Qui aurait pu croire qu’un animal et un homme puisse se lier d’amitié de la sorte ? Il m’a recueilli alors que je n’étais qu’un bébé renne. A vrai dire peut-être que c’était simplement pour le travail, je lui étais bien utile dans la carrière d’extraction de blocs de glace. Pourtant, dès que nous sommes croisés, ça a été une amitié fusionnelle qui s’est liée entre nous deux. Un simple regard, et nous sommes devenus les meilleurs amis du monde, liés dans l’adversité, dans le monde dans lequel nous vivions, c’était compliqué, Kristoff étant de naissance plutôt pauvre, c’était compliqué. Alors j’ai fait de mon mieux pour le soutenir, faisant l’idiot dès que je le pouvais afin de lui changer les idées. Tout petit j’ai déjà plutôt amusette, et surtout j’adorais déjà les carottes, si je pouvais en manger tout le temps je le ferais, heureusement qu’on me faisait des restrictions, sinon j’aurais eu le ventre qui trainait au sol même si je faisais beaucoup d’exercice par mon travail. J’étais toujours là, juché dans la vie de mon maître pour lequel je n’avais que d’yeux. J’aimais bien ces moments où nous étions que tous les deux, entrain de courir dans les grandes étendues de neiges, ne pensant à rien d’autre que nous amuser. Mon seul regret était de ne pas dormir avec Kristoff, j’étais obligé de rester dans l’étable de sa famille, et je me sentais bien seul, un peu trop d’ailleurs. Mais dès le matin j’oubliais ma peine, trop heureux de retrouver mon maître, recommencer une journée, manger des carottes, travailler, courir, m’amuser, un train-train quotidien qui me convenait très bien, c’était tout ce que je connaissais, jusqu’à ce que le monde commence à devenir très froid. Plus que d’habitude ; la neige est tombée drue et même moi avec ma fourrure je frissonnais, un comble pour un animal habitué à vivre avec des températures assez basses.


C’est à partir de l’hiver magique que tout a commencé. Ou plutôt que mon calvaire a débuté. Si seulement on n’avait pas croisé la route de cette fille. Une rousse dont mon maître s’est tout de suite entiché. Je ne sais pas ce qu’il lui trouvait d’ailleurs, mais passons. Toujours est-il que nous avons été obligés de sauver le monde, vous savez, un peu comme des super héros, au départ on devait juste aller voir la sœur de la rousse, celle qui a tout provoqué, sauf que ça a mal tourné. De toute manière la première fois ça finit toujours mal. Nous voilà donc parti voir les « parents » de Kristoff ; oui pour la petite histoire, Kristoff a perdu ses parents quelques années auparavant et ce sont des petits trolls qui l’ont élevé. A partir de là, retour au château pour que la rousse ait le baiser d’amour de son fiancé. Sauf que badaboum, ça craint encore. La deuxième fois aussi ça foire. Elle se fait trahir par celui qu’elle pensait être l’élu de son cœur. Quel tristesse ; sauf qu’en bon renne et voyant que mon maître était triste, je l’ai forcé à y retourner pour aider la rousse qu’il aimait. Non, mais je suis trop gentil, je le sais, pourtant, c’est ma nature de vouloir le bonheur de mon maître, je n’y peux rien. Voilà, l’histoire finit toujours bien, Kristoff et Anna – la rousse – se sont mariés, et étaient prédestinés à avoir des enfants. Mais j’avais toujours le plaisir de travailler avec lui avec les blocs de glaces, mais tout a changé, ça a changé, et pas en bien. Il m’a oublié, enfin pas vraiment, mais ce n’était plus comme avant. On n’allait plus courir sur de longues distances, on ne plaisantait plus comme avant, il ne me jouait plus de musique même s’il avait une voix plutôt désagréable. Tout cela me manquait, et j’ai peine à le dire, mais j’attendais un miracle, n’importe lequel, mais pourvu que tout redevienne comme avant. J’étais loin d’imaginer la suite.





J’ouvre les yeux, ce que je vois me semble familier, une forêt, pourtant quelque chose ne va pas. J’ai froid. C’est anormal. Je referme les paupières pour voir si cette sensation va s’en aller, mais non. Puis chose étrange étalement, je ressens comme des cheveux qui me tombent au-dessus des yeux. Je tente de me relever et quand je me mets sur mes quatre pattes, ça cloche. Quand je vois des doigts au bout de mes… mes bras, je me mets à hurler dans ce qui semble être une forêt. Tandis que je me relève, je ne fais pas bien attention et j’ai énormément de mal à marcher, en prime je ne sais pas où je suis, et c’est le bordel dans ma tête. Moi qui avait l’habitude que tout soit clairement rangé, là je pense à un tas de truc en même temps. Si bien que je finis par arriver sur ce qui me semble être une route et finis par m’évanouir dessus. J’ai juste le temps de voir et d’entendre des grands bruits et quelqu’un gueuler : « C’est quoi ce bordel ? Pourquoi il est à poil en plein milieu de la route lui ? » Puis plus rien, plus rien pendant un temps indéterminé. Je serais incapable de dire pendant combien de temps je suis resté dans le noir, sans pouvoir entendre, sans pouvoir bouger. Et quand j’ai rouvert les yeux, j’ai remarqué que j’étais dans un hôpital. On m’a demandé qui j’étais, j’ai répondu Sven, sans hésiter, après tout c’était mon prénom non ? La femme semblait satisfaite. « On vous a trouvé sur une route, nu. Vous savez pourquoi vous étiez nu dans la forêt ? » Je secoue la tête négativement, je n’en ai aucune idée. Après des questions diverses et variées, j’ai pu sortir, on m’a indiqué un endroit où je pouvais aller loger et on m’a donné une tenue pour que je puisse sortir de façon décente. Les vêtements c’est nul, et ça gratte. Je me suis rendu dans le meli melo house, et là, on m’a dit que j’avais droit à une chambre et qu’on me logeait. Je n’ai pas tout compris, mais j’ai fait confiance, un peu comme avant à vrai dire. Il m’en aura fallu du temps, à peu près une semaine pour comprendre tout ce qui se passait. Et une chose m’a angoissé, si je suis-là, Kristoff doit l’être aussi, et pour une raison étrange, rien que cette idée fait battre mon cœur un peu plus rapidement. C’est dur à expliquer, mais c’est la réalité. Et une chose que j’ai dû apprendre à faire aussi : lire et écrire, apparemment c’est compliqué, je n’ai pas trouvé ça dur, enfin je ne comprends pas forcément tous les mots, mais comme je lis énormément et que je m’intéresse à tout, j’ai finis par avoir un niveau normal en langue. Enfin reste toujours le problème Kristoff, que je n’ai toujours pas retrouvé, et je commence à avoir peur de ne pas y parvenir.

Un des pires sentiments qui puisse exister, je crois bien que c’est celui de la solitude ou de l’abandon. Car oui, c’est un peu ce que je ressens, j’ai l’impression qu’il m’a abandonné et qu’il ne souhaite pas me retrouver, après autant de temps, pourquoi ne m’a-t-il pas retrouvé ? Je l’ai cherché partout moi, mais impossible de mettre la main sur lui, j’ai beau avoir demandé aux gens s’ils n’avaient pas vu un grand blond avec un air un peu hagard, mais non rien. A croire qu’il n’a pas été transféré dans ce nouveau monde avec moi, pourtant je sais que c’est arrivé à d’autres personnages d’histoires pour enfants donc il devrait être là théoriquement. Peut-être que ça ne servait à rien de chercher, parce qu’il a suffi d’un jour, d’un seul et j’ai été surpris. Tout ce que l’on souhaite peut arriver rapidement vous le saviez ça ? J’avançais dans la rue quand j’ai percuté quelqu’un parce que je ne regardais pas où j’allais. Un simple regard, et nous sommes redevenus ces meilleurs amis. Je n’ai pas hésité deux secondes, tant pis si ce n’était pas lui, mais je l’ai pris dans mes bras, je l’ai serré et je ne l’ai pas lâché. Je l’ai serré tellement fort que je sentais son cœur battre contre mon torse. Je me suis éloigné et lui ai léché la joue comme je le faisais avant. « Kristoff ! » Je suis vraiment heureux de retrouver mon meilleur ami, mais en même temps quelque chose me chagrine… Une chose que je ne comprends pas vraiment.  Parce que tout cela c’est nouveau pour moi, je veux dire, les émotions, les pensées, les sentiments, alors je ne pourrais pas mettre de mots là-dessus. Nous nous sommes revus beaucoup de fois, on a discuté de choses diverses et variées et j’ai appris quelque chose qui m’a perturbé. Anna a planté Kristoff dans le nouveau monde, elle est en couple avec quelqu’un d’autre. Je suis donc partagé entre deux sentiments : je l’adore parce que du coup j’ai Kristoff pour moi tout seul ou alors je la déteste parce qu’elle lui a fait du mal. Mais quoi qu’il en soit, je dois être là pour lui, c’est tout. D’autant que plus le temps que je passe avec lui défile, plus je crois qu’il y a quelque chose qui déconne en moi.