Vous me croiriez si je vous disais qu’autrefois Annabella était la plus belle et la plus adorable de toutes les fées du monde magique ? C’était pourtant la vérité à cette époque. La jeune femme froide et désintéressée qu’elle est aujourd’hui était à l’époque une petite fée pleine de vie et de douceur. Elle se plaisait à vivre auprès de ses sœurs et de la reine des fées, aimant explorer le monde avec curiosité et attention. Sans doute avec trop de curiosité d’ailleurs, parce que si la reine se montrait bonne et indulgente envers ses sujets, il y a bel et bien une chose qu’elle leur interdisait à tout prix. En aucun cas une fée ne devait s’approcher d’un être humain. C’est ce qui était convenu et chacune des fées en comprenait la raison. Annabella ne faisait pas exception à la règle. Elle pouvait vagabonder tant et aussi longtemps qu’elle ne faisait pas une apparition dans le monde des humains. Et pourtant, aussi pures que soient ses intentions, la petite fée finit bel et bien par désobéir et s’éloigner un peu trop de la cachette que ses sœurs et elle habitaient. Sur son chemin de découverte, elle aperçue un jeune homme blessé. Aussitôt, ce fût le coup de foudre. Jamais encore elle n’avait vu un humain d’aussi près, et jamais elle n’aurait pu imaginer qu’une telle créature puisse être aussi belle. Son cœur s’emballait, son souffle ralentissait. Bref, elle était éperdument amoureuse. Ses pouvoirs de fée étant très grands, elle mit tout en œuvre pour lui porter secours et le sauver de la mort certaine qui l’attendait. Au bout de quelques jours, le jeune homme fût entièrement sur pieds et ils purent enfin apprendre à se connaître. Il s’agissait d’un jeune villageois, d’un berger qui ne possédait presque rien en ce monde. Et pourtant, tout ceci était bien égal à Annabella. Ce n’est pas sa pauvreté qui l’empêcherait de l’aimer éperdument. Les deux jeunes gens vécurent une histoire d’amour des plus agréables. La jeune femme lui faisait entièrement confiance et était prête à absolument tout pour lui. Même à quitter les siens s’il le fallait. C’est sans hésiter qu’elle lui dévoila son secret, lui faisant promettre de ne jamais rien dire à qui que ce soit. Elle lui faisait suffisamment confiance pour tout lui raconter. Hélas, elle était bien sotte et naïve à l’époque et elle finit par apprendre à ses dépens qu’on ne peut jamais faire confiance à un être humain.

À tous les soirs, Anna s’éclipsait de la cachette des fées afin d’aller rejoindre son grand amour. Elle ne voyait rien venir. Tout ce qu’elle voyait, c’était un beau jeune homme qui la rendait plus heureuse que de raison. Ce fameux soir, son prince charmant la trahis. Il lui offrit un verre après y avoir préalablement mit une puissante drogue qui fît que la petite fée s’endormie. Lorsqu’elle s’veilla, elle était enfermée dans un cachot sans la moindre possibilité de s’enfuir. La femme du roi était très malade. Sa seule chance de guérison était de recevoir un coup de pouce d’une fée. Chagriné et remplit de désespoir, le roi avait promis une récompense à la première personne qui lui apporterait une fée. Son amour l’avait trahi. Il avait préféré une poignée d’or à l’amour éternel qu’elle lui avait juré. Et pourtant, il aurait simplement pu lui demander de l’aider qu’elle se serait exécutée aussitôt tellement elle l’aimait. Mais non, il avait plutôt préféré la trahir, laissant les soldats du roi la traiter sans ménagement. Dès lors, l’adorable petite fée ne fût plus jamais la même. Elle sentie son cœur s’effriter et se durcir. Ses larmes se changèrent en gouttes de sang. Plus jamais elle n’aimerait qui que ce soit. Plus jamais. Il lui fallait fuir ce cachot et ne plus jamais revenir. Il lui fallait se faire oublier, débuter une nouvelle vie.

La petite fée joyeuse et adorable qu’elle était auparavant .était désormais la fée au cœur brisé. Elle se mît à voyager de ville en ville, punissant tous les hommes cruels et égoïstes qu’elle croisait sur son chemin. Peut-être était-ce pour leur faire expier les pêchés de son ancien grand amour, mais ça lui était égale. À ses yeux, elle ne faisait que faire régner la justice. Elle allait donc un peu partout, se cachant sous les traits d’une vielle femme afin qu’on ne puisse pas deviner sa véritable identité. Un jour, alors qu’elle passait par une ville tranquille mais bien remplie, elle eu vent de certains propos au sujet du prince de ce royaume. On disait que celui-ci était froid, sans cœur, et qu’il faisait vivre un véritable enfer à tous ses citoyens. Encore une fois poussée par son sens de la justice, Annabella se rendit aux portes de ce château afin de constater si ce qu’on disait sur le propriétaire des lieux était bien réel. Toujours déguisée sous les traits de la vieille femme, elle toqua à la lourde porte, une rose rouge à la main. Presque aussitôt, un petit garçon blond vint lui ouvrir la porte mais il fût aussitôt bousculé par un beau jeune homme à l’air distant. D’une voix douce, la vieille femme le supplia de lui offrir un abri contre le froid cruel en échange de sa rose. Il faisait tempête dehors et n’importe quel personne charitable n’aurait pas laissé une vieille femme seule dehors par ce temps. Seulement, le prince n’était pas charitable. D’un ton condescendant, il lui rit pratiquement au nez en lui ordonnant de s’en aller. Aussitôt, Annabella reprit son apparence de belle jeune femme. Elle le maudit et le condamna à devenir une bête. Elle changea également tous les membres du château en mobilier. Elle offrit finalement la rose à la bête en lui disant qu’il avait jusqu’à ce que le dernier pétale tombe pour se faire aimer tel qu’il était. Autrement, il demeurerait à jamais la bête repoussante qu’il était devenu. Jamais elle n’aurait cru qu’il allait réussir. Jamais elle n’aurait crue qu’il changerait vraiment. Pourtant, Belle était là, et aussi étonnant que ça puisse paraître, elle finit bel et bien par s’enticher de la bête et à le faire changer. Annabella n’y croyait pas vraiment mais que voulez-vous, son sort avait été rompu. Elle ne pouvait rien y changer.

D’ailleurs, le changement miraculeux du prince finit par devenir le cadet de ses soucis. En effet, alors qu’elle comptait quitter la fameuse petite ville pour poursuivre sa route, la jeune femme fût frappée par une épaisse fumée verte qui la plongea dans un sommeil profond contre lequel elle ne pue même pas lutté. Lorsqu’elle s’éveilla, elle n’était plus dans son monde, loin de là. Ses pouvoirs avaient disparus, la laissant là, à l’état de simple être humain, créature envers laquelle elle ressentait toujours autant de mépris. Il va sans dire que sa nouvelle vie ne lui convenait pas du tout et qu’elle voulait absolument rentrer chez elle. Et pourtant, Annabella s’efforça de s’accommoder de sa situation. Petit à petit, elle grimpa les échelons, devenant directrice de l’hôtel Orly Star. Elle demeurait toujours la même, froide, calculatrice et exigeante. Elle ne se montrait pas plus tendre envers ses employés qu’Elle s’efforce encore au mieux d’avoir à sa main. Elle a une sainte horreur qu’on lui résiste. D’ailleurs, les seules personnes envers qui elle ressent un peu de compassion sont les êtres faibles. Sans doute parce qu’ils lui rappellent ce qu’elle était lorsque son seul et grand amour lui a brisé le cœur. Qu’à cela ne tienne, elle conserve toujours son cœur de pierre. L’amour, ça n’existe pas.