« Comme le début d'un rêve. »
C’est l’histoire d’un chiot au poil blanc acheté pour un paquet de papiers verts. C’est une histoire qui début tranquillement, dans un foyer aimant, avec une gamine s’occupant avec amour de l’animal. L’histoire se gâte lorsqu’elle commence à passer des castings pour devenir actrice, et qu’elle est sélectionnée pour devenir l’actrice principale d’une série TV populaire. On lui présente le scénario, on lui demande si elle désire que ce chien l’accompagne, ou si il y a besoin de lancer des castings pour chercher un chiot, mais elle consulte sa mère et décide de partager l’aventure avec son chiot de quatre mois. Alors qu’elle réalise son rêve, l’animal est jeté au beau milieu du monde du cinéma, où un animal reste un animal, et où tout est question d’argent. On le donne chaque jour pendant une heure à une toiletteuse qu’il déteste, qui s’occupe de lui : teint un tatouage en forme d’éclair sur son poil, lui coupe les poils, les griffes, le rend tout beau après des caméras… Et puis enfin on le ramène à sa maitresse pour qu’ils jouent la première scène : action. La série fait un tabac, toutes les petites filles rêvent d’avoir un chien super-héros, capable de créer des tremblements de terre rien qu’en aboyant. On fait même des figurines sous forme des deux héros, qui se vendent à prix d’or et que tous les gamins s’arrachent. Très vite, cette gamine et ce chien deviennent des phénomènes de foire, qu’on voit partout à la télé, sur les bus, même sur les immeubles. Ils sont invités sur les plateaux télés, adorés, admirés. Mais le chien lui, il ne comprend pas que tout ça c’est du cinéma. Il est persuadé que tout ce qu’il vit est totalement réel. Il pense vraiment pouvoir lancer des rayons lazers, courir extraordinairement vite et être une sorte d’immortel, tout ça parce qu’il ne meurt jamais à la fin de l’épisode. Ce chien est un idiot, sans doute, mais on n’a jamais fait l’effort de lui expliquer, et les réalisateurs de la série cherchent à le faire baigner dans ce mirage, parce que c’est du naturel qu’ils veulent voir à l’écran. C’est une bien triste histoire, salie par l’argent. Et le pire dans tout ça, c’est que c’est mon histoire.

« ...Ou un réveil en sursaut. »
Ce fut un accident qui m’amena à quitter cette illusion dans laquelle je vivais depuis toujours. Il avait suffis d'un jour pas fait comme les autres, où les chats, pour me faire une blague avaient ouverts la fenêtre de la caravane dans laquelle j'étais enfermé. Ce que c'est con, un chat, n'empêche. J'avais saisis ma chance, j'avais sauté et je m'étais sauvé, courant à toute vitesse dans la rue, persuadée que ma pauvre petite Penny s'était faite enlevée. Mais je n'avais rien trouvé de tout cela. J'avais trouvé des hommes portant de lourds engins noirs avec un œil de verre (les cameramans), d'autres avec de grandes perches munies d'une sorte de pompon en mousse au bout, mais pas de Penny. Je n'avais pas fais de liens, j'étais paniqué, je courrais partout. Je glissais dans un carton remplis de polystyrène, qui m'emmena bien loin d'Hollywood, et je commençais enfin mes véritables aventures. Le début fut difficile, très difficile. Il me fallut un long moment avant de réaliser que le monde que je connaissais n'était qu'une illusion, et que dans la vraie vie, un chien lançant des lasers n'existaient pas. Ce fut Mittaine qui me guida dans cette longue quête. Elle eu du mal, mais elle finit par me faire comprendre la vérité, ne perturbant pas pour autant mon projet de rentrer à Hollywood. Je ne vous raconterais pas nos multiples péripéties, tout le monde les connait. Et si ce n'est pas le cas pour vous, je ne saurai que trop vous conseiller d'aller vite vous procurer le DVD de mon histoire à la Fnac où je ne sais où... La Fnac c'est pas très cher je crois. M'enfin. Je fis la connaissance également de Rhino, cet hamster complétement taré qui me vouait un culte (je ne vais pas m'en plaindre). Mais finalement, en tout cas, je finissais par rejoindre le grand studio hollywoodien, qui entre temps avait pris feu. Je sauvais courageusement ma maitresse, la ramenait saine et sauve, et abandonnait toute vie dans le luxe du cinéma, pour me lier à une vie de chien presque banale, en compagnie de Mittaine et de Rhino. FIN.

« Miroir, miroir, qui est le plus chiot ? »
Fin ? Oh non. Du moins moi c'est ce que je croyais. Je m'étais habitué à ma condition de chien peu orignal, dans une famille...Peu originale. Seulement, la magie vint troubler tous mes plans, lorsqu'elle m'expédia hors de mon conte, parmi les humains, dans le monde réel. Je fus d'abord incapable de réagir, me retrouvant d'un coup projeté sur une terre inconnue. J'avais des bras, des jambes, des membres humains dont j'ignorais tout. Ce fut la première fois que je me vis dans la glace que j'eus le plus peur. Je n'étais pas laid, non, mais c'était juste que je m'attendais à tout sauf à ça. Il me fallut une bonne semaine avant que j'ose enfin repasser devant le miroir, mais finalement je m'habituais à ce nouveau corps. J'aurai pu tomber bien plus bas après tout. Mais bon, cela ne changeait absolument rien au fait que j'étais totalement perdu, et que je n'avais aucune idée de ce que je pouvais bien faire ici. J'étais seul, je ne connaissais personne... Du moins sur le moment. Je retrouvais quelques jours plus tard ma belle Mittaine, sublime sous forme humaine, qui m'aida à me cadrer, et qui me proposa de prendre un appartement tous les deux. Plus vieille que moins, du moins majeure, elle me prit sous son aile, et nous trouva un joli petit appartement. Je me demande aujourd'hui encore ce que j'aurai bien pu faire sans elle.

« Et soudainement, tout semble perdre son importance. »
«  Hey, Zack, tu écoutes quand je te parle oui ou non ? » Non. Non je n’écoute pas. Non, quelque chose m’en empêche.  Et pourtant j’aimerai écouter l’histoire passionnante de mon meilleur ami, j’aimerai rire à ses blagues et lui réclamer plus de détails mais, c’est impossible. Ca l’est parce que devant moi se trouve un terroriste, une bombe, un bandit, un démon. Un terroriste parce que quand je le vois, c’est comme si tout s’arrêtait autour de moi. Un bourdonnement sourd viole mes oreilles, le sol semble s’écrouler autour de moi : et soudainement, tout semble perdre son importance. Je le fixe comme un gamin de huit ans fixe la vitrine d’un magasin jouets. Je n’ai aucune idée de ce qui m’arrive, tout se passe en quelques secondes à peine, mais elles m’apparaissent comme une éternité. Comme il est beau. Ca, tout le monde l’avait remarqué. J’observe sa silhouette et ses cheveux charbons, son air décontracté, son teint parfait, ses yeux finement dessinés, ses lèvres –oh oui, ses lèvres- mais aussi, et surtout, le sourire qu’il m’adresse. Surement que pour lui, ce n’est qu’un geste banal, sans doute que pour la planète entière ce n’est rien, mais sur moi, ça fait un drôle d’effet. Est-ce que je deviens fou ? « Zack ! » Me rappelle à l’ordre Rhinon, qui fronce les sourcils et passe sa main devant mon visage, essayant de me faire réagir. Je frémis, avec l’étrange envie de lui déchiqueter la main. Elle me le cache, ça me rend fou. Je secoue la tête, tentant d’ignorer cette espèce de chaleur qui emplie mon cœur. « O-Oui je… Pardon. » Mon cœur se met soudainement à battre plus vite lorsque je l'entend rire, je ne peux empêcher mes yeux de l'observer à nouveau. Est ce vraiment permis d'être aussi beau ? Je mordille ma lèvre, inspire. Je suis totalement, et irrévocablement tombé amoureux de Lucifer Norris, sans songer à toute la merde que ce coup de cœur amènerait dans ma vie.

« ... Tout ça pour te dire que... » J'ai le souffle court, tout tourne dans ma tête. J'ai l'impression d'avoir trop parlé, j'ai peur de l'avoir ennuyé, j'ai peur que ce soit mauvais. Je n'arrive pas à croire qu'il est là, juste en face de moi. Je n'arrive pas non plus à croire de ce que je vais lui dire. Je ne sais pas comment j'ai réussis à trouver le courage de lui demander de me suivre plus à l'écart. Toujours est-il qu'il est là, les bras croisés et son regard de braise m'observant de haut en bas, et qu'il m'écoute. Est-ce que ma voix tremble ? Je n'en ai aucune idée. J'ai la sensation que toute ma vie se joue sur ce que je vais lui dire maintenant. C'est con, je suis con. En vérité je me fais pitié, je devrais juste me taire, m’excuser et faire comme si de rien était, oui, c'est ce que je vais fa... Et puis je croise son regard, et j'oublie toutes mes craintes, il me tient par le cœur sans même en avoir conscience, moi je vide mon sac. « ...Je t'aime, Luc. » Le bourdonnant revient d'un seul coup et assomme mes oreilles, je n'entend plus rien que ce bruit ainsi que les battements fous de mon cœur. Je fixe son visage, j'attend une réaction qui ne vient pas. Il ne parait ni surpris ni heureux, sa face parfaite reste telle qu'elle, comme si il n'avait rien entendu. Le désespoir s'empare d'un seul coup de moi, je me demande ce que j'ai bien pu faire de travers. Il balaye toutes mes craintes d'un sourire, puis se détourne, je reste planté là, comme un con, mais un con amoureux.

« Tu peux partir, je vais dormir maintenant. » lâche-t-il d’un bâillement, avant de me tourner le dos. J’hésite à lui demander de répéter, mais je réalise que ça serait une tentative vaine. Luc n’a honte de rien, il m’aurait redit la même chose. Mon visage perd tout sourire, et j’ai comme l’impression que l’espace d’un instant mon cœur vient de s’arrêter de battre. Je fixe son dos, lisse et musclé, et il me balance mon t-shirt sur le visage. Je cligne des yeux, déglutit, et comprend enfin. Ca fait mal. Très mal. Une boule se forme au fond de ma gorge, et j’ai la sensation que quelque chose se brise à l’intérieur de moi. De mes mains tremblantes, j’enfile mon t-shirt, puis remet mon caleçon en m’extirpant des draps. Lui ne bouge pas, j’ai même l’impression qu’il dort vraiment. En vérité alors, quand il m’a dit que je pouvais partir, ce n’était pas une proposition. Non, je dois partir, c’est différent. Mon visage est dénué d’expression, je me contente de le fixer, de remettre ma veste et mon écharpe, et de rejoindre la porte de sortie. Son odeur plane dans la pièce, je la reconnaitrais entre mille. J’en inspire un échantillon, pose ma minuscule main sur la poignet, hésite, puis finalement la presse pour quitter la pièce, sans un regard de plus. Je ne claque pas la porte, je ne fais pas de bruits, je ne casse rien. La colère ne me prend pas de suite, là je me sens tout autre chose. Je ne réalise pas tout à fait. Mes yeux parcourent le salon, j’attrape mes chaussures et les enfile, j’ai encore mal au cul. Je me courbe un peu en grimaçant. Je suis pitoyable. Une voix dans ma tête ricane sans cesse, j’aimerai la mordre, mais je n’en fais rien, je suis déjà assez lamentable. Ainsi, le cœur lourd, je quitte l’endroit, d’un pas rapide, comme si je voulais éviter de me retourner. Une fois dehors, le vent glacé frappe mon visage, et je ferme les yeux. Je serre mes poings tremblants contre moi, puis éclate en sanglots.

« On dit qu'il vaut mieux en rire qu'en pleurer, personnellement j'ai du mal à rire en pensant à ça. »
Enfin. Il y a des choses comme cela dans la vie, qui se déroulent mal. Parfois on a la sensation que le monde entier se met contre nous, alors qu'en vérité vous n'êtes rien pour le monde. Peut importe notre caractère, nous sommes tous égoïstes. Moi le premier. Je suis égoïste parce que je fais mon récit à la première personne, je suis égoïste parce que je raconte mon histoire et pas celle d'un autre. Alors je relativise. Je me dis qu'avec tout ce que j'ai bien pu traversé, ce n'est pas une petite histoire d'amour de pacotille qui réussira à me faire trembler.
Vous savez, je ne croyait pas aux contes de fées avant de venir ici. J'avais perdu tout espoir de magie en apprenant que le cinéma n'était qu'un amas de supercheries. Seulement, lorsque je me retrouvais à côtoyer des personnes comme Blanche Neige ou le nain de Fort Boyard, je me dis que la vie ne devait pas être si cruelle que ça, si un peu de magie y trouvait au fond sa place. Ainsi, du haut de mes dix huit ans d'âge humain, de mes 67 kilos, je relativise un peu quant à l'avenir. J'ai finis par me dire que chaque individu doit avoir sa dose de malheur, et de bonheur. J'attendais simplement la mienne, qui n'allait surement pas tarder. Mais ce que je ne savais pas encore, c'est qu'avant ce bonheur, arriverait un bon paquet d'emmerdes.