Bien sûr que ça se passe dans ta tête, Harry, mais pourquoi faudrait-il en conclure que ce n'est pas réel ?

Aucun souvenir de mon ancienne vie ne me venait à l’esprit. Elles étaient là, je le savais, coincées entre les étroites complications de mon cerveau, sans me donner, ni d'information, ni de de flash-back mémoriel qui me donnerait une idée de qui j'étais dans cette vie intérieure. J'étais à la fois terrifiée à l'idée de découvrir qui j'étais et soulagée de ne pas le savoir. J'étais peut-être une horrible fille qui torturait des enfants ? Ou une petite amie barge qui suivait son mec partout ? Ou une fille sans histoire qui s’est retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment ? Quoi qu'il en soit, je ne m'en rappelais pas et tant mieux. Je n'avais aucune idée de ce que ça pouvait bien signifier. Après que l'infirmière m’ait contactée, j'eus le droit de rentrer chez moi. Cette maison que je connaissais comme ma poche mais qui me semblait inconnue. Je ne me sentais pas chez moi, malgré les mois d'adaptation, j’avais toujours cette impression que mon chez moi m'attendait quelque part. Mais où était-ce ? Et surtout : était-ce réel ? J’avais halluciné être transformée en canard. Avoir un pavillon, une voiture et voir tout en couleur pastel. J'étais en couple avec mon alter ego et le mariage était pour dans quelques semaines. D'un coup, plus rien, vide total, néant, cris, chaleur, étouffement, froid. Je ressentais tout et rien que d'y penser, j'en avais encore des frissons. Je me suis réveillée dans ce même lit où j'ai toujours été et ce rêve étrange restait un rêve étrange. J'avais prétendu m'appeler Daisy Duck, comme le personnage créé de toutes pièces par Walt Disney. Ils ont voulu m'enfermer en pensant que j'étais folle, que j’hallucinais ou que j'étais en usage de produits interdits par la lois mais Primrose m'a sauvée. Je ne me rappelais pas d'elle avant qu'elle ne prononce mon prénom. « Daisy ? Je vais te sortir de là, d'accord ? » Sa main, chaude et familière me fit des frissons. C'était mon amie, ma meilleure amie, et même si demain je retrouvais ma mémoire et qu'il se trouve que j'ai une autre meilleure amie cachée dans ce bas monde, elle sera toujours la number one dans mon cœur. Sa main saisit la mienne pour m'entraîner dans sa cabriolée. J'aurais voulu qu'elle me parle de mon passé, elle qui disait en savoir un tas sur moi, mais elle ne semblait pas avoir grand-chose à dire à part que nous étions comme des sœurs dans cette vie intérieure. J'avais confiance en elle sans savoir si elle était réellement quelqu'un de bien, je faisais, pour la première fois de ma vie, confiance à mon instinct. Mon cerveau connaissait ses tics par cœur, son rire, ses doigts qu'elle filait derrière son oreille, ses deux battements de cil, son soupir. Prim savait des choses sur moi, mais sa vie était dans un tournant ou elle avait besoin de moi, plus que je n'avais besoin d'elle. Son copain la frappait, il lui faisait des choses à ne pas faire avec une femme, et elle était aveuglée par son réel amour envers lui. Je devais réagir, je devais faire comprendre à son misérable copain que s’il continuait à faire du mal à ma Primrose, ça aller chauffer. Je n'aurais jamais eu le courage de parler avec lui, l'affronter les yeux dans les yeux, avec ma bonbonne et mon teint pâle qui n’allaient me mener nul part. Je m'armais donc d'une batte de baseball et avec le peu d’énergie qui n'était pas bouffé par les médocs, je décapitais sa BMW à coup de batte de baseball, j'ai appelé ça « la revanche d'une handicapée ». Il a fini par la laisser tranquille, en fait, elle l'a quitté. Elle lui a dit au revoir, adieu et ne s’est jamais retournée en arrière. Le courage de Prim face à cette vie dont elle rêvait était devenue comme un but à atteindre dans la mienne, j'aurais adoré faire preuve d'autant de bravoure dans ma vie. Mais je n'avais aucune vie sociale en dehors de Prim et ce n'est pas à mon médecin qui essayait de sauver le peu de ma personne que j'allais dire d'aller se faire foutre. Je pense que dans ma vie intérieure je l'aurais fait. J'aurais tourné les talons, balancé mes cheveux dans le vent et craché « va te faire foutre » en accompagnant mes mots d'un sourire narquois et méchant. Dans cette vie-là, j'étais la plus belle après Primrose et tous les mâles du Royaume se seraient battus pour être à mes côtés, ou juste ramasser un mouchoir que j'aurais fait exprès de faire tomber. C'était à mon tour de sauver Prim. Je l'ai consolée pendant plusieurs semaines, j'essayais, tant bien que de mal de la faire sentir comme si rien n'avait changé mais tout avait changé, Prim la première. Elle était devenue plus forte, plus sûre d'elle, à fond dans ce qu'elle dit, à fond dans ce qu'elle fait et ça ne faisait que l'embellir. J'avais toujours autant besoin d'elle. Même si pendant un cours instant les rôles c'étaient inversés. J'avais besoin de sa présence, de son odeur et de son cœur qui battait sur ma tempe quand elle me laissait m'enrouler autour d'elle pour retrouver les bras de Morphée. Je ne lui avais jamais parlé de ce que j'avais fait à la voiture de son ex petit copain et je pense que c'était mieux pour elle de ne jamais le savoir. Mon état s’était amélioré, avec une personne aussi énergique dans ma vie, j'avais retrouvé le sourire. Les malheurs de ma meilleure amie avaient-il fait mon bonheur ? À méditer. Quoi qu'il en soit, je pétais la forme et ça remontait l'estime de moi que j'avais oublié. Ce soir-là, Prim avait organisé une petite soirée pour fêter les un an du magasin qu'elle tenait, elle m'a présenté à Donald. Son nom ne me disait rien, mais son visage illuminait la pièce. Je ne l'avait jamais vu auparavant, mais c'était comme si je savais déjà tout de lui, il n'a pas eu besoin de me toucher pour que des frissons parcourent mon corps à la recherche d'un nom à donner à cette nouvelle sensation qui m'embrasait. Pendant tout le dîner, ils ont parlé entre eux, je le regardais dîner, rire, et s'amuser alors que j'étais assise seule sur le parquet à manger des amuses bouches. Mon cerveau essayait de me dire quelque chose en me renvoyant des flashs avec lui dedans, je n'arrivais pas à distinguer si c'était la réalité ou simplement des fantasmes provoqués par ma libido. D'après mon gynéco, je n'étais plus vierge. Ça veut dire que quelqu'un était déjà passé par là, ce quelqu'un dont je n'avais aucun souvenir. Je dus quitter la soirée au beau milieu du dîner, j'avais la tête qui tournait à cause de l'odeur trop grande de la bouffe, surtout les ovaires en ébullition. Prim m'a accompagnée dans ma chambre et m'a installée. Elle a essayé de se faufiler une place pour m'aider à m'endormir mais je lui ai dit de profiter de la soirée, je n'allais pas lui gâcher la vie à cause de cette maladie qui n'infectait que ma vie sociale, pas la sienne. Le lendemain, j'avais remarqué que Prim n'avait pas dormis là, lorsqu'elle est arrivée par la fenêtre en essayant de rentrer délicatement dans sa chambre, j'eus un fou rire. « T'as dormis où ? » elle m'a répondu avec une question, le truc que je déteste « Pourquoi tu n’as pas parlé à Donald de la soirée alors que tu as passé ton temps à l’observer ? » On s’est regardées avec le regard du « tu connais la réponse » et on est chacune allées dans nos chambres respectives. Je manquais énormément de confiance en moi. J'avais l'impression que tout le monde pensait que j'étais un monstre ou une malade mentale qui n'était pas capable de se rappeler qui elle était et ça me donnait une vision négative de ce que j'étais en réalité : une jeune adulte qui avait du mal à se trouver. Ce n'était pas typique mais c'est ce que j'étais. Et tant que je ne dépassais pas cette phase de trouble, je ne pouvais pas avancer. J'étais coincée dans l'avenir que je n'étais pas sûre d'avoir et le passé dont je ne me rappelais pas.