Chantonnant gaiement, Alana ceuillit une algue verte. Elle se trouvait dans son jardin personnel, situé en plein cœur du palais d'Atlantica. Ici, personne ne venait la déranger, ni son père, ni ses sœurs Attina, Adella, Aquata, Arista et Andrina. Ariel non plus, étant donné qu'elle n'habitait plus sous l'eau, qu'elle était devenue humaine et vivait dans un palais, sur terre avec sa fille et son mari. En pensant à sa sœur, elle sourit. Sa petite sœur, sa petite protégée, la dernière de la famille et surtout la plus rebelle. Elle leur en avait causé des soucis, et pas qu'un peu, surtout ce jour où elle avait disparue sans rien dire à personne. Les recherches avaient duré des heures, des jours même. Et l'inquiétude l'avait rongée, elle s'était imaginée le pire des scénarios. Jusqu'à ce qu'elle apprenne qu'Ariel était devenue humaine, qu'elle avait pactisé avec une sorcière qui voulait voler le trône de leur père pour obtenir des jambes et séduire ce beau marin qu'elle avait sauvé un soir de naufrage. Au départ, Alana lui en avait voulu, beaucoup, elle avait toujours admiré son courage, mais là c'était trop. Elle s'approchait de ces êtres immondes qui avaient causé la perte de leur mère Athéna. La sirène les maudissait, tous, les exécraient même, à cause d'eux elle avait perdu la personne la plus importante de sa vie, celle qu'elle admirait tant, qu'elle aimait tant. Et maintenant ils lui volaient Ariel. Mais avec le temps, et grâce aux sages paroles d'Attina, elle avait fini par comprendre. Tout ce qu'elle désirait c'était le bonheur de sa petite sœur. Elle, pour rien au monde n'aurait voulu vivre sur Terre, mais elle se plaisait à admirer Ariel et sa famille quand ils se balladaient le long de la plage. Quand Melody, sa nièce avait grandit, elle avait même été à sa rencontre plusieurs fois pour discuter avec elle (une fois son aventure maritime terminée évidemment, avant elle ne lui avait jamais adressé la parole comme elle ne connaissait rien de sa part sirène). En se rémémorant tout cela, Alana secoua la tête, un rire naissant dans sa gorge. Sa vie avait été mouvementée, c'était le cas de le dire. Mais elle était heureuse, très heureuse même. Son corps ondulait au rythme des battements de sa queue, doucement elle se déplaçait dans l'eau avec une aisance de ballerine. Le chant, la danse, elle avait toujours aimé, et chaque fois qu'elle venait ceuillir ses plantes pour ses masques de beauté, elle laissait sa créativité l'emporter dans des balais insencés. Elle ajouta un corail à son petit panier et se dirigea vers sa chambre. Andrina allait encore se moquer d'elle quand elle étalerait la crème verte de sa conception sur son visage, mais peut lui importait, elle avait l'habitude maintenant et ses taquineries ne la touchait plus. Elle en riait même. Au moins, elle était la Princesse avec la peau la plus douce de tout le royaume et c'était sa fierté personnelle. Elle était ainsi, elle aimait prendre soin d'elle tout autant que prendre soin de sa famille. Elle poussa la porte et se dirigea avec rapidité vers sa coiffeuse, adressant un sourire à Attina, qui était encore là. Puis elle s'assit sur son petit siège et entama la préparation de son masque, mélangeant délicatement les plantes dans un ordre bien préçis. Quand ce fut terminé, elle en prit un peu et porta la main à son visage, se contemplant dans le miroir. Un souffle glacé l'enveloppa soudain et elle fronça les sourcils, un mauvais présentiment étreignait sa poitrine. Et puis le noir. L'oublie.


Quand ses yeux se rouvrirent, ses paupières clignérent plusieurs fois, elle était aveuglée par la lumière du soleil qui venait toucher ses iris bleus. La première sensation qui saisit son corps fut l'étouffement. Elle n'était pas dans l'eau, elle allait mourir, il fallait qu'elle y retourne à tout prix, déjà elle avait l'impression que l'air ne parvenait plus à ses poumons. Elle ne sentait pas l'odeur particulière de l'air marin, pimenté de sel, et immédiatement elle se redressa, de plus en plus inquiète. C'est alors qu'elle les découvrit. Ses jambes. Deux longues jambes, qui remplaçaient sa queue de sirène violette. Cette fois l'air lui manqua pour de bon alors que milles questions venaient assaillir son esprit. Comment était-ce possible ? Elle s''évanouit, sous le choc de cette découverte atroce.


Avec le temps, Alana avait compris ce qu'il s'était passé en ce jour funeste. Une malédiction étrange (car oui, pour elle, s'était bien l'oeuvre d'une malédiction) les avaient touchés, elle, sa famille et d'autres personnages de contes. Une malédiction qui les avaient transportés ici, sans retour possible semblait-il. Chaque jour pourtant, la jeune fille avait un espoir : s'eveiller et se rendre compte que tout cela n'avait été qu'un sombre cauchemar. Plus que tout, elle désirait retrouver sa vie sous l'eau, sa queue, ces sensations si exceptionnelles... Ici, dans ce monde, elle ne se sentait pas à l'aise, pas à sa place. Elle avait perdu en partie, la joie de vivre qui la caractérisait, une tristesse profonde, une sensation de manque la remplacait la plupart du temps. Dans ces moments là, pour oublier, elle sort, boit, à outrance et profite du seul atout qu'elle pense détenir grâce à ce nouveau corps : les hommes. Un mode de vie qui ne semble pas plaire à sa sœur, Attina, avec qui elle partage un appartement depuis son arrivée à Fantasia. Sans cesse, elle lui fait la morale, ce qu'Alana ne supporte pas. Pourtant il est inenvisageable pour elle de partir, de vivre seule. Oui elle est l'une des ainées de la famille Tysee, mais peut être plus que n'importe quelle autre fille du Roi Triton, elle a besoin de ses sœurs. Elles sont son repère, sa sécurité... Plus que quiconque elle les protége et veille à leur bonheur, en se faisant discrète. Elles sont celles qui l'aident à survivre ici, à apprécier quelques points de cette vie humaine, qui peut être un jour, lui ouvrira les portes du bonheur.