James & Marie

Nous étions le premier jeudi du mois de novembre. Pour quiconque, c'était un jeudi comme les autres mais pour moi, tous les premiers jeudis du mois sont toujours spéciaux. Du temps où j'habitais encore Paris, avec toute ma famille, Madame nous emmenait toujours au restaurant ce jour précis. C'était notre petite tradition. Elle nous mettait tous dans deux boîtes - une pour Mère et Thomas et une pour nous trois - qu'elle plaçait dans la voiture, tirée par Frou-Frou. Je me rappelle les sauts que nous faisions, quand la rue était endommagée. Je me souviens surtout des odeurs de ce quartiers où nous allions, avec tous ces restaurants qui n'attendaient que nous. Chaque nouveau mois, Madame choisissait un nouveau restaurant. Tout ceci ressemblait au bonheur, alors j'avais tenté de le restitué à mon arrivée à Fantasia Hill. De même qu'à Paris, j'allais maintenant dans le seul restaurant de la ville, que j'avais eu tant de mal à trouver. Il se situait dans Spacegreen Cross, un quartier reculé mais très agréable. Chaque fois que je m'y rendais, j'espérait que mes frères et mes parents poursuivent aussi la tradition et qu'un jeudi, je les croise au Sea of our Dreams.

Comme à mon habitude, j’ôtai ma veste en entrant dans le restaurant, et l'accrochai au porte-manteau. L'ambiance du restaurant était presque familiale, personne ne se mettait sur son trente-et-un pour venir y dîner mais moi si, parce que je voulais être présentable si Mère était là. Je portait une robe en dentelle blanche et un ruban rose dans mes cheveux, comme pour rappeler le chaton d'antan. Un garçon s'approcha et m'indiqua une table à deux couverts. Il savait, depuis le temps, que je mangeais seule ; mais il me laissait toujours le second couvert, au cas où. Je ne voulais pas perdre espoir qu'un jour, ma famille soit là. Quand ce jour arriverait, nous serions à nouveau réunis. Nous pourrions acheter une des grandes maisons de Bretzelburg Avenue et nous serions heureux...

Je caressai encore ce rêve quand, en m'asseyant, je trébuchai sur le pied de chaise et manquai de tomber. Reviens à toi Marie, tu ne veux pas te rendre ridicule devant tous ces gens, encore moins si ta famille se trouve parmi eux. Sitôt assise, le garçon revint m'apporter une carte des menus, que je repoussai poliment. Ce sera comme d'habitude, lui commandai-je avec un sourire. Il inclina la tête et se retira. Commençait alors mon travail d'épiage. Si certains visages m'étaient familiers - des habitués de la maison - d'autres étaient neufs à mes yeux. Se pouvait-il que certains viennent de mon conte ? D'ailleurs, venaient-ils tous de contes pour enfants ? Lesquels ? Ma curiosité me dévorait. Cet homme par exemple, au regard sombre. Qui était-il ? Était-ce un véritable humain ou un personnage ? Qui qu'il soit, il venait vers moi. Il venait vers moi ? Non ! Cette place est réservée !