« Sale bête, démon venu de l'enfer ! » Criait le moustachu, levant son fusil vers le ciel, avant de frapper la terre battue comme dans l'espoir de t'atteindre, alors que tu te débattait vainement à travers les mailles du filet. « Je t'ai attrapé, tu vas crever, sale piaffe ! » Hurlait-il à nouveau, à s'en briser les cordes vocales, ses cris retentissant dans toutes les forêts aux alentours. A ton tour, tentant d'élever tes courtes ailes noires pour t'élever loin du piège dans lequel tu étais inévitablement pris, te mettais à coasser bruyamment, à en éveiller les morts que tu guettais pourtant et dont tu étais le symbole, à en faire hurler les veuves. Toi, pauvre bête, , tu étais un corbeau, et à la vue de tous les villageois, tu représentais la mort et la souffrance. C'était sans doute pour cela que Aisling, le fermier, chercha à te tuer ce soir là. Il ne supportait plus de voir planer devant sa fenêtre ces symboles vivants, coassant à toutes heures, alors que sa femme se trouvait souffrante d'une fièvre incurable, qui l'emporterait hélas quelques jours plus tard. Se persuadant que tuer un quelconque piaf l'aiderait à faire son futur deuil, ou à venger la mort qu'il se préparait à affronter, Aisling chargea son fusil, venant en pointer le canon vers ta minuscule tête de corbeau, un immense sourire sur les lèvres. Ses doigts glissèrent sur l’enclencheur, prêt à tirer, mais il se retrouva à abandonner bêtement les armes, lâchant son fusil en voyant se dresser devant lui la silhouette immense de la terrible Maléfique. « Il suffit, viens à moi corbeau. » ordonna-t-elle, te désignant d'un doigt long et fin l'intéressé, avant de lever lentement sa main vers le haut. Saisi par les impressionnants pouvoirs de la sorcière, tu te surpris à sentir tes forces se décupler. Tu parvins sans mal à virer le filet qui t'immobilisait pourtant depuis un moment, d'un simple battement d’ailes, qui te propulsa bien plus haut que le fermier. Ce dernier se mit à hurler, puis courir, comme un taré, retournant auprès de sa femme se noyer dans sa folie.
Ce fut alors à une étrange femme que tu faisais désormais face, vêtue d'une robe aussi longue qu'une traine, de cornes imposantes sur la tête, mais ce qui te marquas sans doute le plus, ce fut la teinte souffre de ses deux yeux, qui te fixaient d'un regard qui n'exigeait aucune rébellion, ni autres sentiments, que de la reconnaissance. Tu ne perdis d'ailleurs pas de temps, pour lui soumettre ô combien tu lui étais reconnaissant, réalisant encore avec peine que tu venais d'échapper de peu à une mort lente et douloureuse. Tu ne savais en rien ce qui pourrait bien t'attendre désormais, tes yeux vides et sombres la fixaient comme impatiemment, alors que tu te décidais enfin à coasser pour lui soumettre toute sa gratitude. N'apparurent aux oreilles de la dame que des cris de corbeau, cependant, elle sembla sans mal comprendre ce que tu pouvais bien penser, et un sourire en coin lui traversa les lèvres. « Je n'ai pas besoin d'un serviteur de plus, corbeau, j'ai besoin de quelqu'un en plus, sur qui je puisse compter en toutes circonstances. Tu me dois la vie, serais tu prêt à me l'offrir ? » Cela sonnait comme une promesse solennelle, et il n'y avait que les gris nuages qui pouvaient se montrer témoins, et pourtant, tu fus honnête, et cet adjectif paraissait bien pauvre, à coté de toutes les horreurs que tu finirais pas commettre, plus tard. Tu n'y songeais pas pour le moment, mais la nuit t'apporterais des révélations que tu comprendrais plus tard, quant à ce que pouvait réellement représenter ce poste. Cette nuit là, tu promis, non pas sur ta vie, mais sur la Lune, car tu savais mieux que personne qu'elle, même après des millions d'années, serait toujours là, lorsque toi, pauvre mortel, serais retombé en poussière.

« C'est incroyable ! Seize années, et aucune trace de cette petite ! Elle ne s'est tout de même pas évaporée ! Êtes vous certains d'avoir cherché comme il faut ? » S'impatientait la Maîtresse, sur son immense trône de fer, caressant nerveusement les plumes de son corbeau en s'adressant à ses crétins de serviteurs. Ils ressemblaient tous à des races différentes d'animaux, mais à tes yeux, et sans doute également aux siens, ils étaient tous porcs complètement idiots, qui servaient seulement à s'occuper des tâches ingrates. Ainsi, cela faisait seize ans que ta Maîtresse les avaient chargés de retrouver cette maudite princesse, pour laquelle elle vouait une attention toute particulière depuis qu'elle lui avait jeté ce terrible sort. Tu avais d'abord pris cela pour un besoin de vengeance, puis tu avais compris avec le temps, qu'il s'agissait plutôt d'une fascination malsaine, comme le besoin de devenir le poison qu'elle boirait. Tu ne t'y opposas jamais, car jamais tu ne t'opposais à ta Maîtresse, ton existence même se résumait en son nom. « Oooh ça oui, oui ! On a fouillé partout. » Répondait l'un deux, après une petite réflexion, l'idiot.  « Ah oui, oui ! Oui ! Oui ! » Acquiesçaient d'autres voix parmi l'attroupement de gardes. Tu jetas un œil à ta Maîtresse, qui semblait de plus en plus exaspérée par les voix grave de ses gardes, et tu te retins de rire, tant tu trouvais la scène comique. « Dans la ville, les jardin, la forêt, les montagnes ?! » Continuait Maléfique, mauvaise. Tu sentais sa colère monter petit à petit, et cela t'arrachait une légère grimace bien moins ravie. Tu redoutais comme tout le monde la colère de la sorcière, même si jamais elle n'avait touché à une de tes plumes. Tu n'aimais pas lorsqu'elle était contrariée, cela sonnait comme un manque à l'un de tes devoirs. « Oui, partout dans les montagnes... les forêts, les jardins... Et tous les berceaux ! » Il terminait, alors que les yeux de Maléfique, tous comme les tiens, s’arrondissaient comme deux immenses billes.  « Ah ça pour sûr haha, on en a vus des berceaux ! » Répétait-il, le bougre, pas peu fier. Cette fois tu dus employer toutes tes forces pour ne pas éclater de rire, luttant entre l'outrance et l'explosion de rire. Tu réalisas sans mal alors, l'ampleur de la bêtise de ses animaux, et tu te demandas franchement comme ta Reine pouvait tolérer de telles bêtes chez elle, même pour y faire le ménage. « Les berceaux ? » Répéta-t-elle, la stupeur se lisant sur son visage. Tu cessas de rire, en attente d'une quelconque réaction de sa part, car tu savais qu'avec elle, tout pouvait aller très vite. Tu savais aussi à quel point elle tenait à sa blondasse. « ... As-tu entendu ça, mon mignon ? Donc, depuis seize ans, ils m'ont cherché un bébé ! » Elle s'adressait à toi, son doigt venant te flatter le cou alors que tu la laissais faire, toujours ravi d'un tel contact, et peut-être un peu rassuré quant à sa réaction. Elle éclata de rire à son tour, mais le sien n'avait rien à voir avec le tien. Il était d'une puissance telle que tu crus presque voir les mur du château trembler, et tu lâchas quelques gloussements moqueurs à ton tour, jetant un regard de pitié à tous ses pauvres porcs. Ne comprenant rien de rien, ils se mirent à leur tour à rire, bruyamment, et s'en ressentait dans leur façon si distinguée de rire un manque sévère d'intelligence. « Crétins, idiots, IMBÉCILES ! » Se mit-elle alors à hurler sans prévenir, faisant sursauter chaque personne se trouvant dans la pièce, toi y compris. Elle les pointait maintenant du doigt, et tu lisais en elle une colère sombre et noire. Tu fis profil bas, t'empêchant de coasser alors qu'elle levait son bâton vers le ciel, et que des éclairs blancs venus de nulle part s'emparaient de la pièce, venant tous les tuer un par un, pour les punir. Tu les regards tous s'empiler chacun leur tour, inspirant, la tête haute à la façon d'un capitaine regardant ses soldats partir à la boucherie. Tu ne tentas rien pour les aider, ni pour les défendre, bien que leurs cris de douleur t'arrachas presque un peu de pitié. Mais pas la genre de pitié commune, plutôt celle presque médecine qu'on éprouve en voyant son pire ennemi marcher dans la merde. T'étais devenu mauvais comme la gale, noir comme tes plumes. « Aaah... Il n'y a rien à en tirer... Quel déshonneur au royaume des forces du mal... Hmm... » Dit-elle, reprenant place dans son trône de fer, alors que tu l'observais silencieusement. La pièce empestait la souffrance désormais, et cette odeur, tu t'y étais comme habitué, pire, tu y avais pris goût. Plus rien ne pouvait te faire frémir désormais, plus rien. Soudainement, elle eu l'illumination, pivotant vers toi à nouveau, en retournant te flatter le menton. Tu devinas même avant qu'elle te le dise. «  Mais toi...» Tu plissas les yeux, quittant ton perchoir pour venir prendre place sur son bras, qu'elle ramena à elle. «  Tu es mon dernier espoir : prend ton vol et va enquêter. Cherche une jeune fille d'environ seize ans, blonde comme le blé au soleil, aux lèvres comme un bouton de rose, vole ! ET NE ME DÉÇOIS PAS ! » Elle avait propulsé son bras porteur vers le ciel de son palais, et tu avais bruyamment coassé avant de saisir cette propulsion et te mettre à voler. Tu savais ce que tu avais à faire, et tu ne comptais pas échouer. Tu voulais qu'elle soit fière autant que tu l'étais d'elle, et qu'elle t'admire même une seconde, comme tu pouvais l'admirer. Même si cela impliquait de poursuivre une vierge innocente qui te tapais déjà sur le système, et qu'il faudrait te retenir de légèrement la défigurer, la prochaine fois qu'elle se mettrait à chanter ses horribles chansons niaises.

Elle chantait. Tu avais sa douce voix dans la tête, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ou les petits cris stridents de ses idiotes de marraines. Elle avait cette aisance et cette candeur dans son attitude que toi même avais du mal à comprendre, tant tu avais vu, vécu, et entendu des choses frôlant les ténèbres et les abysses. Toi, tu ne croyais qu'aux faits, aux choses que tu voyais de tes propres yeux. Tu n'avais pas de rêve, ni de voix chantante. Ta voix était toujours cassée, et signe de mauvais augures comme si tu pouvais apporter la peste avec quelques battements d'ailes. Tu l'avais trouvé idiote au moment même où elle avait ouvert la bouche, mais puisque c'était le désir de ta Maîtresse, tu étais resté toute la journée à l'écouter, sans flancher, à la suivre des yeux, inlassablement. Tu prenais ton rôle très à cœur, et avais pris l'habitude d'une impressionnante exactitude dans les temps impartis : on te disait de revenir à dix-neuf heures, tu étais là dès que la grande horloge de la ville sonnait sept heures du soir, pas une seconde avant, pas une seconde après. Tu étais  réglé comme une pendule, et animé par l'envie de bien faire, de faire plaisir à ta Maîtresse, que tu chérissais à t'en rendre fou. Elle représentait une perfection féminine indiscutable que personne ne pourrait jamais atteindre, elle avait tout et tu n'avais rien, ni rêve, ni ambition, à part les siennes, à elle, que tu faisais tout pour réaliser.
Tu n'avais jamais vraiment compris l'acharnement épuisant que mettait Maléfique à tuer cette princesse. Tu n'avais pas apprécié non plus le fait qu'elle ne soit pas invitée au baptême de la petite, et comme toujours, tu avais hoché la tête à toutes les questions narquoises qu'elle lui avait posé. Cependant, tu détestais tant cette blonde que tu t'étais mis à compter intérieurement les heures qu'il te restais encore à la surveiller. Tu la détestais autant que ta Dame la haïssait. Mais tu comprenais rappidement que de cette haine pour la princesse, naissait de ta Reine un désir caché, un besoin existentiel qu'elle lui appartienne. Tu n'en parlas jamais, ni n'en coassa d'ailleurs, mais tu n'en pensas jamais moins. Car tu savais avant beaucoup, le danger naissant que représenterait cette blonde chantante, que tu exécrais.

Alors quoi, c'était ça ? Le mal était donc toujours vaincu à la fin ? Ta Maîtresse... Tu n'arrivais pas à le croire tant le désespoir et la tristesse te sciaient le corps. T'avais même pas pu lui venir en aide, changé en statut de pierre par l'une de ses vulgaires fées.Tu l'avais vu mourir devant tes yeux, impuissant, alors qu'elle hurlait de douleur, une monstrueuse épée plantée dans le cœur. T'avais vu la scène défiler sans rien pouvoir y faire, et t'avais vu un soleil nouveau se lever sur la ville. Et alors que tout le monde riait et chantait, ravi de voir cette longue bataille enfin terminée, toi tu pleurais la mort de la personne que tu aimais le plus au monde. Tout le monde se fichait de ton sort, tout le monde voulait le bonheur de la princesse et de son crétin de prince, et toi t'étais condamné à voir le monde sans jamais pouvoir bouger, tel un prisonnier emmuré à vie. Pire que la torture, pire que la mort : mais le destin en décida autrement, car t'allais bientôt connaître la cruauté et la débauche du monde réel.

∞ Dans la vie, il y a deux types de personnes, celles qui ont un pistolet chargées, et celles qui creusent : toi, tu creuses.

« Qu'est-ce que les humains peuvent écrire comme connerie... » Tu soufflas, une épaisse boucle brune te tombant sur le front au moment où tu refermais le recueil de fables que tu tenais entre tes mains. Tu te demandais maintenant ce qui t'avais poussé à choisir ce livre auquel tu ne comprenais déjà pas grand chose, alors qu'il ne s'agissait que de la première fable. T'avais vu le mot corbeau, t'avais simplement sauter dessus, mais pourquoi était-ce ce si bel oiseau noir qui était tourné en ridicule ? « Enfin monsieur, c'est Jean de la Fontaine tout de même ! » fit une voix chevrotante juste devant toi, qui te forças à relever le nez. La vieille dame semblait outrée, elle avait croisé les bras sur sa poitrine, et te regardait avec ce regard qu'ont la plupart des personnes âgées aujourd'hui, un regard lourd de reproche. Le vieux typique qui se permettait de donner des conseils, comme si on lui avait demandé quoique ce soit. Tu la fixas un moment, attrapant un paquet de clope avant de te l'allumer. Elle écarquilla les yeux, tu lui souris doucement. « J't'ai sonné, grand mère ? » Tu roulas les yeux, avant de te lever. « Non mais je rêve. » Tu ne pris pas le temps de ranger le livre, virant de tes yeux les boucles rebelles te glissant sur les yeux. Tu marchas simplement vers la sortie, alors qu'une des bibliothécaire te priait de ranger ton livre, tu lui adressas un doigt d'honneur. Décidément la vie ici, était d'un ennui mortel. « Maîtresse ? » dis-tu après avoir composé son numéro « Je rentre à la maison. »

Plus rien n'avait d'importance désormais, car on t'avait donné la chance de la retrouver. Tu n'avais pas vraiment eu de mal pour la retrouver, à vrai dire. Elle surplombait les gens, non pas seulement de part sa taille - bien qu'en temps qu'humaine, elle était immense - mais de part sa façon de marcher, de sourire, d'aviser les gens, ou même de respirer. Elle était là, dans cette boîte de nuit, son regard de chasseuse rasant la pièce, et t'avais eu comme un déclic, tu l'avais revu là, assise sur son trône, ses imposantes cornes sur le crânes et son regard de faucon t'observant longuement avant de sourire. T'avais même pas pensé à hésiter, t'étais simplement venu la voir, tu t'étais planté devant elle sans oser respirer, et alors qu'elle avait levé son lourd regard sur ton visage, elle avait sourit, et t'avais compris. Il ne vous avait suffis que d'un simple regard, elle avait glissé une main sur ton éternelle mèche bouclée qui te tombait sur le front, l'avait viré de ton visage. Tu t'étais assit près d'elle, et le soir, comme si vous ne vous étiez jamais perdu de vue, vous étiez rentrés dans cette maison qui deviendrait la tienne. D'un naturel alarmant, t'avais repris la même place dans ton cœur. Vous aviez beau avoir totalement changé de formes, vous étiez resté les mêmes. Vous nourrissiez tous les deux un besoin de vengeance, et comme toujours, tu étais prêt à la servir quoiqu'il arriverait. Elle te proclama styliste dans sa boutique, et étrangement, tu pris goût à cela, et tu t'appliquas à la tâche, allant jusqu'à t'acheter des magazines pour les lire avec attention. T'avais horreur de bâcler les tâches qu'elle te confiait, et ce métier n'avait beau qu'être une sorte de couverture, pour l'homme de main que t'étais en vérité, il te permettait de toucher un réel salaire, et d'exister pour autre chose que son bon vouloir, et étrangement, tu y prenais goût.

Et puis un jour, elle la ramena, elle, à la maison, dans votre chez vous. Cette blondasse viendrait te pourrir la vie même dans ce monde. Bien que désireux de vengeance, t'avais toujours espéré secrètement que ta maîtresse ne remette jamais la main sur Aurore. Maintenant que t'avais l'attention sur toi, c'était sur l'ex-princesse que Maléfique reposait son regard de feu. La vérité sans doute, venait du fait que la jalousie te rongeait un peu plus jour après jour. Tu fulminais à chaque fois qu'elle la regardait, qu'elle la touchait. Tu réclamais ce genre de geste, parce que tu lui étais loyal depuis toujours, et elle n'était qu'une salope complètement droguée. T'avais jamais été très exigeant, mais t'enviais cette blonde trop mince qui se disait détester ta maitresse, alors qu'elle lui prenait tout son temps. Tu ne comprenais par pourquoi toi qui ne désirais qu'elle, n'avais pas le droit à ce drôle d'éclat dans le regard qu'avait Aphria lorsqu'elle posait les yeux sur Talie. Enfin, si, au fond, t'avais finis par comprendre, t'avais compris depuis longtemps, mais tu refusais de te rendre à l'évidence. Tu t'accrochais à ton amour pour Aphria, quoiqu'il puisse arriver, parce qu'elle était tout ce que tu avais, elle était tout ce que tu connaissais. Sans elle, ta vie n'avait plus aucun sens, ton existence même, n'était plus rien. Et plus t'y pensais, plus ça te désespérais, d'être follement épris d'une femme, qui jamais ne t'accorderait ce que tu voulais vraiment, parce qu'elle n'était pas faite pour toi, parce que t'étais destiné à autre chose. Toi qui parlais de destin ? C'était le monde à l'envers... Non, c'était le monde réel.

« Diablo. » Elle t'appela un jour, de sa voix puissante, alors que sans un sursaut, tu reposais le carton de vêtement que tu portais jusqu'à l'arrière boutique pour la rejoindre dans son bureau, te présentant devant elle. « Vous m'avez appelé ? » Elle leva ses grands yeux vers toi, et comme d'habitude, le fait de croiser son regard fit battre ton cœur si vite qu'il fallut que tu soupires plusieurs fois pour te reprendre. Elle ne réalisait sans doute même pas le pouvoir qu'elle avait sur toi, malgré tout. « Oui. J'ai dis à Talie que si elle voulait son rail, elle devrait coucher avec toi, mon mignon. Alors amuse toi bien ce soir. » Elle t'adressa l'un de ses grands sourires satisfait, attendant sans doute que tu fasses de même, mais tu te contentas de cligner des yeux, comme un con. Elle fronça un peu les sourcils, surprise par ton manque de réaction. « Il y a un problème, Diablo ? » demanda-t-elle, le nez dans les comptes de la boutique, alors que tu mordillas l'intérieur de ta joue, inspirant, cachant à quel point tu pouvais être contrarié. « Aucun, Maîtresse. » Tu répondis, d'une voix étrange, et alors qu'elle ouvrait la bouche pour poser une seconde question, tu filais déjà, quittant son bureau, traversant la boutique pour rejoindre la porte de sortie. Tu pris place à l'arrêt de bus - le premier banc que tu trouvas à vrai dire - t'allumant une clope. A vrai dire, t'étais incapable d'expliquer pourquoi l'idée d'être obligé à coucher avec cette blondasse t'étais insupportable. Aphria savait ta colère contre elle, et si elle t'offrait la possibilité de la faire hurler pendant une nuit, c'était pour que tu puisses te défouler sur elle sans qu'elle ne puisse rien y faire, mais il y avait autre chose. « Excusez moi, vous avez du feu ? » fit une voix douce qui te tira de tes songes, alors que tu relevais les yeux vers une petite brune coupée court, l'air interrogatif. Tu allas pour lui répondre d'aller voir ailleurs si tu y étais, ton ton tranchant revenant toujours par reflex, mais un de ses mouvement te déstabilisa. Tu fronças les sourcils. « Ah, euh, oui. » Tu marmonnas, venant extraire ton briquet de ta poche avant de le lui tendre. Elle t'adressa un immense sourire, vraisemblablement ravie, s’allumant sa clope. « Merci bien. » dit-elle, sifflant comme un serpent, avant de te rendre ton briquet, glissant par la même occasion un petit morceau de papier dans ta paume. Tu levas un sourcil, la regardant glousser avant de grimper dans son bus, avant de disparaitre au loin. Tu déplias le morceau de papier, y découvrant un numéro de téléphone rédigé à la va vite. Depuis quand elle te regardait, cette tarée ? Tu en fis une boule, le lançant dans la poubelle la plus proche. L'idée de la rappeler ne te traversas même pas l'esprit. Tu réalisas alors, avec une certaine amertume, que t'avais jamais ressentis aucun désir pour une femme mis à part pour Aphria. Est-ce que ça faisait de toi une baltringue ? Un frisson te parcouru d'une épaule à l'autre, se plantant jusque ton échine, et tu serras les dents, secouant la tête en te redressant, retournant vers la boutique. Ce soir tu baiserais Talie, et tu n'en parlerais plus. Il ne manquerait plus que le corbeau soit pédé, comme si t'avais pas assez de problèmes comme ça.

L'odeur de son parfum te brûlait encore les poumons, comme l'air noir s'échappant d'un pot d'échappement. T'avais la sensation que tes doigts allaient fondre, et d'avoir été souillé ce soir. Tu claquas violemment la porte de sa chambre, les yeux écarquillés, et la braguette de ton pantalon encore baissée. Une main sur la bouche, tu te laissas glisser contre le bois de la porte, ne distinguant pas grand chose dans les ténèbres du couloir. Tu pensas alors à ce que tu répondrais à ta Maîtresse demain, lorsqu'elle te demanderait si tu avais pris ton pied. Tu lui dirais que oui, évidement, tu lui sourirais, tu prendrais une mine faussement confiante et tout irait bien. Pourquoi t'étais si mal là, alors ? Et ce parfum, ce foutu parfum qui t'empêchait de respirer, qui te rendais dingue tant il te donnait envie de vomir ! Tu baissas les yeux vers tes mains tremblantes, poussant un grognement, ton éternelle mèche brune couverte de sueur venant te tomber sur les yeux. « Diablo, est-ce que ça va, mon mignon ? » souffla cette voix que tu connaissais par coeur. Tu levas les yeux vers elle. T'avais même pas remarqué qu'elle avait allumé la lumière. « Oui je... » Tu lâchas un petit rire, si jaune en vérité. « Je crois que j'ai trop forcé. » Bon acteur, tu lui adressas un petit sourire entendu en coin qu'elle te rendit, plus que satisfaite. Tu inspiras, te redressant en ignorant le tremblement de tes jambes, hochant la tête. « Je vais me coucher maintenant. » Elle acquieça de la tête, t'observant toujours malgré tout, avec cette réserve dans le regard qui montrait qu'elle doutait. Tu n'étais pas comme d'habitude. Tu préféras noyer le poisson en lui souriant encore, retournant à ta chambre. Tu attendis d'entendre ses pas s'éloigner pour pousser un long soupir, et devant la nouvelle obscurité de ta chambre, tu tombas à genoux, sans rien comprendre.

Parfois, tu te demandais sérieusement ce qui pouvait pousser Aphria à engager une telle équipe de bras cassé. Ils étaient tous plus bêtes les uns que les autres, et après leur coup de file, tu te demandas à nouveau comment t'avais pu croire un instant qu'ils pourraient faire quelque chose seuls et correctement. Ta Maîtresse avait retrouvé Philippe, et elle t'avait demandé d'envoyer deux mecs s'amuser un peu avec le blond. Bêtement, et ayant d'autre chats à fouetter, t'avais envoyé les deux plus costauds se charger de l'affaire. Il fallait croire que même avec deux cerveaux, ces crétins ne parvenaient pas à réfléchir, puisqu'il t'appelèrent en plein milieu de leur opération, en te communiquant que la "victime" voulait te parler. Qu'est-ce que t'en avais franchement à foutre que la victime voulait te parler ? Malgré tout, t'avais bien dû te déplacer. Pas le choix, les crétins invoquaient le droit de pour-parler, ils avaient encore dû trop regarder pirates des caraïbes, depuis le temps que tu disais à Aphria qu'elle les payait beaucoup trop pour ce qu'ils fournissaient. Tu finis par les rejoindre une dizaine de minutes plus tard, clope au bec, les trouvant encadrant un type au sol, le visage couvert de sang. Et tu fis la connerie de t'approcher plus.
Tu fus incapable d'expliquer ce qui se passas réellement, ce jour là. Ce qui te poussas à mentir aux crétins et à ta boss par la même occasion, à sauver ce crétin de prince du châtiment qu'on lui avait préparé juste parce qu'il avait levé les yeux vers toi. T'avais croisé son regard, tu l'avais soutenu, et t'avais été incapable de faire quoi que ce soit. Tout s'était enchainé si vite. Il t'avait payé un verre, peut être par pitié, peut être par envie, et vous aviez parlé. Beaucoup, parlé, pour ne rien dire, pour vous insulter aussi, pour ne rien dire au fond. T'avais pas trop su ce qui t'avais pris, tu lui avais dis, tout bêtement, pour ce que tu suspectais être ton homosexualité. Peut-être que t'avais simplement besoin d'en parler, parce que tu l'avais fais. Ça l'avais fait rire, un peu moqueur, mais le sérieux qu'il avait employé ensuite t'avais déstabilisé, lorsqu'il t'avais dis de simplement choisir un gars dans ce bar et de tester. T'avais même pas réfléchis, t'avais dis que quitte à tester tu voulais que ce soit avec lui, et lui avait répondu qu'il était d'accord, comme ça. C'était si bête.
« N'essaye pas de m'assaciner pendant que je dors, y'a des caméras. » dit-il, alors que tu te mettais à rire, roulant les yeux, reposant la tête sur l'oreiller. Tu remontas la couette sur ton corps complètement dénudé, roulant les yeux. « Si j'avais voulu te tuer je l'aurais fais depuis longtemps. » Tu refermas les yeux, tu entendis son souffle particulièrement moqueur. « Bonne nuit. » tu l'entendis murmurer, alors que tu rouvrais de moitié les yeux, souriant en coin. « Bonne nuit connard. » Et tu sombras dans les bras de Morphée, sans même songer ô combien t'allais regretter tout ça lorsque le soleil se lèverait le lendemain. T'avais céder ton corps au meurtrier de la femme que t’aimais le plus au monde, sans même pouvoir  t'en défendre. T'avais commis l'erreur de poser les yeux sur lui et il avait su te couper les ailes, d'un seul regard.