Are you a wizard?

Feat Alfie

On dira ce qu'on voudra, mais les rues de Fantasia Hill au 21eme siècle et les rues de Paris au 15, c'est pas comparable. Certes l'odeur de pots de chambre et les crottins de chevaux sur les pavés ne lui manquaient franchement pas, mais la grisaille de la pollution n'était pas mieux. Cela faisait peut être plusieurs mois qu'il était là, il était à peu près habitué à ce univers radicalement différent, mais l'impression d'étouffer à chaque respiration le faisait encore tousser. Le bruit aussi - c'était peut être ce qui était le plus dur à supporter. L'incessante cacophonie de la ville, des voitures, des boutiques... Il en avait eu des maux de crâne, à son arrivée, et pourtant dieu sait qu'il détestait le silence. Il n'avait pas l'air si déplacé que cela, cependant, dans la foule. Il y avait tant de monde ce jour là dans les rues du centre qu'il n'était même pas sûr qu'on l'aurait remarqué avec son vieux costume à clochettes jaune. Et pourtant, c'était pour ça qu'il était venu dans le quartier: pour attirer l'attention.

Au croisement d'une ruelle pratiquement pas empruntée, il avait posé son petit bric-à-brac. Ce n'était pas grand chose - juste quelques objets de magie et un vieux chapeau pour récolter l'argent - mais il comptait bien renflouer son maigre compte en banque, parce qu'il n'était pas sûr d'avoir de quoi manger pendant une semaine seulement. Clopin avait toujours préféré les tours avec le moins d'objets, car ils étaient selon lui les plus impressionnants. Les magiciens les plus extravagants, avec leurs scies et leurs boîtes à disparaître n'étaient pour lui que des arnaqueurs. Cacher quelqu'un ou quelque chose dans une immense boîte loin des spectateurs? Facile. Faire disparaître quelque chose à mains nues juste devant leurs yeux? Voilà qui était nettement plus magique - et difficile à réaliser.

Ainsi, il avait commencé à apostropher les passants, un art dans lequel il était passé maître avec le temps, sa voix forte s'élevant au dessus des sons de la rue.

- Mesdames, messieurs, quelques secondes de votre temps contre un peu de magie! Des tours jamais vus auparavant, devant vos yeux! Pas de trucs, pas d'arnaques! Approchez, approchez!

Certains curieux qui l'avaient entendus, des jeunes, majoritairement, commencèrent à s'approcher timidement. D'autres lui lancèrent un regard dédaigneux, mais il n'y prit même pas attention. Il avait trop l'habitude de les voir braqués sur lui. Il lança un sourire à ses premiers spectateurs et leurs présenta ses mains nues, les retourna et brandit un foulard qu'il avait fait "apparaître". Il lança le foulard, le laissant redescendre lentement quelques instants, avant de le saisir vivement. En un instant, le foulard avait été remplacé par un petit bouquet de fleurs de la même couleur.

Ce n'était certainement pas de la "grande" magie, mais cela faisait toujours son petit effet, surtout vu de près. C'était peut être le plus vieux tour qu'il connaisse, et en voyant la réaction des quelques personnes devant lui - un jeune laissant même échapper une exclamation de stupeur - il ne put s'empêcher d'avoir un sourire en coin. Après avoir enchaîné quelques autres petits tours - une pièce apparaissant derrière une oreille, une carte à jouer dans une poche arrière, une montre qui disparaît - il finit par saluer sa petite audience.

Il avait appris malgré lui qu'il ne fallait jamais éterniser un spectacle de rue, car plus le public se lassait, moins il était généreux à la fin. C'était bien mieux de s'arrêter avec un public captivé et concentré, car il était plus apte a récompenser l'artiste, quitte à en demander encore. Cette fois, cependant, tandis qu'il passait son chapeau, il retint un soupir exaspéré devant la radinerie des gens. S'il y avait une chose qui n'avait pas changé, entre son ancienne vie et celle-ci, c'était bien cela. Il s'apprêtait à rappeler de nouveaux spectateurs lorsqu'il remarqua qu'un jeune homme ayant assisté aux tours ne l'avait pas quitté les yeux et le regardait fixement, la bouche légèrement ouverte et l'air complètement abasourdi. Clopin leva un sourcil inquisiteur. Qu'est ce qu'il lui voulait?

Gotta get back to hogwarts !

clofie

« KYLE LE GROS NAZE, KYLE LE GROS NAAAAAAZE ! » Tu t'écriais, alors que vous vous étiez encore arrêté en pleine répétition de votre groupe Stupid Yellow Stuff. Vous n'avanciez pas, à chaque fois Kyle faisait sa diva, et allait qu'il arrêtait pour la cinquième fois la chanson pour vous faire des reproches. Qu'il aille se faire voir tu pensais, alors que tu n'étais pas forcément quelqu'un de très vulgaire – d'ailleurs, « gros naze » était ta plus grosse insulte. Alors t'es parti, dans ton onesie pikachu tout jaune, et t'étais peut-être pas aussi mignon que les filles le portant dans les pubs, mais tu adorais le mettre et c'était tellement confortable. C'était vrai, porter cela en pleine rue n'était pas vraiment ce que l'on pouvait voir le plus, mais toi t'étais comme ça, tu portais tout et rien, que ça aille ou que les couleurs soient dépareillaient, il n'y avait pas de ringardise. T'étais juste en train de marcher dans la rue, tu voulais juste te calmer. Et puis tu l'entendis. « Mesdames, messieurs, quelques secondes de votre temps contre un peu de magie ! Des tours jamais vus auparavant, devant vos yeux ! Pas de trucs, pas d'arnaques ! Approchez, approchez ! » Magie ? Tu tiquais en entendant ce mot, si familier à tes oreilles. Tu aimais la magie toi, mais malheureusement, malgré tes efforts, il semblait ne pas en y avoir des masses ici. Ce qui t'avait transporté dans ce monde était sans aucun doute quelque chose de magique, de pas banal. Tu te disais que peut-être, on t'avait rendu humain pour une raison, et qu'en lisant tes précieux livres, tu l'avais trouvé. Tu étais magique, tu le sentais en toi, mais Fantasia Hill n'était pas vraiment l'endroit rêvé pour pratiquer. Pourtant, lui te proposait de l'admirer faire des tours. Il était là, à la vue de tous, et il allait faire quelque chose de spectaculaire, juste devant tes yeux. Il fallait que tu vois ça. Tu te regroupais donc parmi les premiers, afin de bien observer le monsieur, et tu ne pu retenir un rire en voyant sa tenue légèrement folklorique. Il avait des clochettes jaunes, sur toute sa tenue, qui attiraient tes yeux, et tu pensais que lui au moins, il était comme toi, il n'avait pas peur du ridicule – même si tu ne comprenais pas comment quelqu'un pouvait se moquer de tes si belles tenues. Tu attendais avec impatience qu'il commence, ne faisant guère attention à son sourire de charmeur. Il levait ses mains nues, et puis c'était parti pour quelques tours. Tu avais du mal à y croire, car il était si talentueux. Le pire dans tout ça : c'est qu'il réalisait ses tours sans même avoir besoin d'une baguette magique, alors qu'à Hogwarts, il n'y avait peut-être que les grands sorciers comme Severus Snape qui pouvaient lancer des sorts à l'aide de leurs propres voix seulement. Ça voulait dire que ce maître devant toi était puissant, et surement très respecté dans son art. Et toi, t'étais là, ayant la chance d'assister à sa représentation. Tes yeux étaient braqués sur ses mains, et tu le voyais faire apparaître un foulard, pour qu'ensuite il laisse place à un beau bouquet de fleurs. Ça te donnait des idées de voir ça, tellement d'idées. Ton esprit divaguait un peu, et tu te demandais s'il pouvait faire ça aussi en faisant apparaître des bananes – de belles, grosses et succulentes bananes bien jaunes, juste pour toi. Surement qu'il le pouvait. Et toi aussi, quand on te laissera étudier à Hogwarts, tu finirais par faire apparaître des bananes quand ça te chante, sans jamais être en pénurie. Tu reportais ton attention sur le drôle d'homme, ne voulant rien rater de tout ça. Il continuait à faire quelques tours, tout aussi impressionnant, et puis, il vous saluait. Tu tâtais tes grandes poches, mais tu n'avais aucun sous à l'intérieur, seulement une banane en encas que tu ne comptais partager avec personne. Tu continuais tout de même à le fixer, sans voir autour de toi que les personnes retournaient toutes peu à peu à le train-train quotidien, mais toi, toi tu ne pouvais t'y résigner, pas après être tombé sur lui. Ton expression devait avoir l'air un peu bête, peut-être un peu creepy, mais tu étais étonné et émerveillé à la fois, ta bouche ouverte comme pour gober des mouches. Et il te remarquait après un moment, mais tu bougeais pas, et il finissait par lever un sourcil – et merde, il serait temps que tu dises quelque chose non ? Il allait déjà avoir une mauvaise image de toi et t'avais rien à faire pour ça. « Bello ! » Tu commençais donc, un grand sourire mignon sur les lèvres. Tu t'approchais, faisant quelques pas vers lui, penchant ta tête sur le côté. « Dis, t'as dû étudier à Hogwarts toi non ? » Tu commençais, parce qu'être aussi fort, c'est qu'il avait surement dû aller là-bas – où à Durmstrang. Tu voulais pas trop faire le lourd – tu ne le connaissais pas après tout – mais quand même... Le rencontrer, lui, c'était peut-être la chance de ta vie. « T'y retournes parfois ? Parce que j'aimerais y aller moi mais j'ai toujours pas reçu ma lettre... » Tu continuais, une petite moue triste sur le visage. Foutues chouettes.

Are you a wizard?

Feat Alfie

Il le fixait toujours, avec son air abasourdi et sa bouche entrouverte. Clopin résista un moment à passer sa main devant ses yeux pour vérifier qu'il était toujours conscient, parce qu'il avait l'air franchement bloqué. Dans les quelques secondes de silence qui le mirent, il est vrai, assez mal à l'aise ,bien qu'il ait l'habitude pour diverses raisons qu'on le fixe de la sorte - son excentricité, son teint foncé ou qui sait, son charme naturel -. Ce qui n'était pas courant était le jeune homme en face de lui. Que diable portait-il exactement? Clopin n'était pas vraiment au courant de la mode de ces jours-ci, mais c'était bien la première fois qu'il voyait quelqu'un porter un costume jaune fluo hors d'un jour de fête. Etaient-ce des oreilles sur sa tête?!

Cet accoutrement aurait fait questionner n'importe qui la santé mentale du jeune homme, mais certainement pas lui. Il n'était pas du genre à critiquer l'excentricité, plutôt même à l'encourager, car dieu savait qu'elle était rare. Ainsi, le gitan prit tout de suite un certain intérêt pour le garçon - il avait quoi, la vingtaine? Qui semblait bien plus intéressant que le reste de la foule qu'un avait croisée jusqu'ici. Et les premiers mots prononcés par celui-ci ne firent rien pour atténuer sa curiosité.

« Bello! » S'exclama-t-il, s'approchant légèrement avec un sourire. Clopin n'était pas sur de quelle langue il s'agissait, mais il avait compris l'idée. Il souleva légèrement son petit chapeau noir - ridicule comparé à ce qu'il avait l'habitude de porter , un sourire sur le visage.

« Dis, t'as dû étudier à Hogwarts toi non ? T'y retournes parfois ? Parce que j'aimerais y aller moi mais j'ai toujours pas reçu ma lettre... »

Hogwarts? Etait-ce le nom d'une école ou d'une chose informe? Le mot n'avait pas plus de sens pour lui que le garçon qui semblait sortit tout droit d'une autre planète. Il fallait tout de même venir de très loin pour penser que Clopin ait pu étudier dans une école quelconque. Si le gitan fut confus par la question, il le masqua vite et répondit d'un ton ironique.

« J'ai bien peur que la magie  ne s'apprenne pas comme la littérature, mon jeune ami! Et quand à cet Hog... Hogouarts, là, je n'en ai jamais entendu parler, j'en suis désolé. »

Mais il y avait quelque chose à propos du regard émerveillé du jeune homme - un espoir, une attente, il ne savait pas trop - et Clopin réalisa trop tard qu'il venait juste de le réduire en miettes. N'était-ce pas le travail du magicien de faire croire jusqu'au bout aux spectateurs que tout était possible? Quoi que soit cette chose, elle avait l'air très importante pour le garçon, et s'il y avait une chose qui pouvait attendrir le vieux gitan qu'il était, c'était un gamin émerveillé. Il semblait que ces derniers temps, il soit beaucoup plus conscient de ses actes et de leurs conséquences, choses qui ne l'importaient peu par le passé. C'était peut être le fait d'avoir changé de vie - radicalement - ou bien tout simplement était-ce le moment de faire le point dans sa vie et de réaliser les nombreuses erreurs qu'il avait faites.

Et le jeune homme devant lui, accoutré comme un danseur à la fête des fous, lui donnait une parfaite occasion de prouver qu'il avait bel et bien décidé de changer.

« Mais je vois que vous semblez intéressé par la magie! Vous savez, vous semblez du genre doué pour ces choses là. Que diriez-vous d'essayer un tour? »

Un grand sourire sur le visage, Clopin lui présenta un paquet de cartes pour qu'il en tire une.