Et puis votre mère est morte ce doux matin. La douleur reste amèrement ancrée en toi, car tu te sens comme responsable de sa disparition. Elle était si importante à tes yeux, que ce vide en toi ne semble jamais pouvoir se refermer. Ainsi tu as du prendre très tôt la place de votre mère au sein de cette large famille, avec tes petites sœurs en autre. Tu étais la plus âgée, c'était ton devoir. Cacher ta propre peine, te montrer forte pour elles, et leur assurer un avenir meilleur. Leur faire oublier cette journée que vous gardiez toutes au fond de vous. Tu devais donc sourire, te forcer à leur montrer cette fausse joie et ne surtout pas craquer. Votre père comptait sur toi pour te montrer responsable, alors à aucun moment tu ne flanchas face à tes soeurettes, et très vite tu t'imposas comme autoritaire, même. Chiante, diraient-elle. Et tu sais à quel point tu pouvais l'être, ne laissant rien passer, n'autorisant rien qui allait à l'encontre de la volonté de votre père. Tu avais tout simplement.. peur de les perdre, elles aussi. Tu étais loin de ne pas leur faire confiance, c'est en ce monde au dessus de vous que tu n'accordais aucune confiance.
C'est pour quoi, le jour où tu appris que la dernière des sœurs, Ariel, ou celle qui avait tout hérité de votre mère, était tombée amoureuse d'un humain, tu eus l'impression d'avoir échoué dans ta mission. De ne pas les avoir assez mise en garde contre leur danger, leur férocité. N'était-ce pas des humains qui étaient la cause de l'absence de votre mère ? Hélas, tu n'eus pas le temps d'ouvrir les yeux d'Ariel que déjà, elle avait rejoint l'autre monde, l'enfer comme tu le surnommes. Comment soulager cette peine, comment contrer ce nouveau vide en toi au juste ? Votre mère, puis ta petite sœur.. Tu ne pouvais laisser passer cela, ne le voulais pas, mais que pouvais-tu faire au juste ? L'a rejoindre à ton tour pour l'a ramener à la mer ? Non, hors de question, tu ne pouvais décidément pas passer un pacte avec la sorcière des océans. Ainsi, tu te contentas de surveiller de plus près tes autres sœurs, ne désirant en perdre une de plus, et refusant à nouveau de te montrer faible face à elles. Tu avais d'ailleurs pris cette mauvaise habitude de te recueillir loin du royaume, vers la baie des corail, pour enfin laisser parler tes sentiments et extérioriser toute cette peine. 
Mais plus le temps passait, plus tu te sentais te fragiliser et surtout, tu sentais la solitude s'ancrer en toi. Seule, horriblement seule. Une famille certes, du moins un père et des sœurs même si une rousse manquait à l'appel, un royaume entier même avec toi. Et pourtant, cette sensation de n'avoir d'importance pour personne, de n'appartenir à personne surtout. La cadette vivait le grand amour sur terre, s'étant mariée avec son monstre à jambes, et tu pouvais voir nombre de tes sœurs aux bras de jeunes hommes. Tandis que toi tu te préparais à finir vieille fille. Tu es pourtant loin d'être repoussante, du moins physiquement car les années avaient fait de toi une vraie teigne tyrannique. Ton père te répétait même maintes fois qu'il fallait te radoucir, après tout tu étais la futur Reine des dessous-marin. Reine.. ô jamais tu ne te sentis prête à le devenir ! Mais il le fallait, car votre Père se faisait à présent bien vieux, et même si l'idée de le voir à son tour partir t'arracher des larmes, tu devais te rendre à l'évidence : bientôt tu régnerais, et cette fois-ci tu ne devrais non pas seulement te préoccuper de tes sœurs, mais d'un royaume entier. La pression était telle que tu faillis demander à votre père de faire d'Alana l'héritière du trône, étant la deuxième aînée. Mais au final, tu reprenais tes esprits et t'interdisais d'ainsi le décevoir. Alors tu devais devenir plus mature, plus responsable, et oublier tous problèmes personnels.

C'est ainsi que tu évoluas jusqu'à ce jour, à toujours penser aux autres et à laisser ta personne de côté. Tu ne pouvais te laisser tenter par l'égoïsme, ni par la faiblesse ou de simples caprices. Tu devais être une Reine à en devenir mais surtout une grande sœur. Une tante même. Alors que tu n'avais toujours pas trouvé ton Roi, la cadette était à présent mère. Jalouse ? Oh que oui tu le fus, mais le temps t'a apprit à ne pas envier ta propre famille. Il t'a surtout prouvé que l'amour n'était décidément pas fait pour toi, tu n'avais pas le temps à ça. C'était trop égoïste de perdre ton temps dans une relation alors qu'un royaume et une famille en attendaient tellement de toi.



Un à un, tu observes chacun de tes élèves effectuer l'exercice que tu leur avais donné. Un truc tout simple, mais assez long pour qu'ils te laissent tranquille. Et que tu puisses fumer tranquillement dans les gradins sans que personne ne te dérange. La fin d'après-midi approchait, mais tu était déjà exténuée. Malheureusement pour toi, ce soir tu étais de service au commissariat : pas de repos avant sept heures, demain matin. Il y a certain jour où tu te demandais pourquoi tu avais décidé de prendre deux jobs, tout deux assez épuisants dans leur genre. Déjà, il y avait la raison de l'argent : une princesse se devait de vivre convenablement, alors non, un seul salaire ne t'aurait jamais suffit. Et puis surtout, tu aimais ce que tu faisais. Avoir ces jeunes gens à tes ordres, te défouler sur eux – ou même tout simplement te défouler en faisant du sport en même temps qu'eux. Et puis mettre l'uniforme, te sentir alors puissante d'une certaine manière. Enfin tu n'étais pas une policière très exemplaire, consommant quelques substances illicites durant de folles soirées par exemple, mais tu n'en demeurais pas moins passionnée, ayant ce coup pour l'action.
Oui, Atlantica et son royaume était à présent bien loin. Dire qu'il ne te manquait absolument pas, ç'aurait été te voiler la face. Alors oui, il t'arrive d'être nostalgique, notamment de regretter de ne plus être une sirène. Mais cette nouvelle vie – cette vie d'humaine – tu l'as croyais à pleine dent. Et tu ne comptais pas t'en arrêter là.