Ta mère serait très fière de toi, mon grand. C'est tout ce qu'elle a toujours voulu pour toi me lança joyeusement mon père en me gratifiant d'une tape sur l'épaule et d'une petite étreinte. Il ignorait mon expression fatiguée. Je ne masquais pas que la perspective de ce bal ne me faisait pas sauter au plafond, mais il feignait le contraire, ignorant mon air peu inspiré. Il me fit signe de sourire, de me montrer enthousiaste avant de commencer à descendre les escaliers pour prévenir mon arrivée. Ce bal était un bal pour moi, comme ne cessait pas de me le dire mon père, le roi. En fait, de mon avis, c'était surtout un bal pour lui. A ses yeux, il fallait à tout pris que je me mari. Je ne pouvais plus rester célibataire. Je ne voyais pas pourquoi, mais avec toutes ses années, j'avais appris à connaître mon père et le fait qu'il était plus intelligent de ne rien lui refuser. Je me préparais donc à une soirée incroyablement longues faites de courbettes, de sourires placides et de danses à n'en plus finir. En découvrant la salle pleine, j'en eu mal à l'estomac. Toutes les filles bonnes à marier du royaume étaient présentes, n'attendant que mon arrivée pour entrer officiellement en scène. J'étais le trophée à remporter ce soir-là et alors que ça semblait réjouir mon père, j'en avais plutôt la nausée. Hors de question de le montrer cependant. On m'avait bien élevé. Commença la soirée et les présentations. Les filles se succédaient, vêtues de robes bariolées aux étoffes suivant gracieusement le moindre de leurs mouvements. Enfin, la grâce était suggestive et parfois non présente comme j'eut l'occasion de le voir lorsque deux soeurs se présentèrent, m'aguichant sans la moindre subtilité. J'échangea un regard avec mon père qui, dieu merci, semblait partager mon avis. J'embrassa les mains des demoiselles, bien campé dans mon rôle de prince, mais éprouva néanmoins un certain soulagement à les voir s'éloigner. Je passa une main sur ma nuque. J'avais chaud. Cette atmosphère, tout dans cette soirée, m'oppressait, y compris le regard de mon père, pesant sans arrêt sur moi. Alors que j'observais la valse de robes au sein de l'immense salle de bal, mon regard se posa sur une nouvelle arrivée. Sa robe était semblable à toutes les autres, bien que nettement plus belle peut-être, mais ce détail n'attira mon attention que quelques instants. Elle était superbe. Tout en grâce et par dessus tout, elle n'en faisait pas trop. Elle était naturelle, la seule personne qui me semblait saine, dans cette marée de monde. J'alla à sa rencontre et passa une merveilleuse soirée, m'écartant de tout ce monde pour n'être qu'avec elle, arrivant même à l'embrasser alors que la magie de cette nuit nous entourait tous les deux. Ce fut si parfait que j'en eu mal lorsqu'elle partit en courant alors que minuit sonnait, me laissant seul et dans l'incompréhension la plus totale, une pantoufle de la verre.

Suivirent des journées de recherche épuisantes au cours desquelles, en compagnie d'un serviteur de mon père, je fis essayer à toutes les invités présentes au cours du bal la chaussure en question. Il était vital que je retrouve la demoiselle qui m'obsédait depuis. Finalement, mes recherches touchèrent à leur fin alors que je frappais à la dernière porte présente sur ma liste, entrant chez les deux soeurs m'ayant fait un si sale effet le soir du bal. Masquant tant bien que mal ma déception, je pris part en silence aux essayages, intervenant cependant alors que les deux jeunes filles malmenaient la pantoufle, essayant avec force d'y rentrer leurs pieds. C'est Cendrillon, objet de mes recherches, qui me sauva, réussissant enfin à nous rejoindre au salon en dépit des mauvaises intentions de sa belle mère et qui essaya la chaussure, m'apportant la certitude qu'elle était bien la femme de mes rêves, mon âme soeur. S'en suivit un mariage en grandes pompes, tel que celui dont mes parents avaient toujours rêvés pour moi. Cendrillon devint ma femme, ma princesse. J'étais très heureux. Je n'ai jamais, au grand jamais, douté de mon amour pour elle. Elle était la bonne pour moi, tout simplement et je ne voulais qu'elle. Peu importait les obstacles que l'on pourrait semer sur notre route, on finirait toujours par se retrouver. Cela avait été le cas, alors que je n'avais que cette pantoufle pour la retrouver elle, dans tout le royaume. Alors j'avais la foi et je ne doutais pas que nous serions heureux pour toujours. Sauf que j'avais tort et je ne put le comprendre qu'alors que le mal sévissait, nous envoyant tous dans un monde inconnu, ou il allait m'être bien dur de vivre heureux pour toujours.

Paige, la jolie Paige. Une rencontre, par l'intermédiaire de l'une de mes amies et une bonne entente immédiate, cédant bien vite la place à une complicité se muant doucement en quelque chose de différent. Quelque chose que je ne prévoyais pas. Je ne comprend pas tout. Enzo, c'est mon prénom et pourtant il me semble sonner un peu faux. J'évolue dans la brume, j'ignore qui je suis exactement et je ne parviens plus que difficilement à distinguer la vérité des mensonges. Je dors mal. Je me réveille en pleine nuit, haletant, des images brouillonnes plein la tête, l'estomac au bord des lèvres. Je me redresse, me réveillant brusquement et me couvrant le visage avec mes mains. J'ai la tête qui tourne. Mes yeux prennent un moment à s'habituer au noir quand brusquement la lumière se fait. Une lampe vient d'être allumée. Je plisse les yeux avec un petit grognement. Les traits du visage de Paige se dessinent de mon champ de vision. C'est vrai que je me suis endormi dans sa chambre. Humf. Je passe une main dans mes cheveux. Nous nous sommes rapprochés, indéniablement et elle est là, présente à mes côtés. Elle sait par quel côté me prendre et j'éprouve un sentiment de sécurité à ses côtés. J'ai besoin de ça. J'ai besoin d'elle. Et j'aime qu'elle soit là. Elle me questionne, m'interroge sur ce nouveau cauchemar. Je ne sais pas quoi lui dire car je ne trouve pas de sens à tout ce à quoi je pense. Et je n'ai pas envie de réfléchir. Je n'ai pas envie de me demander pourquoi je me sens si mal. Alors, tandis qu'elle embrasse un bras bienveillant autour de moi, je cède à une pulsion, tourne mon visage pour le sien et lui offre un baiser, sans penser le moins du monde à l'erreur que je fais. Sans imaginer un seul instant que je suis en train d'embrasser ma belle-soeur