PROLOGUE -
Alice...De quoi te souviens-tu ?-
De rien...Mensonge...-
Sais-tu pour quoi tu es là ?-
Non.Mensonge...-
Alice...Alice ? Veux-tu une tasse de thé ?Son visage sembla être illuminé par un cierge censé ouvrir les portes de la liberté, censé rassuré et redonner de l'espoir...de la vie. Ses petits yeux ronds se précipitèrent pour capter l'image près d'elle. Près de son lit dévoilant sa crise...son cachot. Ses lèvres roses et humides se décolèrent de stupéfaction laissant l'issue ouverte pour de nouvelles bouffées d'air chaud...d'air de prisonnier.
Il était là...
il l'avait retrouvé, elle si perdue dans ce monde...si minuscule.
Lui, avec son grand chapeau vert usé et ses cheveux blancs ressortant vainqueurs, en bouclettes, d'une lutte acharnée contre leur chute.
Lui, avec sa tasse de thé et son expression de gaieté mêlée à l'incompréhension...
Il était revenu vers elle...
Il la sauverait de cet endroit maudit...
Le Chapelier Fou paraissait comme une once d'espoir, comme l’élixir pouvant la ressusciter. Elle en avait les larmes aux yeux ! Jamais ils ne l'avaient laissé tombé...Jamais...il suffisait qu'elle insiste un peu plus sur les substances étranges et loufoques qu'elle inhalait...ces choses étaient sa seule issue pour retrouver son monde à elle, l'univers dans lequel elle appartenait.
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Alors Alice, un peu de sucre avec ?Cette voix...cette voix perçante et tellement drôle à la fois lui avait tellement manqué. Oh tellement malheureusement qu'elle était contrainte de s'endormir pour la réentendre dans ses rêves. Les perles de son corps roulèrent sur ses joues, et comme des vagues, emportant dans leur folle course, le mascara et le crayon noir qu'elle avait autours des yeux. Elle n'y croyait toujours pas. Il était revenu...ou alors elle l'était...
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Alice ?Le timbre changea alors en quelque chose de plus grave, plus sombre, plus triste et monotone. Elle fronça les sourcils...elle ne comprenait pas...qu'est-ce qu'il lui arrivait ? Où étaient passées les couleurs de ses mots ? Non elle ne voulait pas de gris...de morose. C'était d'un ennui, d'un cruel ennui. Ses yeux commencèrent à abandonner peu à peu l'image de gaieté, formant des lignes d'où l'on pouvait apercevoir un homme assit.
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Alice ?!Elle s'assit soudainement, voulant empêcher la Réalité de reprendre ses droits. Elle ne voulait pas quitter cet instant de joie. Elle en avait marre de se battre seule...elle ne voulait plus. Comme une vieille radio, le son se mêla, laissant parfois place à la voix aiguë et enfantine du Chapelier et parfois laissant la voix grave de l'homme prendre le dessus. Comme une vieille télévision, l'image se brouilla hésitant entre faire apparaitre la folie ou le réel. Puis plus rien...juste le corps assit de l'humain...juste le visage sérieux et inquiet de cet inconnu. Elle scruta ses membres peut-être ayant encore l'espoir de voir son ami...peut-être qu'il allait sortir gagnant de cette guerre...mais non...plus rien ne se passa. Plus rien. Il fut trop faible pour résister.
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Comment te sens-tu ?-
Bien...Mensonge...Elle baissa les yeux et s'allongea de nouveau, s’abritant encore une fois sous sa carapace lui étant enchainée...
***
Compte rendu du Psychologue :Alice est une drôle de fille. Une personne vraiment à part des autres cas que j'ai pus traiter. Elle est un mélange d'un être tout à fait capable d'être accepté dans la société, pour ne pas dire "normal", (nous allons peut-être employer "sans problèmes psychologiques", cela fait beaucoup plus commode) et d'un être "ombragé". Je me répète mais il n'y a pas de description à offrir, aujourd'hui encore, elle s'est assise, m'a fixé d'un air incrédule avant de baisser la tête et de se rallonger. C'est tous les jours ainsi. Comme si elle avait soudainement aperçu le paradis avant de revenir à la réalité. Et le pire, c'est qu'elle refuse de m'en parler, non, elle préfère ne rien dire et soutient le fait qu'elle ne se souvient de rien. Chose étrange puisque je lui pose la question généralement juste après sa "transe". Je préfère ne pas insister de peur qu'elle ne se renferme sur elle-même encore plus ou qu'elle se mette en colère et m'agresse mais quoi qu'il en soit, ses professeurs m'ont fait remarquer qu'elle était toujours dans cet état. Du moins pendant quelques secondes. C'était comme si, par je ne sais quel miracle, on allumait son visage, puis l'éteignait...Je ne peux rien dire de plus, rien...de toute manière elle refuse de s'ouvrir aux autres, comme si elle avait un grand secret à cacher, comme si elle ne voulait rien partager d'elle-même. Oui, en effet...Alice est un drôle de personnage...
***
"Et je tombais, encore et toujours, plus lourde que jamais, mon corps étant attiré vers le fond comme une abeille était attirée par du miel. Tout était noir et poussiéreux...La curiosité...voilà ce que me tirait à présent vers le bas...L'envie de savoir où était passée ce petit lapin blanc...Rose m'aurait dit de ne pas approcher de trop près...mais je l'aurai tout de même fais. J'étais incontrôlable, je faisais comme bon me le semblait parce-que je pensais que la réalité n'avait aucun sens. Parce-que je voulais que la réalité se transforme en quelque chose d'extraordinaire, qu'il y ait des étincelles dans les yeux des gens, des sourires dessinés sur leurs lèvres...Qu'il y ait de la magie et des couleurs. De la joie et du bonheur. La raison aurait dû me retenir...mon instinct aurait dû agir ! Ils étaient idiots et ne me servaient à rien ! Pourquoi ce genre de choses n'arrivaient qu'à moi ? Pourquoi devais-je être toujours celle qui se faisait punir ou crier alors que les autres s'en tiraient de justesse ? Pourquoi mes robes étaient-elles toutes toujours tâchées de boue ? Pourquoi étais-je simplement les chaines de ma sœur, le désespoir de la famille, le contre-exemple de l'éducation et la honte de l'Angleterre ? C'était toujours mon cœur qui s'emballait le plus...d'ailleurs ce dernier battait la chamade, il s'affolait dans la cage que formait mes côtes...Il voulait lui aussi s'enfuir, et ne plus être prisonnier. Il était peut-être fatigué de mes bêtises ? Peut-être qu'il en avait lui aussi assez de moi ? Ou souhaitait-il juste la même chose que mon être : la liberté ? C'est sur ces questions, sur ce manque de réponses, que mes jupons bouffants, se déployèrent. J'avais l'impression d'être l'une des ombrelles de mère...J'aurai pus en rire si je ne me retrouvais pas au milieu d'un trou sans fin. Ce n'était que des ombres, encore et encore le néant. Ça en devenait plus ennuyant, qu'effrayant ! Pourtant des rayons de lumière tracèrent leur chemin sur les parois terreuses, éclairant ma prison quelque peu. Ils changèrent d'abord de couleur puis redevinrent blancs...avant de ne recommencer leur cycle comme les saisons...Tout était structuré dans la vie. Tout avait une place spéciale et si jamais quelque chose ne se passait pas comme prévue, les personnes commençaient à s'agiter pour trouver le pourquoi du comment...Je me lassais de cette monotonie...là aussi...ça devenait long et j'attendais presque la fin de ce châtiment ! Quand soudain, une silhouette attira mon attention...elle s'approchait de moi...de où pouvait-elle bien remonter ? Oh ! Peut-être que du vent soufflait en dessous ! Voilà pourquoi ma jupe s'était arrondie ! Je scrutai cet objet au peigne fin quand il s'approcha et la lumière s'intensifia avec. Une lampe !! C'était donc une lampe !
Oh Dear...Comme j'ai pus être stupide ! C'était tellement logique ! Le lapin avait besoin d'une lampe pour voir dans son terrier ! Si seulement Dinah pouvait voir ça ! Elle serait aussi stupéfaite et amusée que moi. Voilà un voyage qui s'annonçait ENFIN intéressant. Peu à peu, d'autres objets défilèrent devant mes yeux, comme des armoires, des fauteuils, dans lesquels j'ai voulus m'asseoir, des livres, des tables me présentant leurs délices, d'ailleurs, j'avais volé un cupcake au petit animal, il n'allait surement pas m'en vouloir...C'était tellement drôle que je ne m'aperçus que très tard que je n'étais plus une ombrelle, seul un petit "oh" de surprise m'échappa...Quel dommage...les merveilles étaient disparus je recommençais ma longue chute qui me menait finalement nul part..."
*****
«
Si je pouvais posséder un monde, il n’aurait aucun sens » murmura t-elle à son chaton, les yeux pétillants de rêves traversant son esprit enfantin. Alice avait toujours cet air malicieux ancré sur son visage de poupée. Un air qui lui accordait les grâces de la ruse et la beauté d’un angelot riant aux éclats d’un coup dont il était fier. Elle possédait ce petit sourire en coin qui marquait ses longues journées de bêtises et ces joues rosées qu’on adorait embrasser. Ses longs cheveux blonds souvent emmêlés, malgré les heures que passait la domestique à les coiffer, retombait lourdement sur ses hanches, semblables à une cascade. Même si au premier coup d’œil elle paraissait être un boute-en-train, Alice avait des manières et des principes dont elle était fière. On pourrait ricaner de plaisir en voyant cette petite Lady s’asseoir ou marcher mais elle se distinguait bien de presque toutes les filles de son âge par son élégance, sa légèreté et son charisme. Tête haute, dos bien droit, mains croisées sur ses jupes, cette enfant avait tout d’une aristocrate. Pourtant, dès que les grandes personnes se retournaient, elle était la première à se rouler dans la boue, courir dans les champs, grimper aux arbres, s’allonger sur l’herbe, sauter dans les flaques d’eau et se baigner dans le petit lac près de chez elle. Elle était très bonne pour donner des conseils mais extrêmement maladroite quand il s’agissait de les suivre ! Alice avait tout d’une gamine profitant de son enfance. Et c’était la vérité. Elle s’éloignait souvent des chemins battus par ses parents et l’éducation pour prendre les sentiers les plus dangereux. Elle était intriguée par ce que l’on pouvait y découvrir. Curieuse de voir ce que l’ombre cachait sous ses jupons, ce que la nature renfermait derrière ses portes vertes...Avec son regard innocent et emplie de vie, elle ne cessait de scruter ce qui l’entourait. Elle était d’ailleurs dotée d’un très grand sens de l’observation ! Mais pas tellement d’orientation. Elle avait cette mauvaise manie de suivre n’importe quoi et par la suite ne plus revenir sur ses pas, et au contraire, s’enfonçait dans un gouffre. C’est pour ceci que sa sœur, lors d’une leçon de moral, lui avait conseillé, si jamais elle se perdait de nouveau, de rester à la même place et attendre qu’une personne la retrouve. Elle avait simplement hoché de la tête et était partie longer le long de la rivière avant de ne plus retrouver son chemin une nouvelle fois ! Et puis elle se perdit de nouveau...mais cette fois-ci quelque part où l’on ne pouvait plus revenir...Quelque part où il n’y avait plus d’entrer ou de sortie une fois à l’intérieur. Un cachot de couleurs et de joie, l’enfermant dans un univers tout à fait semblable à son esprit quelque peu farfelu. «
Si je pouvais posséder un monde, Oh oui Dinah si seulement je pouvais m’y trouver en ce moment même, il n’aurait aucun sens... » murmura-t-elle cette fois-ci avec plus d’entrain et d’espoirs. Un grand sourire s’afficha sur son visage délicat et, le bateau pour le pays Imaginaire étant déjà partit, elle sauta de l’arbre d’où elle était perchée et s’improvisa capitaine d’un long voyage...Un très long voyage...Et c’est ainsi qu’Alice, en suivant sa curiosité et non sa raison, atterrit au pays des Merveilles. A partir de là, tout le monde connait ses péripéties ! Car la nouvelle avait fait le tour du monde ! Elle en parlait tellement que les dames en riaient et sa sœur soupirait. « Quelle est mignonne...Oh et Bon Dieu ! Quelle imagination elle a là ! » disaient-ils tous, tout en souriant en dévoilant leur dents tordus et blanches. Personne ne la croyait. Personne. La pauvre Alice, n’abandonnant pas son aventure même en grandissant, fut prise pour une folle, une bonne à mettre dans un hôpital psychiatrique...Et c’est ce qui aurait put arriver si elle ne se tut pas à jamais, recouvrant ses yeux reflétant les merveilles qu’elle avait vu, d’un voile triste et commun à tous : le regret.
“You know what the issue is with this world? Everyone wants a magical solution for their problems, and everyone refuses to believe in magic.”
— The Mad Hatter
« Reality is a prison, only Dreams can deliver us... » Son regard dévia su le sol après avoir contemplé le ciel pourpre, semblable aux douces teintes que prenait parfois la lumière projetée par l’Or Céleste. L’herbe était verte comme les bonbons qu’elle dégustait avec plaisir, et les chemins étaient encadrés par d’énormes champignons multicolores. L’ensemble relevait du fantastique...Les oiseaux étaient semblables aux coucous des horloges, les papillons détenait des ailes en tartines beurrées, et les fleurs chantaient, la venue du printemps, en harmonie, bougeant leurs pétales ainsi que leurs feuilles arc-en-ciel de tous les côtés. Un spectacle qui arracha un sourire à la jeune fille perchée sur le rebord de la fenêtre de sa chambre. Ses yeux reflétaient la nostalgie d’un ange, ayant perdu son paradis, et étant descendu voir le Fléau sur Terre. Portant sa cigarette à sa bouche, l’inspiration lui brûla les poumons exerçant une pression extraordinaire sur son corps fragilisé. La nicotine vint boire le sang de ses veines, ronger son cœur en cristal et brûler son âme innocente. Et ce ne fut que lorsqu’elle finit son travail qu’elle ressortit de l’être avant de ne disparaitre dans l’air et de ne laisser aucune preuve de sa venue. Alice avait prit l’habitude de se détruire ainsi depuis son arrivé dans ce monde. Lorsqu’elle posa un pied et qu'elle aperçut l’endroit qui était à présent son univers, elle crut encore devenir folle alors qu’elle s’était jurée de ne plus retomber dans le terrier. Surprise et désespérée à la fois, elle commença à prendre des médicaments comme le médecin lui avait conseillé dans sa vie antérieure. Voyant que ce rêve ne s’évaporait toujours pas, elle en reprit de nouveau puis encore et encore jusqu’à ce qu’elle en ingurgite pour tout et pour rien à la fois. Très vite, elle entama sa descente aux enfers en choisissant la voix la plus rapide vers le monde souterrain : la drogue. Ce devint une envie plus qu’un besoin. Elle voulait perdre le contrôle, arrêté de réfléchir et faire d’elle, une personne n’ayant aucun sens. Elle savait qu’elle avait sombré, elle en avait conscience mais refusa cette idée et l’enterra avec les joies d’une vie saine. Pour s’en sortir, elle devait couler...couler et laisser les brumes de ses peurs, ses craintes et ses souvenirs recouvrir son corps de leur poussière malsaine. L’Histoire se répétait, elle mourrait...et elle le savait. Elle savait aussi ce qu’elle cherchait à faire...elle comprit enfin de quoi son être avait réellement besoin : son monde à elle. Elle voulait le retrouver et sourire à nouveau, rire pour des idioties, s’émerveiller devant les décors farfelus, et serrer les fruits de son imagination dans ses bras. Elle chercher le sommeil éternel. Elle chercher son Paradis. Mais il fallait qu’elle soit aveugle pour voir la lumière. Le Diable l’attrapa par la cheville et avant même qu’elle n’eût le temps de s’évader, il l’arracha à la raison. Elle commença à avoir des illusions qui s’intensifièrent de plus en plus jusqu’à lui paraitre totalement réelles ! Elle pensait avoir réussit et qu’en prenant encore plus de drogues elle finirait peut-être par se téléporter et ne plus jamais rouvrir les yeux...
Battant des cils, l’image qu’elle chérissait tant à cet instant disparut telle une trainée de cendre et laissa place à la cour du Meli Melo House. Balançant ses pieds vers le côté intérieur du bâtiment, elle se leva et retourna à la Tea-party qu’elle avait commencé en présence de ses poupées et de ses peluches comme si l'instant qu'elle venait de vivre était tout à fait normal.
Finalement, en vérité, ce ne fut pas le monde des Merveilles qui lui fit perdre la tête...mais plutôt la Réalité.