AVANT.

Garce. Un mot un seul, qui sort de la bouche de la plupart des gens. Pourquoi ? Elle n’est pas née comme ça évidemment. Mais elle est devenue ainsi. Par la force et l’acharnement de sa mère à la faire devenir ainsi. C’est une mère rendue aigris par le décès de son premier mari qui a élevé Javotte et sa sœur, Anastasie. Mais rien n’a rendu leur mère plus aigris que de perdre un second mari et de par-dessus le marché, devoir s’occuper de sa magnifique petite fille. A coté de Cendrillon, les deux filles faisaient figure de vilain petit canard. Douce, belle, calme, souriante, les yeux bleus et les cheveux blonds. Un ange. Et forcément, la jalousie qui brule le cœur de Javotte. La jalousie envers cette jeune fille si parfaite, si belle. C’est au final très tôt que la décision de faire de la vie de Cendrillon un enfer, est né dans l’esprit des trois femmes. D’abord dans celui de leur mère, qui n’a pas tardé à gagner le cerveau des deux petites filles.

En grandissant, les choses ne se sont évidemment pas arrangées. Evidemment. Jalouse. Voilà un autre mot qui définirait à la perfection Javotte. Jalouse de toutes les femmes. Elle, si laide, si informe. Comment ne pas avoir envie de tout détruire ? D’arracher le sourire sur les visages de petits anges autour d’elle ? Comment ne pas devenir folle de jalousie pour la moindre jolie fille au point de parfois souhaiter sa mort. Celle de Cendrillon ? Cent fois. Mille fois. Des millions de fois. De jolis rêves pour s’endormir. Comment aurait-on pu aimer Javotte ? Ou même ne serait-ce que l’apprécier. Un demi-sourire sadique toujours planté sur les lèvres et le sarcasme bouillant, grouillant. La bouche critique, venimeuse. Javotte, le serpent. Javotte, suppôt de Lucifer peut-être.

Pas spécialement riche. Mais pas pauvre. Le confort, les règles, la bienséance. Pas toujours respecté, mais au mieux apprise. Elle parlait trop fort, riait trop fort, criait. Pas assidus mais critiquant acerbe, tout ceux qui ne respectait pas ses règles de société. Mauvaise foi. Encore un joli défaut à ajouter à la liste longue comme le bras que possède Javotte.

Et une sœur. Une relation si étrange. A la fois proche et prête à se sauter à la gorge dès le moindre problème. Jamais Javotte n’aurait confié quelque chose à sa sœur. A personne d’ailleurs. Mais à sa sœur encore moins. Bizarrement flipper à l’idée de montrer ses faiblesses, même à la seule personne qui aurait pu comprendre. Peut-être que dans le cœur d’Anastasie, il se passait les mêmes choses. Comment aurait-elle plus le savoir ? Elle ne lui avait jamais demandé. Pas parce qu’elle s’en fichait. Mais parce qu’à son tour si elle avait demandé, elle aurait du confier quelque chose sur elle. La vérité c’est que les deux sœurs passaient plus de temps à se disputer qu’autre chose, et pourtant, Javotte aurait tué pour Anastasie. Sans aucune hésitation.

Et puis, est venu le jour du bal. Le jour où tout a basculé. Détruisant sans scrupule la robe de Cendrillon, détestant plus que jamais la blonde pour sa beauté même dans cette robe à deux francs. Et puis le bal. Pas une danse, pas un regard pour elle. Pas plus pour Anastasie. Mais celle fille, blonde. Elle lui disait quelque chose. Mais impossible de remettre un nom. Si belle, cet ange. Et la rage bouillonnante dans son cœur de savoir qu’on ne l’aimerait jamais pour sa beauté. Laide, affreuse, à faire pleurer un bébé en la voyant. Mais, elle n’était pas au bout de ses surprises. Le lendemain, voilà le conseiller du roi avec cette jolie pantoufle en cristal. Si fine, si petite. Elle savait bien que jamais elle ne rentrerait dedans. Anastasie aussi. Mais elles ont essayé, encore et encore, en vain. Pour être celle choisis, pour épouser le prince. Mais à leur grande surprise, Cendrillon, c’est elle. Cette sorcière. Cet ange. Elle ! Elle qui a réussit à enfiler la pantoufle de verre. Elle qui a épousé le prince. Elle qui serait princesse. Comment ne pas l’en détester plus ? Comment ne pas avoir envie de se venger après ça ?

APRES.

Tout aurait pu être pareil. Elle s’était réveillée dans des draps aussi doux que lorsqu’elle s’était endormie. Et pourtant, tout était différent. Le satin était doux sur sa peau, mais elle ne portait plus la longue chemise de nuit qu’elle portait la veille. Remplacé par une nuisette en satin, dévoilant ses jambes douce, albâtre, parfaite. Et des pieds, si petits, si fins. Elle s’était levée pour regarder autour d’elle. Tout était différent. Mais, si ça s’était arrêté à sa chambre. Tout l’univers semblait être différent. Des choses nouvelles étaient apparues. La technologie. Les gens. Répugnant de s’afficher si nu, répugnant de coucher sans mariage. Hurlant. Les femmes fumant, les hommes draguant. Difficile de se faire à cette vie.

Et la garce Javotte, devenu si fragile. Si peureuse à l’idée de sortir de chez elle. Peur qu’on l’aborde, qu’on la drague. Si peu habitué à plaire. Mais ce nouveau visage, ces lèvres charnus, ces traits si fins, ces cheveux ébène et ces grands yeux clairs. Ce qui lui arrivait était tout entouré de mystère. Comment pourrait-elle un jour vivre ici ? Les choses allaient trop vite pour elle. Mal à l’aise avec les autres. Mal à l’aise avec elle-même. Et toujours si jalouse des autres filles. Ces si jolies filles. Toujours plus belle qu’elle. Si peu de confiance en elle.
Mais, des brident de souvenirs. Une haine tacite, viscérale. Une haine qui ne s’efface jamais, qui comprime parfois son thorax. Une haine engendrant un besoin si violent de vengeance. Jamais elle n’oubliera Cendrillon. Jamais elle ne pourra vivre correctement sans s’être vengé d’elle. Jamais.