une saison en enfer de rimbaud.


Ils étaient tous immenses. Ils semblaient inateignables avec leurs costumes impecables et leurs discussions auxquelles tu ne comprenais rien. Leurs pieds chaussés faisaient huit fois la taille des tiens, et pourtant, serrant ton ours en peluche contre ta poitrine, tu venais doucement tirer sur le tissu de leur costume. d'abord ils t'ignoraient, et tu choisissais un autre de tes frères avec une mine plus accueillante. Ils étaient si grands, rassemblés en petit groupe, que tu ne distinguais qu'avec mal leurs traits, et perdu dans ce cercle d'intellectuels, discutant guerre et avenir du pays, tu te sentais petit et mis à l'écart. Tu te tournas vers ton frère le plus jeune, celui né juste avant toi, Gauthier, et dans un reniflement discret, tu vins doucement saisir sa main. « Gauthier, où est mère ? » Tu demandais d'une petite voix, mais il gardait la tête levée vers le groupe, et ne semblait pas s’intéresser à ce que tu disais. Tu soupiras, glissant tes doigts dans tes cheveux châtains tirant vers le roux, ta petite couronne sagement posée sur ta tête. « Gauthier, où est mère ? Gauthier, tu m'entends ? » Tu insistas, sentant les larmes te monter aux yeux tant tu supportais mal cette impression d'être invisible. Le blond claqua la langue et finit enfin par tourner ses grands yeux bleus vers toi, et ce fut comme un soulagement. « Cesse de pleurer, veux-tu ? Tu n'es plus un bébé. Quel prince se promène encore avec un ours en peluche ? Tu es ridicule. » Tu écarquillas les yeux en l'entendant, venant essuyer tes larmes et cachant ton ours derrière ton dos, tu déglutis, rejetant la boule qui se formait au creux de ta gorge. « Mère ne peux pas te voir pour le moment, laisse la un peu tranquille, et moi aussi par la même occasion. » Il grognait, fermant la discussion d'un geste las de la main, t'indiquant les longs escaliers menant vers ta chambre. Tu poussas un long soupir : « Mais je suis levé depuis... » Mais déjà il ne t'écoutait plus et avait détourné les yeux. Tu abandonnas finalement, ramenant ton ours contre toi et le serrant aussi fort que tu pouvais pour retenir de nouvelles larmes. Tu quittas finalement l'attroupement dont tu étais le seul intrus, la seule tignasse rouquine aux grands yeux verts, dans ce monde de blonds aux yeux bleus ciels.


C'était jour de sortie. Les vertes et immenses prairies de ton pays te mettaient toujours d'une humeur merveilleuse. C'était une torture que de se retenir de se jeter dedans, et de se laisser rouler en riant pendant des heures. Tu savais que tu ne pouvais pas faire ça. Aucun de tes frères ne faisaient une chose pareille, aucun n'avait de verre sur son beau et fier costume, tous étaient toujours impeccables. Alors tu t'étais simplement assit dans l'herbe, à l'abri des autres jouant au criquet, supportés par ton père qui riait et les encourageaient. La dernière fois que tu t'étais proposé à ce jeu, ils avaient tous fait une grimace assez discrète que tu avais pourtant appris à voir avec le temps. Si ta présence les embarrassait, mieux fallait-il que tu restes dans ton coin. Tu n'avais pas onze ans, mais tu aurais aimé toi aussi jouer une partie de cricket avec tous tes frères. Tu n'avais jamais bien compris ce qui t'en empêchait, tu n'avais jamais été capable de prouver que tes frères ne t'appréciaient pas, mais c'était ce comment tu le ressentais, et tu étais incapable d'en dire plus. C'était comme inné, comme on devine le mal-être d'une personne derrière son sourire, comme on devine la grimace derrière la simple moue. Tu finis par t'allonger lentement, et tans pis pour le costume. La fraicheur de l'herbe vint se mêler à tes mèches veniciennes, et tu fermas les yeux, seul. « C'est surtout un très beau garçon. » La voix parvenait de la bouche de la meilleure amie et conseillère principale de ta mère, assise élégamment à coté d'elle non loin de toi. Tu ne bougeas pas, afin qu'elle ne pressentent pas qu'elles n'étaient pas assez éloignées pour que tu n'entendes pas, et tu restas immobile, l'herbe chatouillant ton visage. « Vous l'avez bien vu majesté, de tous vos fils c'est celui qui plait le plus aux filles. Il a quelque chose de naturel que les autres non pas, d'un peu maladroit et discret, de bienveillant. Les femmes aiment les hommes bienveillants qui parlent moins qu'elles. Oh non, il ne sera pas difficile à marier, même s'il est le dernier de la lignée. » Tes yeux verts mourraient d'envie de les fixer, mais il fallait que tu te retienne si tu ne voulais pas tout gâcher. Tu entendis ta mère reposer sa tasse sur son socle et humais l'odeur des petits gâteaux délicieux. « Ça n'a aucune importance, nous allons mettre Hans chez les moines. » Ton souffle s'accéléra sous la surprise, et tu dû te retenir plusieurs fois pour ne pas aller les voir, leur demander quel était cette idiotie affreuse. Moine, toi ? Jamais ! « De toute façon il n'atteindra jamais le trône. » Tu n'arrivais pas à comprendre le rapport. L'herbe te semblait bien moins verte d'un seul coup, et l'angoisse montait progressivement en toi comme le mercure d'un thermomètre. « Ah ? C'est dommage, c'est un beau garçon. » Ta mère était catégorique, le regard vague, et tu sentis tes yeux te picoter sans comprendre. Pourquoi t'infliger cela ? Toi qui était si discret, qui te montrait le moins handicapant possible, de peur de représailles. Pourquoi toi, pourquoi toujours toi ? Pourquoi n'avais-tu pas le droit à un beau mariage toi aussi ? « Oui, c'est dommage. » répéta ta mère, impassible, et ton ventre se noua un peu plus.


Cela semblait être le jour le plus stressant de toute ta vie. C'était comme offrir à un muet le moyen de s'exprimer, pour la toute première fois. C'était ta chance de parler, et qu'on t'écoute cette fois : car tu avais une audience auprès de tes parents. Jeune homme dans la fleur de l'âge, dix-huit ans tout juste, des cheveux mêlant chaleureusement chocolat et rousseur, tu étais le parti le plus apprécié du pays. Tu étais le prince discret et dont toutes les filles rêvaient, du moins celles qui savaient lire derrière les esprits crâneurs et abusifs de tes frères. Tu étais celui qui ne ressemblait à personne, et dont elles rêvaient de se perdre dans les yeux verts. Seulement tu n'avais pas plus d'attirance pour les femmes que pour le clergé, et tu comptais bien discuter sur ce point avec tes parents. Les immenses portes du bureau s'ouvrirent mais tu n'y trouvas personne. Tes yeux se baladant sur les dorures de cette pièce parfaitement propre et rangée, tu pris timidement place sur l'un des sofa qui t'étaient présentés, un long soupir s'échappant de tes lèvres quant à la tâche qui t'attendait, et bizarrement, tu avais déjà comme un arrière goût de défaite. Lorsque la porte grinça, ce fut seulement ta mère qui pénétra dans la pièce, et alla gracieusement s'asseoir en face du bureau. Tu te levas d'un bond, poli, avant de te rasseoir sans attendre le moindre hochement de tête de sa part : elle te regardait déjà plus. Silencieux, tu te mis à fixer ses pieds alors que tu l'entendais soupirer avec exagération, enfilant ses lunettes pour lire quelques dossiers se trouvant sur le fameux bureau. Tu grimaças. « Bien, alors Hans, tu as dix minutes. Pourquoi voulais-tu me voir si prestement ? » Ton nom sonnant plutôt comme un reproche qu'une apostrophe, tu te sentis tressaillir. Robuste pour ton âge, entrainé au maniement des armes, très bon élève : tu étais pourtant terrifié par ta mère, pire, par la famille cruelle dans laquelle tu avais grandis, et essuyé tristesse sur coups durs. A force, les larmes étaient devenues comme des pacotilles sans importance, une habitude. « Eh bien je... Je voulais vous parler au sujet de cette histoire de couvent... » Tu l'entendis inspirer, et tu te pressas de poursuivre, effrayé. « J'ai appris que dès la semaine prochaine je rejoindrai un monastère mais je... Mère je ne comprend pas, pourquoi devrais-je faire une chose pareille ? Je ne me sens pas l'âme religieuse... » Elle pinça les lèvres, ses ongles claquant nerveusement contre le bureau, et ton pouls s'accélérant. « Si mon mariage est un soucis, je peux très bien épouser une simple jeune fille de bonne famille. Je ne demande rien, rien qui puisse vous être néfaste, je... » Elle te fit signe de cesser d'un simple geste de la main, et tu obéis. Tu avais dis l'essentiel de ce que tu voulais dire, et tu avais plutôt peur de te perdre dans tes explications. Elle repoussas sa paire de lunettes sur ses yeux, poussant un très long soupir. « C'est impossible Hans. » Tu la fixas, interdit. « Qu'est-ce qui est impossible ? » Mais elle insista à nouveau pour que tu te taises, et tu serras les dents, enfonçant ces dernières dans ta lèvre inférieure. « J'ai décidé que tu rejoindrais un monastère et c'est ce que tu feras. Si j'avais voulu que tu te maries, ce serait chose faite. Tu seras moine, comme je l'ai décidé. Et ta vocation viendra probablement en pratiquant, et en te dévouant à Dieu. Tu sais l'importance qu'a la religion dans notre famille, n'est-ce pas ? » Tu n'arrivas pas à comprendre, tu sentais la situation te glisser entre les doigts, et une autre de ces boules douloureuses se forma dans ta gorge. « M-Mais pourquoi ?! Pourquoi moi, pourquoi m'infligez vous ça ? Qu'ais-je dont fait pour mériter une telle ignorance de la part de mes propres parents ? Pourquoi mes frères me détestent-ils ? Pourquoi père ne me parle-t-il jamais ? Pourquoi ai-je les cheveux r... » Elle s'était levée et c'était mise à hurler. « C'EST ASSEZ, HANS ! » Tu avais écarquillé les yeux et tu n'avais plus bougé, le souffle court. Elle avait filé refermer la porte à clé. « Je pensais ne jamais avoir besoin de te le dire, je pensais que tu finirais par le deviner, mais je vois que je n'ai pas le choix. Alors maintenant ferme ce foutu clapet que tu as de bouche et écoute moi bien : tu n'es pas le fils de roi, pas plus que tu n'es le frère des douze. Tu es le treizième et l’intrus, tu es un enfant illégitime qui n'a pas sa place au palais... La seule faute que j'ai commise fut de te porter et de te mettre au monde. Et je m'en veux chaque jour de ma vie un peu plus pour cette immondice que j'ai commise. Tu seras moine car j'en ai décidé ainsi, et car je veux mériter ma place au Paradis. Je ne suis pas éternelle, et je veux pouvoir regarder saint Pierre dans les yeux lorsque j'aurai l'occasion de le regarder. Je veux essuyer ma faute en faisant de celle-ci une âme dévouée à Dieu. » Tu la fixas avec des yeux ronds comme des billes, tombant à ses genoux, les larmes roulant de tes yeux et l'esprit embrumé comme jamais. « Mère, oh je vous en prie... Si vous m'aimez, même juste un peu, ne m'envoyez pas là bas, faites de moi ce que vous voulez mais pas un moine... Je vous en prie, si vous m'aimez... » Elle leva un sourcil en lâchant un long soupir, venant à ta hauteur saisir ton menton en relevant ton visage vers le sien, qui te parus las comme jamais. Tes yeux verts se plongèrent dans les siens, de la même couleur. Tu n'étais alors plus l’intrus, mais incapable de former le moindre ensemble. « Oh Hans, mais si seulement il y avait ici, quelqu'un qui t'aimait... »


Fou de rage. Les yeux écarquillés de sang, posés sur l'immense horloge que tu fixais depuis des heures, et dont le tic-tac te faisait frémir un peu plus à chaque fois qu'il retentissait. Tes mèches rousses tombant sur ton front plissé, tu étais immobile, et silencieux comme toujours. Tu n'étais même plus homme, mais bête docile qui attendais qu'on lu serve son repas, à cette table trop grande où tout le monde festoyait et discutait en riant. Six de tes frères avaient trouvés compagne, et pavanaient chaque jour avec ces belles femmes à leurs bras, tandis que toi tu restais seul. Trois d'entre eux, les plus âgé, se bâtaient pour reprendre le trône, et le pays les jugeait désormais comme probables futurs rois. Il fallait dire qu'eux avaient largement leurs chance. Le quatrième au huitième eux, seraient probablement de riches banquiers ou avocats, ou encore conseillers à la cour, et ce titre était tout aussi honorable. Les autres se disperseraient dans la haute bourgeoisie, mais toi, tu resterais seul. Tu étais voué au clergé, à être enfermé dans un foutu monastère, cloitré jusqu'à la fin de tes jours pour sauver l'âme pécheresse de ta mère. Tout cela te déprimait, et tu restais seul depuis des jours. Demain, tu partirais à l'aube rejoindre ton nouveau chez toi. Bien sûr, tu pouvais refuser, bien sûr, tu pouvais partir, mais tu n'aurais plus un sous en poche, et tu serais pour le royaume un banni qui a abandonné sa famille. Le peuple ne savait pas, non, le peuple ne savait rien. « Je pars. » Tu annonças dans la cacophonie générale, mais personne ne te prêtas attention. Alors, les dents serrés, tu te levas, et attrapas ton verre en cristal, que tu brisas avec fracas sur le sol. Ce dernier heurta le bois lustré et s'y brisas en mille morceau, provoquant un son puissant qui fit taire toute l'assemblée. Tout le monde tourna alors les yeux vers toi, écarquillés. Pour la première fois de ta vie, l'attention était sur toi. Tu plissas les yeux, et inspiras, poussant ta chaise. « Oh, mes chers frères, mes chers parents, mais quel bonté vous faite preuve en m'accordant cette importance soudaine. Devrais-je pleurer ? » Tu dis dans un sarcasme qui se poussa jusqu'à un rire jaune, et tu leur jetas alors un regard mauvais, le fauve en toi se déchainant tout à coup. « Alors quoi, tout le monde est heureux n'est-ce pas ? C'est la fête. Tout le monde est promis à un avenir merveilleux, et moi, je serai le pauvre moine enfermé dans un monastère ? Comme c'est amusant. » Tes dents claquèrent les unes contre les autres, l'assistance était silencieuse comme jamais. « Je pars, et dès ce soir. Je pars conquérir l'héritière du pays voisin, et quand je serai roi, oh mon dieu, quand je serai roi, peut-être aurai-je l'attention que je mérite enfin dans cette famille ; et qu'en dix huit ans, jamais je n'ai eu le droit ? Je pars sur le champ, et ce soir je vous annonce que c'est peut-être la première fois, que vous faites attention au son de ma voix. » Et vingt minutes plus tard, tu avais quitté le château, et tu filais vers le royaume de la future reine Elsa.


La route était encore longue pour le château de cette reine dont tu ne connaissais à vrai dire que le prénom, d'elle et sa plus jeune sœur Anna. Tu avais entendu parler du royaume voisin lors d'un tes cours d'histoire, et tu apprenais que bien que lointain, vos deux contrées étaient des alliées de longues dates. Ton cheval s’essoufflant peu à peu, tu l'encourageais en espérant qu'il tiendrait quelques dizaines de minutes encore, car tu craignais de ne jamais être à l'heure pour le couronnement de la future reine Elsa. Tu entendis le ventre de ton écuyer gargouiller juste derrière toi, et tu tournas vers lui alors que ses joues s'empourpraient. Tu te contentais de soupirer, mais lui, brave homme un peu grassouillet qui méritait toutes les noblesses du monde, ne pu s'empêcher d'entamer la conversation. « Vous savez, je ne pense pas que ce soit une bonne idée. » Tu haussas les épaules, restant droit sur ta monture. « Je me fiche de ce que tu penses. » Tu répliquas d'un ton glacial, que tu regrettas aussitôt mais que tu ne corrigeas pas. Ta façon de parler changeait, tu t'en rendais compte, et cela t'effrayait. Quelque chose s'était passé, quelque chose s'était fermé ce soir, tu le sentais bien. Et à la lumière du clerc de lune, tu tâchais d'y penser sans vraiment le comprendre. « Qu'allez vous faire là bas, hein ? Séduire la reine ? On dit qu'elle est glaciale et inapprochable, vous n'y arriverez jamais. » Tu soupiras, haussant à nouveau les épaules sans lui adresser le moindre regard. « Alors je séduirais sa sœur et je m'arrangerais pour que la reine pousse son dernier souffle. » Cela provoqua un silence, et tu constatas que tu avais dis cela avec le plus grand sans froid, et sans le moindre remord. Tu t'en voulus, tu eus envie de corriger cette fois, mais là encore, tu ne fis rien. Tu laissas ton cheval au pas, marchant sur ses routes interminables de campagne, et réfléchissant à un endroit sain où tu pourrais passer la nuit. Tu étais dors et déjà épuisé. « Pourquoi êtes-vous si cruel ? » demanda finalement Javert en grimaçant, laissant sa bête marcher au pas elle aussi. Mais ce fut la goûte de trop et tu te tournas vivement vers lui, saisissant les reines de ton cheval à mains fortes. « Cruel ? C'est moi qui suis cruel ? Mais j'ai le droit d'être cruel ! La vie est affreuse avec moi et je ne fais que rendre ce que j'ai reçu aux autres. Pourquoi suis-je toujours le seul à souffrir, pourquoi n'ai-je pas le droit, moi, juste une fois, d'être heureux ? Je me fiche d'être cruel, c'est la vie qui m'a rendu ainsi, c'est les autres qui m'ont fait perdre toute humanité, alors qu'ils s'en estiment heureux, et qu'il se préparent à subir ma revanche... Car elle sera terrible. »


Alors finalement ? Non, aucune gloire pour le pauvre prince Hans. Ton plan n'avait pas fonctionné, c'était absolument le moins que l'on puisse dire. Tu te retrouvais seul, enfermé sur un bateau rentrant vers le royaume de tes parents, couvert de honte. Qu'est-ce que tu allais devenir ? A quoi ressemblerait ta vie ? Tu n'avais pas pensé que tu pourrais échouer, en immaginant ce plan diabolique ? Non. « Quant à ce voyou, nous verrons bien ce que ses douze frères pensent de son comportement. » lâcha un des envoyés de la reine, sous un triomphe colossale. Tu grognas, et reposas ta tête contre le rebord de ta cellule. En retrant, ce serait la huée, la honte, la solitude. Ce serait ta vie d'avant, ce serait le batard provocateur qui a lamentablement échoué, et qui n'aurait jamais rien. L'espace d'un instant tu pensas à décrocher ta ceinture pour t'en faire une corde, et mettre fin à tout ça : tout serait alors bien plus simple. Si seulement il y avait ici quelqu'un qui t'avais aimé, et appris à aimer en retour, Hans.




l'étranger de camus.


   Désespéré, mais seul. La vie te donnait une nouvelle chance, et tu n'avais pas la moindre idée de ce qui pouvait se passer. Sous une nouvelle apparence qui te parut plus lisse, mais différente, tu étais un homme immense aux yeux d'un noir profond. Tu n'étais non plus le mauvais de l'histoire, mais un protagoniste encore à déterminer. On effaçait miraculeusement ton ardoise, et on te donnait le droit de choisir ton destin, dans ce monde étrangement avancé, auquel il fallut que tu t'habitues. Alors, on t'offrait un choix. Soit tu choisissais de poursuivre tes insanités et de continuer de porter un masque, soit, au risque de te blesser, tu choisissais de présenter le vrai toi, et de tenter de redevenir quelqu'un de bien. Comme le disait ta mère, de gagner à nouveau ton salut. Le choix semblait impossible, difficile. Car peut-importe ce que tu choisirais, la route serait longue, et dure. mais tu n'étais pas un monstre, tu le sentais au fond de toi. Même ton cœur de glace pouvait te le dire : tu n'étais pas un monstre. Tu étais le héros qui avait oublié de tourner la page, tu étais celui qui pouvait se racheter. Alors, ce serait difficile, mais puisque tu l'avais décidé, tu deviendrais quelqu'un de bien.  


« Ah, Eroz, je t'en pris assied toi. » Chacun de ses mots étaient ponctués d'un toussotement plus ou moins grave, qui te tirèrent une grimace avant de t'asseoir. Tu obéis néanmoins, lui faisant face. Son dos vouté et maigre l'affaiblissait considérablement, lui qui t'avais toujours parut si fort et invisible. Tu soupiras, joignant tes mains sous le bureau en levant les yeux vers lui. « Vous m'avez fait demandé ? » Ton comportement ayant été impeccable tout au long de la semaine, tu ne comprenais en rien ce qui pouvait te valoir une telle convocation. Les enfants s'étaient toujours couchés à l'heure demandée, tu avais finis d'aider à la cuisine, de trier les factures. Mis à part sanglots personnels dans ton lit le soir, lorsque la solitude te rattrapait brusquement, la semaine avait été bonne. Il toussa à nouveau avant de répondre. « Oui, nous allons avoir besoin d'un nouveau surveillant. » Il lâchait, et tu écarquillais les yeux, tapant avec force ta main sur la table. Tu rougis alors, tâchant de te maîtriser. « Pardonnez moi, c'est la surprise... un nouveau surveillant, mais pourquoi ? N'a-t-on pas assez avec moi ? » Le vieux directeur fit un petit sourire, hochant la tête. « Oh si bien sûr, mais bientôt tu ne seras plus comme tel. » Un frisson d'effroi vient te chatouiller l'échine, et une buée d'angoisse vint te prendre à la gorge. Qu'avais-tu fais de mal ? Avais-tu commis une erreur ? Tu avais échoué, dans ta quête du bien ? Non, non, tu ne pouvais pas échouer. Tu n'étais pas quelqu'un de mauvais, c'était impossible. « Voyons Eroz, ne fais pas cette tête là. Je prend ma retraite dans deux semaines, et je te veux pour diriger l'orphelinat. » Tu le fixais désormais avec des yeux ronds comme des billes, ton sourire s'agrandissant tout à coup, et sou ta maladresse déconcertante, tu te levas d'un bond, ta cuisse cognant le bureau. Tu poussas un petit gémissement de douleur, alors que le vieux riait de bon cœur. « Tu es vraiment très doué avec les enfants. Il y a quelque chose de très tendre chez toi, derrière ta carrure de mauvais garçon. Tu seras un très bon directeur, est-ce que tu es tenté ? » Pour la première fois de tes deux vies, on te confiait quelque chose d'important, à toi, au vrai toi. Non pas à un personnage que tu endossais, non pas dans un numéro idiot, mais au vrai maladroit, perdu, mais tendre toi. Tu souris avec finesse, hochant doucement la tête. « Oui je...merci monsieur. »