Chanter. Chanter pour oublier, pour m'évader. Pour me prouver que j'existe bel et bien, et que tout ceci n'est pas le fruit d'un mauvais et interminable rêve. Je chante depuis ma tendre enfance, depuis mon arrivée dans cet orphelinat, cet infâme endroit. Oh, je n'ai en aucun cas était maltraitée, ou subit tout autre châtiment corporel. Non, tout la souffrance de ce lieu réside à présent dans ma tête. Tellement de chose que j'ai vu, sans le devoir d'ailleurs.. La face cachée de cet endroit s'est alors offerte à moi. Il n'y a pas que l'endroit en lui même qui m'a quelque peu traumatisé, mais ce qu'il pouvait représenter pour les gens de l'extérieur. Si vous saviez comme c'est mal vu de dire que vous êtes une orpheline, comme la pauvre conscience des Parisiens de cette vieille époque est heurté face à une réalité qu'ils n'acceptent pas. Face à un malheur qu'ils connaissent mais ne souhaitent reconnaître. Comment ces gens de bonnes familles peuvent-ils croire qu'une mère est assez mauvaise pour pouvoir abandonner son bébé dès les premiers pleurs ? Ces gens là vivent dans un cocon qui les berce d'illusion, qui les empêche de voir les bas fonds de la belle ville de Paris. Moi, Lucille, je fais partie de la face sombre de la capitale qu'on tente de cacher, et ceci est mon histoire.

Ne me demandez pas quand je suis née, ne me demandez pas comment j'aurai dû me nommer, ne me demandez pas qui sont mes parents, ne me demandez pas d'où je viens, car je ne saurai, ne pourrai même, pas vous répondre. Et que je cherche de mon côté les réponses à tout cela. Bébé, ma mère m'abandonna à l'orphelinat, où je grandis tant bien que mal. Étrangement, je n'ai jamais ressentie une quelconque tristesse d'être sans parents. Après tout, comment pouvais-je être triste de perdre quelque chose que je n'avais jamais eu ? Ainsi, dans mon malheur, j'avais une infime chance ; celle de ne pas avoir à subir la perte d'un proche. Jamais l'on ne pourrait me retirer ceux que j'aime, puisque je suis tout simplement seule. En effet, mon souhait le plus précieux était de me faire des amis, mais décidément j'étais beaucoup trop timide pour m'avancer vers les gens, et je me cachais sous une espèce de carapace, assurant ainsi ma protection. Je n'osais m'aventurer vers les autres, de peur de souffrir. De peur d'être d'une quelconque manière, déçue. Alors je suis restée cloîtrée dans mon coin, à attendre je ne sais nullement quoi. Je savais que je ne serais jamais adoptée, les familles préférant les belles petites têtes blondes à une peau tachetée par la rousseur. J'étais alors non seulement orpheline, mais aussi rousse. Ou comment mal démarrer dans la vie..
C'est alors quand je devais avoir dans les trois ans qu'une femme vint me trouver. Ma tante, m'affirma-t'elle. La sœur de ma mère donc. J'aurai pu l'a questionner sur ma génitrice, lui demander où je pouvais l'a trouver, ou même juste son nom, une photo d'elle. Mais je refusais tout parole l'a concernant, une certaine rancune ayant évolué en moi. Pourquoi devrais-je consacrer de mon temps pour une femme qui visiblement, n'en avait nullement pour moi ? Ma tante m'éleva donc dans son cabaret, l'un des plus célèbre de notre chère capitale d'ailleurs. L'Oiseau Rare. Je n'ai alors, à partir de ce jour, plus jamais quitté cet endroit. Je m'y sentais tellement bien, me sentant enfin comme.. chez moi. Avec ma tante, il n'y eut jamais aucun geste d'affection, et même si je l'aimais naturellement, notamment pour m'avoir délivré de cet enfer, nous faisions attention à laisser une barrière entre nous. Je l'aidais alors à prendre soin du cabaret en rentrant de l'école, y prenant un réel plaisir. Et ainsi, chaque soir j'avais cette chance de pouvoir admirer les spectacles des coulisses elles-mêmes. Quand je voyais ces grandes dames chanter telles des déesses sur scène, je rêvassais totalement, et osais me voir à leur place. Je rêvais alors secrètement d'être, à mon tour, sur ce plancher de bois, et d'à mon tour faire briller les yeux de toutes ces personnes par ma seule et unique voix. Je voulais tout simplement être admirée, être juste vue pour ce que je suis, et non par l'étiquette que cette société me donne.

Ce rêve, ma tante me permit de l'accomplir alors. Un soir, alors que je finissais de nettoyer les loges, je me permis de chantonner un air entendu la veille sur la scène. Je n'avais alors pas aperçu ma tante, postée dans l'encadrement de la porte, qui attendit tout simplement que je finisses mon récital pour accourir dans mes bras, toute émue. Le lendemain, elle me laissa ma chance, et m'accorda une chanson sur scène. Que pouvait-elle faire de plus beau pour moi ? Enfin, enfin j'allais pouvoir me montrer à Paris, sans aucune honte, sans aucune étiquette. J'allais devenir quelqu'un d'autre. Non, non non. J'allais tout simplement enfin devenir moi. La chanson finie, la foule m'applaudissant à en perdre ses phalanges, ce soir là je devins officiellement l'Ange de Paris.
Mais l'Ange que j'étais ne pouvait plus continuer à se produire seule sur scène. Le public avait besoin de nouveauté, de piquant. D'un duo qui les éblouirait tout simplement. Prenant mon mal en patience, je dus chercher des mois et des mois à la recherche d'une voix qui aurait l'honneur de s'accorder à la mienne. Mais rien n'y faisait.. Et puis, lui, fit son apparition, alors que j'avais perdu tout espoir, que je m'étais résigner à rester seule sur scène, il entra dans ma vie. Certes la rencontre fut.. brusque. A cette époque, dans tout Paris le bruit qu'une bête agressait les passants courrait. Moi la première, je ne m'aventurais pas seule le soir, et faisait toujours attention à fermer le Cabaret à double tour. Alors quand je tombais face à face avec celui qu'on surnommé le Monstre de Paris, mon esprit me quitta et je tombais entre ses.. pattes ? Comme toute personne, je fus effrayée par son apparence inhumaine, et allais m'enfermer. C'est alors que, sous la pluie battante, sa voix s'éleva tel un murmure jusqu'à moi. Comment une telle créature pouvait-elle produire une telle mélodie? En effet, ça n'avait rien d'humain : c'était divin. Mettant alors ma crainte de côté, je ressortis à la rencontre de ce fameux monstre, l'abritant sous mon parapluie. Et, ne souhaitant pas continuer à le nommer de cette sorte, la baptisa Francoeur.
Le cacher fut chose difficile, mais en aucun cas les gens ne devaient découvrir qui se cachait sous ses habits blancs, surtout pas le préfet.. Le préfet Maynott, le pire homme que j'ai eu la malchance de rencontrer. Et dire que ma tante m'avait jeté dans ses bras, ne cessant de pialler qu'il était un homme d'importance, et donc un parfait conjoint pour ma personne. Si seulement elle savait que depuis mon arrivée ici, j'étais amoureuse d'une toute autre personne.. PASSONS. Tout se passait tout simplement bien, Francoeur m'accompagnant sur scène, pour la plus grande joie du tout public, de ma tante y comprise qui tout comme moi tomba sous le charme de la voix de mon nouvel ami. J'avais même mis Raoul et Emile sous la confidence, sachant pertinemment que je pouvais avoir confiance en eux. Confiance qui s'affirma lorsqu'ils m'aidèrent à sauver Francoeur des griffes du préfet. Il avait été mis au courant, et pour son titre de maire était prêt à tuer mon précieux ami. Tout, nous tentâmes tout pour aider Francoeur à fuir ce.. monstre !

Et puis, je crus Francoeur mort lorsque nous ne retrouvâmes que ses habits.. La peine, la souffrance et le déchirement était tels que je voulais tout abandonner. Tout ce que j'avais pris des années à construire, ma carrière et l'avenir du cabaret même, je souhaitais tout laisser tomber. Je n'avais plus le cœur à ça, et à chaque fois que je tentais de chanter, je sentais cette boule dans ma gorge m'étouffer, et finalement les larmes perlaient, incontrôlables. En perdant Francoeur, j'avais perdu un bout de moi. Et puis l'espoir refit surface, un soir où Raoul me força à remonter sur scène. Sa voix, sa mélodie siffla dans mon oreille, et je compris qu'il n'était en aucun cas mort, mais revenu à son état naturel de.. puce.

Tout aurait pu bien se terminer, n'est-ce pas ? Francoeur était à nouveau à mes côtés, grâce au professeur qui lui fit reprendre sa grande taille. Le cabaret marchait comme jamais, Emile et Maud s'étant enfin avoué leur sentiments respectifs, tout comme moi avec Raoul.. Cet abruti que j'aime décidément depuis ce jour-là, depuis que nos regards d'enfants se sont croisés, suivis par ces pleurs à cause de sa voiture perdue par ma faute.. D'ailleurs, je ne l'a lui ai toujours pas rendu Oui, tout aurait pu se passer comme je le souhaitais, s'il n'y avait pas eu ce trou noir. Il nous engloutis alors tous, et nous fûmes projeter dans un tout autre monde, chacun séparé les uns des autres.. Plus de cabaret, plus de tante, plus de petit ami. Plus de Paris.. Paris, Paris mon amour, ma vie, mon père. Je l'avais perdu, j'avais été emmené si loin de lui, moi qui avait juré de rester dans ses bras toute ma vie. Cependant, je ne me laisse plus noyer par ma peine. Dans cette nouvelle vie, j'ai au moins eu la chance de retrouver mon tendre Francoeur, abordant décidément une agréable nouvelle forme humaine..