On dit que le temps change les choses, mais en fait le temps ne fait que passer et nous devons changer les choses nous-mêmes - C’est une histoire de vie. Non pas tout à fait une histoire de vie, une histoire de lions ? Pas tout à fait une histoire de lions. En réalité c’est avant tout une histoire de famille, et de confiance, de tolérance. Comment apprendre à vivre ensemble dans le grand cycle de la vie. Sous les étoiles et le regard des grands rois d’autrefois c’était là votre destin. Tu es née et a grandi sur la Terre des Lions, lieu de sureté au passé tumultueux, terre de tes ancêtres, c’est sous le regard bienveillant des tiens que tu as évolué. Ô l’Afrique. Tu n’oublieras jamais l’odeur de la terre après la pluie, les oiseaux dans le ciel rouge et le temps qui coule, doucement. Ton père était si protecteur avec toi, bien trop, tu faisais resurgir les vieilles douleurs, les insécurités d’une époque révolue et pourtant qui fut bien longtemps avant ta naissance.

C’est ainsi que ton esprit de lionne rebelle ne se satisfaisait jamais du confortable, du familier. Tu voulais plus, toujours. Bravant les interdits. Si tes proches s’en mordaient les doigts toi tu n’avais aucun regret, c’est d’ailleurs ainsi que tu fis la connaissance de ton grand amour. A ce moment là tu l’ignorais bien évidement, tu ne vis qu’un jeune lionceau aussi intrépide que toi. Parce que les enfants voient toujours ce qui échappe aux plus âgés, là où les tiens voyaient une menace tu ne voyais qu’un triste reflet. Ils étaient comme vous, avec leurs failles et leurs peurs mais pas si différents. C’est ce que tu appris à ton paternel avant qu’il ne soit trop tard. Il vous fallu passer par bien des épreuves, trahisons, déchirures, les fêlures du cœur ne se réparent pas aussi facilement que l’on peut le croire. A l’ombre de deux camps opposés et haineux grandissait un amour plus fort que tout car si la colère peut détruire bien des vies l’amour peut parfois cicatriser les plaies. La haine se glissait comme un serpent dans leurs âmes, leur donnant la douce illusion d’être juge mais les condamne. Comment peut-on faire en son nom, autant de crimes, et de victimes ? Ils en oubliaient même le plaisir, le seul qui comptait c’était de haïr. Cependant, l’espoir perdurait et triompha, il y eu des pertes mais au final c’est sur la paix que mena cette bataille. Les vieilles rancœurs oubliées un nouveau départ s’annonçait. La famille s’agrandissait.

C’est ainsi, le soleil se levant sur un jour nouveau et un avenir prometteur que tout devait se terminer. Hélas ce ne fut pas le cas. Tu y repenses parfois, à cette autre vie qui semble presque imaginaire, comme dans un rêve. Tu fermes les yeux et tu y songes. Ô l’Afrique. Tu penses à l’odeur de la terre après la pluie, aux oiseaux dans le ciel rouge. Et au temps qui coule doucement…

J'ai fini par me dire qu'on éviterait le pire, qu'il fallait mieux couper plutôt que déchirer. J'ai fini par me dire que p't'être on va guérir, et que même si c'est non, et que même si c'est con, tous les deux nous savons que de toute façon, c'est fini. Nos deux mains se desserrent de s'être trop serrées, et la foule nous emporte chacun de nôtre côté – Il y a le début, ce beau début, cet intense, fugace, regretté début. L’histoire. Puis il y a la fin. Généralement ça se termine sur « ils étaient heureux… » Mais après ? Après le happy-end ? Personne ne se demande jamais ce qu’il se passe, ce qu’il se trame quand le rideau est tombé. Brusquement, assourdissant. On ne cherche pas à comprendre, à assimiler, on prend comme ça vient. Tu l’as pris, comme c’est venu, tu t’es trompée. Et si personne ne s’interrogeait parce que la fin si heureuse ne l’est pas tant que ça ? Tu l’as eu, mais comme promis c’était fugace, inespéré et trop fragile. Quand le bonheur vient on l’attend toujours avec une majuscule, et ses grands pas bruyants pour nous faire savoir que c’est lui, lui là, le voilà il est à vous et il faut le garder parce qu’il est si précieux. Mais en réalité ce n’est que fourbe, ce n’est qu’illusion, il arrive silencieusement sur ces jambes frêles et à peine on l’aperçoit qu’il a déjà filé. Filé entre vos doigts. Alors t’as débarqué ici, cette ville, cette chose avec tous ces gens bizarres qui se tiennent sur leurs jambes étranges. Et comment font-ils cela ? Et comment vivent-t-ils tout cela ? Tu as perdu les tiens. Tu as été chamboulée, amenée, malmenée. Puis tu as retrouvé. On t’a dis de faire attention, d’être méfiante, d’être discrète mais cette voix de la raison tu ne l’as jamais écouté. Pas plus quand il disait de ne pas t’aventurer loin de vos terres qu’au moment où ton cœur t’abandonnait. Tel le petit chaperon rouge tu as fais confiance, tu t’es donné et as fini dévorée. Tu as été blessée dans un amour vain, dans un amour feint, tu as fais du mal toi aussi. Trop. Bien trop au seul qui ait jamais compté à tes yeux. Mais tu es ainsi, trop curieuse, trop aventureuse. Ce monde tu ne l’as pas crains, tu en étais avide, avide de tout. T’avais qu’à te baisser pour attraper les opportunités, pour attraper les possibilités, pour attraper la vie. C’est ce à quoi tu t’es attelée avec trop de dévouement, oubliant au passage celle que tu avais été, celui que tu avais aimé. Tu as effacé des bras pour te blottir dans d’autres. Cette réalité n’avait rien de magique, rien d’épique. Mais où étaient donc tes convictions ? Tu as laissé derrières tes promesses et noyée le reste. Puis tu as rouvert les yeux, tu es tombée de haut, de bien haut. Mieux vaut chuter que de ne jamais s’élever ? Il t’a pardonné, t’a rattrapé, aidé à te relever. Pourtant tu ne le méritais plus, ni lui, ni son pardon et encore moins son amour sincère qui ne t’a jamais quitté. Mais chaque jour est unique. Pensez à aujourd'hui et dîtes vous bien que demain tout cela ne sera que du vent, après-demain ce sera perdu. Votre vie vous échappe, des fragments glissent tout droit hors de votre mémoire. Tout ce qui faisait ton monde un jour s'est enfoncé au plus profond de ton esprit, il est allé se cacher dans un coin et a sombré dans l'oubli. Tu as oublié ces sentiments, ces odeurs, ces images, tu as oublié tout cet amour, ces rires, ces personnes qui étaient là, qui formaient cette bulle dans laquelle tu étais si bien mais qui a fini par s'éclater. Ce fut ça le plus triste, l'effacement de ces émotions, des souvenirs, comme si rien n'avait jamais existé. Comme si tout n'avait était qu'un rêve, que du flou. Il t’a fallu trouver le courage de l'accepter, il t’a fallu apprendre à laisser ses bagages se vider malgré toi, fallu savoir fermer la porte, jeter la clé, tirer un trait, tourner la page et la brûler. Pour recommencer ailleurs. Pour recommencer à zéro. Pour avoir encore mieux.

Des mois, des mois de bonheur c’est ce qu’il t’a donné. Mais encore une fois tu n’as pas su préserver  son amour, tu n’as pas su garder ce trésor. Tu savais que tu étais incapable de tenir un cœur entre tes mains sans faire de dégâts. Incapable d'en prendre soin, et de lui apporter l'unique chose dont il a besoin... de l'amour. Quand tu vois parfois comment l'amour peut être si simple... et puis comment ailleurs il peut être si compliqué. Tu n’as pas envie de te tuer l'esprit à comprendre pourquoi avec toi ça ne marche pas... ça ne marche jamais. Il a été l’amour de ta vie mais tu ne seras qu’un chapitre de la sienne. Tu l’as su au moment où l’on t’a annoncé la nouvelle. Tu l’as tué. Tu vous as tué et de cela jamais tu n’obtiendras le pardon. Tu ne peux le décevoir encore, tu n’en as pas la force. Tu ne mérites pas ce qu’il t’offre. Quand il t’apporte de la joie tu ne lui rends que du désespoir et une place vide dans le lit conjugale.

Tu ne sais jamais que le dernier baiser sera le dernier, tu penses qu'il y en aura plein d'autres, tu crois que tu as la vie, mais c'est faux - Le bonheur, un bonheur immense. C’est ce que tu as ressentis à la nouvelle, quand tu as compris, que toi aussi tu allais donner la vie. Entrer à ton tour dans le grand cycle, que ton existence ne se résumerait plus à toi, mais à vous. Jamais encore tu n’avais ressentis une joie plus intense. Puis elle est partie, aussi brusquement qu’elle était arrivée. Et la culpabilité te ronge, et la tristesse t’envahit. Tu étais là, souriante, insouciante, puis il est venu et a brisé le rêve, de sa voix grave, de ses gestes brusques réclamants des biens que tu ne voulais lui céder. Un instant, rien qu’un instant tu as pensé que tenir tête ne serait pas si alarmant, si inconscient, tu as cru que tu étais encore cet animal sauvage, féroce, fort au sommet de sa gloire. Tu t’es bien trompée, tu n’es que cette créature, frêle, maigre, fragile, qui à la moindre bousculade peut se casser. Tellement fragile, trop. Et ce trésor qui grandissait à l’intérieur de toi l’était encore plus. Trop têtue tu n’as pas voulu lâcher prise et c’est ainsi que tu l’as perdu. Il t’a poussé, tu es tombée, la chute bien plus douloureuse qu’elle n’aurait dû l’être si tu avais été seule. Le sang a coulé trop vite, c’est les larmes aux yeux que tu as réalisé ton erreur, appelant, suppliant qu’on vienne te porter secours dans cette ruelle obscure. Tu as senti qu’il était en danger, et quel danger ! Tu l’aimais déjà, tu le chérissais déjà. A présent jamais tu ne pourras voir la lueur de son visage…

***

T’es là. A compter les minutes, à compter les secondes, tu t’agites, tu trembles. T’es toute seule et tu attends le verdict. Et puis ce foutu doc finit par arriver, avec sa mine blafarde, ce visage des mauvais jours. Non. Non ! Tu ne veux pas qu’il prenne ce visage, tu refuses qu’il ouvre la bouche, qu’il annonce la nouvelle. Tu lui lances un regard apeuré, un regard de détresse, de supplication. Mais que peuvent faire les supplications face à cette fatalité qui te frappe de plein fouet. Il t’annonce la nouvelle et tu te figes sur place. Mort. Perdu à jamais. Tu lui sommes de sortir, de disparaître de ta vue. Ce n’est pas sa faute mais de la tienne, tu te retrouves avec tes erreurs et c’est pire que tout. T’attrapes cette chose qui te sers de téléphone portable, t’essayes de composer son numéro, tu le connais par cœur mais tes doigts ne parviennent pas à taper sur les touches. Pourtant t’as besoin d’entendre sa voix, c’est une nécessité mais tu t’y refuses. Que pourrais-tu bien lui dire ? Tu le lâche d’un seul coup, tu te recules sur le coup de la peine, de la peur et ta hanche heurte le placard. Tu crie de douleur, tu crie ta frustration, tu t’époumones en vain dans cette pièce vide. Tu n’étais pas seule mais tu l’es, tu l’es à présent. Y’a cet être mort à l’intérieur de ton corps, tu sens que ça va te bouffer à petit feu, tu peux pas assumer la nouvelle. Comment le pourrais tu ? Tu voulais donner la vie et tu sèmes la mort. En tu te hais à cet instant précis, si tu pouvais te l’arracher quitte à tomber raide sur le tapis tu le ferais. C’est la pire chose qu’il pouvait t’arriver, ça te rappelle un peu plus fort ton échec…ton échec avec lui. Tu sens ton pouls s’accélérer d’un seul coup, t’as du mal à respirer, t’étouffe ici, t’ouvre cette fenêtre trop petite et t’essayes de respirer mais t’y arrives pas, tu manques de temps, tu manques d’air. T’as l’impression de d’asphyxier sur place, ton souffle est rapide et saccadé, c’est tout ton corps qui réagit à l’annonce terrible qu’on vient de te faire, t’es en deuil mais pas que de lui, de toi aussi. Tu te laisses glisser lentement le long du mur, ramenant tes genoux à ta poitrine, plongeant ta tête entre tes jambes t’essayes de retrouver ton calme en vain. Putain ! Mais putain ! Qu’est-ce que tu vas faire ? Tu sais pas quoi faire, personne peut t’aider et encore moins lui, lui qui ne voudra plus de toi s’il l’apprend. Tu ne veux pas le blesser, pas encore, tu l’as déjà fais trop de fois. Il ne mérite pas cette peine. Il va finir par te déteste, que penses-tu ? Il va te haïr ! Pourtant c’est ta faute tout ceci, t’as l’impression de détruire tout ce que tu touches, depuis quand es-tu rentrée dans cette spirale infernale ? Ce n’est pas toi ça, t’es sensée être souriante, et spontanée, être cette boule d’espoir mais tu ne l’es plus, la joie qui t’habitait il y a encore quelque jours t’a abandonné. Tu t’allonges, t’es là face contre terre, ou plutôt contre le carrelage froid de cette salle d’auscultation, étendue comme la loque que t’es, noyée dans ton chagrin. Tu restes là, et t’attends, l’écographie serrée dans ta main droite tu te sens juste vidée.

Tu n’es désormais plus la même, tu crois avoir perdu un bout de toi. Tu voudrais mettre les bons mots sur tout ça, sur cet épisode de ta vie. Tu crois avoir perdu ce petit truc qui faisait qui tu étais, cette chose qui te faisait croire que tu pouvais être plus forte. T'avais déjà tellement de mal à trouver tes repères, tellement de mal à savoir qui t’étais, du mal à te retrouver dans tes pensées. Tu te sens tellement différente... Tu te manque déjà, tu ne te reconnais déjà plus, ta vie a réellement pris un tournant. Sept semaines ont suffit à faire place à un immense changement dans ta vie. Le genre de changement qui pour toute personne doit être important. T’as perdu un morceau de toi, en seulement un instant, là, en une minute. Le regret pourra te ronger, rien ne changera jamais. Les larmes peuvent couler, tu ne contrôle désormais plus rien, t’as cette affreuse sensation de ne plus être dans ton corps. De devenir un jouet. Tu n'as pas écouté ton cœur, tu n'as pas écouté tes pensées. Tu crois être tombée dans le gouffre, tout en n’en étant consciente. T'aimerais transformer cette erreur, t'aimerais rebondir, t'aimerais qu'elle te permette de grandir. Tu sens grandir en toi une douleur, une souffrance inconnue. Tu sens en toi, l'envie de hurler, d'extérioriser cet amas de sentiments qui se battent en toi. Tu tentes de t'accrocher à ces certitudes qui furent les tiennes il y a si peu, à défaut de retrouver ton corps t'aimerais garder ton esprit. Tu te dis qu'il y a pire, bien pire... mais c'est tellement dur, tu es persuadée que personne ne pourrait comprendre. Tu sens que tu as fais une erreur, que tu passes pour ce que tu n’es pas... Tu t’es déçue toi-même, tu sens au fond de toi une déchirure. Tu veux te convaincre que tu ne t’es pas perdue, ou du moins que tu réussiras à te retrouver. Tu veux te convaincre que lui non plus, tu ne l’as pas perdu. Qu’il reviendra…mais tu sais que non.

J'ai l'impression de m'être arraché moi-même le cœur, de l'avoir piétiné. Victime de moi-même, coupable de cette douleur. Je ne peux plus m'en défaire, je peux pas m'évader de cette prison qu'est la Souffrance. Parfois on croirait qu'il n'y a pas de solution à nos problèmes, que seul le temps est là pour nous. Qu'il n'y a que lui en guise de remède. Qu'il faut grâce à lui, effacer ces souvenirs, oublier ces étreintes, gommer cet amour. Avancer, et puis recommencer, ailleurs, différemment...avec quelqu'un d'autre - Et puis tu l’as quitté. Soudainement. Silencieusement. Sans un mot, sans un regard en arrière. Que dis-tu ? Bien sûr que si, des regards y’en a eu pleins, des remords encore plus. T’as tenté de revenir et puis les souvenirs affluaient et te rappelaient pourquoi tu avais pris une telle décision. Il est surement malheureux mais la tristesse passe, comme le bonheur, comme tout le reste. Il se remettra de la douleur de t’avoir perdu mais pas de celle que tu lui aurais fais en restant, tu ne pouvais te résoudre à briser encore ce qu’il reste de son âme. C’est chez un autre être cher à ton cœur que tu es venue t’installer, venue t’abandonner. Dépressive on t’a jugé, choc post-traumatique, perte de la réalité. Conneries. Tout ça pour dire que ton enfant est mort et que tu n’as pas su le protéger, le préserver. Ni lui, ni ton amour. Alors tu as tout quitté. Tu as fais un choix. Ton géniteur bienveillant caressant tes cheveux cette nuit de pleurs, te demandant si tu étais sûr de toi, si tu avais fais le bon choix. Le « bon » choix ? Il n’y a pas de bons choix. Ni de mauvais. Tout ça c’est relatif, ça ne rime en rien. On croit avoir cette illusion, de choisir entre le bien et le mal mais c’est faux. Le seul choix qu’on ait c’est l’égoïsme ou le sacrifie. T’as pris la seconde décision et tu dois vivre avec chaque jour.


Tu aimes cette blessure, c'est un peu lui, encore.
Et petit à petit, ce ne sera plus qu'un souvenir. Un souvenir triste, un souvenir qui tord le coeur, comme quand on regarde une photo et qu'on voudrait plonger dedans pour vivre cet instant encore une fois, mais un souvenir qu'on aime. Tu ne veux pas guérir, ton cœur serait vide sans lui. C'est pour ça que tu sais que tu l'aimeras toujours : il a pris tellement de place. Il est pas seulement dans ton coeur, il a aussi envahit tes poumons, en passant par tes veines. Et puis il est venu s'imprimer dans ta mémoire. Pour l'oublier faudrait que tu te vide toute entière, et alors tu ne serais plus que l'ombre de toi-même.