocons gris argenté qui mouchetaient l’iris avec délicatesse. Il neigeait dans ses yeux comme dans ces sphères de verre qu’on vend sur les marchés de noël sous le nom de « boules à neige » et qui plaisent tant aux jeunes enfants. Non, il ne pouvait pas se lever alors qu’il avait face à lui un délicieux spectacle que seuls venaient rompre quelques battements de cils réguliers. Il remonta le drap sur elle et posa sa main au creux de ses reins, par-dessus le tissus fin. Il ne détourna les yeux qu’une seconde pour voir l’heure, avec la crainte irascible qu’elle disparaisse en ce bref laps de temps. Elle était pourtant là lorsqu’il chercha le paysage hiémal de ses yeux, après avoir constaté que cela faisait un peu plus de treize heures qu’ils étaient dans ce lit et qu’ils n’en avaient pas bougé. Il mourait de faim, mais elle n’allait pas lui proposer un petit-déjeuner tardif, et, s’il s’éternisait ici quelques heures de plus, elle ne l’inviterait pas davantage à rester dîner. Quand elle en aurait assez de lui, elle descendrait lascivement du lit, s’en irait vers la salle de bain de sa démarché féline, lui enverrait peut-être un clin d’œil avait de disparaître pour se prélasser sous l’eau chaude et, alors, il comprendrait qu’elle comptait ne pas le revoir lorsqu’elle investirait de nouveau la chambre. Il pourrait se sentir utilisé, il pourrait la trouver cruelle. Le fait est qu’avec elle il se sentait juste bien et il la trouvait admirable. Elle régentait son monde avec des airs de petite princesse qu’il ne s’amusait pas à lui arracher, comme il le faisait d’ordinaire volontiers avec les prétentieuses, elle savait ce qu’elle voulait. Elle lui avait plus ou moins clairement expliqué comment elle voyait les choses, au tout début de leur relation : pas d’exclusivité, on s’appelle à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, on oublie, tant qu’on est ensemble, le reste du monde, et chacun vit comme il veut dès qu’on se dit au revoir. Il se doutait qu’elle voyait d’autres personnes, et la merveille dans tout cela c’est qu’il n’en avait rien à faire. C’est toujours sans espoir et sans émotion qu’il venait à elle, comme elle lui avait gentiment fait comprendre de toujours laisser ses problèmes dans le hall d’entrée avant de passer le seuil de sa chambre. C’était irresponsable, c’était stupide, c’était se voiler la face et prétendre vainement que notre vie au dehors n’était pas un vaste chaos, mais ça faisait un bien fou. Il ne savait pas d’où Midori tenait ce pouvoir sur lui, il ne se souvenaient plus comment ils en étaient arrivés à partager cette relation, tout ce qu’il savait c’est qu’elle le rendait tellement idiot qu’il arrivait presque à oublier les yeux de Wendy quand il regardait la neige fondre au creux de ses prunelles. Il arrivait presque à faire semblant de ne pas avoir mal.

Une fois dans la rue, une fois que l’hiver réel –ce temps merdique de pluie entrecoupée de verglas– lui eut donné une bonne gifle, Peter se souvint de tout. De tout ce qui avait de vraiment important dans sa vie et de vraiment minable du même coup. Le sortilège de la sirène ayant cessé d’opérer, il était le même pauvre paumé que d’habitude qui s’alluma une clope à l’intersection entre Eduardo Avenue et Fangh Sweety. Il remonta l’artère principale sur une cinquantaine de mètres avant d’arriver, en même temps que la nuit, devant l’immeuble où habitait Aiden. Dans l’hypothèse improbable où Midori lui aurait effectivement proposé de dîner chez elle, il aurait été obligé de décliner cette offre car il avait prévu la veille de venir ce soir hanter monsieur Amane. Il n’avait pas été au courant immédiatement, mais il avait fini par apprendre que Tara était partie brusquement. A cette nouvelle, il avait pensé, dans l’ordre : « Aiden doit être dans un sale état », « Qu’est-ce que je suis fier d’elle », « Ha ouais, Jim aussi il doit être mal en point ». Il était le compagnon de route d’Aiden et de Tara, ses relations étaient plus mitigées et complexes avec Jim, donc il s’était mis dans un coin de la tête de venir s’enquérir de l’état de santé d’Aiden et d’aller faire ensuite –sans le dire à personne– un petit voyage d’un jour ou deux à Blueside, pour encourager la jeune femme et lui apporter son soutient. Parce que Tara est une créature exceptionnelle comme il n’en existe que très peu : de ces personnes fondamentalement heureuses qui peuvent décider de la météo et réussir à vous persuader vous-même qu’il fait un temps radieux, à en oublier de regarder par la fenêtre. Comme toutes les créatures merveilleuses, elle supporte mal tout ce que la réalité a de brutal et d’avilissant, et il faut constamment la protéger du monde extérieur, lui embrasser les paupières pour qu’elle garde bien les yeux fermés et qu’elle ne voit pas tout ce que, nous, on sait qu’il existe. ‘‘Nous’’, globalement, c’était Aiden et Peter. Il faut croire qu’un de deux avait été pris dans l’engrenage de sa propre existence tumultueuse et avait un instant failli à sa tâche de garder Tara en sûreté dans un monde de coton. Elle avait pris peur à la vue de quelque chose –pour le moment, Peter n’était pas au courant des détails– et s’était enfuie. Il n’avait pas besoin qu’Aiden lui téléphone et lui explique qu’il a envie d’avaler le contenu d’une bouteille de javelle ou de se shooter à la colle forte pour savoir qu’il était impératif que lui et sa charmante mauvaise humeur se dépêchent de venir frapper à sa porte, accompagnés d’une fiole de poison moins dangereuse, j’ai nommé Vodka.

La porte s’ouvrit sur un Aiden laminé, les joues creusées et les yeux vitreux. Entrée en scène d’un personnage exactement tel qu’on s’attend à le voir, irréprochable, des cheveux en bataille à la voix pâteuse, sur un décor enfumé et sombre, parfaitement dans le rôle du type à qui la fatalité a asséné un grand coup dans le dos. Peter se décolla du mur dans un mouvement hoquetant pour lui faire face devant l’encadrement de la porte. Il fut un peu ahuri de tous les mots que parvint à prononcer son interlocuteur, un peu soulagé de remarquer le demi-sourire sarcastique qui étira quelques secondes ses lèvres dépigmentées et se contenta pour sa part d’inhaler encore un peu de fumée de sa cigarette. Il se remémora au ralenti les paroles d’Aiden pour que son esprit brumeux ait le temps de bien tout saisir, pour que la chaleureuse ironie du jeune homme ait le temps de faire monter un sourire satisfait à ses lèvres, coinça son mégot entre deux de ses doigts de la main qui tenait déjà la bouteille, pour être libre, de l’autre main, d’appliquer une tape légère sur l’épaule du jeune homme.
« T’as une mine dégueulasse. J’me suis dit que mon demi-cadavre irait super bien avec ton teint. »
Il passa la porte après cette phrase introductive lorsqu’Aiden lui en donna magistralement le signal et claqua doucement la porte derrière lui. De peur que son camarade ne reste statique et hébété devant une porte close, il lui agita sous le nez la bouteille de vodka et passa au salon, écrasant au passage sa cigarette dans un cendrier déjà plein à craquer. N’allez pas vous dire que les quelques phrases qu’ils s’étaient envoyées servaient à ouvrir de quelconques hostilités. Ils fonctionnaient sur ce mode d’amabilités morbides sans que jamais il n’y ait quoique ce soit de cruel au fond de leur pensée. L’alcool et les mauvais jours ne faisaient qu’accentuer cette tendance à l’humour noir mais l’essentiel ne changeait pas. Ils n’étaient pas amis ; Peter n’allait pas lui donner de conseils ou lui dire « T’en fais pas, elle va revenir », Aiden n’allait pas répondre « T’es quelqu’un de bien, Wendy va changer d’avis sur ton compte ». Ils n’étaient pas là pour se rassurer ou se dire de conciliantes inepties. A défaut d’espérer ensemble, ils pouvaient désespérer à deux et pour ça il faut dire qu’ils étaient assez bons. Vous savez ce que ça fait, de regarder quelqu’un au fond des yeux et d’y trouver non pas son reflet mais un réel fragment de sa propre intériorité ? Bah ça fait un mal de chien sur le coup –blessure à l’orgueil, ‘‘diantre je ne suis pas unique au monde, mes émotions ne sont pas mon œuvre originale’’– et puis après on peut plus s’en passer, on revient constamment admirer l’état de soi-même chez ce semblable qui nous comprend très fort. Alors, si l’un ou l’autre en venait à dire « T’as l’air d’une loque », cette phrase allumait immédiatement dans son regard une petite étincelle de sincère bienveillance et de plaisanterie quasi-fraternelle. Si on traduisait ça en langage féminin, ce serait peut-être quelque chose du genre « Je tiens à toi », mais en moins mièvre, en plus profond, vous voyez ?

Au nombre de verres sales entassés sur la table du salon, dans le fond desquels coagulaient des liquides allant de l’ambré au brunâtre, Peter jaugea qu’Aiden avait un peu d’avance sur lui et c’était encore sans compter les canettes de bière qui, certainement, devaient trainer sous son lit. Il se mit en quête de deux verres à peu près propres, ouvrit la bouteille pour les remplir et en prit un des deux avant de chercher à s’asseoir. Il fit un pas vers le canapé avant de se raviser. Il y avait encore des gestes qu’il ne pouvait pas faire, à cause de ces fichues côtes cassées et s’asseoir trop bas était pénible pour lui. Il tira une chaise en face du canapé et s’y installa avant de chercher dans ses proches son briquet.
« J’ai pas l’intention de te piquer la vedette si facilement, prononça-t-il entre ses dents serrées, allumant une cigarette pincée au coin des lèvres. C’est plus marrant si tu me disputes le titre ! Voyons voir ce que je peux miser… Hum… J’me suis fait tabasser par l’époux de ma femme qui est revenu d’entre les morts… C’est Wendy qui m’a ramassé. Deux côtes cassées et l’orgueil foutu à terre, tu penses bien. Non content d’avoir à moitié déménagé, j’ai encore accouru bêtement quand Midori m’a gentiment ordonné de venir passer la nuit auprès d’elle. Donc on va dire que je mets sur la table ma dignité, mon cœur, et les deux ronds de jugeote qu’il me restait à peine. Et toi ? Hé, pas le droit au bluff, hein ! »
Il était presque certain de lui avoir déjà parlé de Midori –un des points sur lesquels ils divergeaient tous les deux, c’est que Peter n’avait strictement aucune amante à part celle-ci et n’en cherchait pas, contrairement à Aiden qui ne pouvait plus mettre de noms sur les visages de ses conquêtes– sans doute pour se plaindre de cette ensorceleuse, mais il ne se souvenait plus s’il lui avait raconté pour Mily, sa « femme ». Si, il lui avait sans doute expliqué. C’est pas le genre de chose qu’on peut cacher à un autre soi-même. Ce n’est pas comme si c’était anodin de se retrouver marié ‘‘par erreur administrative’’. Ce qui l’était encore moins, c’est de rencontrer cette épouse que l’on n’a jamais vue, de se mettre en tête qu’il faut à tout prix tomber amoureux d’elle, de la faire pleurer au milieu d’une église en annonçant que l’on refuse de signer les papiers du divorce, et, enfin, d’avoir affaire au réel époux de la jeune femme, qui nous abandonne sordidement au milieu d’un trottoir après nous avoir tapé dessus. Il n’était peut-être pas entré dans les détails mais Aiden ne devait pas ignorer que son abruti d’ami était un homme malencontreusement marié. Et puis Wendy… Wendy par-dessus tout. Wendy sur qui ça faisait trop mal de mettre des mots pour le moment, se rappela-t-il en expirant de la fumée d’un air légèrement agacé sous sa nonchalance dandiesque. Et puis tout ça n’avait strictement aucune importance pour le moment. S’il avait commencé à étaler quelques petits bouts de sa vie pitoyable, c’était seulement pour qu’Aiden se sente libre de l’imiter sans retenue. Il était là pour ça. Pour lui dire qu’il était juste à côté. Plantés dans le même vase à boire la même… Il jeta un coup d’œil à son verre ; une lueur narquoise et amusée éclaira son regard une demi-seconde. Libations macabres.
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MessageSujet: Re: ஜ Qui aima jamais porte une cicatrice ஜ ஜ Qui aima jamais porte une cicatrice ஜ EmptyLun 16 Déc - 21:21

Dis-moi ce que tu as, je te dirai ce que tu penses.

Mise ce que tu as, je te dirai ce que tu penses.

Nous aurions pu être les hommes dédaigneux, les héros des quatrains de Baudelaire ; nous aurions pu être des personnages tout droit sortis de l’esprit fou de Maupassant, nous aurions pu faire passer le Horla pour un imposteur. Nous aurions pu être reconnus comme des figures emblématiques de la littérature française ou même anglaise, si Shakespeare avait mis le doigt sur nous, sur ces deux cadavres ambulants, je ne doute pas un instant du fait que Roméo et Juliette, cette œuvre tragique, n’aurait pas même existé ; non, il n’y aurait eu que deux héros masculins qui auraient vécu d’affreuses aventures, qui auraient connu l’amour, qui l’auraient perdu. Nous sommes nés à la mauvaise époque.
Après réflexion, ce sont eux, ce sont ces auteurs célèbres qui sont nés à la mauvaise époque ; autant la vie de Peter que la mienne, ne sont qu’enchevêtrements de mélodrame, nuancé par des sursauts de bonheurs et, ainsi, nous atteignons toujours un des points les plus culminants avant d’entreprendre une chute vertigineuse. Nous nous sommes ratés, nous les héros, eux qui font passer les héros sur scène.
Il ne me suffit que d’un regard à son égard pour reprendre confiance en moi, pour donner un coup de neuf à mon orgueil bien trop souvent atteint ces derniers tems. Je n’ai pas besoin qu’il me salue dignement, pas plus que j’ai besoin qu’il me demande comment je vais. Pour tout vous dire, s’il venait à désirer s’enquérir de mon état, je le prendrai mal, car je pense qu’il est plus qu’évident que le bonheur est absent à l’appel, qu’il ne recouvre pas les murs de ma vie comme le font pourtant si bien alcool et cigarettes. Je n’ai pas besoin d’un ami, sinon je serai allé voir Arthur ou Raj ; j’avais besoin de cette personne qui n’attend pas mon invitation, qui n’en aurait eu que peu faire de me voir en compagnie d’une femme dénudée, qui aurait imposé sa présence et qui n’aurait pas feint la courtoisie, qui n’aurait pas, à un seul instant, vêtu un masque.
Masque. Ce mot résonne dans mon esprit, se frotte aux parois de ma mémoire que je tourne et retourne jusqu’à me souvenir : le fantôme de l’Opéra. Peter aurait été parfait dans ce rôle ; il aurait fendu le cœur de la demoiselle, l’aurait aimé d’un amour passionné, d’un amour fou, d’un amour malsain. Mais, après réflexion, cet amour malsain, il le vit déjà, il en souffre déjà et, le plus drôle, le plus ironique, le plus étrange, mais le plus compréhensible à mes yeux, c’est que de cet amour, il dépend aujourd’hui pleinement. Accro à l’amour, accro à la souffrance, accro à elle. Et si lui en avait douté, moi j’avais la claire impression qu’il en était dingue depuis le début. Peut-être pas fou d’amour à son égard, mais fou d’elle, car il ne pensait qu’à elle, ne jurait que par elle ; ses yeux n’étaient habités que par le visage de cette femme, je le voyais, le ressentais. Peut-être en avons-nous déjà parlé, je ne me souviens pas, surtout pas aujourd’hui où l’alcool me maintient en vie d’avantage encore que le sang ne le fait.
Mais de toute façon, Peter n’a jamais eu besoin de personne pour être fou.

Et les mots qu’ils me lancent ne font que me confronter dans cette idée ; il ne peut qu’être fou à lier, pour ainsi pousser la provocation en me disant que je suis dégueulasse, comme si sa présence ne suffisait pas à, justement, me provoquer. Un autre se serait énervé, un autre se serait enflammé, mais je dois être au moins aussi fou que lui, car mon sourire ne fait que s’accentuer. Il me dépasse finalement, agitant une bouteille sous mon nez. D’emblée, je le suis, m’affalant sur mon canapé, le voyant hésité à prendre place près de moi, préférant alors tirer une chaise pour s’installer. Mes sourcils se froncent sans que je ne commente la situation, sans que je ne cherche à comprendre alors que mon esprit est en ébullition, que les hypothèses s’entrechoquent dans mon esprit sans qu’aucune ne soit assez plausible, assez compatible avec Peter ; fatigue, caprice, mal au dos…
Il laisse ses yeux glisser sur la table et je remarque, une fois de plus, tous les verres vidés ou encore à moitié remplis sur la table. Je suis, à chaque fois, étonné de voir combien de je peux consommer d’alcool. En cherchant à deviner les réflexions du brun quant à cela, je le vois prendre deux verres, les meilleurs de l’assemblée, pour y verser la Vodka qu’il amène. L’odeur emplit mes narines et envahit mon cerveau et je me délecte déjà de cette saveur étrange alors que je me penche pour saisir le verre restant. Le verre chaud et lisse rencontre mes lèvres et je penche le récipient en laissant glisser la liqueur tout le long de ma gorge, fermant les yeux, m’isolant dans une sphère brumeuse d’où seule l’odeur de la cigarette de Peter vient me tirer, celle qu’il vient d’embrasser d’une flammèche après que la précédente ait achevé de se mourir entre ses lèvres. Je rouvre les yeux en m’allumant, à mon tour, une cigarette, reposant le verre sur la table. Je l’entends alors commencer à parler, n’ayant plus de mal, depuis le temps, à comprendre ses mots malgré ses dents serrés, ses lèvres occupées à garder dans sa bouche un objet cylindrique que je lui apparente immédiatement.

Les lettres, dans la bouche de Peter, semblent amoureuses à ainsi s’étreindre pour former un mot avec un sens que je ne saurai y instaurer, malgré toutes les œuvres que j’ai déjà parcouru de mes yeux orphelins, manquant de beauté naturelle, souffrant d’une overdose d’une beauté artificielle. Il a raison, ce n’est réellement pas aimable de ma part de lui céder le titre sans le lui disputer, sans lui donner de raisons de débattre et de me prouver sa brillance ; tout homme cherche adversaire à sa hauteur, tout homme cherche à savourer sa victoire, une victoire digne, une victoire dans un tourbillon de braise insultant, pas une victoire par forfait, c’en serait dégradant pour une personne telle que lui et je ne peux que le comprendre.
Je me concentrer un instant, chose que je ne réussis même plus à faire, pour ne pas être arrogant au point de ne pas prêter la moindre importance aux mots de Peter car, sous les apparences douteuses, je me soucie réellement de son état. Je ne le lui dis juste pas, je ne fais juste pas comme les autres, à le conseiller et à le rassurer ; je ne suis même pas fichu de gérer ma vie, je ne peux ni jouer les cupidons, ni les bons samaritains. Je ne peux qu’espérer que le Père Noël soit clément avec lui… Un sourire narcissique étire mes lèvres ; j’ai trop bu, vraiment.
Mon sourire disparait en l’entendant évoquer le fait qu’il se soit fait, comme il le dit, tabassé par le mari de sa femme. C’est tordu, j’en concède. Je fais passer une main dans mes cheveux et note la touche ironique du sort s’acharnait ; Wendy qui le ramasse ? Si l’orgueil était déjà mis au tapis, il venait de se faire écrasé et émancipé. Je l’entends ensuite parler de la douce Midori qui réussira toujours, à ne point en douter, à lui faire plus de bien que je ne le pourrai, avec mes simples mots. Il mise alors son cœur ; un cœur meurtri, un cœur lacéré, un cœur noirci, un cœur qui ne sait plus comment battre, un cœur qui n’est plus fonctionnel, qui aime tellement qu’il ne fait que souffrir son détenteur. Il dit aussi mettre sur table sa dignité ; on ne mise que ce qu’on possède, et cette dignité, elle a été entachée par les coups d’un vil, brisée par les yeux d’une nymphe. En revanche, je suis totalement d’accord avec le fait qu’il ne lui reste un peu de jugeote, vu qu’il a eu l’intelligence d’aller voir Midori, vu qu’il a eu le génie de venir me voir.
Je tire sur ma cigarette, évacue le surplus de fumée, réfléchis un instant, perd le fil de mes réflexions, le recherche, ne le trouve pas, soupire, ferme les yeux, les rouvre, observe Peter, hausse les sourcils, m’exclame :

« Tu mises un cœur meurtri, une dignité mise à rude épreuve et je dirai… Trois ronds de jugeote, car tu as eu assez de bon sens pour venir me voir, réceptionnant mon appel pourtant silencieux et y répondant. En plus, t’as oublié de mettre sur table ton corps qui est passé sous les doigts experts de ta chère Mirdori, je suis pourtant certain que ce n’est pas négligeable. »

J’aurai pu insulter le mari de sa femme, j’aurai pu lui dire qu’il aurait dû divorcer, j’aurai pu lui dire qu’il devrait aller chez Wendy et lui offrir son cœur, en plus de son âme. J’aurai pu être un ami, mais je ne le suis pas, alors je ne m’apitoie pas sur son sort, ce n’est pas ce qu’il est venu chercher. Pas avec moi, certainement pas.
Je prends une nouvelle bouffée de nicotine, y ajoute une gorgée de Vodka, avale le tout en grimaçant, la bouche plus pâteuse encore qu’à mon réveil.
Et moi, je mise quoi ? Qu’ai-je encore à offrir, que me reste-t-il ?

« Moi… Moi, j’ai fais du mal à Tara. Elle m’a annoncé qu’elle voulait se marier, qu’elle voulait que je soi son témoin ; j’aurai pu juste dire non, mais il a fallu que je m’énerve, il a fallu que je l’énerve, que je lui fasse mal. Elle est partie, me laissant en plan dans un magasin de robes de mariées. J’y ai laissé ma rationalité, j’y ai laissé mon humanité. Ensuite, elle m’a annoncé que Jim, son fiancé, s’était pris une balle. Là, j’y ai laissé mon amour-propre, j’y ai gagné une forte dose de culpabilité, je dis en soupirant, tirant de nouveau sur ma cigarette avant de reprendre de plus belle, ensuite, elle m’a annoncé qu’elle voulait partir, j’y ai laissé presque la totalité de mon âme cette fois-ci. Je suis allé voir Jim, pour voir si elle était rentrée… On s’est tapés dessus, t’aurai vu ça, t’aurai bien ri ! Deux stupides adolescents, deux piètres figures d’autorité ; là, en revanche, j’ai gagné de l’orgueil et de la fierté. Je mise donc un cœur blessé, un fragment d’âme que Tara a bien voulu me laisser, dans son immense bonté, du bon sens, de la fierté et un corps en extase qui est passé sous les mains de bien des expertes. »


Du bon sens pour l’avoir laissée partir, pour ne pas l’avoir fait culpabiliser, pour ne pas avoir usé de chantage affectif.
J’ai trop parlé, ça m’énerve. Je me suis laissé emporter par mes propres émotions, ça m’exaspère. Je me confie à lui sans retenue, ça, en revanche, ça me fait du bien.
Je finis ma cigarette, l’écrase sur le cendrier ; en une gorgée, je vide mon verre avant d’aller me resservir, en proposant à Peter avant de me relancer.

« Éventuel Héros de Balzac, n’est-ce pas pathétique que d’en être réduit au rang de fou amoureux, d’esclave de ses sentiments ? N’est-ce pas douloureux que d’être la poupée de chiffon d’une femme qui ne se doute même pas d’avoir les armes nécessaires pour te détruire, qui se pense victime, qui ne se doute pas de la souffrance, de la perpétuelle douleur que tu subis derrière un masque de cynisme ? »

Et à cet instant, je ne saurai affirmer avec certitude si c’est à lui que je m’adresse ou si c’est à ce bout de moi que je vois dans ses yeux.
Je ferme de nouveau les yeux, basculant la tête en arrière ; lorsque l’homme libre se voit capturé entre les mèches de chevelure d’une femme, lorsque l’homme dédaigneux devient respectueux, lorsque l’homme à femmes devient l’homme à l’unique femme, lorsque l’homme fort n’est plus que l’ombre de lui-même, alors l’homme fou devient amoureux et lorsque l’amour gagne du terrain, il est difficile qu’il s’en aille, impossible qu’il ne creuse pas des sillons de souffrance.
Wendy se rend-t-elle compte de l’amour que lui porte Peter ? Wendy sait-elle que, lorsqu’elle l’a vu à terre, après s’être fait rué de coups, il devait en être au stade de se demander s’il était heureux de la voir ou juste terriblement mal à l’aise, gêné par la situation ? Après tout, en tant qu’homme, je sais que ça fait particulièrement mal de se faire battre ; or, ça arrive inévitablement un jour, telle est la dure loi qui dit qu’on ne frappe jamais sans se faire frapper. Ce qui a dû être le pire à vivre, j’imagine que c’est de voir pour qui notre cœur bat se pencher au-dessus de nous et laisser ses yeux se consteller d’inquiétude, s’embrumer de larmes ; faire pitié à celle que l’on aime, montrer qu’on est vulnérable et que nous ne sommes pas invincibles alors que c’est la douce illusion dans laquelle on a tant voulu bercer cette femme, c’est plus qu’ignoble, c’est inhumain, insoutenable, invivable, agonisant.
Jim a dû vivre la même chose. Sauf que Jim… Jim, ce n’est pas pareil. Jim a ouvert les yeux et était fier de voir sa promise à son chevet là où je n’aurai pas osé porter mon regard sur elle, là où je n’aurai pas osé lui confirmer par biais de mes yeux que oui, c’était réel, que oui, je l’ai protégée mais que, non, je n’étais pas le plus fort, je n’étais pas celui qui pourrait la garder dans sa sphère inévitablement J’aurai eu honte, j’aurai été mal à l’aise, j’aurai préféré mourir, puis je me serai ravisé, j’aurai imaginé sa douleur, j’y aurai compatis, je l’aurai supplié de me pardonner, j’aurait épongé ses larmes et sa souffrance, j’aurai prié toutes les entités pour que sa douleur soit mienne et pour qu’elle cesse de souffrir, pour qu’elle cesse de s’inquiéter pour quelqu’un qui n’a pas été capable d’assurer pleinement sa sécurité. Car si, physiquement, elle n’a as été souillée, mentalement, je n’imagine pas son état, je n’imagine pas son traumatisme.

Je me demande un instant, rapidement, trop pour que je puisse trop y réfléchir, ce que dirait Wendy si elle savait pour Midori. Le sait-elle, d’ailleurs ? Pour ma part, Tara savait parfaitement pour mes autres amantes… Mais il n’y avait rien entre nous, si ? Enfin, pour le moment, du moins, c’était…
Je prends mon verre et le finit cul-sec.
Une réflexion idiote, d’un coup ; on mise ce qu’on a, on mise ce qu’on peut offrir, mais on mise cela à la mauvaise personne. Ce genre de mises, justement, devraient être faites à Wendy, à Tara.
Deux fleurs, deux iris, deux violettes, deux… Immortelles. Pas d’amour, pas de ce sentiment étrange entre nous, ce serait sordide ; mais nous sommes les deux immortelles, baignant dans le même désespoir, aspirant à la même lumière éblouissante de l’amour réciproque, du bonheur cotonneux ; deux immortelles, à la vie, à la mort.
Le lien éternel de Roméo et Juliette n’est qu’euphémisme comparé au lien qui m’unit à Peter.
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MessageSujet: Re: ஜ Qui aima jamais porte une cicatrice ஜ ஜ Qui aima jamais porte une cicatrice ஜ EmptyJeu 2 Jan - 19:05

Il avait cherché par tous les moyens à se différencier de son double maléfique –comprendre le farfadet, Pan– et ses efforts avaient commencé à payer au moment où il avait rencontré Aiden. Pan prétend qu’il peut être le grand frère de tout le monde alors qu’en réalité il ne se préoccupe que de lui-même, veillant toujours à ce que le jeu recommence selon ses règles, peu importe les pions qu’il a à poser sur l’échiquier. Au début, lui aussi il était comme ça, prétendant qu’il n’y avait rien d’autre en lui, rien d’autre derrière son sourire désinvolte, rien qui le rende digne de confiance. En fait, il flippait à l’idée qu’on puisse avoir besoin de lui. C’est pour ça qu’il détestait Wendy, qu’il avait stupidement cru l’éloigner de lui en lui racontant la ‘‘vérité’’ sur ses intentions, dans l’espoir qu’elle arrête de compter sur lui, de croire qu’il était courageux. Il lui avait balancé à la figure ses motivations premières, il lui avait dit que tout ce qu’il avait fait depuis leur rencontre c’était seulement pour de faux, que c’était de la triche pour se rapprocher d’elle et lui faire le plus de mal possible. Ca avait été vrai. Pendant peut-être une demi-heure. Après, il s’était juste menti à lui-même en prétendant que ses intentions à l’égard de la jeune blonde étaient restées les mêmes. En même temps qu’il la voyait sombrer, en même temps qu’il haussait les épaules en lui-même en se forçant à se dire « bien fait pour elle », il restait à ses côtés uniquement pour l’empêcher d’attraper un truc tranchant et de s’ouvrir les veines. Là encore, il avait misérablement échoué. Il avait suffi de trois minutes d’inattention pour qu’elle cherche à se nuire. Alors, quand elle s’était réveillée à l’hôpital, il avait paniqué, il s’était dit que ces trois minutes avaient presque assassiné l’univers, que c’était de sa faute, qu’il ne méritait rien, que son regard bleu noyade posé sur lui le dégoûtait, la dégoûtait, qu’il devait disparaître à ses yeux telle une ombre au fond des ténèbres. Il avait fallu que le sort s’acharne par la suite, que dans sa fuite elle soit encore celle qui le sauve et le ramène à la maison. Et pourquoi fallait-il qu’elle soit infirmière, par tous les dieux ?! Horrible, affreuse sensation d’être un lamentable… pitoyable ver de terre amoureux d’une étoile.

Pour en revenir à ce qui nous occupe, Aiden avait légèrement –et sans le savoir– bouleversé les habitudes du jeune Shadow. Curieusement, ça ne le dérangeait pas du tout de s’avouer qu’il était assis au milieu de ce salon enfumé à descendre des verres de vodka uniquement pour être présent auprès cet espèce de grand échalas débraillé au sourire charmeur. Il y avait au moins une chose qui le différenciait de Pan. Il ne l’admettrait certes jamais de la vie mais Peter pourrait être un super grand frère. Il allait pas se comporter comme tel vis-à-vis d’Aiden, déjà parce qu’ils avaient à peu près le même âge et ensuite parce qu’il refusait toujours officiellement les responsabilités et les titres honorifiques –preuve avec Wendy– mais franchement, il tenait à ce qu’il ne lui arrive rien. Pan faisait toujours comme s’il était le meilleur ami des garçons perdus, quoique au fond personne ne sache ce qu’il avait réellement en tête. Eh bah, Peter, il faisait semblant de parler d’un ton cynique et désabusé, mais si cet idiot buvait un verre de trop, il serait là, il serait précisément assis sur cette chaise pour lui mettre deux doigts au fond de la gorge et l’empêcher de se tuer à force d’alcoolisation abusive. Et après il lui en collerait une, histoire de lui remettre les idées en place. Foutue vocation d’ange-gardien qui revenait sans cesse, habitude dégueulasse de poursuivre les gens comme leur ombre. Là encore, il se trouvait déplorable –aimerait bien s’en foutre– mais il devait être né à l’envers, à détester que son entourage souffre et à pouvoir se laisser mourir lentement lui-même. Le pire dans tout ça c’était peut-être de savoir qu’Aiden ferait la même chose pour lui. Une sensation plus horrible que celle de tenir aux autres en secret, c’est de savoir que les autres tiennent à vous en retour.

Ils commencèrent calmement leur petit poker morbide, fumant l’un et l’autre d’un air de joueurs expérimentés. Un rire jaune secoua Peter quand Aiden résuma sa mise et y ajouta son corps, dont Midori n’avait fait qu’une bouchée.
« Un jour, cette femme me fera froidement la peau et je resterai fasciné, à regarder ses yeux gris. Mon corps n’est pas à moi, je préfèrerais être pur esprit. Ca me dégoûte d’arriver tellement à dissocier les deux, j’ai l’impression d’être infidèle à mon propre cerveau quand je suis avec elle et en même temps elle rend les choses si simple, irréelles... Comment tu gères ça, toi, hein ? »
Et qu’est-ce que tu feras, quand Tara reviendra ? Il n’était pas sans savoir que son camarade passait des nuits agitées, il ne le jugeait pas là-dessus, mais il voyait son état actuel et c’est sûr et certain qu’il n’y avait qu’une seule enquiquineuse capable de lui faire ça, de le torturer comme cela, et cette minuscule femme s’était barrée avec ses yeux menthe à l’eau, laissant Aiden s’enivrer d’une autre sorte de boisson. Peter avait le même genre de problème avec une femme tout aussi dérisoirement fragile, toute blanche et toute fine, qui d’un regard pouvait néanmoins le faire étouffer. Et donc quoi ? Si Tara rentrait et se réconciliait avec Aiden, si Wendy devenait assez folle pour pardonner à Peter, que feraient-ils, l’un et l’autre, est-ce qu’ils changeraient de mode de vie ?
Aiden reprit la parole en commençant par annoncer qu’il avait fait du mal à Tara. Peter ne réagit pas, le laissa continuer. Cette histoire de robes de mariées paraissait on ne peut plus prise de tête, pas étonnant que la congrégation de verres vidées sur la table du salon soit assez nombreuse pour faire craquer un amphithéâtre. Par la suite, il dit qu’il s’était battu avec le fiancé de Tara, qu’il y avait redoré sa fierté, laissant supposer qu’il avait… gagné, on va dire. Perte de son âme à cause du départ de la demoiselle fugitive, logique, totalement logique pour qui connaît un peu la façon de penser de monsieur Amane, ce qui le conduisit sur ce canapé, un verre à la main et des femmes sans visage dans les bras.
« Pas mal, fit-il en expirant de la fumée, t’as été presque aussi décérébré que moi et franchement je t’avoue que moi aussi ça m’aurait fait plaisir de frapper ce fiancé échappé d’un roman de Conan Doyle… Mais je crois que je peux encore te disputer le titre : je ne t’ai pas raconté que, quand Wendy s’est réveillée à l’hôpital, j’ai commencé par l’embrasser –j’étais furieux, complètement ahuri et furieux– et ensuite je lui ai dit que je lui ai menti sur toute la ligne et que tout ce que je souhaitais c’était me rapprocher d’elle pour la blesser. C’est pourquoi je me suis ensuite auto-mis à la porte de chez elle, juste avant que le mari de Mily fasse des siennes. Tu as plus pitoyable à raconter ou tu te couches ? »
Le baiser, par contre… Ca n’avait rien eu de pitoyable, c’est peut-être la seule chose entièrement naturelle et démasquée qu’il ait faite depuis qu’il avait retrouvé Wendy. Rien de plus merveilleux, rien de plus terrifiant que de la sentir lentement reprendre vie sous les lèvres, que de la presser contre lui pour être sûr qu’elle soit bien là et de sentir son pouls accélérer, preuve qu’elle respirait, qu’elle acceptait de boire l’air qu’il tâchait de lui insuffler, qu’elle lui faisait confiance. Ensuite, tout détruire, tout réduire en cendre parce qu’on est un pauvre abruti redoutant l’idée qu’on ait fait quelque chose de bien pour un être vivant. Trop peur qu’elle lui en soit reconnaissante. Aiden se releva et lui resservit un verre avant de remplir le sien, répondant par la même occasion aux pensées que Peter avait eues quelques minutes plus tôt. Ces femmes, elles avaient des pouvoirs qu’elles ne soupçonnaient pas, et eux, ils faisaient comme si ça ne les atteignait pas tant que ça alors que… Il n’y a qu’à regarder l’état du salon d’Aiden pour y voir le reflet des tréfonds d’eux-mêmes.
« Tu es déprimant, quand tu es lucide ! Bois encore un verre ou deux pour arrêter de me balancer notre triste vérité en face. »
Peter lui lança un sourire narquois, descendit son propre verre, fuma en silence quelques instants. Il se demanda au bout de combien de verres les réminiscences des lèvres de Wendy sur les siennes s’effaceraient. Le coma éthylique aiderait peut-être… Mouais bof, pas bonne idée. Elle serait capable d’attendre son réveil en lui tenant la main.
« T’as raison, elles sont des lys dans la vallée. Elles ont oublié qu’elles sont tombées du ciel pour faire naître l’Eden autour d’elles. Tu as fauché Tara d’un coup de faucille et c’est clair qu’elle a certainement souffert mais c’est peut-être un mal pour un bien. Il fallait que quelqu’un lui montre qu’elle n’a pas à se laisser faner par le premier fiancé maniaque qui entend la coller dans un vase. Eh, j’espère franchement que tu lui as fait mal, à ce connard… Je suis plus à blâmer parce que moi j’ai essayé d’arracher les pétales de Wendy un à un dans le seul espoir qu’elle me haïsse aussi violemment que je… Et j’ai réussi, faut fêter ça ! »
Déclara-t-il d’un ton d’outre tombe qui grinça mortellement du fond de son âme en putréfaction. Il prit la bouteille qu’Aiden avait reposée sur la table et remplit leurs deux verres. Non, franchement, ce qu’il avait fait à Wendy était plus malsain, plus terrible que ce qu’Aiden avait fait à Tara. Après tout, il s’était comporté en enfant égoïste, il lui avait fait peur, il lui avait fait de la peine, mais tout ça pour quoi ? Pour la sauver, pour se sauver, pour l’aimer. Il lui avait peut-être laissé entendre qu’il ne la soutiendrait pas pour ce mariage, il lui avait probablement dit des choses méchantes qui dépassaient sa pensée, mais le fond des choses, au-delà de la jalousie et du désespoir, au-delà de la claque qu’il avait prise en apprenant ses fiançailles, au-delà de ses éventuelles maladresses, ce qu’il lui avait fait voulait juste dire : « J’ai peur que le soleil s’éteigne si je te perds ». Egoïste, encore une fois, mais ce que Tara devrait en déduire c’est qu’elle est la lumière sur le monde d’Aiden, qu’il a juste été perdu et angoissé, pas volontairement cruel, juste idiot et foudroyé. Par contre, ce que Peter avait fait à Wendy… Il n’y a pas de mot pour le dire.
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MessageSujet: Re: ஜ Qui aima jamais porte une cicatrice ஜ ஜ Qui aima jamais porte une cicatrice ஜ EmptySam 4 Jan - 18:17

Be slow to fall into friendship, but when you are in, continue firm and constant.

Quand on aime une fleur, on ne l’arrache pas ; elle se flétrira et mourra ; on l’oubliera, on oubliera l’avoir aimée. Quand on aime un oiseau, on ne le prive pas de son nid ; il sera inexpérimenté et mourra ; on l’oubliera, on oubliera l’avoir aimé. Quand on aime quelque chose, on ne la possède pas ; elle sera perdue et mourra ; on l’oubliera, on oubliera l’avoir aimée.
Quand on aime une personne, on fait tout pour lui donner des ailes, pour lui prouver qu’on en possède aussi, qu’on pourra voler à ses cotés sans jamais la priver du bleu des cieux, de la pureté des nuages et de la beauté du paysage ; on ne lui arrache pas les ailes, on ne blesse pas ; on lui caresse le plumage, on la soigne. Le fait est que depuis des millénaires que l’Homme existe, il a d’abord ignoré comment aimer, l’a appris, l’a oublié, ne s’en souvient aujourd’hui pas ; aujourd’hui, on n’aime plus, on ne sait plus ce que c’est que l’amour, on ne fait que prétendre aimer, on ne fait que feindre l’amour. On tente de reproduire l’amour dicté par quelques romans, quelques films ; on essaye, on réussit, sans jamais comprendre que l’amour a été souillé, que l’amour qui fut n’est plus.
Mais pourtant, j’ai beau savoir ce qu’est que cet amour entaché par le désir de possession, je me demande aujourd’hui encore si l’amour que je porte à Tara est le bon, le pur, le brut, le sincère, le profond, le frais, l’électrique, l’artistique, le romantique. À aucun moment je n’ai désiré la posséder ; à aucun moment j’ai désiré la brutaliser, l’arracher à celui qu’elle aime. Pourtant, ma réaction fut digne d’un gamin sot ; à la place d’un sourire se dessina sur mes lèvres un rictus ; à la place de la joie de mon cœur, celui-ci s’écartela ; à la place de simplicité, il n’y eut que de la complexité. Je ne saurai certainement pas me pardonner cette façon que j’ai eue de remettre en doute son choix, sa décision, son amour pour cet homme. Je l’ai poussée à s’en aller et même si la certitude qu’elle reviendrait était là, je n’avais nulle idée de si elle me reviendrait, à moi et à nul autre. Est-ce que je vaux mieux que cet homme qui l’a demandée en mariage ? Le mariage ne lui-même est une vile promesse d’appartenance, mais moi qui remets en question ces liens sacrés, ne suis-je pas, quelque part, aussi dominant que celui qui a voulu les lui imposer ? Je dis imposer, mais peut-être que Tara avait assez aimé cet homme pour accepter sans rechigner.
Peut-être qu’elle l’aime encore et peut-être qu’elle l’aimera toujours.
Jamais je n’eus réellement foi en quoi que ce soit avant l’arrivée de Tara ; c’est en elle que j’avais foi, c’est en son amour, à travers ses iris mentholées que j’ai trouvé ma voie ; alors qu’étais-je censé dire, qu’étais-je censé faire lorsqu’elle m’avoua que sa lumière serait essentiellement reflétée sur je ne sais quel homme ? Je ne sais pas, ne sais absolument pas quelle réaction aurait été la plus appropriée tout en sachant qu’il fallait que je ne lui mente pas, que je lui exprime ma désinvolture, mais je n’aurais certainement pas dû me laisser envahir par ce sentiment de jalousie, ce sentiment d’avoir tout perdu, ce sentiment que l’on nomme désespoir.

Où en sommes-nous ? Où en étions-nous hier ? Où en serons-nous demain ? Il n’est plus question de Tara et de moi, mais de Peter et moi. Quelle bêtise – que le mot reste faible – a-t-il bien pu commettre, lui aussi ? Par quel diabolique Dieu avons-nous pu être guidés pour ainsi éloigner les femmes qu’on aime, pour ainsi les blesser ? Étions-nous si peu doués pour aimer ? Avions-nous perdus toute once d’humanité, toute once de savoir-vivre, d’instinct, pour savoir que la personne aimée doit être traitée, non pas comme une reine mais une déesse, mais comme l’Unique entité existante ?
Étions-nous égoïstes à ce point, pour préférer nous libérer d’un poids et incomber les femmes qu’on aime de celui-ci au lieu d’accepter un nouveau fardeau sur nos épaules ? Comment avons-nous pu si mal les aimer ? Comment avait-on fait pour si mal interpréter le sens de l’amour ?
Les questions s’amoncèlent dans mon esprit sans que je n’arrive à en garder une assez longtemps pour ne serait-ce que tenter de chercher une réponse appropriée. Alors je bois, alors je fume, alors je ris, alors je parle ; sans jamais être trop ivre pour oublier, sans jamais être trop enfumé pour ne plus voir la réalité, sans jamais être joyeux, sans jamais comprendre ce que je dis.
Je parle de Midori comme si je la connais, mais il n’en est rien ; pas que je ne le veuille pas, ceci étant, cette femme a l’air fascinante. Les mots de Peter me font plisser les yeux d’amusement alors que je ris doucement. À l’entendre, c’est d’elle qu’il est fou, non pas de Wendy. Et puis, infidèle à son cerveau ? J’en rirai volontiers, mais je connais si bien ce sentiment. Ce sentiment qui fait qu’on abandonne notre raison au seuil de la porte d’une amante, qu’on obtempère, qu’on se soumet. Ça, on sait faire ; être infidèles à nous-mêmes.
Et moi, je fais comment ? Eh bien, je ne m’en sors pas mieux que lui, je pourrai aussi me perdre dans le regard d’Eulalia alors qu’elle m’enfonce une dague dans le cœur. Je soupire ; c’est un fait, une fatalité, nous sommes pris aux pièges par des femmes douées, pour les unes, elles le savent et se servent de leur agilité, pour les autres, elles l’ignorent et ça les rend intouchables ; elles ne savent pas qu’elles ont un certain ascendant sur nous et c’est pire parce qu’elles ne modèrent pas les doses en utilisant leurs pouvoirs, leurs dons, leurs je ne sais trop quoi.

« À me poser cette question, j’ai l’impression que tu penses que je m’en sors mieux que toi. Tout ce que tu peux faire, c’est être celui qui rend les choses si simples, si irréelles, comme tu dis. Débrancher de tes sentiments, mener la danse pour garder un semblant de lucidité, pour contrôler. Le truc, quand on domine, c’est qu’il y a les responsabilités qui vont avec. Mais dans ce domaine, nulle responsabilité, tu n’as que le bon coté de ladite domination, à savoir l’immunité. »

Je n’arrive pas à croire que j’ai répondu sérieusement à cette question alors qu’il y a deux secondes, j’ignorais que j’allais ne serait-ce que piper mot sur ce sujet. Mettons cette folle clairvoyance sur le compte de l’alcool et de la nicotine ; les pauvres, on prétend que tant de choses sont de leurs fautes sans que jamais ils ne puissent nier quoi que ce soit. Un jour, c’est eux, ce fameux alcool, cette gracieuse nicotine, qui nous feront la peau, et nous, on restera hébétés, comme des idiots, comme des… Hommes. Et ça explique tout, parce que l’homme est faible et ne le sait pas, ne l’admet pas ; encore une fois, ceux qui ignorent sont les pires, ils ont de sacrés problèmes de dosage.
Alors je mise, à mon tour, tout ce que j’ai, précisant ce que j’ai perdu en cours de route. Peter ne m’interrompt pas, se contente d’expirer de la fumée lorsque j’achève mon récit avant de prendre la parole, à son tour. Pour le coup, je pense bien que je vais me coucher ; entre un baiser volé, parce que, je cite, il était furieux – comprenez ou, faites comme moi et passez à la suite – pour ensuite tout lui cracher à la figure, une pseudo-vérité qui n’a duré, d’après moi, pas plus de quelques instants. Il s’est fait haïr par la femme qu’il aime parce qu’il est incapable de l’aimer, pas qu’il pense ne pas la mériter. Ça n’aurait pas été facile, qu’il lui dise l’aimer, car ça aurait été hypocrite, d’une certaine manière, et surtout égoïste ; il se serait libéré d’un poids et elle, elle aurait été prise au dépourvu. Elle aurait pu lui dire qu’elle l’aimait aussi, mais sincèrement, je me demande si ces mots auraient plus fait de bien que de mal à Peter, car il ne faut pas oublier qu’il pense dur comme fer ne pas la mériter. Peut-être que ça lui aurait fait plaisir et atrocement souffrir en même temps ? Mais lui dire cela, le fait qu’elle le haïsse, ça lui épargne d’être heureux et malheureux en même temps, ça ne fait que le rendre malheureux ; et, croyez-moi, mieux vaut souffrir que souffrir tout en allant bien.
Lorsque Tara m’a annoncé qu’elle allait se marier, j’étais, quelque part, heureux pour elle ; mais ma désinvolture a pris le dessus et, au final, j’étais partagé, tiraillé entre deux sentiments : la satisfaction ou l’effondrement.

« Ce qui est pitoyable, va bien falloir que quelqu’un te le dise, c’est que tu te penses indigne d’elle. Tu choisis la facilité, tu préfères qu’elle te haïsse parce que tu n’acceptes pas qu’on t’aime. Parce que si elle t’aime, toi, tu te verras tellement petit à coté d’elle… Et ça, tu veux pas, alors qu’elle te haïsse, ce sera plus facile pour toi de te tirer en disant que, de toute façon, elle ne voudra pas de toi. Mais Peter, Wendy ne te haïra pas. Ce que j’en sais ? De ce que tu m’as dis sur elle, elle n’est pas stupide et te haïr est plus que stupide. En passant, l’embrasser, c’était assez égoïste de ta part, la prochaine fois que tu le fais, dis-lui plutôt que tu l’aimes et reste auprès d’elle, parce que tu le vaux bien, parce que tu en as besoin. Je me couche, mais je continue à chercher pour t’avoir au prochain tour. »

Je lui lance un léger sourire, juste avant de lui resservir un verre avant de lui dire ce que je pense de nous ; pitoyables amoureux, pathétiques poupées de chiffon. Il me lance que je suis trop déprimant et je réponds à son sourire narquois par un sourire rieur ; je me moque de sa situation, je me moque de ma situation, je me moque de notre degré de débilité, c’est juste… Hilarant.
Peter recommence à parler faisant allusion aux lys de la Vallée – réflexion qui dessina une légère courbe sur mes lèvres – et réussissant même à me faire rire en me disant qu’il espérait que j’avais fais mal au connard de fiancé de Tara. Ensuite, il remplit nos deux verres vides. Je regarde le contenu du mien un instant avant de lui faire signe un instant, finissant mon verre en le laissant sur la table. Je m’éclipse rapidement dans la cuisine et reviens avec une bouteille de Bourbon, soit une sorte de Whisky et je me remplis le verre en demandant d’un signe de tête à Peter s’il veut se laver la bouche avec ça, histoire de changer du goût de la Vodka.

« J’arrive pas à croire que tu accordes pas de l’importance à tes propres mots : tu as essayé d’arracher les fleurs de Wendy, mais c’était sans compter qu’elle est cent fois plus forte que toi. Tu t’en es allé sans comprendre que tu n’as fais que flétrir l’une de ses pétales, que tu n’as pas dépourvue de toute sa beauté. Tara… Tu sais, quand j’ai mal, mon âme entière en est alourdie et tu vois, c’est elle, mon âme, alors en plus de sa propre déception, elle a ressenti toute ma douleur… Je sais pas comment t’expliquer, nos âmes sont entrelacées, je sais ce qu’elle a ressenti, je le sens et l’assume, mais ce que je lui ai fais subir, cette façon que j’ai eue d’oser lui dire qu’elle n’est pas assez grande et forte pour éclairer deux hommes, c’est impardonnable. Donc tout compte fait, entre un grand mal que tu as presque commis, et un mal que j’ai commis, je pense que je peux encore remporter le titre. »

Je me rends compte que je parle beaucoup trop et observe le bourbon dans mon verre, n’en buvant qu’une petite gorgée avant de soupirer en rejetant ma tête en arrière, fermant les yeux un instant ; si je continue d’autant boire en compagnie de Peter, je vais finir par l’ennuyer et m’ennuyer au passage avec tant de mots, tant d’émotions autour de deux femmes.
Cela étant, je me rends compte que j’ai oublié de préciser quelque chose. Plus précisément, j’ai omis de finir sa phrase inachevée.

« Tu as essayé de lui arracher les pétales dans l’espoir qu’elle te haïsse aussi violemment que tu l’aimes. »
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MessageSujet: Re: ஜ Qui aima jamais porte une cicatrice ஜ ஜ Qui aima jamais porte une cicatrice ஜ EmptyJeu 30 Jan - 18:55

Parfois, Aiden lui parlait en chinois. Peter savait que son camarade avait compris des choses sur la vie et sur les femmes que lui-même n’avait pas encore intégrées. Peut-être un problème du au fait que son double était un éternel gamin. Peut-être qu’il ne connaitrait jamais le sens profond de l’existence à cause d’une erreur de calcul à la base, d’un grand éclat de rire narquois venant du Tout-Puissant qui avait décidé par moquerie de faire qu’il soit l’ombre d’un farfadet puéril. Peter ne dit rien du tout quand son hôte lui parla de domination et de responsabilité –ce mot le rendait étrangement sourd. Il n’essaya pas de se donner l’air d’avoir compris, ne demanda pas pour autant plus de détails, il se contenta de contempler d’un air concentré la fumée de sa cigarette qui s’étouffait dans ses propres méandres. Il était coincé entre une fierté mal placée et l’envie de communiquer à quelqu’un l’effroi doucereux qu’il avait éprouvé en voyant les yeux de Wendy s’iriser de gêne et d’espoir après qu’elle ait tout doucement posé ses lèvres sur les siennes, juste après qu’il se soit fait tabasser par l’autre taré. Il pourrait potentiellement en parler à Aiden –il avait confiance en lui– mais il était face à un problème d’élocution dès que cette image, dès que le bleu troublé des yeux de Wendy lui brûlait la rétine. Il ne voulait avoir aucune responsabilité en rien, en venant à se dire que, s’il ne prenait aucune décision ni ne bougeait d’un millimètre, il ne pourrait rien faire de mal pour blesser qui que ce soit. Mais l’amour est un parti pris, une prise de position. Alors pas d’amour pour lui. Il avait cru à la haine, à un moment. Trop douloureux d’être la cause des malheurs de quelqu’un. Pas de haine. Rien. Le néant vaste et noir. Etait-ce possible, de ne rien ressentir du tout, ni le vent sur son visage ni l’ouragan à l’intérieur ? Du moins pouvait-il prétendre. Si ça ne faisait du mal qu’à lui alors il était en bonne voie. Aiden reprit la parole et Peter éprouva certainement un peu d’irritation à s’entendre dire ce qu’il savait lointainement sans pour autant vouloir étiqueter les boîtes pleine de bric-à-brac qui donnaient à son âme des airs de vide-grenier sur un trottoir étroit. Il serra les dents et força un sourire qui tenait davantage de la grimace. Cette conversation allait devenir pénible si elle se muait tout à coup en un tribunal de ses erreurs et faux-semblants.
« Je préfère être un égoïste qu’un tricheur. On arrive à se remettre d’avoir rencontré un connard. C’est plus difficile d’en vouloir à un gamin. »
Racla-t-il simplement du fond de sa gorge d’un air indifférent. Egoïste et menteur, en plus d’être lâche et définitivement perdu, quelle femme pourrait vouloir d’une telle épave ? Mais dire à Wendy qu’il l’aimait, ça lui semblerait être de la triche, un coup de bluff, une superbe trahison de plus à ajouter à une liste longue comme le bras. Avant de dire à quelqu’un qu’on l’aime, il faut être sûr de savoir ce que ça veut dire. Et même, ça sert à rien de l’aimer si on n’a rien à lui offrir de bon pour elle. L’amour, c’est bien gentil, mais c’est inutile si ce n’est pas accompagné d’actes, de courage, de patience, de stabilité émotionnelle. Peter n’avait rien de tout cela en sa possession, alors il n’aimait pas Wendy comme elle devrait être aimée. Donc, il ne l’aimait pas. Fin de la discussion.

Aiden disparut quelques instants pour réapparaître avec une nouvelle bouteille remplie d’une liqueur jaunâtre qui fleurait d’ici le mal de crâne. Parfait ! Peter lui tendit son verre et le remercia d’un signe de tête quand il l’eut rempli. Il laissa le grésillement alcoolisé abrutir son esprit le temps qu’Aiden finisse d’évoquer Wendy et baissa le volume en entendant le prénom de la douce Tara. Aiden avait une jolie manière de dire le boulet de canon qu’on se prend dans la tronche quand la plus merveilleuse personne au monde est déçue de nous. Quand Wendy avait appris sa traitrise, Peter s’était senti comme un poilu dans les tranchées littéralement éviscéré après qu’un obus lui ait explosé en travers du corps. Mais soit, ça voulait dire la même chose, que l’âme d’Aiden ait pris du plomb dans l’aile en sentant celle de Tara glisser lentement de son étreinte. Le problème, c’est qu’on ne peut pas toujours protéger les personnes chères. Encore faut-il qu’on se rende compte au bon moment du degré d’importance qu’elles ont pour nous. En général, on s’en aperçoit que lorsque deux iris claires se mettent à scintiller de larmes sous nos yeux ; on se sent con et désarmé et inutile. Peter hocha la tête, à la fin du discours de son compagnon et réfléchit pendant quelques instants à ce qu’il venait de dire. Lui non plus, il ne s’écoutait pas parler. Il secoua la tête et sourit légèrement en écrasant sa cigarette dans le cendrier surpeuplé.
« C’est sans doute pas ce que tu lui as dit. On parle de Tara, hein, la même dont le seul rire ordonne le printemps. Même fou, tu ne peux pas croire qu’elle ne soit pas capable d’éclairer deux hommes. Moi je crois que, ce que tu lui as dit, c’est que tu ne veux pas qu’elle en éclaire deux à la fois. Tu lui as dit que tu la veux pour toi, non ? Il faut être bête pour dire ça à Tara, elle ne sait rien de sa propre lumière, alors elle a forcément paniqué. Mais c’est bien que tu aies été bête, elle a besoin de quelqu’un qui lui dise qu’elle brille, et personne ne dit les choses mieux que toi. En vrai, tu pourrais me parler d’un shampoing pour chien que tu arriverais quasiment à me faire pleurer, m’sieur le poète ! »
Il lui lança un rire à peine moqueur, ayant dit ça plutôt pour le rassurer qu’autre chose. Ok, Tara était une sensible peu sûre d’elle à qui il ne fallait pas lancer d’ultimatum sans qu’elle se sente piégée, donc il avait sans doute été maladroit avec elle. Mais il lui avait fait plus de bien que de mal, en l’obligeant à s’éloigner de son fiancé sournois pour réfléchir par elle-même. Aiden était complètement la bonne personne pour aimer Tara comme elle le mérite. C’est pour ça qu’il avait à la limite le droit de lui faire un tout petit peu de peine, si c’était pour la soigner et l’aider à prendre confiance en elle par la suite. Son clairvoyant allié ferma les yeux après avoir ingurgité une nouvelle gorgée de whisky. Quand il les rouvrit, et termina une phrase de Peter volontairement laissée en suspend, il sentit de nouveau le poids invisible d’une épée pendue au-dessus de sa tête. « … aussi violemment que tu l’aimes ». Peter se leva de sa chaise. Une fois debout, il stagna une seconde, se demandant ce qu’il faisait. Il glissa sa main dans la poche de son jean et en tira son paquet de cigarettes, puis se rassit en en tirant une. Il balança le paquet parmi les verres sur la table d’un geste aussi nonchalant qu’il le put, s’alluma sa clope. Il était pas trop quelqu’un qui se défoulait –contrairement à Aiden qui, il le savait, passait parfois ses nerfs sur quelque sac de sable– mais ça ne voulait pas dire qu’il n’en avait pas besoin. Il pratiquait la politique de la marmite, quand c’est trop chaud la soupape se met à siffler comme si le tout était prêt à exploser. Il suffit de faire de l’air pour que ça aille mieux. C’est une question de pression, un truc physique ou chimique ou mécanique, un truc inintéressant en somme, mais c’est comme ça que ça fonctionne. Un jour, il avait explosé, avait brisé un miroir, avait eu besoin d’une infirmière pour retirer les éclats de verre de sa main. Haha, l’ironie du sort, quoi. Il finit sa cigarette en trois bouffées et se débarrassa du mégot dans le cendrier, avant de souffler un bon coup.
« On s’en fout. De ce que je peux ressentir ou éprouver. Tu vois, la vraie question n’est pas de savoir si je l’aime mais en combien de temps mon amour pourrait la détruire. Moi je mise sur trois minutes et demi, le temps que j’ouvre les yeux, qu’elle ait peut-être la folle idée de me répondre ‘‘je t’aime aussi’’, et que je me barre. Parce que c’est ce que je suis. J’assume rien. C’est pas important que je crève de la distance entre elle et moi. Ce qu’il faut c’est juste qu’elle respire sans moi. Qu’elle respire de m’avoir oublié, que son oxygène soit d’être sûre que je n’ai jamais existé. »
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MessageSujet: Re: ஜ Qui aima jamais porte une cicatrice ஜ ஜ Qui aima jamais porte une cicatrice ஜ EmptyMar 4 Fév - 20:10

Are you willing to make sacrifices for someone you love?

And you have to sacrifice your stupid stubbornness. Good deal, isn’t it, Peter?

Peter est un homme intelligent. Je ne me souviens absolument pas du moment où mes prunelles se sont accrochées aux siennes et où mon regard a percé toute la lumière de celui qui se prétendait ombre, mais je sais que la réaction fut instantanée ; derrière dix sourires forcés, derrière cent mots prononcés mais pas un instant pensés, derrière un millier de regards soutenus alors que seule l’envie de regarder persistait, je voyais ce seul esprit tiraillé, cet unique vent de solitude, de froideur qui habitait en lui. Même si j’ignore pour quelle raison nous nous étions parlés la première fois, je n’oublie pas un instant la raison qui m’a poussé à aller vers lui ; si demain, il redevient amnésique et là où certains apporteraient des fleurs et diraient qui ils étaient pour lui, je me contenterai de tout refaire, de me présenter de nouveau et d’aborder n’importe quel sujet, même si ça doit parler de la fleur de lys que Tara lui apporterait peut-être.
Peter est le genre de personne qui possède une lumière étonnante en lui qu’il reflète sur n’importe quel regard, aussi pâle puisse-t-il, qui viendrait glisser jusqu’au sien. Mais si Peter possède aussi cette langue trempée dans le fleuve du Styx et qu’il capable de retourner la plus idiote phrase à l’insu de son utilisateur, il est tout bonnement incapable d’admettre que la lumière qu’il voit dans les yeux de ceux qu’il apprécie – ou n’apprécie pas, tout compte fait – revient en grande partie – si ce n’est totalement – à ces rayons qu’il envoie s’étaler sur tout le monde. Prenez Wendy par exemple. Je ne la connais absolument pas, ne l’ai jamais rencontrée, mais nous parlerons quand même d’elle car il m’a si souvent parlé d’elle que je pourrai décrire jusqu’au moindre de ses traits ; à commencer par ce regard hypnotisant que la couleur bleue originelle jalouserait. Eh bien, je ne doute pas, à entendre l’homme amoureux parler d’elle, qu’elle possède une lumière lui étant propre mais la vérité, on aura beau dire et que leurs deux lumières se sont étreintes dans le regard de chacun ; l’entrelacement de deux lumières signifie l’harmonie, signifie l’amour.
Ce qui nous amène à ma première réflexion en l’entendant parler de tricherie, de gaminerie et je ne sais quoi encore. Peter est intelligent quand il s’agit de décortiquer les sentiments des autres, quand il s’agit de parler des autres ou de déduire quoi que ce soit qui ne le concerne pas lui. Mais dès que sa touche à sa propre personne, dès qu’il s’agit de ses propres sentiments, dès que la belle Wendy entre en scène… Alors il n’est plus que l’ombre de lui-même ; cette même ombre qu’il pense être.

Alors voilà, il se retrouve encore à dire n’importe quoi, à penser n’importe quoi et, bien que je comprenne une partie de ce qu’il ressente, je reste de marbre face à cette autre partie qu’on nomme couramment « l’entêtement ».
Vu le sourire qui s’apparenté d’avantage au rictus qu’il me présente et son ton en prononçant ces quelques mots, je me contente de simplement lever les yeux au ciel de façon totalement ostentatoire, histoire qu’il comprenne que je ne suis absolument pas d’accord avec le fait qu’il se prétende incapable de rester avec elle sans tricher. Sauf qu’il n’est pas un tricheur et que s’il l’a été en sa compagnie, ça n’a pas dû durer plus de deux minutes. Or, il ne pouvait être blâmé pour si peu.
Ce sont ce genre d’histoires qui commencent avec une mauvaise intention, qui se retrouvent mises sur la voie de l’amour et qui prennent d’étranges tournures qui finissent de la meilleure façon qui soit.

Et ce n’est pas encore la fin pour l’histoire de Peter et Wendy. Ils n’en sont encore qu’aux stades de la prise d’étrange tournure, le plus explosif restait encore à venir.
Néanmoins, j’essaye de me persuader d’arrêter d’aborder ce sujet avec lui, du moins, pas avant qu’il ait descendu deux trois verres de plus, histoire qu’il ne m’en veuille pas trop.

Nos verres maintenant plein de whisky, je lui parle de nouveau de Wendy, de Tara et il me semble qu’il réfléchit un moment à ce que je viens de dire. Si j’ai réussi à accrocher une parcelle de l’esprit fugitif de Peter à une once de raison masculine, je suis plutôt satisfait. Un sourire s’accroche à ses lèvres tandis qu’il hoche la tête, écrasant ce qui lui reste de sa cigarette dans ce cendrier où s’entassent les mégots. Il parle plutôt sérieusement pour commencer alors que je fronce les sourcils, quelque peu amusé de voir qu’il semble me dire que moi non plus, je ne semble pas m’entendre. N’empêche, lorsqu’il prononce cette dernière phrase aux nuances humoristiques, mon rire résonne au sien en un parfait écho.
Les mots se bousculent jusqu’à ma langue et la brûlent alors que les syllabes prononcées par Peter se frayent un chemin jusqu’à un cerveau bouillonnant dans des litres d’alcool et des tonnes de nicotine. Résultat, j’ai un peu de mal à comprendre là où il veut en venir. Il sous-entend que je suis bien pour Tara et je devrai lui faire confiance car, après tout, il la connait et me connait, il doit bien savoir ce qu’il nous faut, doit bien être conscient que j’accorde beaucoup d’importance à ce qu’il pense et à ce qu’il peut me dire et que, de ce fait, je risque de prendre au premier degré tout ce qu’il vient de me dire. Donc, logiquement, je doute qu’il ait parlé à la légère. Mais n’empêche que…

« Et moi, ce que je pense, c’est que j’ai été affreusement jaloux. Ce serait faux de dire que je n’ai commencé à l’aimer que lorsqu’elle m’a annoncé que l’autre timbré l’a demandée en mariage, seulement, je ne m’en suis rendu compte qu’à cet instant et là fut mon erreur. Peut-être que si je lui en avais parlé plus tôt, ça aurait été plus facile… Va pas croire que j’en ai quoi que ce soit à faire de son fiancé pour qu’il souffre moins ou je ne sais quoi, seulement, même si c’est un mal pour un bien, c’est quand même un mal. A quoi ça sert d’aimer si on ne peut pas bien aimer ? »

J’imagine à quel point cette dernière interrogation doit résonner en son sein et je ne me demande pas un instant s’il a compris que je parlais autant de Wendy que de Tara, s’il a compris mon message visant à lui dire que je ne prétends pas simplement comprendre son ressenti envers la belle blonde car je vis actuellement la même situation.
On ne se pensera jamais à la hauteur de l’être aimé et si tel est le cas, alors ce n’est pas un réel amour. Oui, il a raison, Tara est celle-ci même dont le rire peut ordonner le printemps, celle-ci même qui de son sourire peut figer le temps, qui, grâce à son regard, peur immortaliser n’impose quel instant, qui peut faire ployer le soleil et faire faire une courbette à la lune, tant à en faire pâlir les étoiles et à les altérer pour qu’elles viennent s’imposer dans le ciel matinal au lieu de se complaire dans la beauté sombre de la nuit. Alors comment diable pourrai-je bien être à la hauteur, moi qui ne suis pas capable d’affronter les flammes assez dignement pour en ressortir vainqueur à chaque fois là où celle que j’aime pourrait faire geler les flammes d’Hadès en une glace mentholée ?
Mais Peter n’a pas à s’en faire. Quel que soit le degré de splendeur de Wendy, je suis seul qu’il la talonne, qu’il l’égale ; il n’a pas de talent cachés, il est simplement doté d’une beauté spirituelle que je serai incapable de décrire si ce n’est en tentant de la rapprocher à ce nuage que les enfants voient comme quelqu’un d’imposant, que les adolescents voient comme un cœur pourfendu d’une flèche et que les adultes voient comme un tas de bonnes ou mauvaises choses ; source d’inspiration inépuisable, je me dis que vraiment, Peter n’a pas à se faire de souci.
C’est alors que moi qui me suis dis que je devrai garder mes réflexions pour moi, me voit presque obligé d’achever sa phrase. Il se lève immédiatement de sa chaise et je lève les yeux vers, ne réagissant pas, reportant mon regard sur mon verre que je finis en deux gorgées, fermant les yeux en soufflant un bon coup. Je ne me redresse qu’en entendant un bruit et constate le paquet de cigarette sur la table. Je lève un sourcil avant d’en prendre une que je m’allume tout juste lorsque Peter écrase la sienne – enfin, le mégot de ce qui fut sa cigarette – dans le cendrier.

Moi, un poète ? Il ne s’est pas entendu alors ! J’aurai pu répliquer mille et une choses, quelques unes belles, d’autres plus crues, mais… Mais je ne fais rien de tel. Après tout, à quoi s’attend-t-il ? A ce que je fasse comme d’habitude, que je me mette à philosopher sur ce qu’il dit, que je prenne chaque mot à part pour lui dire ce que j’en pense ? Eh bien non, pour une fois, je vais faire les choses simplement, parce que la cigarette mêlée à cette nouvelle longue gorgée que j’avale directement de la bouteille de whisky que je tends à Peter, je ne suis pas vraiment capable de dire de belles choses.
Mais au fond, les plus belles choses ne sont-elles pas les plus simples ?

« Je vais te dire ce que je pense sans trop de détour pour une fois, mais si tu me contredis, j’te jure, j’te mords alors tu m’écoutes attentivement, tu réfléchis à ce que je dis et tu te lèvres en applaudissant, criant sur tous les toits à quel point j’ai raison. »

Non non, je ne commence pas du tout à me plier aux lois vicieuses de l’alcool.

« Tu es quelqu’un de bien, je te le dis, Tara te le dira et, si on réussit à faire parler le cœur de Wendy, il te le dira aussi. Et si tu lui dis que tu l’aimes, Peter, quelle que soit sa réponse, tu ne te barreras pas avec assez de volonté pour la pousser à te laisser faire. Dis ce que tu veux, moi je sais parfaitement que tu es tout bonnement incapable de fuir assez loin de son amour. Allez, tu pourras faire genre… Dix kilomètres ? Mais elle te retrouvera, tu ne t’excuseras probablement pas et lui sommera qu’elle doit garder ses distances avec toi, mais elle te pardonnera en entendant les battements désordonnés de ton cœur et te dira de lui faire confiance, te dira de donner une chance à votre amour. Prends ça comme les paroles d’un fou, d’un ami, d’un camarde ou ce que tu veux d’autre : Peter, tu l’aimes. Mais c’est nouveau pour toi, alors… Bon sang, laisse-toi un peu le temps d’apprendre ! Et à sa place, je m’en foutrai pas mal de tes conneries de parcours, parce que tu es humain, parce que tu es un débutant et que ton amour devrait lui suffire. Ton amour lui suffit certainement, mais si tu n’essayes même pas de le lui transmettre, elle prendra ça comme n’importe qui d’autre : elle pensera que tu t’en fous d’elle. Le truc, c’est que tu ne t’en fous pas. Absolument pas. Alors arrête. Arrête de faire l’idiot. La chérir, la protéger… Peter, tu en es capable. »
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MessageSujet: Re: ஜ Qui aima jamais porte une cicatrice ஜ ஜ Qui aima jamais porte une cicatrice ஜ EmptyDim 27 Avr - 3:48

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