Hécate et Eden souffrent de ce que l'on appelle communément un trouble dissociatif de l'identité ; deux âmes bloquées dans un même corps, en quelque sorte, une malédiction sans nom, un fardeau de plus à porter dans ce monde qui n'est pas le leur. Qui est loin d'être le leur. Les deux jeunes femmes sont comme le feu est à l'eau, comme la mort est à la vie : bien trop différentes. Sans doute un signe du destin. De ce foutu destin qui ne pense qu'à lui, qui aime tant se salir les mains. Autant Hécate est démone, incapable de se sentir un tant soit peu humaine, autant Eden l'est trop. Trop émotionnelle, trop candide, trop fragile, trop enfantine. Trop tout. Si au départ la guerre était faite entre elles deux, pour le contrôle de leur corps, maintenant elles ont appris à vivre l'une avec l'autre, ou presque. Parfois le caractère d'Hécate reprend le dessus, et alors elle se bat pour récupérer le contrôle. La seule chose qui différencie physiquement Eden d'Hécate, c'est la couleur des yeux ; ceux d'Eden sont bleu, d'un bleu qui rappelle l'océan, tandis que ceux d'Hécate se teintent de gris, devenant presque vert d'eau. Eden est souvent perdue dans ses pensées, regardant le ciel sans trop savoir quoi penser, tandis qu'Hécate sait toujours où poser son regard, sait toujours quoi fixer au bon moment. Le démon en personne, il est certain qu'elle l'a déjà rencontré. C'est comme une évidence. Sans doute est-ce sa démarche trop légère pour être réelle, cette façon qu'elle a de marcher comme si le monde lui était soumis, dominé. Sans doute est-ce son aura si sombre, ces yeux perçants tel un félin qui cherchent une victime en se léchant les babines de plaisir. Cette ombre qui vogue, qui marche lentement, fantôme, pâle et blafarde, mais si attirante qu'on y perd presque la raison. C'est ce qu'elle attend, cette vipère pleine de poison, cette créature qui n'a rien de bon, mais tout d'boscur. Eden, quant à elle, a hérité de toute l'innocence du monde ; enfant bien trop vieille, aux yeux perdus dans l'océan du monde, elle n'est que la boîte de Pandore qui referme Hécate. Il lui arrive de s'entortiller des mèches avec ses doigts, de passer des heures à faire des nœuds, à les défaire, sans dire un mot. Silencieuse. Immobile. Dans leur ancien monde, elles devaient déjà partager le même corps, à dire vrai. Eden est née lorsque la pomme est tombée de l'arbre, mais Hécate seulement lorsque celle-ci a été plongée dans le poison.