J’ouvre un œil, puis l’autre. Surprise, je regarde autour de moi, essayant de deviner où je suis : une forêt. Sauf que cette forêt ne m’est pas inconnue, tous ses arbres peu avenants me semblent familiers. C’est un peu comme si j’y étais déjà allée, mais il y a très longtemps (presque dans une autre vie). Soudain, j’entends derrière moi des voix

d'enfants qui chantonnent. Je me retourne, et aperçois des enfants : deux garçons, un déguisé en diable et l’autre en squelette, et une fille déguisée en sorcière qui semble être la chef du groupe. Je cherche un endroit où me cacher, pensant qu’ils vont me demander ce que je fais dans ce lieu qui semble leur appartenir. Mais les trois gamins, qui ne semblent pas avoir plus de sept ans, passent devant moi, comme si je n’existais pas avant de continuer leur route. Curieuse, je décide de les suivre ; après tout s’ils ne me voient je ne risque rien, pas vrai ?
Le trio se dirige donc vers une cabane située au-dessus d’un arbre particulièrement sinistre, moi sur leurs talons. Ils pénètrent dans une cage servant d’ascenseur et entrent finalement dans la fameuse cabane, remplie d’objets et d’armes divers. Ils se mettent alors à chanter qu’ils s’en vont kidnapper un quelconque perce-oreille, avant de procéder à une séance de torture. Ces paroles, choquantes venant d’enfants aussi jeunes, devraient me dérouter, mais, tout comme la forêt et même la cabane, elles me semblent familières. Je me surprends même à les fredonner avec eux ! Après avoir nourri je ne sais quel horrible monstre par le biais d’un tuyau accroché à l’un des murs, ils remplissent une espèce de baignoire à pattes avec une bonne partie du bric-à-brac remplissant la cabane. Puis, ils grimpent dans leur étrange moyen de transport et s’en vont, comme le dit leur chanson, kidnapper le perce-oreille. Je tente de les suivre, mais ma tête se met soudain à tourner et tout autour de moi devient imperceptible.

Quand tout redevient net, je m’aperçois que je ne suis plus dans la cabane mais sur la place d’HalloweenTown (comment je connais le nom de cette ville, mystère). Je fais deux ou trois pas avant de réentendre les petites voix qu’il y a quelques minutes à peine. Je me retourne pour refaire face au trois petits garnements, qui à nouveau ne semblent pas remarquer ma présence. Alors que tout à

l’heure ils semblaient joyeux (du moins, autant que peuvent l’être des enfants vivants dans un domaine aussi lugubre), ils semblent maintenant ne plus être d’humeur à chanter et à faire la fête. Que s’est-il passé pendant ce laps de temps ? Leur perce-oreille s’est-il enfui alors qu’ils tentaient de l’enfermer avec un essaim d’abeille. Toujours est-il en tout cas qu’ils semblent particulièrement de mauvaise humeur. En témoignent les deux garçons qui commencent à se battre qui commencent à se battre sous l’œil exaspéré de la plus grande. Qui finit par les séparer d’une main peu affectueuse.
Soudain, alors que la petite dispute enfantine commence à se transformer en violent règlement de compte, un flash lumineux jaillit. Je n’arrive plus à distinguer quoi que ce soit, si ce n’est les hurlements de terreur des trois gamins, qui me déchirent le cœur, comme si, un jour j’avais été à leur place.

Je sursaute et pousse un long hurlement. Posant une main sur mon front suant, je me dégage des couvertures et me redresse dans mon lit. J’aurai aimé être vraiment retournée à HalloweenTown, ne serait-ce qu’une nuit, mais ce n’était qu’un rêve. Une fois de plus. Je regarde autour de moi avec une pointe d’espoir ; mais je suis désespérément seule dans ma chambre. Et loin d’Am et Gram. J’attrape un oreiller et l’écrase contre mon

visage, étouffant un hurlement mélange de rage et de chagrin. Je ne l’avouerai pour rien au monde mais ces deux crétins me manquent terriblement.