« Fleurpageons les rhododendroves
Gyrait et vomblait dans les vabes,
On frimait vers les pétunias,
Et les momerates embradent. »

Il était tapis dans l'ombre, lorsqu'une petit blondinette arriva. Cheshire entama la chansonnette avant de se dévoiler progressivement : un large sourire, puis une paire d'yeux suivit d'un pelage mauve rayé de rose. La demoiselle cherchait visiblement quelque chose mais notre matou prenait un malin plaisir à se jouer d'elle.

« Fleurpageons les rhododendroves
Gyrait et gykemblait dans les vabes,
On frimait vers les pétunias. »

Au milieu d'une intersection, posé sur une branche, Cheshire disparu mais la très chère Alice ne voulait pas qu'il parte et désirait que celui-ci lui montre le chemin.

« Eh bien, cela dépend de l'endroit. Où vous désirez vous rendre ? Inutile de vous tourmenter. A propos, si vous tenez vraiment à le savoir, c'est là qu'il est passé, dit-il en montrant un chemin du bout des doigts.
– Qui donc ? Interrogea la fillette.
– Un certain lapin.
– Vous en êtes sûr ?
– Sûr de quoi ?
– Qu'il est allé par là !
– Qui donc ?
– Eh bien le lapin ! S'entêta Alice.
– Quel lapin ? Savez-vous vous tenir sur la tête ? Toutefois, si moi je cherchais un petit lapin, je demanderais au chapelier fou ou alors le Lièvre de Mars en allant dans cette direction... Naturellement, il est fou lui aussi. Tout le monde est fou ici, dit-il en ricanant. Vous avez peut être remarqué que je n'ai pas toute ma tête... »

Et le voilà qui disparaît. Après tout, il est doté de la capacité de disparaître et apparaître à volonté. Ce n'était bien sûr qu'une partie de son dialogue où ce Cheshire menait la petite Alice en bateau, se jouant d'elle et de sa naïveté. Cela l'amusait.

Alice est tellement fragile ! La voilà qui pleure. Elle s'était encore perdue. Dans un élan de grande bonté, le chat décide de lui montrer la voie vers le royaume de cœur affirmant que seule la Reine peut l'aider à sortir d'ici. Cheshire en a d'ailleurs profité pour se moquer de la Reine en bloquant, durant une partie de croquet, son flamant vert dans sa robe afin que celle-ci tombe tête la première sur le gazon. La Reine est bien évidemment dans une colère noire et souhaite que l'on coupe la tête de la fillette.

Durant l'audience que présidait le Roi de cœur, Cheshire continua ses enfantillages, provoquant un sacré désordre dans la salle ne faisant qu'amplifier la colère de la Reine. Il en a d'ailleurs profité pour dire de vive voix les adjectifs péjoratifs désignant la Reine qu'Alice pensait. Cela n'arrangeait absolument rien et il disparut.

« Suis-je fou ? Non, pas du tout voyons. Ne pas avoir toute sa tête signifierait-il que l'on soit obligatoirement fou ? Je ne pense pas. Qu'est-ce que la folie d'ailleurs ? Peut être lorsque nous sommes comme ce bon vieux Lièvre. Il vaut mieux savoir où l'on va plutôt que de se perdre et moi je n'ai pas besoin d'une girouette pour savoir d’où vient le vent. Les portes ont des serrures. Les serrures ont besoin de clefs. Espérons que les portes seront ouvertes. Qu'est-ce que je raconte ? Je ne le sais pas moi-même, vous n'avez qu'à méditer là dessus... Ne vous imaginez jamais de ne pas être autrement que ce qu'il pourrait sembler aux autres que ce que vous étiez ou auriez pu être n'était pas autrement que ce que vous aviez été leur aurait paru être autrement. – Je crains bien de ne pouvoir m'expliquer moi-même... Car je ne suis pas moi-même, vous comprenez. »

Cheshire était posé sur sa branche et en un battement de cils, il se trouva sur du béton. Il s'agissait là du commencement d'une nouvelle vie, ou alors de la continuité de l'ancienne... Enfin, ça n'avait que peu d'importance. Il ne se sentait plus disparaître, il n'était plus le même. C'était à la fois excitant et effrayant. Être un Homme... Cela offrait de nouvelles possibilités, de nouvelles perspectives ! Mais aussi un nouveau monde que nous ne connaissons pas. Ce n'est plus un chat, loin de là, mais il n'a pas changé. Maintenant, il lui suffit d'écrire la suite de l'histoire...