Chapitre 1 ⊙ Ma vie de charlatan à la Nouvelle-Orléans

C'est à la Nouvelle-Orléans , en Louisiane , que j'ai vu le jour , moi , Otis-Landry Chaz Facilier . J'étais le fils de Lénique Henriette Facilier et de Antuáne Lalande Facilier, tous deux d'origine créole . Mes parents et moi vivions dans un modeste bungalow , à l'extérieur de la ville . La vie n'avait pas été facile pour ma famille . Mes parents peinaient à joindre les deux bouts . Ma mère ne travaillait pas et mon père travaillait à l'usine . Il travaillait d'arrache pied pour gagner un salaire minable . Il rentrait tard le soir et n'avait pas tellement de temps à consacrer à sa petite famille . Ma mère était sans travail mais elle consacrait son temps à des activités peu commodes . Elle ne restait pas assise sur un fauteuil à regarder les passants et à tricoter de jolis pulls en laine . Non , ma mère , au lieu de ça , pratiquait la sorcellerie et pas n'importe laquelle : la sorcellerie vaudou . Tout avait commencé lorsqu'elle avait été virée de la boutique de vêtements dans laquelle elle travaillait . La patronne avait décidé de la licencier la jugeant pas assez performante à son goût . Du jour au lendemain , ma mère avait du arrêter de travailler , obligeant ainsi mon père à faire des heures supplémentaires pour arrondir les fins de mois . Depuis ce jour là , elle avait maudit non pas seulement sa patronne mais aussi la jeune mère qui l'avait remplacée . Depuis ce jour , elle s'était promise de le lui faire payer. Elle s'était donc réfugiée dans ces pratiques douteuses et mystérieuses pour assouvir sa vengeance . Un jour , j'appris que quelques semaines plus tard , sa patronne avait été retrouvée morte dans sa chambre . Il n'y avait eu aucune trace d'un quelconque suspect , aucune trace de lutte . Je compris alors que ma mère était l'auteur de cette agression . Des esprits étranges et maléfiques avaient achevé le travail .

C'était ainsi que ma mère procédait chaque fois qu'une personne la contrariait . Elle avait recours à ses rituels vaudous . La rumeur n'avait pas tardé à circuler dans la ville . Ma mère était pointée du doigt par nos voisines . De vraies commères celles-là ! A l'école , ce tragique incident avait accentué ma solitude . Je n'étais déjà pas très apprécié à l'école par mes camarades . J'étais en retrait . Ils me jugeaient bizarres et le fait que ma mère soit impliquée dans une affaire de sorcellerie n'avait pas arrangé ma situation . On ne venait pas me parler . Autrefois , on m'ignorait . Mais les élèves me regardaient cette fois d'un regard fixe et intense quand j'avais le dos tourné . Puis quand je les regardais , ils baissaient le regard , faisaient mine de n'avoir rien fait ou pire encore , filaient à toute vitesse comme si j'étais un pestiféré . Jamais ma solitude m'avait posé problème . J'avais appris à vivre dans la solitude . J'y avais même trouvé un certain confort . Cela me donnait une sensation de pouvoir . Petit , j'avais déjà une emprise sur les autres . Je voyais que je pouvais facilement les intimider . Cette situation m'amusait plus qu'elle ne m'attristait . Je me sentais tellement puissant .

Et il y'a eu cette nuit-là . Je mangeais avec ma mère dans le silence lorsqu'on entendit frapper à la porte . je me ruai pour ouvrir la porte à mon père . Mais ce n'était pas mon père . C'était un officier de police . Il avait demandé ma mère . Cette nuit-là , je n'étais pas prêt de l'oublier . Cette nuit-là , j'appris que mon père était mort d'un arrêt cardiaque à l'usine où il travaillait . Je ne saurai dire comment je me sentais cette nuit-là . Je ne réalisais pas ce qui venait de se produire . Mon corps était présent mais mon âme était loin à présent , très loin, hors d'atteinte . Elle errait quelque part , je ne sais où . Je n'avais pas réussi à fermer l'oeil de la nuit . Ma chambre plongée dans l'obscurité , j'écoutais les pleurs interrompus de ma mère dans la chambre d'à côté. Ma mère et moi devions à présent apprendre à nous débrouiller , par nos propres moyens . Avec l'affaire de sorcellerie dans laquelle elle avait été impliquée , aucun employeur voulait d'elle . C'était donc à moi de prendre la relève . Adolescent , je décidai de gagner de l'argent comme je le pouvais . Je commençai à mendier dans un premier temps . Mais je ne pouvais pas vivre de la mendicité . Alors , je décidai d'employer un autre moyen . Une idée me vint à l'esprit . Il fallait gagner de l'argent efficacement et dans les plus brefs délais . Je décidai de monter mon propre "commerce" dans la rue . Je me fis passer pour un "voyant" , prétendant lire l'avenir de mes clients dans les cartes . Je n'avais bien entendu aucun don de lire l'avenir mais il y'avait toujours un ou deux imbéciles pour boire mes paroles . Il s'avéra que j'étais chanceux d'ailleurs car plusieurs de mes prédictions étaient vraies . C'était ainsi que je m'étais fait connaître , que j'avais augmenté ma popularité au sein des habitants de la Nouvelle-Orléans . J'avais parfois même recours à la magie pour "forcer" le destin et satisfaire les désirs les plus fous de mes clients . J'avais très vite pris le nom de "Docteur Facilier" .




Chapitre 2 ⊙ Le sort de deux grenouilles est entre mes mains

Je ne vais pas vous cacher . En général , un succès est éphémère et se solde par un échec . Comme c'était prévisible , je n'allais pas vivre de ce métier-là . Il me rapportait très peu et puis , les gens se méfiaient beaucoup de mes pratiques douteuses et de mes succès hasardeux . Mais je ne me décourageais pas pour autant . La roue tourne comme on le dit si bien . Je savais qu'à un moment ou un autre , une occasion en or se présenterait . Cette occasion s'était en effet présentée lorsque je lis dans le journal de la ville que le Prince Naveen de Maldonia était de passage à la Nouvelle-Orléans . C'était une occasion unique pour me débarrasser de cette vie de mendiant et apaiser ma soif de pouvoir . Je me présentai donc au prince Naveen et à son majordome qui avait plutôt l'air de se laisser marcher sur les pieds . Je les convainquis de mes talents de magicien et ils acceptèrent naivement mon aide . C'était ainsi que j'avais convaincu le majordome du prince Naveen de se ranger de mon côté afin d'anéantir celui qui l'avait toujours sous-estimé, celui qui l'avait toujours considéré comme un vulgaire serviteur . Je l'avais pris par les sentiments et , de toute évidence , mon plan avait fonctionné . Tout comme ma mère , je fis appel à mes amis de l'au-delà pour satisfaire mes désirs . Par un rituel mystique , je transformai le Prince Naveen en une vulgaire grenouille et son majordome en Naveen . Je jubilais . Quelle bande d'idiots et d'ignorants ! Ils étaient tombés dans le panneau . Je les avais corrompus . Mais c'était sans compter la rencontre du Prince Naveen avec une modeste fille de la Nouvelle-Orléans , du nom de Tiana . Ces deux crapules parcourent le Bayou à la recherche de Mama Odie , une vielle sorcière qui avait le pouvoir de rompre le charme . Quelle sotte , elle allait me faire faut bon ! Je demandai donc de l'aide à mes amis de l'au-delà qui envoyèrent des esprits maléfiques à leur trousse. Les esprits réussirent finalement à s'emparer de la petite grenouille qui me causait tant de problème mais les deux aventuriers réussirent à s'emparer de mon talisman . Je m'engageai donc personnellement dans une course poursuite à travers le cimetière de la ville , le jour de Mardi Gras , pour retrouver mon talisman . Si j'échouais , le charme serait rompu . Si j'échouais , mes amis de l'au-delà ne me le pardonneraient pas . Ce fut dont dans une dernière tentative avec Tiana que je tentai de le récupérer . J'essayai de la convaincre en lui promettant un avenir bénéfique et glorieux avec le restaurant dont elle rêvait tant d'avoir . Mais cette petite sotte brisa le talisman , libérant ainsi ces esprits malfaisants . Mes amis de l'au-delà ne m'avaient pas pardonné cet ultime échec.