Pour les personnages Disney, écrivez votre histoire avant et après le sortilège, il n'est pas nécessaire de raconter votre vie de A à Z mais indiquez où en était votre vie au moment du sortilège et à votre arrivée à Fantasia Hill. Pour les humains, écrivez votre histoire tout simplement. 30 LIGNES MINIMUM.  



Avant le chaos.

C'est la fin de l'hiver et les cigognes livrent les nouveaux bébés aux pensionnaires du cirque alors installé dans son quartier d'hiver en Floride. Toutes les mamans reçoivent leur colis sauf une éléphante, madame Jumbo. Mais après le départ du cirque, une cigogne égarée lui apporte un éléphanteau qui, à la surprise générale, est affublé d'oreilles démesurées. Devenu l'objet des railleries de la troupe, il est aussitôt surnommé « Dumbo ».


"Dumbo? c'est plutôt Dum pas beau!" voilà comme on ricane sur mon passage. Je ne suis qu'un bébé et pourtant on se moque déjà de moi. Apparemment, j'ai des trop grandes oreilles, je suis difforme et laid. Mais je m'en fiche alors. Ma maman m'assure que je suis le plus beau, elle m'entoure de plein d'amour.

Madame Jumbo tente de rester digne, entourant son bébé de tout son amour maternel. Pourtant, lorsqu'une bande de garnements se moque une fois de plus de Dumbo, sa mère vexée, n'en pouvant plus de la méchanceté permanente dont son petit est la victime, attrape l'un d'eux avec sa trompe et lui donne une fessée. Elle payera cher son écart : Monsieur Loyal, après l'avoir fouettée, l'enchaîne au fond d'une cage. Considéré comme un paria par les autres membres de la troupe, Dumbo se retrouve désormais seul. Heureusement Timothée, une petite souris malicieuse, le console et décide d'en faire une vraie star.

Je n'ai plus de maman. Elle a été enfermée. C'est de ma faute, tout est de ma faute ! Si je n'étais pas aussi laid, aussi étrange, aucun enfant ne se serait moqué de moi, et ma maman n'aurait pas tout fait pour me protéger ! Elle mérite mieux que moi. Par ma faute, elle est enfermée loin de moi, dans une cage. Je suis si triste sans elle... Face à la cruauté du monde, que vais je faire ? Elle était la seule à m'aimer, à me protéger. Et pourtant... Même si les éléphants ont peur des souris, moi je m'en suis fait un ami. Timothée m'a prit sous son aile. Il veille sur moi maintenant.


Timothée tente de réaliser plusieurs numéros de cirque avec Dumbo mais tous échouent : alors que Dumbo doit s'élancer sur un tremplin pour atterrir au sommet d'une pyramide de pachydermes en équilibre sur un ballon, il se prend les pattes dans ses oreilles et percute la pyramide qui s'écroule, entraînant dans sa chute le chapiteau tout entier. Dans la ville suivante, la direction du cirque décide de faire de Dumbo un clown, à la grande honte des autres éléphants.

Je ne suis qu'un boulet. Tout ce que j'entreprend échoue. J'essaie tant bien que mal de faire les choses correctement, et rien ne fonctionne. Je mérite ce qui m'arrive. Je ne suis qu'un monstre. Je ne mérite rien d'autre que de faire rire les autres par ma monstruosité.

Le spectacle est tellement bien accueilli, avec douze rappels, que les clowns font la fête après le spectacle. Timothée profite de l'euphorie générale pour emmener Dumbo voir sa mère emprisonnée. Mais ils ne peuvent pas se voir, seules leurs trompes pouvant s'effleurer. Afin de réconforter Dumbo qui ne cesse de pleurer et de hoqueter, Timothée l'emmène boire dans une bassine dans laquelle l'un des clowns a par mégarde renversé une bouteille de champagne. L'alcool ne tarde pas à faire son effet et les deux amis ont alors des visions psychédéliques, dont une marche d'éléphants roses et nombre d'hallucinations improbables.

J'ai honte à ce moment là, je m'en souviens parfaitement. Même si tout s'est bien passé, et que pour une fois je n'ai pas gâché le spectacle, j'ai honte d'être un clown. Le cirque profite de mon handicap physique pour avoir des bénéfices. Les autres éléphantes se moquent de moi. Ma maman, que je vais voir en cachette, ne peux que me bercer avec sa trompe. Je ne distingue pas son visage. Mais je sens sa douceur, et tout son amour, qui m'enveloppe et me berce. C'est à la fois le moment le plus doux et le plus douloureux de ma jeune existence. Mais nous devons partir vite. Je n'ai que Timothée, encore, qui est là pour moi. Je ne sais pas ce que je ferais sans lui. Il est mon sauveur. Je me souviens de la sensation étrange qui s'infiltre en moi, à mesure que je bois dans cette bassine. Et ces hallucinations que la petite souris et moi voyons ! Ca me laisse d'ailleurs un sentiment de profond malaise, et en même temps de grande allégresse. Pas de larmes pour une fois, juste le hoquet et des rires étranges, et des éléphants roses.

Le lendemain matin, les deux compagnons sont tirés de leur sommeil par une bande de corbeaux bavards et ironiques, qui s'étonnent de trouver un éléphant sur les plus hautes branches d'un arbre. Il se moque de lui. L'étonnement passé, Timothée comprend que Dumbo est parvenu à voler jusque là grâce à ses grandes oreilles. Il tente de le persuader de se servir de ce don, épaulé par le chef des corbeaux qui, après avoir été remis à sa place par Timothée, offre au jeune éléphant l'une de ses plumes en le persuadant que son pouvoir magique permet de voler. Le duo s'élance du sommet d'une falaise et l'incroyable arrive : Dumbo sait voler.

Quand j'y repense, heureusement que Timothée était là à ce moment. J'était de nouveau faiblard et apeuré face aux corbeaux. Et tout ce qu'ils disaient n'étaient que la vérité. J'étais un monstre aux grandes oreilles difformes. Je méritais d'être un clown. Mais une fois de plus Timothée m'a sauvé. Je me souviendrais toujours des mots qu'il a sorti ce jour là. Ces mots, les uns à la suite des autres, formaient des phrases si touchantes et belles que même les corbeaux se sont attendris. Ils m'ont compris. Il sont même devenus mes amis. Il a dit "Vous devriez avoir honte de vous moquer comme ça. Une bande de costauds comme vous. Vous moquez d'un malheureux orphelin comme lui. Si c'était vous qui aviez été arraché à votre mère alors que vous n'étiez qu'un bébé. Sans personne pour vous bercez, sans personne pour vous prodiguez de la tendresse. Ca vous aurais plu d'être abandonné seul, oui tout seul en proie à la cruauté du monde. Et tout ça pourquoi? Parce qu'il a des oreilles un peu grandes et qu'on le traite de monstre? Qu'il est la risée du cirque? Et lorsque sa maman a essayé de le protéger, ils l'ont mise en prison! Et ce n'est pas tout! Il y a pire! Ils en ont fait un clown! Rien d'étonnant qu'il n'en puisse plus! A quoi bon raconter tout ça. A des oiseaux sans coeur. C'est ça! Amusez vous! Moquez vous de lui! Profitez puisqu'il est faible! Vous gênez pas! Il a l'habitude..." . A la suite de ça, j'ai appris à voler. Mon handicap était en fait un don. "Je n'ai jamais vue rien d'aussi marrant que de voir voler un éléphant..." entonnèrent même mes amis corbeaux.

De retour au cirque, Dumbo est prêt pour son numéro de clown. Mais grâce à la plume, Timothée propose de transformer le numéro en un spectacle volant. Au moment où il va déployer ses oreilles, l'éléphanteau perd la plume et panique. Timothée lui avoue que ce n'était qu'un leurre et qu'il n'en a pas besoin ; il suffit qu'il ait confiance en lui. Sous les yeux des spectateurs médusés, l'éléphant s'élève tel un avion, aspergeant les clowns affolés. Le numéro d'éléphant volant emporte un vif succès. "Mais Dumbo, Tu voles !!" .En compagnie de Timothée et de sa mère, enfin libre, Dumbo devient le roi du cirque.

Le "roi du cirque" ... Quelle ironie après tout ce que j'avais enduré. Mais c'était vrai. En l'espace de quelques jours je suis devenu célèbre. J'étais à la une de tous les journaux ! Pourtant, ça m'importait peu. Même si j'étais heureux ne ne plus être la honte du cirque et des éléphants, j'étais estomaqué devant leur hypocrisie. Ceux qui me crachaient à la figure m'applaudissaient désormais à tout va. Dans le fond, j'en étais outré. De là a démarrer ma haine des hommes en général, et de la mesquinerie profonde qui habite les êtres de cette terre. Mais ce miracle, cette célébrité gagnée m'avait rendue ma maman. J'avais enfin toute la tendresse dont j'avais besoin, et dont j'avais tant manqué. Les jours les plus heureux de ma vie débutèrent alors. Mais ça ne dura pas longtemps.


Après le chaos.

"Barre toi ! Casse toi, j't'ai dit, qu'est-ce qu'il t'faut d'plus? T'en as pas vu assez ? Et arrête de m'regarder comme ça, T'as rien écouté, t'as rien compris, Comment j'dois te l'dire pour qu'ça imprime ? Écoute pauv´ conne, j'suis pas quelqu'un d'bien. J'suis pas une belle personne, J'suis une sale bête, Une bouteille de gaz dans une cheminée Et j'vais finir par t'sauter au visage si tu t'approches trop, Comme ça la fait avec les autres !"

J'avais débarqué ici. Dans ce monde de fous. Encore plus fou que ce que j'avais connu jusqu'alors. J'vous passe les détails, vous les connaissez, ou du moins vous les devinez. chaos total dans ce nouveau corps d'humain, dans cette nouvelle cervelle toute neuve qui faisait virevolter mes pensées à une vitesse folle. Cette langue inconnue pour moi, qui n'était déjà pas bavard en tant qu'éléphant. Tout à apprendre. Tout. Comme un bébé qui venait d'ouvrir les yeux sur le monde. Et une fois de plus, seul. Sans mère. Comment survivre de cette manière ? Et puis elle était apparue. Une vieille dame, un soir. Alors que je créchais sous un pont. Comment se nourrir quand on a pas une thune ? Et comment gagner de l'argent quand on ne sait ni lire, ni écrire ? La voilà qui s'approche. Je n'étais à ce moment que l'ombre de moi même, la silhouette cadavérique d'un gars qui a juste envie de se laisser mourir. Je pouvais rien faire. J'étais coincé, seul, à nouveau seul, dans un monde inconnu et dingue. J'avais plus personne. Je comprenais rien à rien et je cherchais même pas à comprendre. Je voulais crever tout simplement. Elle s'est approchée, cette mamie, m'a tendue la main et moi je l'ai saisie. Ces jours ci me semblent flous. Je me souviens plus exactement. Je suis resté longtemps prostré chez elle, à ne rien dire. Et puis j'ai tenté d'expliquer, avec une voix faiblarde qui savait pas encore articuler. Elle a comprit, ou pas, à vrai dire j'en sais rien. Tout ce que je sais c'est qu'elle m'a enseigné la vie. Tout ce que je sais d'ici, je le lui dois. Je lui dois la vie. Et pourtant...

"Mais tu sais pas d' quoi tu parles, J'ai essayé, ça sert à rien,On change pas, on change jamais, Et quand bien même de toute façon, Ici y'a pas de deuxième chance, On efface pas les ardoises. Me dis pas qu't'es pas au courant, t'as pas vu ? C'est imprimé partout, Dans les journaux, sur les écrans, Dans le regard des gens, C'est même écrit en grand sur les immeubles, la nuit, Quand les gens bien comme toi sont endormis. C'est marqué en rouge: Tu nais comme ça, tu vis comme ça, tu cannes comme ça, Seul à poil face à ton reflet, Avec ton dégoût de toi-même,Ta culpabilité, Et ton désespoir comme seul témoin. Nan, crois moi, tu veux vraiment pas qu'j'aille plus loin ? Parce qu'au mieux ça t'empêchera de dormir, Et au pire, ça t'donnera envie d'me cracher à la gueule,Alors avant que j'me transforme encore une fois, Pars en courant, fuis moi comme le choléra."

Et je me mets à bosser. Je rattrape tout mon retard. Je suis comme un fils pour Betty, celle qui m'a recueilli, et je me reconstruis. Mais voilà qu'apparaissent ces putains de sautes d'humeur. Et ces voix dans ma tête, qui me hantent jour et nuit, et me hurlent que je ne suis qu'un sale profiteur, qu'un monstre, que la nouvelle honte de l'humanité. J'entends en cauchemar les applaudissements et les quolibets qui résonnaient dans l'enceinte du cirque. Betty dit que je suis malade, une maladie nerveuse. Le diagnostic tombe : tendance à la bipolarité. Voilà donc que même dans ma nouvelle vie je suis handicapé. Tout chute autour de moi. Y a des jours où tout va bien, des jours où je vais à la fac, où j'étudie les arts et la poésie à m'en bruler les yeux tant ça me passionne. J'écris à n'en plus finir, je dessine des merveilles, tout me semble beau. Je rentre, je fais des crêpes à Betty et nous dinons dans la plus tendre des complicités. Elle est ma seule amie. Je fuis le monde et je fuis les gens tant j'ai l'impression d'être un paria. Et c'est dans ces moments que d'un coup, je m'énerve soudain. Je hurle, je crie, je pleure, et j'ai des envies de meurtre envers celle qui m'a recueillie. "J'aurais préféré mourir" est ma phrase fétiche, que je m'amuse cruellement à lui jeter à la figure alors qu'elle tremble de peur devant ma soudaine violence. J'ai peur de moi même. De ce que je suis capable de faire quand je suis en colère. De toute la haine que je ressens envers les gens, parfois.

"Non j'ai braqué personne, planté personne, buté personne, Mais j'suis un voyou, C'est comme ça qu'on dit, tout simplement. J'ai fait des choses que j'regrette suffisamment, Suffisamment pour y penser tout l'temps. J'pourrai t'donner 1 million de bonnes raisons, Pour qu'on m'attrape, Qu'on m'casse les genoux,  Et qu'on m'cloue au pilori. Mais si un jour, on vient m'chercher, j'résisterai pas, j'sortirai les mains sur la tête, Sans faire d'ennui. Mais avant qu'ça arrive,  Je voudrais qu'tu saches que j'ai compris, Que j'passe mes nuits entre cachetons et insomnies. Et que j'vais m'battre pour reconstruire un apprenti, un repenti, Et tant pis, si ça me prend toute une vie."

Je sens qu'on me regarde. A l'université, on m'observe dans les couloirs, et je le remarque. On chuchote sur mon passage. Je suis l'exclu, celui à qui on fait des coups de pieds et qui se laisse faire parfois, mais qui le lendemain fout un poing dans la gueule à celui qui a osé le regarder. J'ai failli me faire exclure, mais je suis brillant. Et, étrangement, les professeurs trouvent ma douleur attachante. Il y a comme une aura autour de moi, mystérieuse, qui intrigue et effraie. On se demande sur mon passage ce qui m'est arrivé pour que je sois comme cela. Et ces voix dans ma tête... Et pourtant, certains m'approchent. Et parfois, je ne repousse personne. Parfois j'ai juste envie et besoin qu'on m'aime. Alors je me laisse faire et voilà que je souris. Et que des yeux éberlués me font face, parce que d'habitude, on me voit toujours triste.

"Pardon ? Que j'parle un peu moins fort ? Ah, on vous dérange, en fait, merde, pardon. Et bah si on t'dérange, tu t'casses. Ou sinon, tu fermes ta gueule, tu regardes ton assiette, Et tu nous fous la paix 5 minutes,
Le temps que je termine, Tu peux faire ça ?! Qu'est ce qu'y a ? Ça t'gêne qu'on t'coince comme ça, Devant tout l'monde ? Ah ouais, c'est chiant, j'comprends mon gars, Mais dis toi qu't'as d'la chance, toi, Toi t'es né bien comme il faut, T'es solide, t'es cohérent, Tu mets personne mal à l'aise dans les restaurants, Tu dors bien sur tes deux oreilles,
T'es un bon p´tit français, T'es beau, t'es bien, Comme un magasine de déco, Comme une maison témoin, Ça t'arrive pas ces choses là, hein ?
Tu vois absolument pas d'quoi j'parle ? Et bah ouvre pas trop la porte de ton placard, Alors tu pourrais être surpris. Ça va te faire tout drôle, le soir, Où les choses que tu pensais avoir enfouies, Te font savoir, qu'en fait, elles étaient là, Juste là, planquées sous l'tapis, Elles sortent une main, puis te plantent une seringue dans le pied, Avant de disparaître.
Alors là, ça t'prend à la gorge, Comme des odeurs d'ammoniac, Ça t'colle des sueurs froides, t'as les dents qui claquent ! Ben nan j'me calme pas ! J'me calme pas ! Il sait pas c'que c'est lui, Il sait pas c'que c'est qu'd'être un crevard, D'être mal foutu, d'être une crasse, un pantin, D'être le terrain où l'bien et l'mal s'affrontent, Il sait pas c'que c'est !"

Et je passes mon temps à perdre le peu d'amis que je me fais. Ils fuient devant mes accès de colère, et me traitent de fou. On m'adore quand je ris et on me hait quand je suis vrai. Je voudrais juste qu'une bonne fois pour toute on m'accepte comme je suis. Betty me dit qu'elle m'aime. Que je suis comme son meilleur ami, comme son petit fils. Je suis en décalage, je vis chez une grand mère et on me traite de ringard. Je me réfugie dans les mots, dans la rage, et j'écris à en perdre haleine. On me dit que j'ai du talent. Mais c'est ma souffrance qui me donne ce don. Betty m'a montré un coffre chez elle. Dans lequel elle cache beaucoup d'argent. En cash. Des billets, beaucoup, dont je ne connais même pas la provenance. Elle me dit de ne pas m'inquiéter, elle me montre juste la cachette "pour le jour où tu en auras besoin" dit elle. Je vois bien qu'elle s'affaiblit. Et ça me tracasse. Elle est malade mais ne me le dit pas. Je souffre de la voir affaiblie, rachitique. Devant sa vieillesse je deviens méchant. Au lieu de l'aider au mieux, et de lui faire comprendre que je l'aime, et que je suis là pour elle, je ne fais que l'envoyer balader. Mais en vérité sa nouvelle faiblesse me fait peur. Je sens qu'elle va me laisser. Et je n'arrive pas à gérer le chagrin que je sens pointer. C'est pour cela que je suis méchant. Je ne veux pas qu'elle parte...
Et voilà qu'un matin je la retrouve avachie sans un souffle dans le fauteuil qu'elle aimait tant. Et c'est seulement à ce moment là que j'ouvre les vannes, que je pleure face à elle et que je lui murmure des mots tendres. Tout ce que je ressentais et que je ne lui ai jamais dis, j’attends sa mort pour lui avouer. Tout ce qu'elle m'a apporté, tout cet amour et cette gratitude que je ressens. J'ai honte de moi, à nouveau. Je n'ai même pas été capable de lui dire les choses en face. Et je m'enfuis. Je n'ai pas la force d'attendre sa famille, que je ne connais même pas, et qui ne l'aimait pas. De voir leurs larmes, qui seront moins sincères que les miennes, moi qui l'ai connu aux derniers jours de sa vie. Je prend l'argent, dans la cachette, et je me sauve comme un voleur. Je cours, jusqu'au parc, et je m'écroule en larmes dans la lumière descendante. Je ne suis qu'un bon à rien, qu'un lâche. Je suis un voleur. Je me suis servi d'elle. Je ne mérite rien de tout ce qu'elle m'a donné... Je suis un traitre.

"Comment est-ce que tu peux penser qu'tu tiens à moi si moi même j'y tiens pas ? Pourquoi tu dis qu'tu m'aimes alors que moi-même j'me déteste ? Pourquoi t'es là ? Pourquoi tu restes ?"

Et pourtant je me relève. La vie reprend son cours. Je sais que Betty aurait voulu que je me batte. Et il y a même des jours où je me dis qu'elle savait que j'allais prendre son argent, et qu'elle me l'a montré dans ce but. Elle me connaissait mieux que personne. Elle a surement anticipé ma fuite, avant même de mourir. Alors, petit à petit, je reprend confiance. Je m'inscris dans un pensionnat. Ils ont tous l'air plus ou moins étranges là bas. J'essaie, je me force à aller vers les autres, même si c'est dur. J'essaie de calmer mes accès de rage soudains. L'argent que j'ai de côté me permet de vivre plutôt bien, et surtout de continuer mes études. Je sais désormais que je ne peux pas vivre seul, et que j'ai besoin de soutiens à mes côtés. Si Betty a pu m'accepter, d'autres le pourront peut être aussi ? Et surtout, je vis dans le but de retrouver ma maman. J'ai appris que d'autres créatures magiques de dessins animés étaient par là. Ma maman surement, et Timothée peut être aussi. Les corbeaux ? Sans doute. Je vais travailler à les chercher. Eux m'aimeront toujours. Et dans le fond, je ne peux pas vivre sans amour.

"Nan... Pas ce soir, pas ce soir, laisse moi s'il te plaît, Nan, j'veux pas y aller, j'veux pas rentrer, j'veux pas dormir, Mais surtout, nan, j'veux pas parler, Ce soir, j'veux juste hurler, J'ai besoin d'ouvrir les vannes, tu comprends, de tout lâcher, Comme un puceau qui ment, De hurler mes mots pesants, avec ma voix d'adolescent qui n'a jamais mué, De hurler ma peur de l'abandon, Ma recherche frénétique d'attention,
Mon besoin de reconnaissance en permanence, Comme un chien, des caresses, Mes tentatives désespérées d'me faire passer pour un mec que j'suis pas, et que j'serai probablement jamais ! De hurler mon absence de courage, Ma cruauté, ma politesse maladive, mon optimisme débile, Mon zèle dangereux, Mes réflexes à la con, Mes accès d'colère, Ma culpabilité bidon, Ma sexualité en vrac et mes fantasmes tordus, De hurler ma peur panique des autres, Ma mesquinerie sournoise, Mes regrets, mes erreurs,
Mes névroses, Mes obsessions, mes méta-obsessions, Ma phobie d'la douleur, De la perte, du suicide, De la dépression."

Je fume, je bois, et dans mes mauvais jours je suis odieux. Mais je me soigne. Je suis un traitement, pour ma "bipolarité", mon "petit problème" comme je m'amuse à l'appeler. Y a des jours où je pense que je tiendrais jamais... Où je me dis qu'avant même la tombée de la nuit, je serais au fond du fleuve à gober des bulles. Et pourtant je m'accroche. Parce que les jours où tout va bien valent mille fois ceux où je souffre. Parce que les bons souvenirs sont cent fois plus brillants que mes idées morbides. Parce que l'amour vaut mieux que la haine. Parce que le sourire vaut mieux que la colère. Ma maman ne voudrait pas que je me laisse abattre, Timothée et Betty non plus.

Je me bats pour eux. Parce qu'ils m'ont sauvés.