« Que tu es belle mon enfant ! »Il n'en faut souvent peu pour donner naissance à un monstre.
Je ne me souviens plus exactement de mon enfance, je sais juste qu'elle a été normale, ou plutôt banale. Très jeune j'ai été mariée à un homme que je ne connaissais pas, le frère du roi. Un vieil homme ivrogne et violent. Je me souviens que ses coups me marquaient le corps, je me souviens de cette laideur que je voyais dans le miroir à chaque nouveau coup. Plus les pichets se vidaient plus ma beauté s'envolait. Parfois, cognée à l'oeil, je n'arrivais même plus à percevoir mon image. J'ai prié pour qu'on me sorte de cet enfer. Mon souhait exaucé, mon mari était mort d'un accident à la chasse. Quel idiot.
Mais une femme ne pouvait rester seule, et justement le roi venait de perdre sa femme, vous connaissez la suite. Je suis devenue très vite la belle-mère de cette enfant, Blanche-Neige.
Les marques sur mon corps ont disparu, devant le miroir je me sens belle, et puissante. Mais ce gras de roi me fait de l'ombre, je n'étais que la femme du roi. Voilà ce que mes prières m'ont appris avec mon ex-mari. Il y a toujours un prix à payer quand on prie.
Le roi est mort. Triste nouvelle. On l'a tué. Qui était-ce ? J'en ris tellement !
Longtemps le miroir m'a affirmé que j'étais la plus belle, jusqu'à ce matin, où comme à mon habitude je lui prie.
« Esclave du miroir magique, accours du plus profond des espaces. Par les vents et les ténèbres, je te l'ordonne. Parle ! Et montre-moi ta face. Miroir magique au mur, qui a beauté parfaite et pure ? »
« Célèbre est ta beauté Majesté. Pourtant, une jeune fille en loques dont les haillons ne peuvent dissimuler la grâce, est hélas encore plus belle que toi. Lèvres rouges comme la rose. Cheveux noirs comme l'ébène. Teint blanc comme la neige. »« Blanche-Neige ! »Cette enfant avait grandi, elle était devenue une jeune femme, une ennemie, une adversaire, une épine, et que fait-on des épines dans le pied ?
L'orgueil poussa dans mon coeur, avec la jalousie, comme pousse la mauvaise herbe, ne me laissant aucun repos ni de jour, ni de nuit. Mes rêves étaient noirs, noirs de meurtre.
J'ai donc fais appel au chasseur, mon serviteur.
« Tu vas prendre l'enfant et l'emmener au loin dans la forêt, je ne veux plus la voir devant mes yeux. Tu la tueras et tu me rapporteras son coeur en témoignage.»La suite, tout le monde la connait. Tout le monde a ris de mon échec. Le chasseur ne m'avait pas ramené le coeur de cette gamine. La jalousie hantait mes pensées, mon coeur battait en résonance avec la haine, et bientôt je devins maman. Mère de la folie.
Je compris que les prières avaient un prix, mais qu'en plus de cela, si je voulais qu'un travail soit bien fait, je devais le faire moi-même. Me salir mes mains.
Une pomme trempée dans un puissant poison, un sommeil éternel. Ainsi elle ne peut plus profiter de la vie, mais en plus de cela elle ne peut rejoindre ses chers parents dans l'au delà. Elle est juste piégée dans un sommeil éternel.
Le sort que j'ai utilisé alors, devait me transformer en la personne que je suis au plus profond de moi, mon for intérieur. Cette vieille sorcière, cette laideur. Pourquoi pas ? Tout ce que je voulais, c'était la mort de cette fichue Blanche-neige ! Rien n'était plus important que ça, à cet instant.
Quel plan extraordinaire vous me direz ! Mais pourquoi ça n'a pas marché !? Un baiser d'amour ?! Mais bordel c'est quoi ces conneries ? Combien de temps, allait-elle encore me nuire !?
Je tombe. La chute est longue. Mon estomac se noue. L'oxygène manque à mon cerveau. Je chute.
Fantasia Hill, 3 novembre 2013
« Mon café est froid ! »Et dieu sait que je déteste le goût du café froid, c'est amer, et en plus il manque un carré de sucre. Je note qu'il faut que je vire cette secrétaire. Et ça encore, Dieu sait que j'ai tous les moyens pour y parvenir. Dans ce monde, je n'ai pas tous les pouvoirs que j'aurais eu en tant que reine, mais je fais avec. Il est plus difficile de gouverner, mais plus distrayant d'y arriver. Ca n'a pas toujours été ainsi, à ma chute, je me cachais des autres. Pourquoi ? Par peur voyons ! Plus de pouvoir, plus de gardes, il fallait mieux pour moi de me faire discrète un moment. C'est ce que j'ai fais alors. Pendant un certain temps je suis restée à l'écart des autres. J'ai eu le temps de réfléchir à tout ça, mon arrivée ici malgré tout était peut-être une sorte de deuxième chance, peut-être était-il temps pour moi de changer ? De me soigner.
CONNERIES ! J'y ai cru, ô oui, pendant un moment j'ai cru devenir une excellente voisine, une bonne citoyenne, et au début de mon mandat, une parfaite mairesse.
Mais à quoi bon ? Ca me travaille toujours ! Ces cauchemars ne cessent et ils grandissent de jour en jour ! C'est comme un bruit, un écho dans ma tête, comme si on cognait contre à chaque fois que je ferme les yeux ! Un jour, en allant à la boulangerie, un vieil homme me sourit, et tu sais ce qu'il m'a dit ?
« Vous êtes très belle, madame ». Et tout recommença. Mais en pire. Oui, il y a toujours pire, et je peux être le tien !
Cette jalousie, cet orgueil n'est plus qu'un simple vice, il s'humanise, il prend possession de tout mon être, et il est moi, je suis lui, je dois l'assouvir ! Mais tu ne peux pas comprendre ! Comment tu pourrais savoir !?
Espèce d'insecte ! Secrétaire de mes deux ! Comment oses-tu me juger ! Moi ! Ta reine ! C'est de votre sang que je me peindrais le visage, mon teint rayonnera de jour en jour, parce que plus je vous éliminerais, et plus je serais tout ce que j'ai voulu être : toute puissante. Ô ne sois pas effrayé, n'as-tu jamais entendu parler de la tradition qui veut qu'on plante un pommier à chaque cadavre qu'on enterre ? Non ? Ah, je dois être la seule qui fait ainsi alors. Compte-les si tu en as le temps. ahah ! Tu n'aimes pas les pommes ? Elles sont délicieuses, la peau si ferme qui se craque quand j'y croque, pour laisser couler un jus au parfum sucré et enivrant.
mh . . . Où en étions-nous ? Ah oui, Pamela . . Ma chère Pamela ... La prochaine fois que tu viendras te pavaner avec tes photos de mannequinat sur mon territoire . . ô attends, une autre fois il n'y aura pas . . . Arrête de gémir ! Déjà que ton visage ne ressemble plus à grand chose ainsi scalpé, mais alors les âneries que tu sors ne me feront pas changer d'avis. Insecte . . . Mais vois comme ta reine est bonne ! Je te laisse en vie ! Sois heureuse, je te laisse la chance de quitter Fantasia Hill, et d'aller annoncer à toutes tes copines
QUI EST LA PLUS BELLE DE TOUTES LES FEMMES !
«