« Ne me peignez pas en rouge. Ne nous peignez pas en rouge. » Immaculée, d’une blancheur étincelante, la Rose Blanche trônait au milieu de ses sœurs les roses ainsi que les pivoines. Grande, immense, elle surplombait tout le monde tandis que la Reine Rouge arrivait, peignant toutes les roses blanches sur son passage. La Rose en avait le cœur brisé, elle aurait pu faire quelque chose. Elle devait faire quelque chose. Mais comment faire ? Tout le monde s’en fichait. Cheshire ne venait que pour se moquer, la chenille était sans doute sous opium.  Que faire ? Que dire ? Elle avait peur, elles avaient toutes peur. La Rose rouge qui était plus tenace que sa grande sœur voulait faire quelque chose. « Et comment veux-tu faire quelque chose ? On ne peut pas se déraciner ? » Elle geignait, elle suppliait quand d’un coup, une jeune fille blonde entra sur le parterre de fleurs. La rose blanche se cacha alors derrière son rideau mais l’appel de la chanson fut plus fort. Elle se mit à chanter en cœur avec l’enfant et le reste de sa famille. « Qu’êtes-vous comme fleur ma jeune enfant ? » Bienveillante, surplombant tout le monde, elle était admirée, elle le savait, elle était leur reine. « Je suis un être humain. » Qu’est-ce qu’un humain ? Est-ce la Reine Rouge déguisée ? La jeune rose prit peur et demanda à ses sœurs de l’expulser bien qu’elle comprit plus tard que la jeune demoiselle n’était que leur sauveuse. Lorsqu’elle quitta le pays, la reine rouge entra dans une fureur pour faire disparaitre le lapin, le reste et tout le monde fut en déroute. « Bien sûr que si, je vais te peindre. » Le premier coup de pinceaux manqua de la tuer. L’odeur de la peinture. Tout. Tout n’allait pas. Elle se débattit, griffa les cartes, prit peur lorsqu’un flash arriva et qu’elle fut emportée, elle ainsi que ses sœurs dans un tourbillon infernale.

Le sol était dur, plus dur que la terre dans laquelle elle avait été plantée. La jeune rose se releva pour constater que ses feuilles avaient disparu et avaient laissé place à quelque chose de rose et d’immonde. Immondes, flasques, qu’est-ce ? Elle comprit plus tard que c’était des mains. Les mains. Des mains comme celles de la Reine Rouge, comme celle d’Alice. Elle hurla pour se reculer. Des jambes. Des cheveux. Du brun, du noir. Elle avait été atteinte par la peinture, elle avait pris de la peinture. Ce n’était pas possible. Les cris, la voix, le corps, tout avait changé. Non, non, non. Ce n’est que quand elle rencontra quelqu’un qu’elle comprit. Elle était devenue humaine. « Je suis certaine que ça vient de la Reine Rouge. » La personne qui l’aida lui expliqua le fonctionnement de ce monde. Il faut travailler. « Qu’est-ce que tu sais faire ? » Elle ne savait rien faire. Si chanter. Rapidement Rose (elle en fit son vrai nom) comprit qu’elle pouvait modeler ce corps. Elle adopta un style vestimentaire qui se rapprocha du blanc en teignant ses cheveux en blond, des fois en brun aussi mais sa couleur restait le blond. Elle s’habilla en blanc mais rapidement le budget manqua. Rose partit donc pour postuler dans la première entreprise qu’elle vit. Une banque. Y’a de l’argent là-bas. L’homme qui l’accueillit était grand, brun, yeux noirs pénétrants et elle fut vite déstabilisée. Elle qui ne l’était jamais. Voilà qu’elle se sentait troublée par le puissant Andrew Glass. Elle n’avait pas peur de lui, elle avait peur de ce qu’elle ressentait. Rapidement, elle ressentit le besoin de s’échapper, de trouver autre chose et partit donc ailleurs. Elle trouva un autre emploi non pas par manque d’argent car le puissant Andrew Glass savait la payer mais pour chanter.

Et puis.

Un soir, tout dérapa. Il était là, dans le public. Et la regardait. Il la regardait elle. De son regard furieux, avec cet air si… possessif. Elle ne prit pas peur, elle avait envie qu’il vienne la voir, qu’il la touche et dans les coulisses, il l’embrassa. Bestialement. Elle ne comprit pas. Rose était aussi blanche pour dire qu’elle était vierge. Elle perdit sa virginité cette nuit-là avec le puissant Mr Glass. Mais le lendemain, il était parti. Elle croyait en l’amour, sentiment humain mais l’amour fait aussi très mal. Il l’ignora, elle le croisa avec d’autres filles mais ne comptait pas. Rose aurait dû être téméraire et aller le voir mais à la place, elle fit quelque chose que jamais elle n’avait jamais oser faire.

Elle fit ses cartons et posa une lettre sur le bureau du puissant Mr Glass.

« Mr Glass,
Devant votre indifférence et votre manque de respect à mon encontre, veuillez trouver ci-joint ma lettre de démission. Je respecterai bien entendu mon préavis qui est d’un mois.
J’espère à l’avenir ne plus croiser votre regard si noir que votre âme.
Je n’ai jamais éprouvé le sentiment qu’on appelle colère. Je ne veux plus l’éprouver.
Veuillez agréer mes salutations les plus distinguées.
Melle Mackenzie Rose. »

Un mois, voilà le temps qui s’est écoulé. Les cartons sont faits, elle s’apprête à partir. Indifférence de son patron. Elle est devant le bureau, la main suspendue en l’air comme pour frapper mais fait demi-tour. Elle ignorait que Mr Glass n’avait jamais eu la lettre, qu’elle était coincée sous une pile de courrier et qu’il la trouverait ce jour-ci. Ce dernier jour.
Et qu’elle allait subir une affreuse tempête qui ne la laisserait pas indemne.