Le bois craqua, emprisonnant la voix du Capitaine. Plus rien ne put stopper ce qui allait arriver...Plus rien, ni personne. Le sort était scellé, leurs mains attachées aux autres, leurs yeux s’assombrissant à chacune de ces effroyables minutes. Elles, ces dernières, qui s’écoulaient dans le gouffre du temps sans se soucier du fait qu’elles étaient éphémères, qu’elles se jetaient dans la gueule du Diable et que les mains d’Orphée ne leur étaient plus douces à présent. Non plus à elles, plus à celles qui volaient les rêves et les espoirs, plus à celles qui étaient le cauchemar même. Le fils de la belle Calliope n’était clément que pour ces songeurs évanouis et perdus dans la peur grandissante. Une peur les écrasant dans sa paume, ses multiples doigts et les enfonçant dans sa chair, goutant aux leurs, ses papilles en éveil. Les plongeant soi dans son cadavre, sorti des entrailles de l’Enfer, vivant ou les laissant se dévorer seuls entourés de leur cercueil limpide et salé. La folie propre à Macbeth infecté peu à peu leur esprit, gagnant, telle une conquérante, victorieuse, du territoire et chassant leurs prières, leurs souvenirs pour un instinct animal, dangereux : l’instinct de survie. Connu pour ses vertus, souvent on en oubliait ses défauts, ses caractéristiques propres aux plus grands monstres...à ce monstre brisant, en éclat, leur colonne vertébrale, arrachant leur tête en une giclée de sang, les étouffant d’une caresse mortelle, les réduisant en poussières rien qu’en les frôlant. Et c’est cette montée d’adrénaline bestiale qui réveilla un homme. Un seul ! Plus rien, plus personne ne pouvait arrêter ce qui allait arriver...personne sauf lui. Brandissant une lance, la pointe menaçante dirigée vers la bête de Kronos qui ingurgitait ses enfants sans aucun scrupule, il la lança, de toutes ses forces, ses muscles saillants se contractant et se relâchant lorsque l’action fut terminée. La gigantesque flèche, imbibée du plus puissant poison contre un démon, qu’était l’espérance, fila droit, sans défaillirent à sa trajectoire et transperça la gueule entrouverte du Titan infernal, le renversant en arrière, le laissant hurler d’un cri strident, capable d’éclater les tympans. Les forces du géant le perdirent, le lâchant, lui, en détresse, pour se réfugier dans le cœur du tueur. Tout se renversa, le bateau s’écrasa sur les flots agités, les hommes se perdirent dans la fureur de l’eau et la chimère coula dans l’obscurité, la sale hyène se nourrissant de sa carcasse toute fraiche. Des nuages sombres de démence, qui longtemps s’étaient imprégnés de la viande appartenant à l’arme tragique, se libérèrent et vinrent tapisser la surface, jusqu’à l’eau entière. Demain, on crierait partout dans le pays « Le Kraken est mort mes amis ! Vive le héros qui l’a endormi !! »

C'est la mer que ce sang dévasta,
Alors qu'une mariée trahit et haït s'y jeta.
Le liquide noir sur ses jambes remonta
Et fécondée de l'océan, elle s'en retourna.
Quelques mois plus tard, alors que son mariage ne se consuma pas,
Son ventre arrondi la lâcha,
Et de deux petits monstres elle enfanta.
Le roi, outré, les jeta
Tandis que la tête de la jeune épouse se décrocha,
En un lourd bruit elle tomba,
Plus personne ne s'en rappellera.
Une dame de l'océan, alléchée par l'odeur du mal, s'approcha
Les enfants, dont le vice s'en imprégna,
Furent recueillis avec délicatesse dans ses bras.
Voici la naissance des Sorcière qui plus tard règneront sur les Mers.

"Ô Ursula, ma belle enfant, que tu es sublime, parfaite et merveilleuse. Ô ma douce enfant, pour sûr, tu deviendras Reine de ces fonds..."
Et toi Morgana, tu es ma divine imprécation. Un corps rapiécé dont je dois m'occuper pour préparer ma terrible vengeance...Oh, quelle sotte, tu fais ! Quelle idiote rêveuse tu es ! Ma pauvre martyre soupirante tu seras... La lumière avait entrainé une famine chez l'ombre, depuis que le mal avait lamentablement échoué face au bien. Tout ce qu'il chérissait, toute cette chair corrompue dont il s'en nourrissait avait disparu et lui, était resté, seul, égorgé vif devant le chaos qu'il avait lui-même créé et qui se retournait à présent, contre lui. Mais le temps, ô oui le précieux temps, comblait son vide et la patience était sa plus grande vertu. Qui ose prétendre de connaitre cet atout si ce n'est ceux qui attendent leur tour, leur heure, leur moment de bonheur. Et la chance, tourna. L'espoir d'une humanité entière engendra un Fléau plus discret que le précédent mais plus horrible encore que son antécédent. Rien ne pouvait l'arrêter cette fois-ci, il en était sûr. Le lait envenimé d'un sein maternel empoisonné avait déjà coulé dans la bouche de l'innocence. La maladie se propageait, de la mère aux filles et leur transmettant une colère, une magie influençable par n'importe quelle chimère qui hantaient leurs esprits, si bien que les nouvelles armes finirent par trancher la Terre entière ! C'en était fini, le compte à rebours c'était déclenché et très vite, l'enfance candide se transforma en malédiction. Après tout, de quoi était fait le malheur si ce n'est de songes non rassasiés qui hurlaient dans les entrailles du bien. Le bonheur n'est qu'une carapace, la seule vraie puissance et véritable espérance n'est comblé que par la déchéance...

Elle est morte...Riez mes amis, chantez la plus belle des nouvelles ! La vieille sœur est vaincue ! Oh oui ! Fêtez ! Ceci est un festin que je vous offre ! En cette nuit festive, c'est son minable cœur que je vous sers !
C’était dans les eaux profondes, là où le sang de la légende malsaine avait élue territoire, qu’une Sorcière, prêtresse du monstre tentait par les rites infernaux de faire revivre son père. Son Dieu, l’unique qui arriverait à convertir ces océans brumeux, à donner naissance à des âmes emplies de cruauté, fruits de l'esprit malsain du Malin, seule cette vraie puissance pouvait la guérir de tous ses maux, de sa haine, sa crainte, son passé. Soulager son désir de pouvoir, embrasser ses blessures intérieures pour les faire fructifier. Pour s’enraciner dans sa peau et la démolir, la tuer, jusqu’à ce qu’aucune peine ne la touche de sa flèche utopiste, jusqu’à ce qu’aucune pitié ne fasse d’elle sa prisonnière. Elle avait donné à la soumission, ses chaines avait marqué ses poignées et troué ses tentacules. A présent, c’était elle. Elle, la Reine des Damnés. Elle qui chérissait ces êtres vicieux et blessés, elle qui les recueillait et en faisait ses alliés, ses guerriers s’accrochant au gorge de leurs victimes et la leur tranchant lentement s’émerveillant avec tendresse devant ces nuages rougeâtres. Le rouge signifiant le pouvoir. Elle s’abreuvait de ce vin, perverti par la mort, de ce poison, cette bénédiction, et au Diable ce qui coulait de sa bouche de vipère, c’était pour les malsains qui s’entredévoraient à ses tentacules, pour pouvoir toucher au visage de leur bien-aimée. C’était Elle qui leur faisait croire ! Elle, sur son trône de crânes appartenant à ses nombreuses victimes, qui les dirigeait, les dirigeait vers une nouvelle ère, celle des Maudits.



Elle tournoya sur elle-même. Sa robe noire de juge semblait être sa cape royale, celle qui sur son dos, la rendait majestueuse et impériale. Elle tourna, tourna à en perdre la tête, à en échapper à sa raison et aux regards l'admirant. C'était fini, le jugement était donné, et la pauvre bête irait en prison et dormirait éternellement dans quelques semaines. Cela faisait des jours qu'elle le traquait, cet odieux personnage ayant servit la lumière durant son passé. Cet être au passé commun, ou plutôt au monde commun. Et à présent, il goûtait à sa réalité. C'était elle qui détenait le Destin entre ses mains, elle, dont le hasard ne surprenait plus. Elle avait rit, seulement rit lorsque son domestique lui avait dit que la peine de mort était peut-être trop excessif. Minable. Sot. Rêveur. Martyr ! Il n'y comprenait rien. Les ténèbres l'avaient forgé et créé. Rien n'était de trop et tout était pas assez. Il lui fallait plus encore qu'elle n'avait. Et pourtant, elle détenait la moitié du trésor que pouvait avoir un roi dans son coffre fort, si ce n'est plus ! Elle était appréciée de tous, protégée et aimée de chacun. Elle les avait tous en sa possession, mais elle rêvait du "trop"./ Elle voulait dompter la mort et ses folies. Le temps et l'infini. Le pouvoir et la vie. Alors, dans un élan de profonde excitation, ce à quoi elle avait droit lorsqu'elle condamnait quelqu'un, elle jouissait de ce qu'elle avait obtenu : l'assurance d'une fin heureuse. Elle tournait, tournait encore déployant les plis de sa merveilleuse robe autours d'elle, dévoilant ses effroyables tentacules aux aveuglés.