Un rêve de fusion entre métaux gris et blanc. Un champ d'étoiles enflammées, une lutte pour l'humanité de deux êtres programmés, une danse étincelante, et des pelletés de rire emplis d'éclats de lune. Eve est persuadée d'être plus qu'une simple humaine, elle sait qu'elle a été autre chose, avant. Problème étant qu'elle n'a que des souvenirs très flous de cet avant. Elle se rappelle les grandes lignes de l'histoire, elle revoit de tendres yeux d'acier rouillé la dévisager avec une révérence et une admiration qui lui font palpiter le cœur, mais sinon... tout est comme si elle venait de se réveiller d'une trop longue nuit de sommeil, peuplée de cauchemars et de rêves, à présent morcelés et dont elle n'arriverait pas à recoller les morceaux. Elle a plusieurs certitudes ancrées en elle, qui lui paraissent absurdes, mais qui l'aident à s'évader dans les jours les plus sombres. Elle était une simple robote et elle a aimé de tout son être clinquant de blanc. Vraiment aimé. Au moins autant qu'elle l'a été, elle-même. Par un être touchant, drôle et unique. Mais, c'est tout. À côté, c'est le néant, la disparition brutale de son passé, de son identité. Un nom lui est revenu en tête. Incessant. Comme si elle s'accrochait à cette parcelle de son âme avec toutes ses maigres forces. Eve. Sinon, c'est l'incompréhension. La zone qui contrôle les souvenirs est toute engourdie et il lui est impossible de la réveiller.

Quand la jeune femme a ouvert les yeux, ce matin, elle était dénudée dans un parc boisé, plus particulièrement dans un buisson de roses, couvertes d'écorchures et avec de nombreux bleus au cœur. Mais, pire encore, elle n'avait aucune idée de ce qui s'était passé, ni d'où elle était. Elle se souvenait d'une terre ravagée, de personnes incohérentes et ignares, abruties par les technologies, mais rien d'autre. Elle ne sentait rien et son regard voletait sur l'horizon soufflé de rouge et de jaune. Elle se complaisait de cette beauté du paysage avec un délice qu'elle n'arrivait pas à saisir, alors que l'incompréhension du monde et de l'être humain s'installait en son sein. Elle se releva difficilement, comme si ses muscles étaient rouillés et se mit en quête d'une existence à vivre. Elle réussit à se stabiliser. Moins difficilement qu'elle n'aurait pu le croire. Un métier, un logement, des connaissances. Et un monde d'une beauté à lui couper le souffle. Chose qui lui était nouvelle, puisque si elle suivait son instinct, la Terre qu'elle avait quitté, dans son rêve ou sa vie précédente, elle ne savait pas vraiment, était dévastée et recouverte de détritus.

Pourtant, bien qu'elle s'intégra correctement, elle avait le sentiment d'être une étrangère, une créature complètement différente de celles qui lui ressemblaient pourtant si grandement. Une tâche noire sur une peinture blanche. Et une question, en boucle. Qui était-elle ? Mieux. Qui était-il ? Cet amour qu'elle entrevoyait, coincé entre deux souvenirs nébuleux, et qui ne demandait qu'à éclore dans le creux chaud de son cœur. Qui était-il pour l'avoir autant marquée ? Existait-il, au moins, seulement ? Le vent lui soufflait des réponses muettes.

Toutes ces réponses étaient là, entassées dans un recoin sombre de son esprit, à attendre patiemment qu'elle veuille bien mettre la lumière sur elles. Seulement, et inconsciemment, Eve en était incapable. Car pour accéder à ses souvenirs, il lui faudrait prendre connaissance d'émotions et de sentiments qu'elle craignait de ressentir, ici seule dans ce monde. Alors, sans même le vouloir, elle se protégeait. Blocage émotionnel, une poutre en travers du cœur, impossible d'assembler les deux morceaux séparés pour se reconstituer soi-même entièrement. Seule une grue d'homme amoureux y arriverait. Enfin, peut-être. Car, elle se souvenait de la discussion qu'elle avait eu avec son psychologue.

Il avait commencé la séance brusquement, sans préavis, allant à la conclusion sans passer par le blabla habituel. « Je crois que vous ne ressentez plus que les émotions superficielles. C'est comme si votre maladie physique prenait le pas sur le mental. ». Elle lui avait demandé, intriguée : « Que puis-je faire ? ». « Tomber amoureuse, ce serait un bon remède. ». Il avait remonté ses lunettes sur son nez et avait braqué un regard sérieux sur elle, mais elle avait grimacé légèrement. « Ça a l'air plutôt douloureux. ». « Pourquoi cela ? ». « Tomber amoureux. ». Le silence un peu abasourdi qui avait suivi avait confirmé la pensée d'Eve. « C'est bien ce que je me disais. Non, je refuse de tomber amoureuse. ». Il avait fini par hausser les épaules, en souriant. « Alors, acceptez de vous relever, mais amoureuse. ». Elle avait froncé les sourcils, encore, un peu perplexe. « Mais je ne suis pas à terre, je vais très bien. ». Il avait aussitôt rétorqué. « Alors, pourquoi revenir me voir, même après que vos séances obligatoires aient été levées ? ». Prise au dépourvu. « Parce que... je... J'ai besoin de... ». « Oui, tout à fait, vous avez des besoins. En les reniant, vous vous contentez de vous enterrer, encore et encore. Et vous venez de prendre conscience que la terre commence à vous étouffer. Maintenant, vous avez besoin d'un second souffle. Vous avez besoin de sensations, d'émotions fortes. Vous avez besoin d'aimer et de vous libérer de cette peur de liberté qui vous enchaîne. Et vous avez besoin que je vous aide. ». Elle en avait eu le souffle coupé et n'avait rien dit, pendant un temps, avant de répondre : « Vous auriez dû être un médecin pour le cœur, pas pour l'esprit. ». Ce à quoi, il avait simplement rétorqué ; « Je sais ».

Ce psychologue, Will Emerson, avait fait des merveilles, mais cela n'empêchait pas qu'elle ne pouvait pas écouter ce dernier conseil qu'il lui avait donné. Elle ne savait pas s'y prendre. Elle n'aurait pas même su par où commencer. Et pas question de lui dire. Elle n'aurait su dire pourquoi, mais ça la gênait un peu déjà qu'il en sache autant.

Si elle avait été envoyée vers lui, au tout début, c'était tout simplement parce qu'on lui avait diagnostiqué une « maladie physique », comme il l'avait si bien dit. Car, sa différence était également soulignée par un autre fait, qu'elle ne parvenait pas à expliquer ; elle n'arrivait à éveiller aucune sensation sur sa nouvelle peau, pourtant si fragile, si délicate et mince.

Les médecins ont appelé ça « insensibilité congénitale à la douleur ». Amusant, cette habitude de toujours mettre des étiquettes sur les choses, de ranger tout ce qui se ressemble dans des boîtes, avec des petits noms dessus. Comme si les gens étaient des vêtements, dont il fallait soigneusement s'occuper, à ranger selon sa taille et sa forme, selon la préciosité de sa matière. Vous êtes un pull ? Chaud et visuellement très beau, en plus. Et en cachemire pur, me dîtes-vous ? Regardez, l'étagère juste devant vous, vous serez bien, c'est très confortable. Les autres, vous pouvez vous tasser dans le panier à linge. Rien d’extraordinaire chez vous. Allez, dépêchez. Pourtant, pour sa part, elle n'avait pas eu besoin d'attendre la sentence de ces gens en blouse blanche pour savoir ça. Les cons. Elle n'avait pas eu besoin de nom à rallonge, qui ne servait qu'à rendre plus sérieux la chose, elle savait déjà ça. Elle n'arrivait pas à souffrir, point. Elle était immunisée contre les douleurs bénignes, comme plus graves. Incapable de ressentir quoi que ce soit. Elle avait déjà essayé divers trucs. Se pincer la peau du bras, approcher son index d'une flamme, elle était même tombée plusieurs fois, souvent sans le vouloir. Pourtant, elle avait beau remarquer ses genoux égratignés par-dessous son jean déchiré et le sang glisser lentement hors des plaies, rien. Du vent. Et les battements de son cœur, imperturbables. Insensible.

Elle était surtout aller les voir, curieuse de savoir pourquoi elle était la seule dans son cas. Mais ils l'avaient aussitôt dévisagée avec des yeux pleins d'intérêt brillant comme des pierres précieuses en toc. Elle était un cobaye rare, ils pourraient peut-être... Même pas en rêve, avait-elle songé. Quand ils avaient fini par comprendre, il lui avait alors servit la sauce habituelle ; « héréditaire... demandez à vos parents si... blablabla ». Comment faire ? Elle n'avait pas de parents. Pas qu'elle ne les connaisse pas ou quoi que ce soit. Elle n'avait juste, littéralement, pas de parents. Elle était une simple machine, semblable à tant d'autre, évoluée, mais hors service. Déficiente. C'était une conviction qui ne cessait de brasser le vide qui augmentait de jour en jour en elle. Alors, ils l'avaient  envoyé chez ce bon docteur du cœur, avec une obligation à cinq séances, comme si en cinq heure de temps, un simple homme aurait pu la remettre en état de marche. Presque en vain.

Alors, aussi décalé que cela pouvait paraître, elle avait ressenti bien plus de choses dans ce vaste rêve aux contours métalliques qu'à n'importe quel autre moment dans cette vie. À présent de chair et de sang, il n'y avait que ce vide, parfois comblée par l'émerveillement ou la joie, mais jamais rien d'autre. Elle pouvait percevoir son cœur battre à sa place, derrière sa cage d'os blancs, elle saignait si elle se coupait et elle arrivait à apprécier des personnes, mais il n'y avait rien d'autre. Elle avait enfilé un costume de peau sur un trou et elle ne savait pas comment réparer cette erreur. Creuse, pleine d'échos stériles. Et elle avait beau analyser les vies entremêlées de toutes ces machines à parler qui l'entouraient, rien. Elle ne trouvait pas ce qu'ils avaient de plus qu'elle, de quelle façon ils réussissaient à pleurer. Elle avait beau se tordre les bras, se mordre les lèvres jusqu'au sang, et même regarder un déferlement de films à l'eau de rose, jamais une seule larme n'était sortie. Peut-être avait-on oublié de la rebrancher, avant de l'habiller. Elle restait déconnectée, spectatrice, et pourtant, ça lui convenait d'une certaine façon. Parce que plus elle observait ce monde, toutes ces existences trépidantes, et plus elle y décelait des émotions négatives. La terre lui semblait être un vaste bac à objets oubliés, où on pouvait y trouver des cœurs tordus et des âmes cassées, que les gens avaient préféré laisser derrière eux pour ne plus s'encombrer. Trop de douleur peut peser lourd, quand on ne sait plus quoi en faire. Alors, elle se disait qu'au final, elle n'avait pas besoin de ressembler à ces fantômes de peau, elle était bien comme elle était. Insensible, mais joyeuse. Ça devrait faire l'affaire pour survivre, non ?  

PSEUDO/PRÉNOM ◆ Loren, comme toujours.      ÂGE ◆ La majorité ! PAYS/RÉGIONS ◆ Lorraine. OU AS-TU CONNU LE FORUM ? ◆ Ma mémoire ne remonte pas jusque là, désolée... TES IMPRESSIONS ◆    SCÉNARIO OU PI ? ◆ Emrys ayant été supprimé durant mon absence, je remplace ma jolie Lilo pour Eve, qui est de mon invention.    CODE DU RÈGLEMENT ◆ OK par moi.    SOUHAITES-TU ETRE INSCRIT POUR UN SURPRISE RP APRES TA VALIDATION ?◆ Avec Eve, oui, j'aimerais bien.    UN DERNIER MOT POUR LA FIN ◆