i. HOW TO GO IN HELL ?
Il y a parfois des choses que les mortels ne peuvent pas expliquer, que nous-mêmes les dieux nous n’y parvenons pas. C’est tout simplement parce que ces choses ne sont pas faites pour être expliquées, ce doit être nébuleux, pour garder une part de mystère. La venue au monde des dieux et des titans fait partie de ces parties qui doivent rester brumeuses pour le commun des humains. Je suis née de l’union de Déméter et de Zeus, ce qui fait en réalité que je suis le fruit de la passion d’un frère et de sa sœur et que c’est sacrément dégoûtant dans la tête des gens un peu plus civilisés que nous autres les dieux. Enfin disons que nous n’avons pas les mêmes principes que vous, c’est tout. Dès ma naissance, j’ai été affublé de la lourde et importante tâche d’aider ma mère dans ses tâches concernant la moisson, l’agriculture, les récoltes. Etant d’une grande beauté à ce que l’on raconte, ma mère m’aurait élevé en secret en Sicile afin que je sois en sécurité. La beauté est un vilain défaut chez nous les divinités, elle conduit les hommes à des extrémités douteuses. Oh oui, la preuve en est, alors que je me prélassais avec des Océanides sur l’île de mon enfance, le vil Hadès, dieu des enfers, fut époustouflé par cette fameuse beauté que tous voyaient en moi, ni une, ni deux, il m’a enlevé afin de faire de moi sa reine dans les Enfers. Je n’ai eu le temps de lancer qu’un cri, juste pour alerter ma mère, chose qui a servis à faire en sorte qu’elle me retrouve après sept jours où j’ai dû me nourrir de pépins de grenade pour subsister, sauf que toute nourriture avalée en enfer condamne la personne qui l’a ingéré à y rester.  Dès le premier jour il a fait de moi son épouse, renforçant le pouvoir qu’il avait sur moi, son emprise a été directe et s’est amplifiée jour après jour. Ma mère n’a pas supporté cela, elle a décidé de porter l’affaire en « justice » devant Zeus qui prend entre deux étaux – d’un côté son frère Hadès de l’autre sa sœur Déméter – a décidé que pendant une moitié de l’année je vivrais avec ma mère sur le mont Olympe et l’autre moitié avec mon époux. Ce que les mortels ont expliqué dans le phénomène des saisons six mois avec ma mère étaient synonymes de printemps et d’été alors que six mois avec mon époux étaient l’équivalent de l’automne et du printemps.

ii. HOW TO GET AWAY IN HELL ?
J’ai tout tenté pour m’échapper au départ, absolument tout. Le seul problème, c’est que même les dieux ne peuvent pas briser les règles, nous ne sommes pas tout puissant comme nous voulons bien le faire croire, les institutions fondamentales nous ne pouvons pas les contourner, nous devons faire avec. Le fait d’être condamné aux Enfers en est une, je ne peux rien faire contre, tout ça à cause de la monstruosité d’une des pires divinités jamais enfantée dans toute l’histoire des dieux. J’aurais préféré pouvoir être née d’Arès, peut-être que j’aurais pu me défendre correctement quand il m’a enlevé. Mais ce n’est pas le cas, et je dois faire avec les moyens du bord pour me débrouiller dans ce monde de désolation qui ne me correspond absolument pas. Parce que ça pour ne pas me correspondre, il ne me correspond pas. Je suis la déesse des moissons aux côtés de ma mère, pas celle préposée à vivre avec les morts et les âmes des damnés. Vous savez ce que ça fait d’être obligée de vivre dans un tel endroit ? Ça rend complètement dingue. Le pire c’est les hurlements venant des champs du châtiment, ça m’a traumatisé, j’en faisais des cauchemars alors que même les dieux n’étaient pas censé en faire. J’ai développé des tendances plutôt ténébreuses, je le suis devenue moi-même, je n’ai pas eu le choix pour survivre ici. Ma mère le déplorait quand je revenais, mais c’est l’influence que la mort a pu avoir sur moi. Je n’étais plus seulement la déesse mineure de l’agriculture et la fille de Zeus ; je suis devenue la Reine des Enfers. Aussi noire et sombre que son mari, mais ça je l’enfouissais au plus profond de moi-même pour ne pas tuer la pureté et la bonté qu’il y avait en moi. A force de lutter comme cela, j’en suis devenue totalement barrée. Au sens propre du terme, deux personnalités en une seule personne et l’une qui tente de s’imposer à l’autre. Je sais que c’est compliqué de vivre comme cela, mais je devais faire avec et je ne pouvais en parler à personne, parce que ça ferait plus de bien que de mal, le monde des Enfers en guerre contre l’Olympe, ça ferait trop de blessés, et je ne supporte pas la douleur des autres. J’aimerais que tout le monde soit heureux même si je dois pour cela en pâtir et souffrir comme jamais je n’ai souffert dans ma vie. Et la souffrance ça me connaît, j’en suis devenue une sorte de divinité par défaut.


iii. HOW TO LIVE IN HELL ?
Le problème n’est même pas de vivre en Enfers en fait, le problème c’est mon époux, il est abominable. Il m’a forcé à l’épouser, il m’a arraché à ma vie, il m’a enlevé à ma mère, à mon père, et il l’a fait simplement pour ma beauté, mais comme pour beaucoup de choses on se lasse. Il a fini par se lasser de moi. Je le déteste d’autant plus pour ça. Je le hais de tout mon corps, je n’ai envie que d’une chose, l’exterminer pour qu’il comprenne que tout ce qu’il a fait, c’est me faire souffrir. J’aurais préféré qu’il ne me lève pas, ou alors qu’il m’aime réellement, mais notre union n’a été que du vent, une esbroufe, une idylle passagère. Béguin qui m’a condamné à vie à lui. Et la vie d’une divinité est très longue, très très longue. Si longue que j’ai parfois hésité à me baigner dans les eaux terribles du Léthé afin de perdre la mémoire et tenter de vivre une vie de mortelle dans le monde humain, mais une force m’en empêchait, je ne pouvais décemment pas le faire, ou plutôt quelqu’un ne le voulait pas. Je sais que c’est mon époux, j’étais sa propriété et même si nous nous détestons tous les deux, je sais que je ne pourrais pas me défaire de lui si facilement. Les pactes entre les dieux ne peuvent être rompus. Si seulement j’avais les pouvoirs et la force nécessaire pour le faire plier et me donner ma liberté. Liberté que je désire tant, liberté que j’aimerais obtenir, liberté qui me hante, qui m’obsède. Désespoir qui prend sa place et qui me pousse à le détester plus que tout autre chose au monde. Puis vint Hercules, j'avais placé tant d'espoir en ce "demi-dieu" qui aurait pu me libérer de l'emprise d'Hadès, mais j'ai été déçue, parce que même si le fils de Zeus et de Héra a réussis à le "vaincre" ; ça n'a rien enlevé à ma punition non méritée. Je me suis mis à le haïr lui aussi, alors qu'il ne m'a strictement rien fait.

iv. HOW TO RETURN IN HELL ?
J’avais espéré la liberté, je l’ai eu. Mais je ne l’imaginais pas comme cela à vrai dire. Se réveiller un beau matin, toute seule dans un lit inconnu, un endroit inconnu, ce n’est pas ce que l’on appelle la liberté. J’ai eu peur, j’ai cru que ma vie s’était arrêtée et que je me réincarnais. Finalement c’est à peu près ça, je me suis levée de mon lit, totalement nue dans un corps qui n’était pas vraiment le mien. Quand je me suis vue dans la glace, j’ai hurlé. Mon beau visage, mes yeux, mes lèvres, tout a changé. Mais à bien y voir, je me trouve bien plus jolie que précédemment, mais un vide s’est fait en moi, plus de magie, plus de pouvoir. Ce qui signifie plus de Reine des Enfers car plus d’Enfer ni d’Olympe. J’en ai pleuré de rage. Mais mes tourments ne se sont pas arrêtés là. Je n’avais plus mon époux, et c’est là que je me suis rendue compte à quel point il comptait pour moi, à quel point il était essentiel à mon équilibre psychique. Depuis ce fameux réveil, je me suis… perdue, totalement paumée dans mes sautes d’humeurs. J’ai conservé de sales habitudes de mon ancienne vie, et j’aurais préféré qu’elles m’abandonnent, mais impossible, elles me collent à la peau comme le feraient des mouches sur un papier censé les tuer. En réalité ça me tue, ça a bien faillis à deux reprises où j’ai tenté de me retirer la vie et dont j’ai gardé les cicatrices sur mon corps. Je déteste cet endroit, je le hais encore plus que les Enfers que j’ai tant voulu quitter par le passé. Si seulement on pouvait faire un retour en arrière pour arranger les choses, mais ce n’est point possible malheureusement. Même la magie a ses limites et manque de chance, pas de magie dans ce monde-ci. La pire des choses a été de voir mon mari s’éloigner, et ça je ne le supporte pas, il est à moi et même si je le déteste, il reste à moi, c’est lui qui m’a rendu aussi impure, aussi malade psychologiquement, c’est à lui d’arranger les choses pour que j’aille mieux. Je crois que je le déteste encore plus qu’avant, pourtant je croyais cela impossible, mais même si je le déteste, j’ai besoin de lui, il est comme ma drogue, comme le centre de mon monde.