J'ai compté les jours que nous avons passés ensemble, même s'ils sont peu nombreux, je sais qu'ils suffiront à remplir le reste de ma vie, je voudrais maintenant que le temps passe très vite. |    J'ai toujours eu peur de l'au-delà. À vrais dire, j'avais peur parce que j'ai choisi un mode de vie qui n'était pas vraiment autorisé par la bible et je savais que le grand barbu m'attendait au tournant. J'avais trop de fois joué avec son ange de la mort et il n'attendait que ça : me rendre la monnaie de ma pièce ! Toutes ces années à reporter notre rendez-vous, il a fini par se dire que j'étais une cause perdue et à laisser place à son meilleur ami d'en bas. Lui, il ne voulait pas que je le rejoigne, il s'est dit : « Oh non, encore une folle alliée égoïste ! » C'est ce que tout le monde dit, 'fin, tout le monde à part, elle. Elle a toujours été gentille avec moi, même dans la dernière foulée le moment où tout est parti dans le vent, elle était encore assez gentille pour ne pas essayer de me tuer. Elle voulait sauver tout le monde, être le héros, je l'ai élevée comme ça ! Je suis une bonne mère après tout. Vous allez me dire que ce n'est pas vrai, que cette gosse ce n'était rien. Mais détrompez-vous, dans la balance du bien et du mal, sauver Raiponce, et non kidnapper Raiponce, tombe dans le bien. Parlons à cœur ouvert, as-tu déjà vécu le vrai grand amour ? Je ne te parle pas de Pierre, Paul ou Jaques avec qui ça a duré deux semaines avant de tomber dans les abysses. Je te parle du vrai grand amour, avec un grand A ! Non en fait, avec tout en majuscule, pourquoi se focaliser sur le A alors que tout est en majuscule ? Je te parle de cet amour, qui a duré sept longues années. Sept ans, c'est beaucoup hein ? Une vie entière pour un chat ou un chien, une éternité pour un poisson rouge. Sept ans de vie, durant lequel la personne aimée, chérie et dorlotée ne se rappelle de rien.
Je n'ai plus eu peur. De rien, de personne. Je me suis sentie comme libérée de ces pensées qui me tourmentaient. Je ne savais pas vraiment où j'étais, puisque je ne ressentais rien. C'est comme si j'étais endormie, mais je ne rêvais pas. Je voyais juste des images qui défilent d'une manière tout à fait aléatoire. Des choses que j'ai vues ou vécues, qui sont affichées sur un grand écran blanc et tout le reste était noir. Ma mémoire s'est arrêtée à l'image de Raiponce avec les cheveux courts et brun, je pouvais la revoir si l'envie me prenait, de ses premiers rires à ses derniers sanglots. C'était ça, le paradis ? C'était ça, l'enfer ? Si c'est le cas, je demande à être remboursée. Ce n'était pas du tout ce à quoi je m'attendais, à vrai dire ne je n'ai aucune idée de ce à quoi je m'attendais. Je voulais sûrement du spectaculaire, un grand feu d'artifice ou encore ce bordel qu'on nous promet : notre vie défilant en moins d'une seconde ! Pour voir comment on a débarqué là. Tout ce qu'on a vécu avant d'avoir la « paix éternelle ». C'était ça d'ailleurs, la paix éternelle ? Je ne me sentais pas apaisée du tout. Je suis totalement déçue, toute ma vie je m'attendais à un grand bloum et voilà que cela a fait splach. La notion du temps s'était perdue, depuis combien de temps étais-je là ? Combien de fois avais-je vu cette gamine caresser ce chaton ? Je ne savais pas. Peut être une minute, une journée, un an ? Qui sait ? Personne ne passe par ici, j'aurais voulu qu'on m'explique les règles du jeu avant de commencer la partie pour moi. Sept ans où tu te donnes à cinq mille pour cent, pour que cette personne soit heureuse et qu'en échange, elle ne se rappelle même pas de ton visage. Sept ans de dur labeur où s'enchaînent amour et patience, où tu te lèves à pas d'heure parce qu'il en a envie. Sept ans où tous les souvenirs, toutes les émotions, tous les sourires ne seront partagés qu'à sens unique. Tu serais prêt à vivre ça ? Encaisser que cinq ans après, l'être aimé t'insulte parce qu'elle n'a pas eu ce qu'elle voulait ? Que l'amour qu'elle te porte devient des accusations et des remords ? Qu'à chaque fois que tu mentionneras ces années passées, on te demandera de te taire parce que c'est chiant ? Tu serais prêt à te donner, corps et âme, sans filet, sans parachute, sans rien, en sachant que peut-être ça ne marchera pas ? Je l'ai fait et on m'a accusée de ne jamais l'avoir aimée et on m'a accusée de lui avoir fait du mal, de l'avoir empêchée de vivre. Mais elle a vécu cette petite, elle n'a jamais souffert, jamais été triste et on me blâme pour ça. J'ai peut-être raté un épisode, ou peut être que sortant de ma bouche tout semble différent, mais je ne l'ai jamais vue malheureuse. Perdue, désorientée, pensive, oui, on l'a tous déjà été, mais malheureuse à en pleurer, non jamais. Raiponce est un soleil et elle n'a jamais cessé de briller, du premier jour où elle est entrée dans ma vie au dernier. Je savais que tout cela allait prendre fin un jour, mais je ne voyais pas ce jour arriver si tôt. Je nous laissais encore un peu de marge avant qu'elle n'ait envie de partir pour de bon, mais j'avais trop peur, trop terrifiée par mes propres démons pour apercevoir les siens. Elle avait soif de connaissance et j'étais affamée de jeunesse. Je ne le cache pas, j'ai aimé l'utiliser. Elle m'a rendue ce que le temps m'avait pris, j'ai retrouvé ce que j'avais perdu et je l'use, pour moi, mais aussi pour elle. Je suis peut-être un monstre d'égoïsme, mais j'assume pleinement avoir abusé de cette petite. Je m'égare, c'est dur de se dire que tout est fini. Tout ça à cause de ce stupide voleur de pacotille. Qu'est-ce qu'il a fait hein ? Il nous a brisé notre éden, il méritait amplement ce que je lui ai infligé, mais Raiponce en était folle amoureuse. Et c'était bien là le problème, l'amour, le faux, que l'on vit à travers les yeux d'un prétendant n'est qu'illusion. Elle pensait ne plus pouvoir vivre sans lui, mais en réalité, elle sera mieux sans lui. Il a commencé à la baratiner de promesses, d'échanges et de rêveries. Ensuite, il a tout fait pour qu'elle sorte, qu'elle affronte le monde extérieur et tout ça pour quoi ? Cette stupide couronne, moche qui plus est. Ils ont visité plein d'endroits, on a essayé de les tuer et après, après, je ne sais même pas. Mon corps était épuisé, je n'avais pas eu ma dose de jeunesse durant trois jours et j'ai bien cru que mon cœur allait me lâcher alors que je montais la tour avec difficulté. Il était de nouveau en route, jusqu'à ma vision de la tour complètement vide, il a failli me lâcher ; mais je l'ai supplié de ne pas faire un arrêt avant que je ne retrouve cette stupide enfant. On dit souvent qu'une fille a besoin d'un bad boy dans sa vie, au moins une fois. Je ne pensais pas que Raiponce était le genre de gamine à commencer directement par un vilain garçon, pas beau en plus. Je suis partie à leur recherche et me suis rendue compte que je n'étais pas la seule. La moitié du royaume voulait la peau de ce nabot, mais surtout, ils voulaient récupérer ce précieux bigoudi qui leur tenait tellement à cœur. Mon plan était simple : manipuler Raiponce pour qu'elle pense que ce Flynn Rider, dont elle tombe éperdument amoureuse, n'est qu'un stupide, égoïste et méchant jeune homme comme je lui ai toujours dit de faire attention. Elle aurait accepté, elle aurait eu plein d'images dans la tête et on serait rentrées avant le coucher du soleil, on n'en aurait plus parlé jusqu'à ce que le grand barbu décide une nouvelle fois de me rappeler à l'ordre. Et cela avait marché, alors qu'elle tombait folle amoureuse, elle s'était rendue compte de ce qu'il était : un simple voleur. Rien de plus, rien de moins. Ses rêves ont brisés par la dure réalité que je lui ai infligée, ce n'était pas noble de ma part de la torturer, mais elle en avait besoin. Ces deux jours passés dehors, à voir le vrai monde, ce n'était pas bon pour notre vie. Notre éden n'était plus ce qu'il était face à ces belles choses qu'elle avait vues, il fallait qu'elle redescende sur terre et plus brutale sera la chute, mieux c'est. Alors, on est rentrées, elle avait vu plein de choses, découvert plein de choses, mais elle ne m'en avait pas parlé. Ce n'était pas son genre, mais je pense qu'elle avait besoin d'un peu de silence pour tout remettre en ordre dans sa tête. Mais ça n'a fait qu'empirer les choses. Elle a débarqué, en mettant sur la table toutes mes erreurs. Ses yeux me lançaient des éclairs, elle voulait des explications, les points sur les i, les barres sur les t, tout savoir, le pourquoi du comment. J'ai paniqué, je l'avoue. J'ai réagi comme une sotte en l'enchaînant, mais je n'avais plus le temps. Ce stupide voleur connaissait notre secret et il ne suffisait qu'un mot, une preuve où je ne sais quoi pour que les gardes royaux s'emparent de nous. Je n'avais plus le temps de lui mentir, de lui retourner le cerveau. J'ai donc agi de la manière dure ce qui ne lui a forcément pas plu. Et c'est à ce moment-là que j'ai sous-estimé ce petit merdeux. Alors que les minutes étaient comptées, elle me promettait de le remettre sur pieds et de partir avec moi, où je voudrais. « Comme avant » avait-elle murmuré, les larmes aux yeux. Je l'ai laissée sauver sa petite amourette en pensant à où aller et comment fuir ce royaume avec une fille qui avait trop de cheveux. Et là.. Il lui a coupé les cheveux. Comme ça, avec un bout de verre qui traînait par terre. D'un geste furtif de la main, il a mis fin à toutes ces années de travail. La magie a cessé de fonctionner et le temps est venu mettre ma reine à terre. La partie était finie, j'étais finie. J'aurais voulu parler à Raiponce, mais c'était trop tard. Elle m'avait trahie, cette petite garce que j'ai élevée comme mon enfant vient de me planter un pied-de-biche dans le dos. Je me sens vieillir, mon corps d'origine a refait son apparition, mes membres fondaient littéralement sur le sol, j'ai reculé, aperçu mon reflet, fait un faux pas et j'étais perdue. Mon corps a dévalé les dizaines d'étages de cet endroit que j'ai appelé : maison. Je me sentais redevenir ce que j'ai toujours été, plus rien n'avait d'importance. J'étais morte.


 J'aurais voulu te voir grandir, te voir devenir femme. Si je n'avais droit qu'à un seul espoir, ma seule ambition de mère serait que la vie te permette d'aller jusqu'au bout de tes rêves. Accomplis-les, n'aie jamais peur d'aimer... |   C'est là que ça devient drôle. Je suis revenue des morts. Le grand barbu en avait peut-être marre de louer une salle pour moi, il a sûrement demandé à son voisin qui lui a dit « pas de psychotic bitch chez moi » et c'est comme ça qu'ils m'ont remise dans la partie. Comme je vous l'ai dit, j'étais en train de dormir, pendant combien de temps ? Je ne saurais vous dire, mais je me suis finalement réveillée. J'étais dans un cercueil ouvert dans une morgue et une famille passait devant moi, ils ont hurlé quand ils m'ont vue et je crois que j'ai fait une salle tronche qui n'a pas arrangé les choses. Je me suis étirée, parce qu'après tout, c'est fatiguant de mourir. Et je me suis sentie immortelle. J'ai passé une vie entière à jouer contre le grand barbu et j'avais gagné, Gothel a gagné. Au final, faire le mal, c'est bien. Et je n'avais plus peur de rien, parce que la mort, ce n'est pas si terrible que ça au final. J'étais immortelle et indestructible. J'avais retrouvé le corps de mes vingt ans, tout était de nouveau en place, mes membres étaient encore plus beaux qu'ils l'étaient autrefois. Plus de gosses, plus de jeu naval avec le temps, plus de peur, plus rien, plus que moi et le monde à mes pieds.