J'étais gardienne de donjon. Comme toutes les dragonnes de ma famille, tradition voyez vous, gardienne de donjon de mère en fille, n'est ce donc pas barbant ? On m'avait élevé dans cette tradition, et depuis la mort de ma mère je gardais fièrement le château dont j'avais hérité. Et devinez quoi ? Oui oui, bravo, il y avait bien une princesse tout là haut. Elle n'était pas farouche et ne me posait pas trop de problèmes. Moi je devais faire peur et effrayer le moindre inconnu qui s'approchait... C'est dans nos gênes à nous les dragons, oui oui oui, faire peur. Ma princesse là haut, Fiona, rêvait au prince charmant. Et secrètement, (vous ne dîtes rien hein ?!) moi aussi j'en rêvais. Bon bien sur, le prince charmant de mes rêves ressemblait plutôt à un dragon brûlant et musclé. Vous vous moquez ? C'est facile de penser qu'une dragonne ne peut rien ressentir... Figurez vous que c'est faux. Moi aussi je rêvais de caresses au réveil, de serments argentés, de balades au coucher de soleil, aile contre aile Pourtant, ce qui m'arriva sous la forme d'un prince charmant n'avait rien d'un dragon viril. C'était un âne. Un peu dodu, très bavard et tout collant, le voilà qui me regardait de ses grands yeux attachants et plein d'humour. Et je brûlais comme dragonne au soleil. A tel point que je laissais passer le prince (ogre dégoûtant) libérateur de la princesse (ogresse finalement...). Quand je vous dis que l'amour peut tout chambouler... J'avais failli à ma mission, et toute enflammée, sous le charme d'un bel âne, je laissais s'enfuir la princesse. Bien sur je m'en voulus et plus d'une flamme fut crachée ce soir là. Mais j'avais trouvé mon prince charmant. Je boudais pendant un bon bout de temps, mais l'âne revint me chercher, et je l'aidais à dépétrer la malentendu qui régnait entre l'ogre et l'ogresse et les épousailles entre eux furent faîtes ! Nous étions bons copains ensemble et l'âne et moi vivions un amour idyllique, je devenais une crème de dragon conquise par l'amour, même si je gardais parfois des mauvaises habitudes de méchants. Nous avions même comme projet de faire des petits bébés ânes/dragons un peu étranges. Mais nous étions heureux.

Et voilà que d'un coup d'un seul je me retrouvais dans un nouveau monde, privée de pattes, d'ailes et de flammes, me contentant de jambes, de bras et de salive ! Vous imaginez le choc pour une dragonne ? J'arrivais dans le monde réel, quittant avec regret, amertume et fureur le monde de dessins animés, et perdant ainsi tous mes pouvoirs et toutes mes caractéristiques. Loin de mon âne, en prime. (c'était ça le pire de tout, même si je ne l'avouerais jamais). Je mis du temps à m'habituer, et je redevins rapidement un peu furax, brutale, voire méchante, dans ce monde hostile et éloigné de mon petit protecteur hennissant et poilu. Je gardais cette vieille habitude de cracher du feu pour me défendre, mais je ne déversais qu'un filet de bave immonde, qui, sans effrayer qui que ce soit, dégoûtait tout le monde. Finalement je m'habituait à tout cela, ces habitudes étranges d'humain et ce monde plus vrai que nature, et je trouvais un travail dans mes cordes : cracheuse de feu. Quel bonheur de garder un certain contrôle sur l'ancienne moi que j'étais, même si cela signifiait avoir une haleine d'essence a longueur de journée ! Le cirque de Blaze m'embaucha, car j'avais depuis le début fais les yeux doux au dompteur. (demandez à l'âne, je suis très douée pour les yeux doux.). Et quoi, je ne le trompais pas (encore) ! Je me servais juste des cartes à ma disposition pour me faire une place chaude dans ce monde étrange. Bien sur, je pensais à ma bourrique, il me manquait ce petit mulet bavard dont j'étais folle. Mais je n'avais pas le temps de le chercher. Et surtout, j'étais trop fière pour le faire. A lui de se battre pour me retrouver ! Je lui avais déjà fais la cour une fois, cela suffisait. Je l'attendais donc. Et il ne venait pas. Et ça m'exaspérait. Plus je l'attendais, moins il venait, et plus j'étais furax et triste. Or, la tristesse se manifeste par un nombre incalculable de colères chez le dragon, ne le saviez vous pas ? Et même en étant humaine, je gardais mes habitudes, et il ne valait mieux pas me côtoyer dans les mauvais jours où l'absence de l'âne se faisait trop ressentir.

Dans le fond fond fond de moi même, j'avais peur qu'il m'ait oublié, qu'il ne m'aime plus, qu'il ne vienne pas, qu'il trouve une autre dragonne plus sexy.