Tous semblent tourner.
J’ai si mal à la tête, je ne comprends pas ce qu’il m’arrive. Je tente d’ouvrir les yeux, en vain… Mes paupières semblent si lourdes.
Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive. Au final, je me souviens de cette douleur, je l’ai ressenti une fois, la toute première fois.
Je vaquais à mes habitude lorsque je sentis un grand étourdissement, c’est ainsi que je me suis retrouvé si grand, ou alors c’était les choses qui sont devenues plus petites… C’est un cri qui m’a ramené à la réalité… Un cri si effrayant que j’ai décidé de fuir…
Mais partout où je passe, tout n’est que frayeur, cris et rejet…
- AH !!!
J’ouvre les yeux rapidement. C’est étrange comme finalement mes paupières sont beaucoup plus légères sous l’effet du stress. Il y a foule autour de moi, et je regarde toutes les personnes une par une, ouvrant de plus en plus les yeux et commençant à trembler de froid et de frayeur. Pourquoi sont-ils tous penchés au-dessus de moi ainsi ? Je n’attends qu’une chose, chose dont je suis assez habitué, les hurlements et les "AU MONSTRE !!! "… Mais rien ne vient, ils me regardent tout simplement choqués… Trop pour que des voix sorte de leurs bouches ?
Je me relève rapidement, tournant autour de moi et il ne cesse de me regarder. Je me sens mal, mon cœur bat trop vite, la sueur perle mon front et je me mets à courir comme un fou…
J’ai si peur des gens, ils ne cherchent qu’une seule chose, c’est de me tuer. De m’anéantir que ce soit avec des choses qui puent et brûlent, ou alors même lorsque je suis géant je suis un monstre. Mais franchement, comment peuvent-ils me traiter de monstre lorsque l’on voit leurs façons d’agir avec moi. Je n’ai jamais fait de mal à personne et ils me traitent comme si j’étais le plus horrible criminel.
Je cours sans grand but, je me demande même où je vais pouvoir trouver refuge…
Je me souviens encore lorsque j’ai sonné sans même le vouloir chez elle. J’étais déjà émerveillé par ce monde qui s’offrait à moi, adorant les sonorités qui sortaient de ce fil… Et c’est là qu’elle est apparue, l’ange de Paris.
Lucille.
Si au début elle a peur de moi, elle a su lire dans mon âme et dans mon cœur. Je me demande encore comment j’aurais fait sans elle. J’ai même appris à jouer de la guitare ainsi que le piano, cela semblait si naturelle dans mes doigts, comme si j’étais voué à devenir aussi grand, afin de pouvoir partager mon amour des sonorités. Et puis il y a le chant, ô le chant. Chose magique qui me permet de parler sans aucune hésitation. Je n'ai aucun mal à chanter ce que je suis en train de faire, demandez moi de le dire, cela sera beaucoup plus ardu, et sera beaucoup moins beau à entendre.
Je marche dans cette rue inconnue ou le bruit me fait mal à la tête. J’aime les sonorités poétiques, non ce que ces grosses boites jaune font lorsque je croise leur chemin. Je n’aime pas les boumboum trop fort. Je ne cesse de froncer le nez de dégoût face à la dénaturalisation du son, de la musique. Finalement, j’arrive devant un théâtre et me mets à sourire comme un idiot. Je me rapproche regardant avec nostalgie les murs abîmés. Ce n’est pas notre théâtre, mais tout de même.
Soudain, un reflet roux attire mon attention. Je remarque les traits d’un jeune homme me regardant avec curiosité. Je fronce les sourcils au même titre que le jeune homme, ne comprenant pas pourquoi il me regardait ainsi sans agir. Je lève ma patte pour m’approcher de l’homme et il fait de même. Je me rétracte, l’homme aussi… Je finis par regarder ma patte et sursaute de frayeur… Elle semble si pale, et puis… J’ai des doigts ! Je regarde de nouveau le jeune hom… Non, le reflet en fait, car ce jeune rouquin n’est autre que moi. Qu’est-ce que c’est que ce délire ! Je suis comme Lucille ou encore Raoul ! Je recule de peur, voulant fuir cette réalité. Je comprends mieux pourquoi ils n’ont pas criés. Parce que je suis des leurs, comme ils sont hypocrites !
Je me mets à courir de nouveau, heurtant tout sur mon passage, me moquant des protestations ou des insultes, je cours toujours. Je ne réponds pas aux protestations de mes muscles qui me cris d’arrêter, ni à celle de mon cœur qui m’hurle de cesser cette folie, cette souffrance.
Je me souviens encore que Lucille, Raoul et Emile ont tout fait pour me protéger, mais voilà, je suis le monstre. Et même lorsqu’on tente de me faire passer pour mort, cela ne marche pas… Je me retrouve à fuir, à sauter de toits en toits pour fuir. Je remarque même l’eau et je panique totalement. Non pas l’eau, pas la douleur et les brûlures !
Je me retrouve en faut d’une immense tour noir ou je manque de mourir… D’ailleurs, ils me croient mort, mais la vérité est que je me suis retransformé en puce banal. J’arrive à le faire comprendre à Lucille, grâce à la chanson, notre meilleur moyen de communication car je ne sais pas parler autrement.
Je cours encore et encore alors que la pluie commence à tomber… Bon sang, où suis-je… Je ne suis pas à Paris, les panneaux sont étranges et je ne reconnais rien. Et puis, il n’y a pas l’immense tour qui fait la fierté de ma ville.
Je regarde la pluie avec frayeur, je n’aime pas ça, pas ça du tout et j’ai presque envie de pleurer devant toute l’eau se déferlant sur moi, comme lorsque j’étais une petite puce. Mais il ne se passe rien, elle se contente de me mouiller sans aucun scrupule.
Ma respiration forme de la buée devant moi de plus en plus dense au fur et à mesure de ma course.
Soudainement, je ne sais pas ce qu’il m’arrive, je me retrouve au sol, trempé de la tête au pied. Je me relève rapidement, fuyant de façon frénétique la flaque d’eau dans laquelle je viens de tomber. Je reste assis, croisant mes bras autours de mes genoux et tremblant fortement, de peur, de froid, de tristesse.
Je ne remarque pas le mouvement d’abord. Puis une personne s’approche de moi doucement.
- Ça va ?
Je sursaute et l'observe en clignant des yeux, me demandant ce qu’elle va bien pouvoir me faire. Je la regarde comme une apparition, une belle jeune femme, rousse me fait face, me regardant inquiète.
Je me contente de me regarder avec de grands yeux. J’aimerais lui répondre mais… Aucun son de sorts de ma bouche, même lorsque je l’ouvre bêtement pour parler.
- Tu as l’air d’avoir froid tu habites où ?
Je ne la lâche pas des yeux, je ne réponds rien bien sûre et reste totalement incapable du moindre geste.
- Tu n’as nulle part où aller.
Une affirmation, comme si elle pouvait lire en moi par un simple regard. Je vois sa main s’approcher de moi et je me recroqueville encore plus, j’ai peur.
- Suis-moi.
Toute peur part. C’est exactement ce que m’a dit Lucille la première fois que l’on s’est rencontré, lorsqu’elle a décidé de me faire confiance.
Je la regarde un peu, m’approchant timidement pour finalement glisser ma main dans la sienne. Elle me sourit grandement et je sens que je ne suis plus seul. C’est ensemble que l’on marche sous la pluie, nous éloignant de ce qui est affreux pour s’approcher du beau, du merveilleux. Non, je ne suis plus seul.
Je ne suis plus la puce, normale ou géante.
Je ne suis plus le monstre… De toute façon, je ne l’ai jamais été…