Avez-vous déjà entendu parler de la noble et illustre famille Romanov ? Dirigeant la Russie impériale avec fierté et détermination ? J'en suis l'impératrice. Maria Feodorovna Romanov, anciennement princesse du Danemark. J'ai toujours trouvé ma vie en Russie beaucoup plus attrayante que celle que je menais dans mon pays d'origine. Mon mariage était certes, arrangé, mais en Alexandre III, j'ai trouvé l'époux dont j'avais besoin et surtout, il m'a apporté ce dont je désirais le plus : des enfants. Six, plus exactement, dont Nicolas qui se maria par la suite à Alexandra, son amour de jeunesse. Eux-mêmes eurent cinq enfants, respectivement nommés Olga, Tatiana, Maria, Anastasia et Alexis. Si j'aimais particulièrement la présence d'Olga, étant la première de mes petites-filles, ma relation avec Anastasia fut bien plus forte. Sa curiosité et son espièglerie étaient les aspects de sa personnalité que je préférais, chose que ses soeurs n'avaient pas. J'avais même prévu de l'emmener à Paris avec moi, ne supportant pas d'être loin d'elle trop longtemps. Ce fût donc un soir où la neige tombait sur le palais d'hiver des Romanov que, après avoir pris place sur le trône m'étant réservé, je portais mon regard sur ma chère et tendre petite fille, occupée à danser avec son père. «
Oh, grand-maman ! » La jeune rouquine m'avait adressé un geste de la main, souriant à pleine dents alors que Nicolas la faisait tournoyer dans les airs. Cette dernière l'abandonna d'ailleurs assez rapidement, grimpant les escaliers à une vitesse folle. Elle avait attrapé un dessin qu'elle avait déposé sur son trône, attendant très certainement ma venue pour me l'offrir. Je l'examinais avec attention, un sourire en coin dessiné sur les lèvres. A chacune de mes visites, je recevais un dessin venant de ma petite fille préférée. Sauf que cette fois-ci, j'avais moi aussi un cadeau spécial à lui offrir. Un cadeau qui, j'en étais sûre, allait lui plaire. Aussi, je ne tardais pas et déposais le dessin sur mes genoux avant de sortir la boite à musique pour lui tendre. Ses yeux s'émerveillèrent et elle le saisit avec une précaution dont on n'imaginait pas qu'elle soit capable, à force de la voir faire des mouvements brusques à longueur de journée. «
Qu'est-ce que c'est ? Un coffret pour mes bijoux ? » Une sourire mystérieux avait étiré mes lèvres et j'avais sorti un médaillon au bout du quel pendait une clé. Je l'avais inséré à l'arrière de la boite et l'avait fait tourner. Le mécanisme s'était déclenché et il s'était ouvert, comme par enchantement, libérant la mélodie que je lui chantais depuis qu'elle était enfant. Une fois la chanson terminée, je refermais le coffret pour en extraire le médailler-clé et lui passais autour de cou. Elle saisit alors le pendentif et fronça les sourcils. «
Ensemble à... Paris ! » L'enfant avait relevé le regard dans ma direction, les yeux plus pétillants que jamais. «
Mais grand-mère, ça veut dire que... » J'avais secoué la tête de haut en bas, répondant par l'affirmative à son début de question et elle m'avait sauté dans les bras. «
Oh grand-mère ! » C'était des instants magiques que je partageais avec Anastasia et nulle autre de ses soeurs, chose qui me désolait par moment. Il m'arrivait de me sentir honteuse de favoriser la cadette des soeurs Romanov, mais jamais rien ne pourrait égaler ce sentiment qui m'envahissait lorsque j'étais avec elle, ce lien étroit et fusionnel dont les quatre autres enfants Romanov étaient jaloux. Ce moment fut cependant de courte durée, interrompu par l'ennemi juré de la famille impériale : Raspoutine. Il lança un maléfice contre notre famille, jurant que la lignée des Romanov s'éteindrait à jamais.
Depuis la menace de Rasputine que je prenais au sérieux, visiblement plus que mon très cher fils et sa tendre épouse, je l'avais supplié un nombre incalculable de fois de m'accompagner à Paris. Et le plus tôt aurait été le mieux, mais c'était sans compter sur le côté trop têtu du tsar qui refusait de s'abaisser aux menaces d'un sorcier. Ce fût un soir, après que j'ai chanté son éternelle chanson à Anastasia et que je quittais sa chambre pour me rendre dans celle qui m'était attribuée que le grondement de la foule, au dehors du château m'alerta. Nicolas était arrivé vers moi au pas de course, tandis qu'Alexandra sortait de la chambre du petit Alexis, encore malade à cause de sa santé trop fragile. «
Nicolas, que se passe-t-il ? » Avait demandé la tsarine à son époux, plus qu'inquiète. «
Alexandra, mère, nous devons fuir ! Réveillez les enfants, ne prenez rien ! » Il était parti au pas de course vers la chambre d'Olga, tandis qu'Alexandra retournait dans celle d'Alexis. Les femmes de chambre, les ouvriers, les hommes de cuisines. Tous couraient, criaient de fuir, que la révolution commençait. Jetant un rapide coup d'oeil par la fenêtre, j'avais vu les grilles encerclant le château, nous protégeant céder par je ne sais quel maléfice et aussitôt, je revenais sur mes pas, entrant dans la chambre d'Anastasia et le réveillant. «
On doit y aller ma chérie. Maintenant. » La jeune Romanov avait sans doute compris au son de ma voix que la situation était grave, aussi, elle attrapa ma main pour sortir de la chambre, tandis que Nicolas nous faisait signe pour montrer l'endroit vers lequel nous devions nous diriger. A peine eut-elle fait quelques pas qu'elle s'arrêta, me poussant à m'arrêter moi aussi. «
Ma boîte à musique ! » Sa main lâcha la mienne et elle courut en direction de sa chambre, sous mon regard effaré. «
Anastasia, non, reviens ! » Nicolas et le reste de la famille, pensant que nous le suivions étaient partis, tandis que je me lançais à la poursuite de ma petite fille, refermant la porte de sa chambre derrière moi. Elle attrapa sa boîte à musique et alors que je lui saisissais la main pour sortir de la chambre, un jeune garçon m'attrapa le bas. «
Non, par ici ! » Il me poussa à l'intérieur du mur et sans réfléchir, je courais vers la sortie. «
Non, ma boîte ! » L'enfant repoussa Anastasia et de mon côté, je la tirai avant qu'il ne referme le mur. Suivant le couloir lugubre, nous débouchâmes vers l'arrière cours du château et tandis que nos pas étaient ralentis par la neige, je sentis le sol craquer derrière moi. Je tournais la tête, horrifiée lorsqu'Anastasia s'étalait de tout son long dans la neige poudreuse. «
Raspoutine ! » Hoquétais-je, à la fois surprise, terrifiée et en colère, tandis que la jeune fille se débattait pour qu'il lui lâche la cheville. Finalement, la glace craqua et l'eau glacée engloutit le mage noir, tandis qu'Anastasia et moi reprenions notre cavale en direction de la gare. Alors que je montais dans le train, il démarra et ce fût à cet instant qu'Anastasia lâcha ma main. Durant le trajet jusqu'à Paris, je crus devenir folle, bien qu'une fois sur les lieux, Sophie, une cousine éloignée s'occupa de moi, me faisant bien comprendre que si je retournais en Russie, on me tuerait. Il y avait encore une chance pour que ma petite fille soit en vie et pour la retrouver, j'étais prête à donner tout mon argent. Un bon nombre de candidates défilèrent, sans jamais s'avérer être la vraie. Ce fût au moment où j'y croyais le moins, où je me faisais à l'idée qu'elle soit peut-être morte, tuée là-bas, seule qu'une jeune fille me fût présentée. C'était elle, mon Anastasia. Le simple fait de la savoir vivante me combla et tandis que je continuais ma vie à Paris, elle voyageait en compagnie de Dimitri.
Ma vie ne serait-elle pas un éternel recommencement ? Encore aujourd'hui, à Fantasia Hill, je suis à la recherche du dernier membre de ma famille : ma chère et tendre Anastasia. Non seulement, je me souviens de tout, mais en plus, je suis perdue. Je n'ai pas non plus retrouvée Sophie, ma cousine m'ayant abrité à Paris. Entre les mondanités auxquelles je m'oblige à participer et mes recherches, je dois avouer que je temps me manque quelque peu pour faire autre chose. Je finis cependant toujours par m'ennuyer, me lasser de toutes ces fêtes mondaines. C'est finalement Sophie qui, un jour, alors que je promenais le soir dans la ville, la découvrant un peu plus chaque jour, me trouva. Elle n'avait aucunement changé et sa -si je puis dire- folie ne l'avait pas quittée. Dès le lendemain, elle m'aida une nouvelle fois dans mes recherches. Une seule chose était sûre cette fois-ci : Anastasia était vivante.