Je n’ai jamais rien connu d’autre que ma tour, isolée de tout. Ma mère m’a toujours décrit le monde des hommes comme dangereux, comme quoi ils ne veulent rien d’autre que mes cheveux et leurs vertus magiques, permettant d’accomplir tous les exploits. A part Pascal et mère, je n’avais absolument aucune idée des visages que pouvaient avoir les autres, ils étaient les seuls que je connaissais et à qui je pouvais me fier. Je n’étais jamais descendue de ma tour, seule mère en avait la possibilité grâce à mes cheveux. Souvent, mère quittait la tour grâce à eux, pour aller chercher à manger, ou des pigments pour ma peinture.

Le jour de mes dix-huit ans, j’ai décidé de lui demander une faveur : aller voir les lumières. Tous les ans, elles apparaissaient, exactement le jour de mon anniversaire et j’avais juste envie de les voir, rien qu’une fois. Je voulais aussi découvrir le monde extérieur et me faire m’en faire ma propre idée. Je rêvais tout simplement d’aventure, de briser cette routine. Pourtant, mère refusa catégoriquement, même si j’avais beau lui répéter que c’était la seule chose que je demandais pour mon anniversaire. De nouveau, c’était ce prétexte comme quoi les hommes ne me voulaient que du mal.

Puis elle s’absenta encore une fois et c’est ce moment-là qu’a choisi un individu pour surgir dans ma tour. Mon premier réflexe : un coup de poêle à frire sur la tête, histoire de l’assommer. J’étais paniquée et je devais à tout prix le cacher avant que mère ne rentre. Après de multiples tentatives, je parvins enfin à le dissimuler dans l’armoire ainsi que sa sacoche dans un pot. Elle revint quelques heures plus tard et à son retour, je m’empressai de lui demander d’aller me chercher cette peinture qu’elle m’avait ramenée une fois, à défaut d’aller voir les lumières. Elle finit par accepter et dès que je fus sûre qu’elle a bel et bien disparu, je sors l’homme de l’armoire et le ligote à l’aide de mes précieux cheveux sur une chaise.

Il sortit de sa torpeur grâce à Pascal et je décidai de conclure un marché avec lui : s’il acceptait de m’aider, alors je lui rendrais sa sacoche. Marché conclu ! Alors nous nous sommes descendus de la tour.

Tout d’abord, la crainte de poser le pied au sol et je me décide à essayer. La sensation de l’herbe chatouillant mes orteils me faisait tout drôle. C’était à la fois agréable et surprenant. Celle de l’eau l’était tout autant, et le liquide me glissait entre les doigts. Je m’allonge par terre, je découvre les fleurs, je cours, puis sautille : je me sens bien. Voir ma tour d’en bas, ça fait un effet bizarre, c’est là que je me rends compte qu’elle est bien plus haute qu’elle ne le paraissait. Néanmoins, je ne pouvais pas m’empêcher de culpabiliser. Oui, elle m’en voudrait et j’étais une fille indigne, mais j’avais un rêve que je comptais bien accomplir.

Et là, tout s’est accéléré. Je suis allée dans les endroits les plus fous, comme au Canard Boiteux, une taverne dans laquelle je n’aurais jamais mis les pieds si j’avais pris la route seule. Et étant donné que Flynn – oui, le voleur avait un nom – avait dérobé la couronne au palais du roi de et de la reine, il était recherché par la garde royale. Alors on s’est enfuis tous les deux, et on a échappé plusieurs fois au pire !

Je crois bien que le moment qui m’a le plus marquée dans tous ceux-là, c’est bien celui où on est restés dans une grotte, à deux doigts de nous noyer. Il m’avoue qu’il ne s’appelle pas Flynn mais Eugene et je passe aux aveux à mon tour en lui expliquant que mes cheveux s’illuminent quand je chante. Encore une fois, mes cheveux m’ont sauvé la mise, j’ai pu éclairer la grotte en question et Flynn a finalement trouvé un moyen de sortir. Evidemment, il était sous le choc de voir mes cheveux s’illuminer mais pour moi, il n’y avait rien de plus normal !

Une fois autour d’un feu de camp, je le guérissais grâce à mes cheveux et il était encore une fois assez affolé à cette perspective. Puis, il me raconta son histoire et j’étais totalement bouleversée. Tant parce qu’il m’avouait que par lui-même. Je crois bien que c’est là que je suis tombée sous son charme… Je ne saurai jamais décrire ce que j’avais ressenti à ce moment précis, et à quel point le feu dans mon cœur était de plus en plus intense.

C’est quand Flynn disparut chercher du bois que mère surgit des buissons, cherchant à m’avertir qu’il avait pour unique but de récupérer la couronne, puis de m’abandonner. Je ne pouvais tout simplement pas la croire, je savais qu’il n’était pas comme ça. Elle voulait que je rentre, que je retourne dans ma tour et abandonne mon rêve, mais il n’en était pas question. Elle me rendit alors la sacoche et partit à son tour.

Au retour de Flynn, j’étais sous le choc de ce qu’elle m’avait dit, bien qu’il me fût impossible de la croire. Le lendemain, nous sommes repartis en direction de l’endroit où les lumières apparaissaient tous les ans et je découvris un village magnifique, vraiment à couper le souffle, où tout le monde vivait dans la joie et dans la bonne humeur. Le symbole avec le soleil doré me rappelait vaguement quelque chose mais je ne parvenais pas à savoir ce que c’était.

A la tombée de la nuit, nous sommes montés dans une barque pour voir les lanternes et j’étais tellement émerveillée par toutes celles qui s’envolaient dans le ciel que j’en oubliais presque tout notre périple ! Il fallait que j’avoue à Flynn que j’avais peur de lui rendre sa sacoche, mais que désormais, ce n’était plus le cas. Il me donne une lanterne afin que je la lance dans le ciel avec les autres et il lança la sienne en même temps que moi. Nous profitions de ce merveilleux spectacle ensemble, et nous nous approchions petit à petit l’un de l’autre. Nous avons failli nous embrasser, jusqu’à temps que je m’aperçoive que Flynn était troublé par quelque chose.

Nous avons amarré le bateau à une petite île à proximité du village et Flynn a disparu, sur un autre bateau. Mère avait raison, il avait prévu de m’abandonner depuis le début et j’avais été trop naïve, je lui avais fait confiance et voilà où ça m’avait menée. Alors je suis retournée dans ma tour, avec elle, et malheureuse qu’il ne soit pas là. J’étais tombée amoureuse de lui.

Je me sentais tellement mal… Jamais je n’aurais dû sortir et j’étais pleine  de regrets, même si le moment où j’avais vu les lanternes dans le ciel était magique. Peu de temps après, j’appris qu’il fallait que je retourne au royaume parce qu’on avait besoin de moi pour sauver Flynn, comme elle m’avait dit qu’il allait bientôt être pendu, et j’avais compris que la princesse disparue, celle pour qui on lançait toutes ces lanternes chaque année, c’était moi. Que mère n’était pas ma mère, que c’était elle qui avait profité de moi et pas Flynn. D’ailleurs, il avait réussi à s’échapper grâce aux hommes de la taverne et à Maximus et était venu me rejoindre. Il monta dans la tour mais dès qu’il fut arrivé, cette horrible femme le poignarda et il était gravement blessé. De nouveau, je passai un marché comme quoi il fallait que je le sauve, en échange de quoi je resterai pour toujours avec elle, pour qu’elle puisse profiter de mes cheveux. J’étais déterminée à me battre pour lui, pour qu’il vive parce que c’était la seule chose qui m’importait vraiment.
Flynn n’a pas voulu que je le soigne et que je me sacrifie pour lui. Alors il m’a coupé les cheveux, leur ôtant tout leur pouvoir tandis que la femme qui s’était fait passer si longtemps pour ma mère vieillissait à vue d’œil avant de basculer dans le vide, réduite en poussière.

Toujours aux côtés de Flynn, j’essaie qu’il reste en vie, en chantant encore pour ramener la magie, en vain. Il m’avoue que j’étais son nouveau rêve, d’une voix extrêmement faible, alors je craque. Je ne veux pas le perdre… Il était le mien aussi et il est mort dans mes bras. Mes larmes coulent et je me mets à chanter de nouveau afin de le faire revenir, mais ça ne fonctionne pas. Soudain, je vois une lumière jaune et très puissante venir de sa blessure et je ne comprends pas tout de suite ce qui se passe. Enfin il ouvre les yeux ! Moi qui croyais l’avoir perdu pour toujours et qu’il n’y aurait aucun moyen de le retrouver… ! Bien plus que soulagée, je me jette dans ses bras et notre étreinte est très forte et je suis enfin comblée.

Alors nous sommes retournés au royaume, déjà pour revoir mes parents qui ont invité Flynn à rester avec nous et tout s’est rapidement enchainé, nous nous sommes mariés et on s’est installé dans le même château que mes parents.



Un matin, je me réveille, face contre terre et la première chose que je découvre n’est rien d’autre que mes cheveux blonds sur un sol dur et gris très foncé. Des cheveux blonds ? Ce n’est pas normal. Flynn les avait coupés pourtant… Bien qu’ils soient bien plus courts qu’avant. Je tourne la tête et je ne reconnais rien, tout est différent, et Flynn n’est pas là alors je l’appelle en espérant qu’il me répondra mais la seule chose que j’entends est l’écho de ma voix.

Je parcours plusieurs villes à sa recherche, mais j’ai des difficultés à me repérer dans ce monde qui m’est totalement inconnu. Je demande aux gens s’ils l’ont vu, tout en leur dressant un portrait de lui à tel point qu’on pourrait l’imaginer à travers mes descriptions.

Bien sûr, je ne parviens pas à le retrouver alors je reste dans la ville où j’ai atterri, à Fantasia Hill, en espérant qu’un jour, il parviendra à me retrouver…