Je sais que je ne devrais pas, c’est idiot, c’est égoïste de ma part, mais je ne peux pas. J’ai beau lutter, je n’y parviens tout simplement pas. Parfois je me dis que j’agis comme le ferait un enfant, sauf que je ne sais même pas comment agirait un enfant. Je ne l’ai jamais été, tout ce que j’ai connu, c’est la vie sous la peau d’un renne. Je n’étais pas capable de réfléchir comme un humain, et me voilà maintenant comme tel. Je suis un véritable humain, avec des besoins, des sensations et des sentiments qui lui sont propres. Alors comment voulez-vous que je m’en sorte moi ? Je sais que cela fait déjà deux ans, mais j’ai dû mal à m’y habituer alors que pendant de nombreuses années je n’étais qu’un simple animal rêvant simplement de carottes et un peu d’attention de son maître ? Et voilà que je repense encore à lui, de toute manière, on dit que tous les chemins mènent à Rome, bah moi c’est toutes mes pensées mènent à Kristoff. Je déteste cela… j’aurais préféré rester le Sven de l’autre monde, celui qui n’avait pas de sentiments, parce que c’est ça dont il est question au final, mes sentiments. Je déteste l’amour, ça craint à mort. Mais si je reste allongé, dans mon lit, blottit sous ma couette, la tête dans l’oreiller, en train de pleurer, c’est de sa faute à lui, nous nous sommes encore disputés ce matin, pour des choses inutiles en prime. Alors peu importe si je devais sortir ce soir pour jouer dans un bar, admiré par le premier ami que je me suis fais dans ce nouveau monde. Je ne veux pas aller dehors, je ne veux pas affronter le monde. J’ai beau sourire à tout va, je ne peux pas faire semblant tous les jours. Je sais qu’aller jouer de la musique pourrait me changer les idées, mais je n’en ai pas envie, j’ai envie de rester là, à ruminer mes pensées sur un amour impossible entre lui et moi. Kristoff reste accroché à Anna, j’en suis persuadé, il n’aime pas les hommes, ça aussi j’en suis persuadé et moi, je me retrouve là, comme une pauvre crotte. Entrain de pleurer sur des choses qui ne se réaliseront jamais. Quel idiot je peux être parfois, mais ça me fait sentir vivant ce genre de choses. J’avais donné rendez-vous à Philippe une demi-heure avant le concert dans le bar histoire de m’installer et de faire les tests pour le rendu audiovisuel, et je sais qu’il a compris que je ne viendrais pas. Il n’arrête pas de m’appeler depuis au moins deux minutes, mon téléphone vibre sur ma table de chevet. Je ne souhaite pas décrocher, je ne veux pas le voir, je ne veux pas l’importuner avec mes problèmes, il en a déjà tellement. C’est pour cela que j’ai préféré taire mes sentiments pour mon ancien maître, parce que je ne veux pas l’importuner plus. Je n’en parle à quasiment personne d’ailleurs. Je préfère que ça ne se sache pas, simplement parce que sinon on ne me parlerait que de ça et de ce fait, ça m’empoisonnerait l’existence, ou plutôt ça me le ferait plus que d’ordinaire. Je sens que mes larmes ne vont pas cesser de couler avant que je ne trouve le sommeil, une bonne nuit réparatrice et j’irais déjà mieux demain, enfin prions pour que ce soit vrai. Parce que je sais que demain ne sera pas un jour meilleur, il ne fera que se répéter inlassablement, c’est le même schéma depuis maintenant deux ans, je finis par avoir l’habitude à force.