Une d’écureuil, c’est d’abord une naissance. C’est un tout petit être fragile et vulnérable qui voit le jour. C’est l’amour d’une mère pour sa progéniture qui prend soin de la nourrir et de la protéger des dangers que forêt recèle jusqu’à ce qu’elle devienne assez robuste. C’est la chaleur douillette d’un sombre petit creux d’arbre où l’on vit ses premiers jours, endormi tout contre ses frères et sœurs, bercé par leur respiration régulière et rassurante.
Mais parmi tous ses cœurs fragiles qui battent à l’unisson, l’un d’eux bat plus fort que les autres. Il rêve d’aventure et du monde extérieur, il rêve de faits héroïques et d’un merveilleux écureuil pour partager sa vie. Il sait que son existence sera différente des autres, il sait que son destin sera extraordinaire.
Et puis un jour, c’est le bon dans la vraie vie, vers cet inconnu qui l’obsède et l’angoisse. La frayeur et l’appréhension tordent ses minuscules entrailles lorsque son petit museau pointe son nez dehors. Immédiatement, c’est la lumière du jour et la chaleur du soleil qui l’accueillent. Alors elle flaire l’air, elle l’estime et puis, poussée par la hardiesse qui étreint son cœur, elle se jette dans ce monde inconnu et commence son apprentissage. Observant le courage de leur sœur, les autres s’élancent à leur tour et la suivent.
Se nourrir, se protéger du temps et des prédateurs, courir, sauter, survivre… Ce sont tous les adages essentiels de cette nouvelle existence et elle s’y prête à cœur joie. Et cet apprentissage du passé, ce n’est plus que le bonheur du grand air, de la liberté. C’est le vent qui coure sur la fourrure naissante et qui caresse son museau tout frais, ce sont les bonds d’arbres en arbres, les courses folles le long de l’écorche jusqu’en haut des cimes, c’est la quête de sensations inédites, exaltantes, grisantes qui mènent vers de nouvelles perceptives d’aventures.
Voilà à quoi se résume l’existence d’un écureuil, mais l’une d’elle va connaître un destin bien particulier grâce à une rencontre hors du commun, un événement qui redessinera toute sa destinée…

Vous croyez au vrai amour ? Un petit rongeur peut-il sentir son petit cœur, plus gros qu’une noisette, battre intensément pour quelqu’un ?
Elle courait dans les sylves quand elle tomba nez à nez avec lui. Dès qu’elle le vit, lui et son pelage roux, son joli museau, son regard vif…. Notre petit écureuil sut tout de suite qu’il était celui qu’elle avait toujours cherché et qu’il serait le compagnon de ses jours. Plus rien n’arrêta alors son ardeur à vouloir conquérir le rongeur de ses rêves. Elle ne se formalisa d’aucun de ses rejets, les prenant pour un jeu de sa part. Encore et encore, elle essaya de gagner son cœur. Elle joua avec lui, le cœur gonflé d’amour et le suivit, ne souhaitant plus jamais le quitter. Tout son être ne désirait que lui et elle n’en voudrait pas un autre.
Son rêve devenait réalité, quand tout à coup, son pauvre élu se trouva en mauvaise posture avec un loup prêt à ne faire plus qu’une bouchée de lui. N’écoutant que son cœur et son courage, elle s’était élancée au secours de l’écureuil, faisant fi du danger. Il avait fallu peu de temps à notre petite demoiselle pour se jeter au-devant de la menace et parvenir à l’éloigner. Elle n’avait pas eu peur de se sacrifier afin de le protéger.
La frayeur d’avoir pu le perdre sitôt trouvé la fit se jeter dans les bras de l’élu de son cœur. Une douce chaleur irradia dans sa poitrine tant sa joie était intense. Plus rien ne pourrait jamais plus les séparer…
Hormis un sort.
Ce fut avec torpeur que la petite écureuil vit se transformer sous ses yeux le rongeur de ses rêves en une créature gigantesque avec des bras et des jambes. Il tenta de lui parler, de lui expliquer des choses dans un langage qu’elle ne comprenait pas. Le cœur brisé, elle s’enfuit dans les cimes et partit se cacher au creux d’un arbre. Puis, sortant son museau de sa cachette, elle le vit partir au loin, en homme qu’il était, continuant sa vie dans ce monde qui n’était pas le sien. Les larmes de chagrin roulèrent sur ses joues, sentant le désespoir prendre possession d’elle. Elle continua tout de même à le suivre en se cachant de lui, assistant à son parcours.
Jusqu’au jour où elle le vit s’élancer à ce rocher d’où il retira cet étrange bout de métal. Quelque temps plus tard, il devint un roi sous ses yeux écarquillés et elle comprit qu’elle l’avait perdu pour toujours. Plus jamais il ne reviendrait dans la forêt pour courir avec elle à travers les branches. La mort dans l’âme, elle regagna son chaleureux creux d’arbre où l’attendaient sagement ses noisettes.
Les jours s’écoulèrent et se ressemblèrent tous. Des jours sans son écureuil adoré qui ne devait sans doute plus penser à elle. L’hiver venant, elle se dit qu’en se terrant de son trou, cela tarirait son chagrin et qu’au réveil du printemps, il serait sans doute sorti de son esprit. Comme tout bon écureuil, elle fit donc ses réserves avant que le froid ne s’installe et puis elle se mit bien au chaud dans son abri, songeant à chaque instant à son amour perdu pour qui elle aurait donné sa vie.

Ce fut un mauvais pressentiment qu’il la réveilla alors que l’hiver avait pris ses droits sur la nature. Lorsque son petit museau osa s’aventurer dehors, elle vit que le manteau de neige blanche s’était teinté de gris tant les ténèbres envahissaient le ciel. Les éclairs se mirent alors à jaillir de toutes parts, et de plus en plus fort, faisant trembler toute sylve. La peur éperonna les entrailles du petit écureuil qui se mit à courir, sautant de branches en branches afin de réchapper à la fureur de la tempête. Un éclair déchira soudain le ciel et brisa une branche sur laquelle elle galopait de toutes ses forces. Elle se sentit tout à coup tomber dans le vide, incapable de se raccrocher à une branche pour reprendre sa course. Quand soudain, une lumière éclatante l’aveugla et les ténèbres la happèrent aussitôt.

Lorsqu’elle se réveilla, elle ne n’avisa que des branchages autour d’elle. Comme si rien ne s’était passé et que la tempête n’était qu’un mauvais rêve, elle se retrouvait juchée sur une haute branche d’un arbre. Pourtant, quelque chose semblait différent, mais elle n’aurait su dire quoi. Elle voulut s’élancer afin de regagner le creux de son arbre, quand soudain, elle réalisa qu’à la place de ses pattes, se trouvaient deux bras et deux jambes. Son pelage roux n’était plus et elle était plus grande que d’ordinaire. Totalement ébahie, elle poussa un cri de frayeur et eut un vif mouvement qui la fit tomber de son perchoir. Elle se mit alors à dégringoler de l’arbre, sans pouvoir se raccrocher à l’écorche, ayant perdu ses griffes. Elle se retrouva bientôt étalée sur le sol, au beau milieu d’une forêt, dans un corps qui n’était pas le sien. Elle resta quelque temps allongée là, complètement déboussolée et s’habituant aux nouvelles sensations que lui conféraient son enveloppe corporelle. Elle observait le ciel, perdue par cette situation.
Et soudain, un visage apparut dans son esprit. Un visage qui n’avait cessé de la hanter tout au long de l’hiver : Arthur ! Elle ne savait pas comment elle s’était retrouvée ici, elle ne savait pas non plus pourquoi elle avait obtenu une enveloppe corporelle, mais tout à coup, ces questionnements n’avaient plus aucune importance pour elle. Elle songeait plus qu’à une chose, à un seul but : retrouver Arthur. Cette nouvelle apparence lui offrait l’opportunité d’être aux côtés du jeune roi et gagner son cœur. L’esprit naquit en elle dans un bouillonnement ardent et elle se releva d’un bond. Suivant son instinct, elle s’élança à travers la forêt et trouva bientôt une ville. Elle fut accueillie, aidée, et logée dans un étrange établissement que les humains nomment un hôtel, ou du moins une grande résidence ou de nombreuses personnes avaient subi le même sort qu'elle.
L’appel de cette nouvelle vie, de ce monde qu’elle ne connaissait pas et dont elle ignorait tout la ralentit dans ses recherches, mais rien ne pouvait émousser la volonté de cette ancienne écureuil. Un nouveau nom, un nouveau logis, un nouveau mode de vie, un travail et des études, des nouveaux centres d’intérêts et de nouvelles rencontres. Cette existence est riche et l’exalte.
Puis un jour qu’elle se promenait dans un parc, menant ses recherches à travers tout Fantasia Hill, un chant se fit entendre. Il l’attira comme un aimant et elle s’approcha. Se dissimulant derrière un arbre, elle observa discrètement un jeune homme qui entonnait un chant qu’elle ne connaissait que trop bien. Un chant que le roi de son cœur chantait autrefois. Une intense chaleur irradia soudain dans sa poitrine en comprenant qu’elle venait de retrouver l’homme de ses rêves. Elle voulut s’élancer au-devant, se présenter devant lui et se montrer aussi entreprenante qu’auparavant, mais sans s'expliquer pourquoi, elle se ravisa bien vite.
Elle préfère le suivre, l’observer dans une muette contemplation en attendant de trouver le moment opportun pour l’aborder. Elle ne veut pas refaire la même erreur que la première et qu’il la rejette encore. Cette fois-ci, elle est bien déterminée à conquérir son cœur grâce à son apparence humaine.