I - Il était une fois un âne qui parlait. ❞

Mon histoire ? A moi ? En quoi ça vous intéresse ? Allez plutôt questionner vos jolies princesses et vos princes qui ont perdu leurs attribues masculins ! Moi jaloux ? Vous savez, lorsqu'on a été qu'un petit âne pas bien beau toute sa vie, c'est sûr que forcément, on finit par envier ses princes au physique de rêve, bien entourés et qui sauvent toujours la princesse à la fin du conte - et se la tape aussi, accessoirement. Je sais bien que je n'ai pas la tête,ni même tous les autres attribues d'un vrai prince, mais disons que je me console avec quelques autres qualités. Faut pas croire, j'en ai, même si à priori on pourrait croire que le moulin à parole qui se dresse devant vous devrait simplement avoir un bouton pause. J'ai remarqué, les filles, quand je leur parle, disent que je suis drôle. Mais franchement quand une fille vous dit qu'elle vous trouve drôle, est-ce que c'est vraiment une qualité ? Il m'arrive parfois d'en douter. Parce qu'avec moi, elles lâchent ça sur le ton d'un compliment puis elles s'en vont. A vrai dire, c'est difficile de comprendre ce que pensent vraiment les gens. Moi j'ai beaucoup de mal. Est-ce que ça me rend débile pour autant de ne pas faire la différence entre un sourire sincère et un forcé ? Mais bon au fond je n'en veux à personne. Je suis un âne, et les ânes sont considérés comme idiots depuis la nuit des temps. D'ailleurs je suppose que même l'auteur du film n'avait pas choisit mon espèce au hasard, fallait un truc qui marche à la carotte, m'voyez.

Enfin, j'étais partis pour vous raconter mon histoire, pas pour philosopher - oui ça m'arrive parfois, rangez de suite vos gros yeux ou je vais me fâcher ! Où en étais-je ? Ah oui. Un âne. D'aussi loin que je m'en souvienne, et déjà ânon, je n'ai jamais eu d'amis. Je jouais seul. Ce n'était pas faute d'avoir essayé, mais disons que j'avais un peu de mal à ... m'intégrer. Maman disait que j'étais "spécial". Pas comme tout le monde quoi. D'autant plus, qu'à la différence de tous les ânons de mon âge, je ne me contentais pas seulement de braire, mais j'avais acquis la faculté de parler. Ne soyez pas surpris, dans un monde aussi enchanté que le mien, cela n'avait rien de très étonnant. Ça l'était une seconde, puis on finissait pas s'habituer... Ou pas.

En vérité, tout partit en cacahuète le jour où ce foutu nain de jardin accéda au pouvoir : Lord Farquaad. Il décida du jour au lendemain, sur un coup de tête - c'est plutôt comique quand on n'en mesure qu'à peine trois - que tous les animaux enchantés devait disparaitre de son territoire. Chaque animal, ou créature considérée comme enchanté oui possédant quelque chose d'extraordinaire était revendu à prix d'or et emmené au château. Je suppose que ma propriétaire avait besoin d'argent, et c'est pourquoi elle m'emmena au contrôle. Enfin, je vous passerais les détails, mais je réussis à m’enfuir, sans doute grâce à ma bravoure et ma fière carrure de destrier royal... Bref, passons, et retirez direct ce petit sourire moqueur de vos visages. C'est là que j'ai rencontré Shrek, alors que je tentais de fuir ces types en armure qui cherchaient à m'embarquer dans leur charrette pour m'emmener au château de Sarkozy. C'est vrai qu'il était impressionnant le Shrek. Il puait, était immense et aurait pu me faire atrocement peur - mais je suis trop courageux, que voulez vous. Toujours fut-il que cet atroce ogre me sauva de mes ravisseurs et m'autorisa même à le suivre jusque son marais - où je fus contraint de dormir dehors mais, passons. Seulement le destin avait décidé de nous réunir pour une grande aventure ce soir là. Des centaines de créatures magiques envahirent le marais de Shrek, qui mis de très mauvais poil, se décida à m'emmener avec lui à la rencontre de Sarko...Lord Farquaad. Bon je vous passerais les détails, mais ce dernier nous envoya chercher la princesse Fiona et en échange il ferait déguerpir tous les animaux enchantés du marais de Shrek. Tout gaiment, du moins ce fut le cas de mon coté, nous partîmes chercher la fameuse princesse en question, dans un affreux château gardé par un énorme dragon. Pour être tout à fait honnête, je n'étais pas très rassuré, l'idée de me faire croquer par un dragon n'était pas vraiment l'idée que j'avais d'une mort agréable. Mais disons que ne n'avais pas vraiment le choix, alors j'avançais comme je pouvais en faisant tout pour ne pas réveiller la bête... C'était peine perdue, elle s'était réveillée au moment même où nous avions pénétré dans le château, et tandis que Shrek allait délivrer Fiona, moi j'essayais en vain d'échapper à la bête féroce.

Qui aurait cru que cette "bête féroce" deviendrait la dragonne que j'aime hein ? Personne n'y croyait, à ce couple, pas même moi au départ d'ailleurs. Et maintenant quand j'y pense, avec tout le recule que je peux prendre, je me dis que j'ai bien eu tord de la repousser au départ. Pas vue très souvent dans le film, mais arrivant toujours au moment où il le fallait : croquant lord Farquaad à la fin du premier film, m'annonçant que j'étais papa à la fin du second... Oui j'ai beaucoup de chance, et je suis heureux, si heureux que j'pourrais cracher des flammes par les fesses.

Il faut dire qu'on en a traversé des aventures, avec Shrek. Décidément, le destin s'acharnait vraiment sur mon pauvre ami vert, et sur moi avec par conséquent. Oh je n'ai pas à me plaindre, ça fait des tonnes de souvenirs à raconter aux enfants, et puis j'ai pu voir ce que je donnais dans la peau d'un superbe destrier blanc aussi - c'est une longue histoire. Mais ce n'est pas de tout repos, c'est vrai. Pourtant, je ne regrette absolument rien, ni les engueulades avec le chat Botté, ni les farces de Shrek, ou les moments un peu plus tendre - ou pas - avec Fiona.

En parlant d'enfants justement, la vie m'offrit cinq adorables petits, mi-dragons mi-ânes. Il est clair qu'il s'agissait de créatures encore jamais vues, mais il es clair que ma descendance, et celle de ma dragonne, se devait d'être unique en ce son genre. La question que vous vous posez certainement, c'est comment j'ai pu réussir à faire l'amour à ma jolie dragonne vu ma taille et la sienne... Eh bien la réponse est très claire, et évidente. Mais je préfère vous laisser dans le mystère, c'est beaucoup plus amusant. Où en étais-je ? Ah oui, les enfants. J'avoue moi même en avoir confondu certains entre eux quelque fois, tant ils se ressemblaient. Vous imaginez, des quintuplés ! Ça faisait beaucoup de bouche à nourrir pour un papa âne tel que le mien, disons qu'avec Shrek et nos huit enfants réunis, nous avions du boulot. Et pourtant, malgré le travail, je vous jure qu'ils ne manquèrent jamais de rien.

J'étais un âne comblé, même après toutes les aventures que nous avions traversé, malgré mes sabots usés par nos marches interminables, mes nombreuses blagues désormais connues par toute la famille, jamais, de toute ma vie, je ne m'étais sentis aussi heureux. Et évidement, comme dans chaque histoire, il avait fallut qu'un énième retournement de situation vienne bouleverser ma vie que je pensais enfin tranquille.

- Et un adorable petit humain musicien ❞

Et je me retrouvais là. Je dis là parce qu'en vérité, je ne sais pas vraiment comment appeler cet immense ensemble de buldings tous plus hauts les uns que les autres, de voitures empestant le gazole et de tous ses gens trop pressés pour esquisser le moindre sourire. Je ne savais pas où j'avais bien pu mettre les pieds, j'étais totalement perdu, inquiet, sans repères. J'avais envie de pleurer, de hurler. Où est-ce que j'avais atterris, pourquoi tout le monde était si différent ici, où était ma dragonne, mes enfants, et tous les autres ? Ce fut la peur qui s'empara de moi par la suite, et qui me fit devenir si pâle en comprenant que j'étais bel et bien coincé dans ce monde inconnu pour une durée indéterminée. Je n'avais aucune idée de ce que j'allais devenir, ni de qui était cet homme dans le miroir, lorsque je cherchais à trouver un peu réconfort. Où étaient mes sabots, ma crinière mal taillée et mes petits kilos en trop ? J'étais devenu comme tous les passants, un homme ordinaire, ni trop beau, ni trop laid, incapable de hennir sans que ça eu l'air d'une parodie exagérée. Je n'étais plus le même, alors que je n'avais rien demandé moi. Jamais je n'avais voulu que l'on me transforme en l'un de ses mecs se fondant dans la masse ! Ma peine était immense. Heureusement pour moi je trouvais refuge au Meli Melo House, dans un logement confortable, avec d'autres gens venus d'un autre monde, d'un autre dessin animé, la plupart tous aussi désabusés que moi.

Ce fut un jour qu'on vint toquer à ma porte, et comme Tressie, ma colocataire, était sortie faire les courses, je dû décoller les doigts de ma guitare - mon nouveau passe-temps - pour aller ouvrir. Je tombais alors sur une demoiselle dont le visage m'était inconnue, mais il était aussi rouge que la bouteille de ketchup enfermé dans le frigo. « Excusez moi, elles sont à vous ? Parce que ça commence vraiment à être désagréable tous le bordel qu'elles font dans le couloir. Et regardez l'état des murs, mon dieu, récupérez les, on ne fait pas jouer ses enfants dans le couloir monsieur ! » Elle était réellement furieuse, mais ce qui m'interpella le plus, c'est qu'elle pointait du doigt deux petites boules blondes dans le couloir mal éclairé. Je fronçais les sourcils, finissant par distinguer avec peine deux petites filles parfaitement identiques, tenant dans leurs mains des feutres de toutes les couleurs dont elles s'étaient servies pour décorer le papier pain des murs du couloir. « Non mais elles ne sont pas à m... » Elles se tournèrent vers moi avant d'écarquiller les yeux et de se redresser sur leurs petites pieds maladroit, tendant les mains vers mon visage en se mettant à courir en ma direction, hurlant à l'unisson un joyeux « papa ! » qui me fis rougir de toutes parts. La femme en face de moi croisa les bras, l'air très mécontente, et me jeta un regard noir avant de tourner les talons et de retourner dans son appartement, hurlant que cela ne devait plus jamais se reproduire. Les petites arrivèrent à ma hauteur, venant enlacer chacune une de mes jambes riant comme jamais. Un peu désabusé mais surtout ne voulant pas rester sur le palier, de peur que l'autre harpie refasse son entrée, je refermais la porte avant de baisser les yeux vers les deux boules blondes. Les poings sur les hanches, je restais bien une minute à les regarder déposer des baisers sur mes jambes, avant de comprendre. « W-Wait... Poppy, Lily ? » Elles relevèrent la tête vers moi, me faisant un grand sourire avant de pencher un peu sur le coté, l'air curieuses, comme si tu les avais appelé. Je faillis presque tomber dans les pommes, perdant l'équilibre alors qu'elles s'appuyaient un peu plus sur mes jambes, et que désabusé mais tout heureux, je constatais que j'avais retrouvé mes deux petites filles, à défaut de ne pas savoir où se trouvaient les trois autres garçons.

Une fois qu'elles furent nourris, et que j'eus expliqué à Tressie toute l'histoire - et que celle ci se fit un plaisir de lire une histoire aux filles, je me demandais alors où pouvait se trouver leur mère. Si les filles étaient là, la Dragonne devait bien elle aussi s'être retrouvée à Fantasia Hill non ? Mais je n'avais aucune piste, et c'était en fait déjà un miracle que j'ai retrouvé les deux crapules. Ce soir là je ne fis qu'un peu de guitare, répétant à peine pour ma représentation au café de demain, et je passais une bonne heure à les regarder dormir, allongées dans mon grand lit à défaut de ne pas avoir encore acheté de berceau, avant de les rejoindre, les serrant toutes les deux contre moi, plongeant doucement dans les bras de Morphée.